26 juin 2012 2 26 /06 /juin /2012 13:37

A l'heure ou les centres de "bien-être" se substituent à la médecine et aux anciens cultes, et proposent aux masses de nouvelles normes à respecter sans aucune réflexion profonde, Marie Lemonnier du Nouvel-Obs nous délivre un message de Nietzsche à travers cet entretien monté à partir des ouvrages du poète allemand:

 

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"Le bonheur est comme est une femme. Si vous le poursuivez, il s'enfuit ; si vous l'ignorez, il accourt." Entretien presque authentique avec Friedrich Nietzsche:

 

Le Nouvel Observateur . - Fuir la douleur est le mot d'ordre de toute la philosophie antique, comme celui de votre ancien maître Schopenhauer. Partagez-vous cette idée?

  

Friedrich Nietzsche. - Non. Pourquoi rejeter absolument de notre existence le malheur, les terreurs, les privations, les minuits de l'âme? Il y a une «nécessité personnelle du malheur» et ceux qui veulent nous en préserver ne font pas nécessairement notre bonheur. Et si le plaisir et le déplaisir étaient même si étroitement liés que quiconque veut avoir autant que possible de l'un doit aussi avoir autant que possible de l'autre? Car le bonheur et le malheur sont des frères jumeaux qui grandissent ensemble. Demandez-vous si un arbre qui est censé atteindre une noble hauteur peut se dispenser de mauvais temps et de tempêtes. Pour qu'il y ait la joie éternelle de la création, il faut aussi qu'il y ait les douleurs de l'enfantement. Toutes les vies sont difficiles; ce qui rend certaines d'entre elles également réussies, c'est la façon dont les souffrances ont été affrontées.

  

N. O. - Les stoïciens invitaient eux aussi à «tenir bon» face aux coups durs de l'existence.

 
F. Nietzsche. - C'est très différent. Le stoïcisme proposait un genre de vie pétrifié. Pour ma part, je parle d'intensifier le sentiment d'existence, en apprenant à en connaître tous les aspects, même les plus terrifiants.

 

N. O. - L'homme du XXIe siècle semble davantage aspirer à la sécurité et au bien-être.

 
F. Nietzsche. - Ah, la religion du bien-être! Voilà l'idéologie du troupeau. Les hommes disent: nous avons inventé le bonheur; ils en ont fait une valeur universelle, mais quel est leur bonheur? Une aspiration servile au repos. L'homme moderne a renoncé à toute grandeur et n'aspire plus qu'à vivre confortablement, le plus longtemps possible. Il est semblable à un puceron hédoniste, il a en aversion le danger et la maladie. Il poursuit un bonheur mesquin et étriqué. La société de consommation l'asservit aux petits plaisirs. Il voue un culte aux loisirs. Mais si l'on flatte de façon aussi éhontée la propension naturelle à la paresse, c'est dans le dessein non avoué d'affaiblir la volonté, de la rendre incapable d'une application durable. Il s'agit d'anesthésier la vie plutôt que de la vivre. Aussi ne faut-il pas s'étonner si la plupart des hommes d'aujourd'hui se liquéfient face à la plus infime épreuve.

 

N. O. - Quel est votre définition du bonheur?

  
F. Nietzsche. - Le sentiment que la puissance grandit, qu'une résistance est surmontée. L'homme qui est incapable de s'asseoir au seuil de l'instant en oubliant tous les événements passés et à venir, celui qui ne peut pas, sans vertige et sans peur, se dresser un instant tout debout, comme une victoire, ne saura jamais ce qu'est un bonheur et, ce qui est pire, il ne fera jamais rien pour donner du bonheur aux autres.

 

N. O. - Quels conseils prodigueriez-vous aux hommes en quête de félicité?

   
F. Nietzsche.
- A l'individu qui recherche son bonheur, il ne faut donner aucun précepte sur le chemin à suivre, car le bonheur individuel jaillit selon ses lois propres, inconnues de tous, il ne peut qu'être entravé par des préceptes venus du dehors. Le vrai secret du bonheur, c'est qu'on ne peut l'atteindre qu'en cessant de le chercher. Il est comme est une femme. Si vous le poursuivez, il s'enfuit; si vous l'ignorez, il accourt (sourire). Au fond, l'important, ce n'est pas le bonheur, qui n'est qu'une idée, mais la vie réelle que nous avons à expérimenter. Amor fati, aime ton destin. C'est ma formule du bonheur. Le philosophe ne doit pas cacher la nature tragique du monde, il doit l'enseigner au contraire, et la seule manière de nous libérer, c'est d'aimer ce qui nous advient. Il faut briser les anciennes tables de la Loi, nous dégager des valeurs chrétiennes mortifères, penser par-delà le bien et le mal. Nous devons être les poètes de notre existence, inventer notre vie, la vivre! La vraie sagesse, ce n'est pas de rechercher le bonheur, c'est d'aimer la vie, heureuse ou malheureuse.

 

N. O. - Vous-même avez beaucoup souffert, physiquement et affectivement - votre histoire d'amour douloureuse avec Lou Andreas-Salomé est légendaire. N'avez-vous jamais désespéré de la vie?

 
F. Nietzsche.- Jamais! Même dans les moments où j'ai été gravement malade, je ne suis pas devenu morbide. La vie ne m'a pas déçu! Année après année, je la trouvais au contraire plus vraie, plus désirable et plus mystérieuse. Pour moi, elle est un monde de danger et de victoire dans lequel les sentiments héroïques aussi ont leurs lieux où danser et s'ébattre. Avec ce principe au coeur, on peut non seulement vivre courageusement, mais même gaiement vivre et gaiement rire! Et qui donc s'entendrait à bien rire et à bien vivre s'il ne s'entendait d'abord à guerroyer et à vaincre ?

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24 juin 2012 7 24 /06 /juin /2012 07:38

Voici l'article polémique du Docteur Thierry Florentin, médecin psychiatre, qui met à jour preuve à l'appui, un immense réseau fondamentaliste et radical, adepte des sciences cognitives (FondaMental, ça ne vous dit rien ?). L'opinion publique, tout d'abord attirée par cette belle vitrine que ces sciences proposent, semble enfin discerner les sombres aspects déshumanisants qu'elles dissimulent avec minutie !

 

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Le patient rentable de demain sera t-il traité comme une simple machine ?

 

Texte en deux parties: Partie 1

 

La troisième vague, tel est le titre d'un des derniers ouvrages francophones destiné à présenter le cognitivo-comportementaliste, à la suite du cognitivisme et du comportementalisme.

S'agit il d'une vague d'assaut ?

 

Avons-nous suffisamment pris conscience, les uns et les autres, que nous n'avons ici pas seulement affaire à des théories, faut-il encore prouver qu'elles existent, à une pratique, ni même à des applications, mais à un programme.

 

Et que ce programme, qui revendique son appui sur les neurosciences, est en train de s'emparer à petit pas du contrôle plein et entier d'un certain nombre de domaines majeurs de la vie, individuelle, publique et collective, et pas seulement la vie psychique.

 

Pas seulement la psychanalyse, même si celle-ci se trouve être dans sa première ligne de mire.

Avez-vous par exemple entendu parler du Law and neurosciences project, fruit de la coopération entre plusieurs universités et administrations américaines, qui se donne pour objectif d'utiliser les données de l'imagerie cérébrale comme preuve à charge afin de démontrer la culpabilité d'un suspect, sa responsabilité pénale, ou ses tendances déviantes, afin de parvenir à changer les lois aux Etats-Unis (1) ? Connaissez vous leur devise ? The time is now, "le moment est venu".

 

Nous assistons à l'extension hégémonique d'un scientisme des temps nouveaux, sous sa forme la plus moderne, le neuroscientisme.

Le cognitivo-comportementalisme en est un de ses fers de lance, sans en être pour autant le seul.

  

Quelle en est sa visée ?  

Parvenir à constituer un homme nouveau, littéralement un changement de la nature humaine.

Ceux qui auront appréciés les grands évènements du XXème siècle que furent le nazisme et le stalinisme sauront reconnaitre la patte inhérente à tout système totalitaire.

Et notre fascination, la fascination collective pour ce type d'entreprise, la servitude volontaire, montre que nous, l'espèce humaine, justement, l'affaire homme disait Romain Gary, n'avons non seulement su tirer aucune leçon du passé, mais que nous sommes prêts à en redemander.

 

Cette fois cependant, il n'y aura besoin d'aucune violence ni contrainte pour nous l'imposer, le neuromarketing, aux techniques déjà bien rodées, ayant quant à lui largement et au-delà de ses espérances, réussi sa percée et son implantation durable dans nos vies et dans nos habitudes de consommation. Il suffit de se promener dans les allées d'un supermarché, pour que vos sens olfactifs, visuels, et auditifs, soient pris en charge de façon subliminale pour amener vos pas là où il a été décidé de vous emmener.

  

Et la neuroéconomie ?

L'ultra libéral Guy Sorman nous donne les linéaments de ce qui nous attend (2) :

"Les acteurs économiques ont tendance à se conduire à la fois rationnellement et irrationnellement. Les travaux en laboratoire ont démontré qu'une partie de notre cerveau endosse la faute pour nombre de nos décisions à court terme économiquement erronées, tandis qu'une autre est responsable des décisions sensées dans ce même domaine de l'économie, prises généralement à plus long terme. Tout comme l'Etat nous protège des asymétries d'information chères à Akerlof en condamnant le délit d'initié, ne devrait il pas aussi nous protéger de nos propres impulsions irrationnelles ?"

  

Tout en nuançant, cependant : "...Il serait absurde de recourir à l'économie comportementale pour justifier la restauration des régulations étatiques excessives. Après tout, l'Etat n'est pas plus rationnel que l'individu, et ses actions peuvent avoir des conséquences énormément destructrices. La neuroéconomie devrait nous encourager à rendre les marchés plus transparents, et non pas plus régulés"

  

A la fin de sa vie, en 1936, le prix Nobel Ivan Pavlevitch Pavlov, qui aimait à se présenter à ses collègues scientifiques en Occident comme un réfractaire au système bolchevique, et qui avait pourtant reçu tous les pouvoirs, et tous les privilèges de la part de Lénine, puis de Staline, déclarait dans un aveu renversant, et ce au moment même où plus de cinq millions de paysans étaient déjà morts, des suites de la famine ou de la déportation, et alors que l'URSS vivait sous terreur, que "ses découvertes étaient la base scientifique de l'expérimentation sociale réalisée en l'URSS en vue de l'édification du surhomme soviétique. (3)".

Il y a tout de même une différence d'avec un régime totalitaire, c'est que nous ne pouvons identifier aucune tête véritable à ce programme, qui viendrait en répondre devant un Nuremberg de l'humanité.

Il n'y a pas de théorie du complot à dénoncer, pas de grand décideur, pas de Big Brother qui superviserait les recherches en neurosciences.

 

Il n'y a pas une tête, mais des têtes, des têtes bien faites pourtant, des chercheurs émérites et doués, aux motivations variées, et qui avancent, en rang dispersé, mais tout à fait déterminé et cohérent, au service d'une cause, celle de la modernité.

  

Quelle est cette modernité ?

S'agit il de la modernité des Lumières, comme certains, ici ou là, ont pu le soutenir ?

Cependant les Lumières n'ont jamais renié la subjectivité telle que ce nous voyons aujourd'hui à l'oeuvre.

Pourrait on parler d'une modernité de la modernité, une "seconde modernité", une modernité d'un type nouveau, comme tendrait à l'avancer Marie-Jean Sauret dans son ouvrage, L'effet révolutionnaire du symptôme.

  

Une modernité composée, dit-il, de "l'alliage d'une technoscience entendant fabriquer l'objet qui manque à chacun, et d'une idéologie scientiste soutenant que rien ne doit plus jamais rester impossible ?"

Il y aurait donc un grand Autre de l'Autre, revendiqué par les neurosciences et ce sont les techniques cognitivo-comportementales, des instruments qui permettraient d'agir directement et immédiatement sur le réel.

Pourrions nous cependant être à ce point naïf pour penser que tout cela s'arrêterait là, et que l'homo cognitivus, enfin débarrassé des tracas de la castration, et qui vient de faire chuter la muraille de l'impossible, ne vienne relancer sans cesse l'offre cognitiviste ?

  

Nous ne le savons pas, mais nous dirigeons vers des techniques encore et toujours plus performantes, d'augmentation cognitive, de "rehaussement" cognitif.

Il s'agit, entre autres, de programmes d'interventions invasives sur le cerveau, on appelle cela la nanorobotique cérébrale, par implantation de microprocesseurs dans telle ou telle zone du cerveau, l'hippocampe par exemple, programmes mal connus du grand public, et pour le moment réservés à l'ingénierie militaire.

Mais oui, l'ingénierie militaire.

  

Vous pensiez sans doute aux services hospitaliers de rééducation neurologique, où cette recherche viendrait contribuer à proposer une suppléance à des grands déficits neurologiques invalidants, et vous n'y êtes absolument pas.

Car comme l'écrit Joelle Proust, qui présente ces travaux dans un récent numéro de la Revue Le débat (4), avant qu'il soit proposé à tout un chacun de faire librement son marché parmi les dispositifs d'augmentation cognitive, de choisir d'améliorer son raisonnement, sa capacité de planifier, ou la capacité de ses affects, ces programmes sont avant tout destinés à faire la guerre, à fabriquer une nouvelle espèce dans l'humanité, hybridée de l'homme et de la machine, où les limitations de la biologie auraient disparu.

"Que deviendrait l'humanité", demande-t-elle, "si ces techniques étaient confisquées par une faction décidée à imposer ses vues industrielles, religieuses, ou sa domination politique ?".

   

Fiction, spéculation hasardeuse ?

On repense à Pavlov, aux hommages appuyés qui lui furent rendus par les gouvernements soviétiques, longtemps après sa disparition, au soutien continu qu'il reçut de Staline pour ses recherches.

On repense aussi à Burrhus Frederic Skinner, ce théoricien du behaviorisme à qui la plus grande association de psychologues des Etats Unis, l'Association Américaine de Psychologie, décerna en 1990 le titre de "the most prominent psychologist of the century", et à son roman Walden Two, récemment traduit en français (5), qui décrivait ce que pourrait être une démocratie idéale qui organiserait sa base sociale sur des concepts behavioristes.

  

On sait qu'à la suite de ce roman, un certain nombre de communautés furent encouragées à se créer, il en persiste toujours une, active depuis plus de trente ans, Los horcones (6), au nord du Mexique, forte d'une cinquantaine de membres, et qu'elle continue à étudier sur ceux-ci l'interaction socio-comportementale.

Le chef de file actuel de la psychologie comportementale sur le continent latino-américain, Ruben Ardila, fit encore mieux, en écrivant un Walden Tres, qui concernait cette fois non plus une communauté d'individus, mais un Etat, une nation, même si pour les besoins du roman, l'expérience tournait mal, et que les protagonistes se retrouvèrent assassinés par la C.IA., ou finirent en prison.

  

Pour les besoins du roman, seulement, car pour les comportementalistes, il ne fait aucun doute que le type de gestion sociale imaginé par Skinner, l'ingénierie comportementale, devrait inspirer les dirigeants politiques actuels, qu'il s'agisse de l'économie, de l'éducation, des médias, des loisirs, etc...

Roman utopique, vraiment ? Dans Walden deux revisité, calqué sur Retour au meilleur des mondes, d'Huxley, qui avait lui parfaitement décrit les dangers de tous ces mécanismes, et s'était démarqué du 1984 d'Orwell, précisément par l'absence de toute coercition violente sur ses membres, Skinner raconte qu'il reçut un jour un coup de fil d'un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères, qui lui confiait que les Etats-Unis devaient arrêter d'exporter l'"américan way of life", et se consacrer à exporter des Walden two à la place. Et Skinner conclut : "De grands changements doivent être réalisés... Quelque chose comme Walden Two ne seraient pas un mauvais commencement".

  

L'exploitation du thème écologique à l'oeuvre dans Walden two, ne peut ici qu'entrainer l'adhésion du lecteur, qui en effet ne serait pas contre le gaspillage des ressources de la planète, et contre la pollution ? Cependant, qu'en serait-t-il de ceux qui n'adhèreraient pas, justement, de ceux qui seraient rebelles au programme de renforcement cognitif, de ceux qui loin de présenter le "réflexe de servitude" cher à Pavlov lorsqu'il parlait des koulaks russes exterminés, présenteraient "le réflexe de liberté" ?

  

Quel rapport avec les pacifiques thérapies cognitivo-comportementales ?

Il s'agit tout simplement du même programme politique, et des mêmes conceptions.

Ouvrons les premières pages d'un ouvrage de vulgarisation du cognitivo-comportementalisme, où l'auteur explique au lecteur profane qu'il existe deux types de vulnérabilité, une vulnérabilité génétique individuelle, liée à la personnalité, qui entrerait pour moins de 50% dans la décompensation psychique, et que le reste est expliqué par l'histoire individuelle et les évènements récents, c'est la vulnérabilité historique.

Qu'est ce que cette vulnérabilité génétique signifie ? Où nous mène t elle ?

  

A l'eugénisme ?

Nous ne sommes pas si éloignés des présupposés et des discours sur la dégénérescence.

Dans ce qui fût certainement sa dernière intervention publique, alors qu'il était déjà très malade, Edouard Zarifian, qui fût, rappelons le, l'un des pionniers en France de l'imagerie cérébrale, dénonçait les limites méthodologiques et l'usage biaisé de tous ces merveilleux appareils qui permettent de visualiser les structures cérébrales.

  

"Tout ce que l'on peut voir avec ces techniques", disait-il, "c'est ce qui existe chez tous les êtres vivants, à savoir l'universalité des fonctions cognitives du cerveau. En aucun cas, il ne s'agit de la spécificité du fonctionnement psychique d'un individu particulier et unique".

L'usage biaisé, voilà bien l'"evidence biaised medecine", qu'il dénonçait, c'est celui de prétendre pouvoir évaluer un sujet dans sa singularité avec les critères quantifiés et les statistiques des groupes.

Dans le compte-rendu qu'il donne de cette intervention qui avait été organisée sur le thème "La science jusqu'où ?" en 2005 par nos collègues Olivier Douville et Robert Samacher, et publié in extenso dans le numéro 23 de la Revue Psychologie Clinique (7), le Professeur Zarifian raconte qu' invité à un Colloque de l'INSERM où on lui demandait de faire le bilan de sa carrière de chercheur, il avait publiquement déclaré qu'il n'existait aucun index biologique des maladies mentales, aucun index biologique capable de prédire l'évolution d'un trouble psychique, aucun index biologique pas même en pharmacocinétique, capable de prédire la réponse à un traitement médicamenteux.

 

C'est alors, raconte-t-il, que quelqu'un assis à coté de lui sur la tribune, lui souffle à mi-voix qu'il est en train de scier la branche sur laquelle il est assis.

Le vertueux Édouard Zarifian ne veut pas dire dans son compte-rendu qui est cette sommité qui vient de lui sortir cette énormité. Mais Émile Jalley, autre organisateur de cette manifestation, et qui rend compte par ailleurs de cette intervention, lui, nous vend la mèche (8), il s'agissait de Jean-Pierre Changeux.

Il n'empêche, les thérapies cognitivo-comportementales, nous dit encore Édouard Zarifian, sont devenues, avec la caution de la neuro-psychologie cognitive, la roue de secours des neurosciences, leur plan B, lorsque celles-ci durent admettre leur déception face aux limites des psychotropes, qui soulagent sans guérir.

Aux neuro-sciences les crédits, les bourses de recherche, les chaires d'enseignement, fortes de leur application pratique que sont les TCC, à ces dernières la caution des neurosciences, sur lesquelles elles trouvent leur point d'appui, et d'argument pour éliminer la rivalité que leur cause la psychanalyse.

  

Car c'est bien d'élimination qu'il s'agit, c'est d'ailleurs le nom littéral que porte le courant "éliminationniste" en France et aux États-Unis, pour réclamer la fermeture des départements de psychologie clinique dans les universités, au prétexte que seule existerait la neuropsychologie.

Le scénario de l'éliminationnisme est banal, à force d'être toujours le même, et chacun a pu le rencontrer dans sa vie, personnelle ou professionnelle. Il s'applique facilement à des individus, comme à des groupes.

Il est tout autant recyclable au sein d'une famille à l'encontre d'un des leurs, que d'une entreprise envers des salariés ciblés, ou par un Etat totalitaire envers ses opposants.

D'abord il s'agit de disqualifier l'autre, par déformation grossière de ses propos, ou par divulgation de mensonges.

  

C'était par exemple le sinistre Livre noir de la Psychanalyse, ou encore cette réduction infantile de la psychanalyse, définition prise parmi d'autres, dans le dernier ouvrage, bien nommé, TCC et neurosciences, de Jean Cottraux, chef de file actuel des thérapies cognitivo-comportementales en France : "l'exagération de l'insight est la recherche obsessionnelle de manifestations cachées et de pensées forcément abominables qui pourraient expliquer notre comportement. (9)"

  

Ensuite chercher à l'isoler.

L'étape qui succède immédiatement est de lui faire creuser par lui-même sa propre tombe, en s'assurant de sa collaboration, ce qu'acceptent sans se faire prier un certain nombre de courants analytiques, de les encourager comme étant "la seule psychanalyse acceptable", ce que Pierre Fédida avait résumé d'une formule : La mascarade de la neuropsychanalyse (10).

 

Une autre tactique est de convoquer Freud comme précurseur des neurosciences pour mieux le récuser par la suite, en donnant l'impression, par un tour de passe-passe, de le reformuler.

Car il est toujours possible, c'est un exercice des plus faciles, d'isoler une phrase, voire un paragraphe entier, des textes de Freud, pour les orienter dans la direction que l'on souhaite, et leur faire dire ce qu'on veut.

Ne cherchez pas, je vous en donne un, de toutes les façons, vous n'auriez pu y échapper à la lecture des pèlerins du cognitivo-comportementalisme : "Toutes nos conceptions provisoires, en psychologie, devront être un jour placées sur la base de supports organiques" (11). Freud. "Pour introduire le narcissisme" (1914).

Mais il vous sera cependant difficile de ne pas lire la tautologie conclusive sur la théorie psychanalytique qui n'est jamais qu'une "fiction mentale consciente, dont il faut bien se garder de chercher une réalité tangible, biographique et biologique, dans l'histoire des rouages cérébraux du sujet analysé (12)".

  

Troisièmement, acheter le silence des témoins, et des complicités, c'est par exemple les postes que l'on promet aux jeunes chercheurs.

Enfin, nier qu'elle ait jamais existé, et effacer toute trace de son existence, quitte sans craindre les contradictions et les paradoxes, à ouvrir un musée des civilisations disparues. Encourager par exemple à lire Freud, sans jamais citer Lacan, et en soutenant qu'il était le découvreur non pas de l'inconscient, mais du conscient.

 

Il ne faudra pas oublier de reprendre à son compte les critiques telles que celles que je viens de vous énoncer, pour mieux les qualifier de "neuro-résistances (13)", comme il a pu y avoir en son temps, heureusement défunt, exacte symétrie, des résistances à la psychanalyse.

Il sera ensuite très simple d'entretenir la confusion entre la cause de la souffrance psychique et ses effets.

Tout devient alors possible, et l'autonomie de la vie psychique sur notre vie consciente, sera alors rabattue sur de simples effets des fonctions neurobiologiques.

  

A suivre dans la partie 2... cliquez ici : http://www.psy-luxeuil.fr/article-dossier-la-machine-de-guerre-cognitive-partie-2-107356802.html

 

Autre lien: http://www.psy-luxeuil.fr/article-dsm-v-quand-le-monde-de-la-psychiatrie-devient-burlesque-109652100.html

 

Notes :

(1) Voir le site internet http : www.lawandneuroscienceproject.org

(2) Guy Sorman Economics does not lie. City journal, été 2008, disponible en ligne sur www.city-journal.org. Cité par Slavoj Zizek Après la tragédie, la farce ! ou comment l'histoire se répète. Flammarion. Bibliothèque des savoirs. 2010. pp.40-41

(3) Voir le documentaire de Boris Rabin : La fabrique du surhomme soviétique. 2009 (All.), première diffusion Arte. Novembre 2009

(4) J. Proust, "Le contrôle de soi : vers un homme nouveau", Le débat, N°157. Novembre-décembre 2009, pp. 124-143

(5) B.F. Skinner, Walden Two. Communauté expérimentale, Éd. In Press, 2005.

(6) Voir leur site internet (en anglais et en espagnol) : www.loshorcones.org

(7) E. Zarifian, "Neurosciences et psychismes : les risques et les conséquences d'un quiproquo", In "Les progrès de la science jusqu'où ?", Revue Psychologie clinique, N°23, p.18.

(8) E. Jalley, La guerre des psys continue. La psychanalyse française en lutte, L'Harmattan, 2007, p.369

(9) J. Cottraux, TCC et neurosciences, 2009, Masson, p.VIII

(10) P. Fédida, "La mascarade de la neuropsychanalyse", La recherche Hors Série . n°3.

(11) S. Freud, "Pour introduire le narcissisme" (1914), In La vie sexuelle, Paris, PUF, 1973. 4ème édition. p.86

(12) L. Naccache, Le Nouvel inconscient. Freud, le Christophe Colomb des neurosciences, Odile Jacob Poches, Février 2009, p.432

(13) L. Naccache, "Neuro-résistances", Le débat, n°152, Nov.-Déc. 2008, pp.154-161

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24 juin 2012 7 24 /06 /juin /2012 07:35

Voici l'article polémique du Docteur Thierry Florentin, médecin psychiatre, qui met à jour preuve à l'appui, un immense réseau fondamentaliste et radical, adepte des sciences cognitives (FondaMental, ça ne vous dit rien ?). L'opinion publique, tout d'abord attirée par cette belle vitrine que ces sciences proposent, semble enfin discerner les sombres aspects déshumanisants qu'elles dissimulent avec minutie !

 

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Le patient rentable de demain sera t-il traité comme une simple machine ?

 

Texte en deux parties: Partie 2

 

Et puis il y a le problème de la langue...


Une langue attaquée de toutes parts, par ce nouveau naturalisme qu'est le cognitivo-comportementalisme.

D'abord par la pauvreté du langage cognitivo-comportementaliste lui-même, qui appauvrit dans les réunions des services soignants, ou lors des discussions entre collègues, toute discussion clinique, ravalée au traitement du cas, et qui met en péril la transmission de la clinique.

 

Dans son dernier ouvrage, Des cerveaux et des hommes, Christian Hoffmann pose à ce sujet la question de l'enseignement et de la formation des jeunes psychiatres ou psychologues. Aussi son préfaceur Roland Gori écrit-il très justement : Dès lors que l'on pourrait lire la pensée dans les clichés de l'imagerie cérébrale ou dans l'expertise la plus débilitante qui soit des autotests de comportement, pourquoi s'embarrasser de la nébuleuse complexité du fait psychique ou de la question du pouvoir du langage dans la donation du monde ? (1).

 

Hoffmann, qui est professeur de psychopathologie clinique à Paris VII, parle de son expérience quotidienne d'enseignant. "Ouvrons par exemple, nous dit-il, Le manuel de psychiatrie de Henri Ey au chapitre V., "Psychoses délirantes aigües" et observons la structuration de sa leçon. Nous y trouvons un bref historique, un premier chapitre intitulé "Etude clinique", un deuxième : "Formes cliniques", un troisième "Diagnostic", puis avant le traitement nous découvrons un chapitre quatre : "Aperçu des problèmes psychopathologiques.". Magnan, de Clérambault, Jaspers, Ey et d'autres y animent le débat. Sommes nous encore aujourd'hui, avec le DSM et les neurosciences, en mesure de rédiger dans cet esprit, celui de Henri Ey, un tel chapitre, qui propose une summa des concepts et par conséquent des problèmes, à nos étudiants ?".

  

Si l'on interrogeait les jeunes diplômés, la réponse aujourd'hui serait certainement affligeante, car c'est aussi tout un pan historique, culturel, dynamique, de la prise en charge et du soin qui furent le fleuron et la fierté de la psychiatrie institutionnelle et de secteur qui disparait, il faut savoir cela, surtout lorsque nous lisons, sous la plume de Jean Cottraux, cette fois, dans son dernier ouvrage auquel j'ai déjà fait allusion, TCC et neurosciences (2), que "du fait de sa trop grande stigmatisation péjorative dans le public, le terme de schizophrénie pourrait sur la proposition de certains experts être avantageusement remplacé par "dysfonctionnement dopaminergique".

 

Remplacer le terme de schizophrénie par "dysfonctionnement dopaminergique, voici bien un exemple parmi d'autres de la manière dont on peut façonner la afin de produire des représentations sociales et culturelles au service exclusif d'une idéologie totalitaire, comme nous pouvons l'apprendre à la lecture des travaux de Victor Klemperer (3), ou de Jean-Pierre Faye (4).

 

Que signifient la promotion exclusive de tous ces termes, "protocoles experts", "psychoéducation", "renforcement positif", "remédiation cognitive", procédures d'habilitation, et autres..., quelle est cette langue de la carotte et du bâton, qui n'a d'autre but que de produire une langue du contrôle et de la bureaucratie, ?

Mais le danger le plus grand réside malgré tout dans cette volonté constante et acharnée du démaillotage du signifiant pour le ravaler au rang de signe. Il s'agit là encore d'étouffer tout ce qui pourrait faire irruption d'un sujet venant de l'Autre.

  

Voici un extrait d'entretien issu d'un ouvrage portant justement sur la conduite de l'entretien dans les thérapies cognitivo-comportementales (5):

 

"Le questionnement socratique", est-il écrit, "amène le patient à s'auto-évaluer et à argumenter ses affirmations".

P : Je ne pourrai jamais participer à un groupe sans bafouiller, sans hésiter.

T : Qu'est ce qui vous fait dire cela ?

P : Lors du dernier cours, j'ai posé une question, et je me suis trompé quatre fois, j'ai dit le mot après à la place du mot avant, et comme ça, j'ai parlé avec d'autres mots mal choisis.

T : Est-ce que vous faites des erreurs à chaque fois que vous participez à un groupe ?

P : Non, pas tout le temps.

T : Pouvez vous continuer à affirmer que vous ne pourrez jamais participer à un groupe sans faire des erreurs alors que ceci ne vous arrive pas tout le temps ?

 

Seule la haine de l'autonomie de la vie psychique peut entretenir une telle méconnaissance systématique, et donner au thérapeute ce pouvoir de rabattre de façon délibérée et de manière aussi opératoire le lapsus et son insistance, sur l'erreur. Délibérément débarrassé de tout savoir sur aucune énigme qui viendrait porter sur le désir du patient, il est prêt à décourager toute adresse, tout questionnement, sur l'émergence même de ce désir.

 

Pour les auteurs, il s'agit, je cite, de "mettre l'accent sur l'aspect fréquence (jamais et quelquefois) qui conditionne chez le patient des prédictions non argumentées sur l'avenir , de s'abstenir de faire des inférences sur l'étiologie, en se limitant à décrire les comportements gênants et d' identifier les stimuli qui les renforcent, en portant l'accent sur les causes actuelles responsables du maintien du problème.

"Nous faisons un transfert de technologie", m'affirmait sans malice aucune un thérapeute cognitivo-comportemental que j'interrogeais sur sa pratique, sans réaliser comment ses paroles pouvaient résonner, et être aussi vraies. Le transfert est bel et bien nié, ce qui risque d'entrainer un certain nombre de ravages, mais surtout ravalé à sa fonction de service technique, et même technologique.

 

Et voici un autre exemple, tout aussi violent, et pris dans une discussion avec une thérapeute cognitivo-comportementale, spécialiste de débriefing post-traumatique, et qui montre là aussi à quel point il s'agit d'éradiquer tout savoir sexuel du symptôme, et d'orienter l'identification de la jouissance à l'extérieur de soi, dans l'objet extérieur. Il s'agissait d'un patient devant se marier, et venu en consultation pour je cite, une phobie des poules. C'est amusant, car en dehors du jeune Arpäd, l'enfant-coq, relaté par Ferenczi (6), et commenté par Freud dans Totem et Tabou, la littérature psychanalytique recense peu de cas de phobie volaillère.

  

Ce patient devait se rendre en voyage de noces au Mexique, et redoutait, en prenant les bus surchargés, de se trouver assis auprès d'une paysanne qui trimballerait une poule.

La thérapie, dont mon interlocutrice était particulièrement fière du résultat, a consisté à l'exposer d'abord à des images de poules, puis à des photos, puis de le confronter à de vraies poules vivantes. Je n'ai pas osé lui demander si elle prit la sollicitude jusqu'à le mener au bordel, mais vous voyez ici jusque dans la caricature qu'il s'agit d'extraire toute référence au pli du refoulement de la sexualité, et de venir à bout de la charge pour tout un chacun que représente l'inconscient , en attaquant les signifiants de la langue; leur jeu, pour les réduire à la valeur de signe.

 

Où se trouve l'animal ? Et quel est ce monde dans lequel on voudrait nous convaincre que si nous n'y entrions pas, nous serions des attardés?

Si effacement il y a, c'est bien celui de toute origine, sexuée, on l'a dit, de toute référence à l'histoire, et aussi au nom.

  

Il s'agit d'effacer toute dette.

Jean Marie Sauret, dans son ouvrage, déjà cité, L'effet révolutionnaire du symptôme, fait très justement remarquer que lorsqu'on évoque la psychanalyse, ce sont spontanément des noms qui viennent, que les théories ont une origine, indispensable de la présence du psychanalyste, et de l'élaboration sous transfert.

Tandis que lorsque nous parlons du cognitivo-comportementalisme, c'est d'abord une liste de mesures, de statistiques et de thèses, portant sur un savoir universel, objectif, généralisable, élaboré au moyen de conférences de consensus destinées entre autres à gommer la marque singulière des chercheurs.

C'est que le cognitivo-comportementalisme ne s'adresse pas tant au singulier, qu'à des populations, des masses, peut-être est ce la raison pour laquelle les medias leur donnent autant de résonnance, et s'y engouffrent avec autant d'intérêt.

  

Que penser de tous ces experts, qui ne disent pas leur nom ?

Dans son ouvrage (7) devenu un classique de la sociologie des sciences, La vie de laboratoire, Bruno Latour montre comment la production des faits scientifiques doit répondre prioritairement à une stratégie carriériste, de reconnaissance, de crédits, et comment l'activité d'un laboratoire est tout entier subordonné à des critères qui ne sont pas ceux de la rationalité qu'exige la science, ni de la recherche, mais d'un marché, et de sa politique, indépendamment de toute autre motivation, ou croyance.

  

Il n'est pas certain que les savants, ceux des sciences cognitives, croient en leurs théories, nous dit le plus sérieusement du monde, Jean-Paul Dupuy (8).

 

Il faut savoir comment il est possible de faire mentir les statistiques comment on peut faire courir la collecte des données au devant des hypothèses souhaitées, et comment la multiplication des laboratoires de psychologie cognitive crée les conditions de la rivalité inter laboratoire, poussant à la falsification des résultats.

 

Puisque de toutes les manières, souligne Emile Jalley dans sa somme d'ouvrages sur la crise de la psychologie en France (9), ce n'est pas la qualité des travaux, mais leur quantité qui est évaluée, et ce sont des critères qui poussent à la falsification, tels que le nombre d'articles publiés par an, en revue spécialisée, en anglais, à comité de lecture, le nombre de doctorants, les fonctions à responsabilité administratives et budgétaire...

 

Voir la partie 1: http://www.psy-luxeuil.fr/article-la-machine-de-guerre-cognitive-107356368.html

 

Autre lien: http://www.psy-luxeuil.fr/article-dsm-v-quand-le-monde-de-la-psychiatrie-devient-burlesque-109652100.html

    

Notes :

(1) Christian Hoffmann Des cerveaux et des hommes. Nouvelles recherches psychanalytiques, Érès, 2007, p.19

(2) Sous la dir. de Jean Cottraux, TCC et neurosciences, Masson 2009, p.21

(3) V.Klemperer, L.T.I. la langue du troisième Reich. Carnets d'un philologue, Albin Michel, 1996

(4) J.-P. Faye, Introduction aux langues totalitaires, Hermann, 2003.

(5) C. Mirabel-Sarron et L. Vera, L'entretien en thérapie comportementale et cognitive, Dunod, 1995, p.17

(6) "Ein kleiner Heinemann", trad. française L'enfant-coq, in S.Ferenczi, oeuvres complètes, tome 2. 1913-1919, Payot 1990

(7) B. Latour, S. Woolgar, La vie de laboratoire. La production des faits scientifiques, 1996, La Découverte, réed. La découverte/poche 2006.

(8) J.-P. Dupuy, Les savants croient ils en leurs théories ? une lecture philosophique de l'histoire des sciences cognitives, Inra Editions, Déc. 2000

(9) E. Jalley, Critique de la raison en psychologie. La psychologie scientifique est elle une science ?, L'harmattan, 2008.

(10) Ch.Melman, Conférence de Rio, in La nouvelle économie psychique, Eres, p. 40

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23 juin 2012 6 23 /06 /juin /2012 16:22

« Time is money », disait Benjamin Franklin. C’est faux ! Le temps est beaucoup plus précieux que l’argent. Maîtriser son temps, c’est d’abord la liberté de décider de sa vie.

 

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Un article de la revue "sciences-humaines" assez riche et neutre, structuré sous forme de récit.

         

  

"Comme tous les dirigeants, les cadres, les universitaires, les infirmières, les avocats, les fonctionnaires, les mères de famille et même les retraités, je suis débordé. Je croule sous les réunions, les rendez-vous, les projets en cours, les emails en retard, les urgences, les chantiers en suspens, les imprévus. Et comme tout le monde, je stresse le dimanche soir en pensant à l’avalanche de tâches qui m’attendent la semaine suivante. Comme tous, je papillonne, je saute d’une tâche à l’autre, je m’agace des dérangements, je m’énerve des imprévus, je culpabilise de mes retards ; je me maudis de ne m’y être pas pris plus tôt et promets de m’y prendre mieux la prochaine fois. Puis, la crise passée, je continue comme avant. Bref, je suis comme tout le monde."

  


Pourtant, de l’extérieur, rien n’y paraît. Je suis le genre de type dont on dit « mais comment fait-il pour tout faire ? »  : diriger une entreprise, écrire des articles, des livres, tenir son blog, s’occuper de sa famille, faire du sport, de la musique, aller au cinéma, tondre la pelouse, voir des amis, faire les courses, lire des romans. Je trouve même le temps de flâner des heures devant la télévision ou sur Internet. Comment cela est-il possible ? En fait j’ai un secret : je me soigne. Mon remède pour lutter contre la dictature de l’urgence tient à quelques règles de vie acquises au fil du temps et de lectures édifiantes.


  

J’ai mis longtemps avant d’oser entrer dans une librairie pour acheter un manuel de gestion du temps. Mes résistances tenaient à quelques préventions tenaces. La première était la honte. Les livres de gestion du temps, rangés aux rayons « Développement personnel », ne sont guère fréquentables car intellectuellement illégitimes. Dans Le Philosophe nu (Seuil, 2010), Alexandre Jollien raconte qu’un jour il est arrivé à la caisse du libraire, un peu honteux, avec le livre Comment avoir un ventre plat glissé dans une pile entre un Spinoza et un livre sur Lucrèce. Je me souviens avoir éprouvé la même expérience avec ma première méthode de gestion du temps. La deuxième résistance tenait du scepticisme à l’égard de méthodes miracles qui prétendent vous changer en sept jours. Comme s’il était possible de se transformer en une semaine ! Mais la principale répulsion m’empêchant d’ouvrir ces manuels tenait à une autre raison plus fondamentale : la peur que ça marche !



 

Ne travailler que trois heures par jour...utopique ?

   


Optimisez votre emploi du temps, Bien gérer son temps, Soyez efficace…, tous ces titres semblent envoyer un message implicite : il faudrait être toujours « performant » et savoir « gérer » sa vie comme on gère une entreprise. Longtemps, j’ai interprété – à tort – ces titres comme une injonction à ne plus perdre une minute, à ne plus gaspiller ses journées, à « rentabiliser » son temps. Donc ne plus flâner, ne plus s’accorder des périodes de farniente, de rêveries… Quelle horreur et non merci ! Comme tout le monde, je ne souhaite pas être efficace : je veux être heureux !


 

Je m’étais trompé ! Quand j’ai ouvert le premier livre sur la gestion du temps , j’ai compris mon erreur. Le livre proposait de « ne travailler que trois heures par jour ! » L’auteur était un consultant américain, le genre de type qui affiche un large sourire, dirige trois sociétés, écrit des livres à succès, est marié à une délicieuse épouse, a trois enfants charmants, a visité le monde entier, fait de l’alpinisme et joue du saxophone avec un groupe d’amis musiciens… Le tout en ne travaillant que trois heures par jour !
 Ce héros libéral rejoignait paradoxalement l’utopie anarchisante de Paul Lafargue, Bob Black et autres apôtres de la réduction massive du temps de travail . Avec un avantage notable : il pouvait en plus accomplir tous ses projets.


  

Je fus donc surpris de découvrir que la règle numéro un d’une bonne gestion du temps ne consiste pas à être performant du matin au soir mais au contraire à disposer de beaucoup de temps libre ! L’art du temps, ce n’est pas de vivre à 150 à l’heure, mais de desserrer les étreintes qui pèsent sur son travail, de dégager du temps pour soi. Il fallait que j’en sache plus…


 

Définir ses priorités


 

Un jour, Joël de Rosnay m’a confié ceci : « Je classe mes activités en quatre catégories : d’abord ce qui est urgent et nécessaire, ensuite ce qui urgent mais non nécessaire, puis ce qui est nécessaire mais non urgent et enfin ce qui n’est ni urgent ni nécessaire… et je commence par la fin ! » Je ne l’ai pas vraiment cru : J. de Rosnay a la carrière trop bien remplie pour croire à ce qui était sans doute une petite coquetterie de sa part. Mais sa description des activités correspondait assez bien à la pratique courante du procrastinateur, celui qui remet toujours à demain.


  

Établir la liste des tâches à faire et les classer par priorité est une pratique courante. On y recourt tous dans les moments de stress quand on se sent débordé. L’art des listes est même devenu une technique psychothérapeutique . Quant au classement des tâches en « urgent » et « nécessaire », elle correspond à la « matrice d’Eisenhower », une méthode courante en gestion de planning pour définir ses priorités.


Mais une fois la liste des « à faire » établie, l’erreur est de se précipiter sur la première tâche : la première urgence est d’abord de s’arrêter pour examiner attentivement cette liste.


 

Tout d’abord, définir ses priorités, ce n’est pas seulement accomplir par ordre d’urgence les tâches qui vous incombent. Gérer son temps, c’est aussi y intégrer tout ce qui est enviable pour nous. Cela intègre donc aussi le repos, les choses futiles mais qui vous tiennent à cœur et surtout nos projets les plus chers : nos « châteaux intérieurs ». Dans toute liste de tâches devrait donc figurer non seulement le travail, les courses, les dossiers administratifs, le dentiste, etc., mais aussi « me reposer », « aller marcher », « jouer du saxophone », « apprendre le japonais », ou « préparer le marathon » si cela fait partie de vos vœux les plus chers. Personnellement, je me suis fixé depuis très longtemps cette règle de vie : « Consacrer un jour par mois à penser à ce que je veux vraiment faire et consacrer une heure par jour à le faire. »

    


Mais où trouver cette heure ? Vouloir la grignoter sur le sommeil n’est pas une bonne idée. Cela ne dure pas plus de trois jours, le temps des bonnes résolutions de début d’année. L’erreur est aussi de repousser à plus tard ce qui compte le plus (le mois prochain, pendant les vacances, l’année prochaine, quand je serai à la retraite…). L’erreur inverse, celle du procrastinateur, consiste à repousser les obligations pour ne faire que ce qui l’intéresse.


 

Dans l’idéal, chaque jour, chaque semaine, doit être composé d’un menu complet et varié intégrant à la fois des obligations, des urgences, mais aussi des plages de détente et du temps consacré à ce qui nous semble le plus précieux.
 Une fois établie la liste des choses à faire, vient une autre étape : éliminer. Le travail d’élagage est la chose la plus utile et la plus efficace qui soit. C’est pourtant la plus difficile. Car couper dans la liste des « à faire », c’est apprendre à dire non (à soi et aux autres), apprendre à déléguer, apprendre à fermer une porte pour ne pas être dérangé, se forcer à mettre son téléphone sur répondeur, ne pas ouvrir ses mails à chaque alerte. Admettre qu’il y a des courriers auxquels on ne répondra pas, des dossiers qu’on ne lira pas, des choses qu’on ne finira pas… Alors autant ne pas les commencer.


 

L’art de la programmation


  

Les méthodes de gestion du temps soulignent toute l’importance qu’il y a à vider son bureau et jeter tous les dossiers ouverts : tout ce qu’on a mis de côté « pour plus tard », « à voir », « en cours »… Faites le compte des chantiers inachevés qui s’amoncellent sur votre table et encombrent votre esprit. Vous serez surpris. L’art de jeter, d’alléger est quelque chose de difficile à cause des remords, des doutes, des peurs de froisser l’entourage. Or l’élagage est aussi nécessaire dans la gestion de son temps que dans le jardinage. Il faut savoir couper des branches pour permettre à d’autres de mieux pousser. Gagner du temps, c’est d’abord éliminer. 


 

Une fois définies les tâches à faire, il faut leur affecter un budget temps. Là encore deux erreurs courantes guettent. La première est de se fixer des activités sans objectif ni délai précis. « Ranger mon bureau », ou « répondre aux emails » est le type même d’activité mal évalué. Est-ce bien raisonnable de vouloir répondre à tous les emails si l’on a une longue liste de retard et que l’on n’a pas défini de tranche horaire précise pour le faire ?


 

Un conseil : si la tâche « courrier » vous rebute (ce qui est mon cas), il est plus raisonnable de fixer un quart d’heure par jour pour répondre à deux ou trois courriers plutôt que de vous attaquer d’un seul coup à la montagne qui s’accumule depuis des semaines. « Découper la montagne en morceaux » est une règle d’or de la gestion du temps. Tout repousser au lendemain ou vouloir tout écluser le même jour sont des erreurs symétriques.


 

Une autre erreur fréquente de programmation consiste à prévoir trop court. La « loi de Hofstadter », une loi fondamentale des activités humaines, affirme que « ça prend toujours plus de temps que prévu même en tenant compte de la loi de Hofstadter ». Les choses prennent plus de temps car il se présentera toujours des imprévus, des déconvenues : de l’encre qui manque dans l’imprimante, un train en retard, un coup de fil importun, des moments de fatigue et de lassitude. Ces imprévus, autant les prévenir. 


 

La nécessité d’établir des objectifs précis et limités se révèle d’autant plus importante que nombre des activités auxquelles on participe n’ont pas de volume très délimité par nature. Elles peuvent occuper un espace de temps très variable. Une même réunion de travail peut être bouclée en une heure ou en trois. Rédiger un mémoire peut prendre une semaine ou trois. Et il n’y a pas de lien étroit entre la qualité du travail accompli et le temps que l’on y a passé. Programmer, c’est donc fixer un but précis, un délai raisonnable. Le travail doit aussi être découpé en tâches intermédiaires, entrecoupé de moments de détente, de récompenses pour le travail accompli. Cette loi du découpage en séquence est essentielle.


 

La loi des 20/80


 

La seconde loi essentielle est celle des 20/80. Elle affirme que dans l’exécution d’une tâche on ne passe que 20 % du temps à faire l’essentiel du travail. Les 80 % du temps restant sont consacrés à finir la tâche. C’est comme si pour faire un long trajet en voiture (1 000 kilomètres) on faisait les 800 premiers kilomètres en deux heures et les 200 kilomètres restants en huit heures !


 

C’est pourtant comme cela qu’on travaille en général. Cela signifie que le temps vraiment efficace dans une journée de travail est très réduit. Prenez une réunion par exemple, les choses essentielles sont dites en peu de temps, tout le reste est bavardage, digressions, détentes et considérations annexes.


Mais attention : la prise de conscience de cette loi des 20/80 ne consiste pas à vouloir être efficace tout le temps pour devenir des supermen de l’organisation qui tournent à plein régime du matin au soi. Le but est d’aménager son temps pour rendre ses quelques heures vraiment productives. Voilà le secret des « trois heures de travail par jour ».


 

Cela consiste d’abord à identifier les moments où l’on carbure le mieux (pour moi le matin de bonne heure). Une fois cernés ces moments-là, il faut les sanctuariser, autrement dit réserver ce temps (et un lieu propice), pour réaliser les activités qui nous semblent les plus stratégiques. Sanctuariser un lieu et un temps, c’est imposer un « Ne pas déranger » à son entourage (et, le plus difficile, à soi-même…). Pour ma part, je rédige mes articles le matin, entre 9 et 12 heures. Auparavant, quand je devais rédiger un article, je me fixais un objectif vague (la semaine prochaine), puis, le lundi venu, je commençais par me documenter, prendre des notes ; ce travail d’exploration étant le plus facile, le plus savoureux et n’ayant pas de limites claires je me laissais entraîner dans des explorations sans fin. Puis quand je sentais venir l’inspiration ou la pression, je me mettais à la rédaction.


 

Il m’arrivait souvent de m’arrêter en cours pour vérifier une référence, faire une lecture complémentaire… Certains jours, je faisais de grosses avancées (20 000 signes !), d’autres je calais et n’arrivais pas à construire un paragraphe correct. Je remettais tout au lendemain dans l’espoir que cela irait mieux. Quand venait le temps du « dead line  », j’étais la plupart du temps en retard. Il me fallait donc boucler à tout prix, dans le stress, la fatigue (avec des journées de 12 heures), la panique (je ne vais pas y arriver !), la culpabilité.


  

Avec le temps, j’ai appris à travailler très différemment. J’ai compris que le travail préparatoire de lecture et de prise de notes demande moins de concentration et d’énergie que l’écriture. J’avais tort de lui consacrer les moments stratégiques de productivité. De même que j’avais tort de remettre le travail vraiment créatif de rédaction à la fin… Lire, se documenter, c’est déjà commencer la rédaction si on s’astreint chaque jour à faire la synthèse des idées et lectures du jour. En consacrant chaque jour, les deux ou trois heures productives à l’écriture, j’arrivais en milieu de semaine avec déjà une base solide pour la suite. J’ai donc appris à sanctuariser ce moment d’écriture qui est devenu un rite et un rythme obligatoire. Le volume de travail assigné pour ce moment est fixé d’avance et invariable : 2 000 à 3 000 signes par jour, ni plus ni moins.


J’ai mis des années pour réussir à mettre au point ce système de travail, puis le respecter. Et il m’arrive encore de décrocher. Cette séquence de travail se découpe en petites tranches d’une demi-heure (parfois simplement d’un quart d’heure quand je ne me sens pas en forme), entrecoupée de petites pauses. Il est essentiel de s’accorder des pauses et même des récompenses (encore un paragraphe fini, tu peux aller prendre un café ou te distraire sur Google actualités).


 

Le reste de la journée est consacré aux réunions, rendez-vous, textes à lire et corriger, emails à traiter, à gérer, manager, me balader sur Internet, passer du temps à la machine à café, lire des magazines, préparer une conférence, bref faire mon job avec plus ou moins de zèle. Ce sont les 80 % restants.


 

Le temps n’est pas 
de l’argent
 !

  

Travailler deux à trois heures par jour, avec rigueur et méthode, cela paraît simple et modeste. Trop facile même. C’est à la fois suffisant et très exigeant.
 La loi des 20/80 peut s’appliquer à une foule d’autres activités. Par exemple, durant une séance d’entraînement à la course à pieds, on ne fait de la « résistance » (courir à un rythme rapide) que pendant 20 % du temps, le reste de la séance étant consacré à l’endurance (un rythme plus lent et qui demande moins d’effort). Quand l’on joue d’un instrument, on a tendance à passer beaucoup de temps à rejouer les mêmes morceaux, avec les mêmes points forts et erreurs. Le temps passé à corriger ses fautes ou apprendre de nouvelles mesures est en fait très réduit. Tout l’art du temps consiste à bien se concentrer sur ces phases cruciales où l’on avance vraiment.


 

Les recettes de gestion du temps sont souvent simples à énoncer mais difficile à mettre en œuvre car elles engagent une profonde transformation dans sa façon de travailler, dans ses relations aux autres et dans les buts que l’on se fixe dans la vie. Rien n’est moins simple que de définir les vraies priorités de son existence. Repousser les dévoreurs de temps, ce n’est pas simplement se défaire de mauvaises routines ou apprendre à fermer la porte de son bureau. Car on s’aperçoit vite que le premier perturbateur, c’est soi-même. Pascal disait que le malheur de l’homme vient de la distraction et de son incapacité à rester seul chez lui face à lui-même. Passer un peu de temps chaque jour, seul, à faire avancer avec méthodes les projets qui comptent pour nous, voilà le vrai défi de l’organisation de son temps. "L’art du temps est un art de vivre".

 

Jean-François Dortier - www.scienceshumaines.com.

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22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 06:38

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  "La crypte freudienne n'a pas seulement eu des effets sur les psychanalyses et sur les positions théoriques de Freud. Elle poursuit son action fantomatique sur ces successeurs. Dans les milieux psychanalytiques, de pieux hommages à Freud s'accompagnent comme de son temps d'un manque d'attention scientifique suffisante et de gentillesse vis-à-vis de collègues plus proches dans le temps et dans l'espace. L’œuvre de Sandor Ferenczi a été entourée d'une haine et d'une incompréhension cinquantenaires dont les effets ne sont pas encore éteints. L'argumentation point par point d'un travail est souvent remplacée par de pures déclarations de désaccord comme s'il s'agissait de goûts et de couleurs ou par le passage sous silence. C'est dire qu'il importe de s'intéresser au travail du Fantôme dans la psychanalyse." Claude Nachin, Les fantômes de l'âme, L'Harmattan, 1993, pp. 97-98.

       

 

 

 

On peut aujourd'hui considérer que Sandor Ferenczi, qui était un analyste prestigieux, a aussi été un psychanalyste "exceptionnel". Exceptionnel dans le sens où il tient, pendant tout le temps de son engagement comme praticien et théoricien de l'analyse, une place "d'exception" puis de "marginal", tant auprès de Freud -dont il fut, tour à tour et à la fois, le disciple, le patient, l'ami et le confident-, que au sein même de la communauté psychanalytique, dont il fut l'un des membres les plus actifs et les plus novateurs : il est, de tous ses contemporains, celui qui, le premier, a indiqué les frayages et le chemin de la clinique psychanalytique moderne.

 

Cette place exceptionnelle et prestigieuse qu'il a tenue pendant plus de vingt-cinq ans (1908-1933), se mua les dernières années de sa vie, au gré des dissensions avec Freud, en place d'"exception". Du fait de ses avancées techniques (considérées comme des "pratiques transgressives"), et de certaines des élaborations théoriques qui en découlaient, Sandor Ferenczi devint, alors, une "exception" comme on dit que "c'est l'exception qui confirme la règle". Le "voile pudique", entretenu par ses collègues dans leur ensemble pendant les années qui ont suivi sa disparition, voile fait de silence par rapport à la personne, de retrait par rapport à l'oeuvre et d'oubli partiel par rapport au rôle considérable qu'il avait tenu de son vivant auprès de Freud, vint masquer la difficulté des psychanalystes de l'époque à pouvoir saisir et élaborer certaines de ses "intuitions géniales" (notamment celles qui découlaient de la prise en charge de patients considérés comme des "cas difficiles"), intuitions qui venaient remettre en question certains modes de pensée et certaines convictions métapsychologiques.

 

Il faut attendre l'écart de plusieurs générations d'analystes pour que l'on voit apparaître un "retour à Ferenczi" et un renouveau pour l'intérêt des problèmes qu'il a su, en son temps, soulever. On peut avancer qu'un certain nombre de concepts théoriques et d'idées fortes communément adoptées aujourd'hui sont un héritage direct des avancées de Ferenczi. Sans les recenser toutes, on peut, pour mémoire, citer :

 

Les sources du "trauma" comme pouvant être liées à l'économique (le "trop" ou le "pas assez", l'"excès" ou la "carence"); l'identification à l'agresseur secondaire à un fantasme traumatique de séduction; les transferts "passionnels" comme effets du clivage narcissique (psychotique), lui-même conséquence du traumatisme primaire, ce qui entraîne la création de zones du moi "clivées" et "mortes"; le clivage de la pensée et du corps (du somato-psychique); la paralysie de la pensée et de la spontanéité sous l'effet du trauma; la notion de disqualification de l'affect; la notion de personnalités "comme si", "as if" et le "faux self"; la notion d'effondrement psychique et de dépression "anaclitique", voire anobjectale; l'importance de l'amour ou de la haine primaire; la haine comme moyen de fixation plus puissant que la tendresse; l'importance de l'environnement (la mère et son fonctionnement psychique, ses capacités contenantes, etc.); l'importance des empreintes psychiques maternelles et de la psyché de la mère (le langage de la "tendresse" et de la "passion" maternelle); le rôle du "jeu" dans l'analyse; la nécessité de faire autre chose du contre-transfert qu'un obstacle ou un "transfert en contre" mais d'y voir aussi un effet psychique lié à la rencontre d'un autre psychisme et qui, de ce fait, reflète une des formes, ou un des aspects, du fonctionnement inconscient de ce dernier (identification "primaire" de l'analyste à l'"originaire" du patient); autrement dit de voir dans le contre-transfert un "outil" précieux pour l'analyste et pour la cure, et non un "obstacle".

 

Ce volume des Monographies de la Revue Française de Psychanalyse a donc pour objet, de rappeler la place très importante qui fut celle de Ferenczi dans l'Histoire du mouvement psychanalytique ainsi que de tenter de re-situer, dans l'histoire du développement des concepts, la teneur et l'importance des axes théoriques auxquels le conduisirent, entre autres, ses différentes mises en perspectives théorico-pratiques et ses tentatives de renouveau technique. En introduction à ce volume de la Monographie, il est proposé au lecteur un inédit des chapitres non publiés en français, dans les Oeuvres complètes de Ferenczi, de l'Essai élaboré en commun avec O. Rank sous le titre "Perspectives de la psychanalyse" (1924). A l'époque celui-ci provoqua des réactions très intenses comme en témoigne l'échange épistolaire entre S.Freud et K. Abraham que nous avons pensé utile de republier du fait de leur actualité, soixante-dix années après! La présentation de ce texte par Georges Pragier permet de mettre en évidence l'empreinte de Ferenczi dans cet écrit.

 

Ilse Barande montre qu'au-delà du différent, voire des désaccords, qui ont commencé à se dessiner dès cette époque entre Freud et Ferenczi, c'est surtout leur "affinité élective" qui dominera enfin de compte leur relation. L'apport théorique de Ferenczi est ici envisagé avec la contribution de Henri et de Madeleine Vermorel qui traite du "coup de maître" de Ferenczi : le concept d' Introjection. Raymond Cahn développe la question de l'implication de l'analyste dans le processus psychanalyste : du transfert au contre-transfert.

 

L'aventure technique de S. Ferenczi fait l'objet d'un texte de René Roussillon; en contrepoint Jean Guillaumin oppose une critique à propos de l'analyse transgressive et de l'analyse mutuelle. Thierry Bokanowski, dans un texte original à partir du "Journal Clinique", montre que Ferenczi a été le premier à rendre compte de l'importance, dans le travail transféro-contre- transférentiel, de la métapsychologie du couple trauma-clivage.

 

Simultanément homme de son temps et visionnaire dès sa période pré-psychanalytique, Ferenczi apporte déjà une oeuvre dont le ton nouveau est commenté par un psychanalyste d'origine hongroise, André Haynal. A travers sa propre expérience, Kathleen Kelley-Lainé, elle aussi originaire de Hongrie, évoque ici la langue maternelle de Ferenczi. La présence de Ferenczi dans la littérature psychanalytique a été rigoureusement recensée dans la bibliographie par Claude Girard.

 

Revue: www.carnetpsy.com

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21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 11:30

Le reportage de Raphaëlle Mantoux sur cette pathologie, et le livre de Serge Hefez, psychanalyste - Amours : Histoires des relations entre les hommes et les femmes, Fayard, 2007.

   

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La jalousie est une émotion secondaire et représente des pensées et sentiments négatifs d'insécurité, de peur et d'anxiété concernant une perte anticipée de valeurs personnelles qu'un individu perçoit. La jalousie est un mélange d'émotions comme la colère, la tristesse, la frustration et le dégoût. La jalousie ne doit pas être confondue avec l'envie... La jalousie amoureuse est une émotion empreinte d'agressivité qui est la conséquence de la peur de perdre l'être aimé ou l'exclusivité de son amour, au profit d'une autre personne – sentiment qui peut être fondé sur l'imagination et non sur des faits. Quand elle est permanente ou excessive, la jalousie est une forme de paranoïa et est attachée à une relation « amoureuse » sur un mode possessif voire exclusif. Dans Othello ou le Maure de Venise, William Shakespeare fait décrire à Iago la jalousie comme un « monstre aux yeux verts qui produit l’aliment dont il se nourrit !». 

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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 10:51

SDF, chômeur au RSA, mère célibataire au smic, couple pris dans la spirale du surendettement… La pauvreté a de multiples visages qui sont loin de s’appréhender uniquement par les revenus !

  

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« Écoutez, j’ai des cas qui sont bien plus graves que le vôtre. »


« J’ai bientôt 50 ans et je vis dans ma voiture ! »

 

La réplique de Louise Wimmer à l’assistante sociale est cinglante. Louise Wimmer, l’héroïne du film éponyme de Cyril Mennegun (2012), est femme de ménage dans un hôtel. Malgré ce travail, impossible pour elle de se loger. Elle dort à l’arrière de sa voiture, sur un parking ou une aire d’autoroute. Pour se nourrir, se laver, trouver du carburant, elle vit du système D, d’entraides, et de menus larcins. À travers ce portrait de femme dont la situation a dégringolé, C. Mennegun dépeint une misère habituellement peu visible dans sa réalité quotidienne.


 

« Dans le besoin », 
« en difficulté », « endetté »…


  

Pourtant, la pauvreté, beaucoup l’ont déjà frôlée. Que l’on ait peine à rembourser un crédit, que l’on se demande comment finir le mois avec si peu, que l’on croise un homme qui dort sous un porche ou mendie un Ticket-Restaurant, et l’on se retrouve nez à nez avec la précarité, ou son spectre. Des stéréotypes sur lesquels s’appuient à l’envi les discours politiques, tantôt pour fustiger un modèle de société qui produit des exclus, tantôt pour dénoncer la logique d’« assistanat » des politiques publiques, regrettant parfois la présence renforcée de l’État, parfois son désengagement. La pauvreté est une catégorie porteuse de stigmates. Si une majorité de personnes pensent appartenir à la classe moyenne, très peu se déclarent ouvertement pauvres. Elles sont « dans le besoin », « en difficulté », ou « endettées ». Les pauvres, se dit-on comme pour se rassurer, ce sont les autres. Ceux qui n’ont même pas le peu que nous avons.


 

Au-delà des représentations, comment mesurer objectivement la pauvreté ? Son évaluation dépend, comme toute mesure statistique, des outils que l’on utilise. En Europe et en France, le seuil de pauvreté monétaire correspond actuellement à 60 % du revenu médian. Le revenu médian étant celui qui coupe en deux parties égales la population, une moitié ayant des revenus supérieurs, l’autre moitié des revenus inférieurs, le seuil est fixé à 954 euros (pour les revenus de 2009) par mois pour une personne seule. Jusqu’en 2008, avant l’harmonisation européenne des instruments de mesure, la France établissait le seuil de pauvreté non à 60 % mais à 50 % du revenu médian.


 

Mesurer la pauvreté


  

Une différence statistique de taille puisqu’elle fait passer le seuil de pauvreté de 795 à 954 euros, et le nombre de pauvres de 4,4 à 8,2 millions de Français. Le directeur de l’Observatoire des inégalités, Louis Maurin, est critique envers le seuil de pauvreté établi à 60 % du revenu médian. Pour lui, « cette conception extensive de la pauvreté est lourde d’effets pervers. (…) On incorpore dans la pauvreté des situations sociales très diversifiées, qui vont de ce que l’on appelait il y a quelques années le “quart-monde” aux milieux sociaux très modestes ».


 

D’autres modes de calcul permettent de mesurer le seuil de pauvreté de manière différente. Aux États-Unis, par exemple, l’indicateur de pauvreté est construit non pas relativement aux inégalités de revenus, mais de manière absolue sur la base d’un panier de biens et de services (logement, vêtements, nourriture, etc.) auquel chacun devrait avoir accès. Le gouvernement français utilise quant à lui un troisième outil pour calculer la pauvreté : le seuil de pauvreté ancré dans le temps. Basé sur le seuil de pauvreté à 60 % du revenu médian d’une année donnée (par exemple 2006), le seuil de pauvreté est ensuite réactualisé d’année en année par rapport au seul taux d’inflation. Un calcul qui permet d’établir le seuil de pauvreté non plus à 954 euros mais à 915 euros et de réduire le nombre de pauvres, au regard de l’objectif gouvernemental de « réduction d’un tiers en cinq ans de la pauvreté ». Des batailles de chiffres qui ne tiennent pas compte des populations à risque, ceux qui ne sont pas précaires au vu des seuils, mais pourraient le devenir au moindre changement de situation : deuil, divorce, perte d’emploi ou maladie.


 

Les statistiques de la pauvreté cachent une pluralité de situations. Johanna a 29 ans. Ouvrière à la chaîne dans le Nord-Pas-de-Calais, elle élève seule sa petite fille de 6 ans. À la journaliste Catherine Herszberg, elle raconte : « Ça fait huit ans que je suis à l’usine. Avec les primes d’ancienneté, je me fais 1 300 euros ; qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse avec 1 300 euros une fois qu’on a payé le loyer, les crédits – tout le monde a des crédits –, la nourriture, la cantine, les habits de l’enfant, la facture d’eau, la facture de gaz, la mutuelle, les assurances ? Il reste rien. Je pars pas en vacances, je peux pas . »

 

Avec 1 300 euros, Johanna se situe légèrement au-dessus du seuil de pauvreté (à 1 240 euros pour une famille monoparentale avec un enfant). Comme elle perçoit une pension alimentaire de 50 euros, elle ne peut pas prétendre au revenu de solidarité active (RSA)* qui remplace, depuis 2009, l’allocation parent isolé. Les familles monoparentales, composées à 85 % de mères célibataires, sont très fragiles. Un seul salaire, un emploi parfois à mi-temps et des charges incompressibles conduisent une famille monoparentale sur trois à vivre dans la pauvreté. 


 

Christine, 54 ans, vit seule. Lorsque son mari décide de divorcer, elle doit « continuer à rembourser le prêt (de leur maison). Aux mêmes conditions, mais seule.  » Elle contracte un premier crédit à la consommation pour l’aider à terminer les fins de mois. Puis un deuxième pour rembourser le premier. Et un troisième pour remplacer sa voiture tombée en panne. « Je gagne 2 000 euros par mois, explique-t-elle. Une fois que j’ai remboursé mes mensualités pour les crédits, il me reste 100 euros pour l’essence, l’électricité, l’assurance et de quoi manger. Quand j’ai pris un quatrième crédit, on me l’a donné les yeux fermés, alors que je ne m’en sortais déjà plus. » Propriétaire d’une maison estimée à 430 000 euros, elle se refuse à la vendre pour rembourser ses dettes. «  Je rembourse cette maison depuis vingt ans, ce n’est pas pour tout laisser tomber. Cette maison, c’est la seule chose qui me tient debout. Tout ce que je veux, c’est la garder. »

 

L’argent de la vente de sa maison ne parviendrait d’ailleurs qu’à rembourser les dettes de Christine, et la laisserait sans toit. Le travail ou la propriété d’un bien immobilier, considérés autrefois comme les signes d’appartenance à la classe moyenne, ne font plus nécessairement rempart contre la pauvreté. Dans les années 1990, on voit apparaître le concept de « travailleur pauvre ». Les salaires trop bas, les temps partiels répandus font des travailleurs des individus menacés. Et lorsqu’un seul membre pourvoit à l’essentiel des revenus, la famille risque à tout moment de basculer dans la précarité.


 

« Heureusement que Coluche a créé les Restos du cœur »


  

Entre une mère célibataire qui gagne le smic, un chômeur au RSA et un sans domicile fixe, peu de traits communs sinon la difficulté de profiter de ce que l’économiste Amartya Sen appelle les « capabilités » . L’individu est considéré comme pauvre, selon A. Sen, dès lors qu’il est dépourvu de la possibilité d’accéder à certains biens ou services. Si un faible revenu constitue un obstacle majeur à la liberté (de consommer, de sortir, de prendre des vacances, de se soigner), il n’est cependant pas le seul. Le handicap, la maladie, l’absence de diplôme ou de lien social constituent d’autres limitations aux capabilités, d’autres signes de pauvreté. La théorie d’A. Sen permet ainsi de prendre en compte la diversité des causes de l’inégalité des individus dans les situations de pauvreté. Il ne suffit pas qu’un individu possède ce que le philosophe John Rawls nomme les « biens premiers » (un certain revenu, la liberté d’expression, les bases sociales du respect de soi, etc.) si, à cause de son caractère, de son état de santé, ou de son éducation, il n’est pas capable de jouir de ces biens comme tout un chacun.


 

Difficile donc de lutter efficacement contre la pauvreté sans prendre en considération cette multiplicité de facteurs. Le RSA, en vigueur depuis 2009 (en lieu et place du RMI), tente de remédier à la fois à la situation des chômeurs et des travailleurs pauvres. Le RSA « activité » apporte en effet aux travailleurs un complément de revenu, explique le sociologue Nicolas Duvoux, « destiné à accroître la différence entre ce qu’ils touchent par leur travail et ce qu’ils toucheraient avec la seule assistance  ». Une manière, selon lui, de favoriser le « développement des inégalités sociales, promues comme un moteur de l’activité individuelle et de l’émulation sociale ». Le recours au seul RSA « socle » (ancien RMI) est souvent considéré comme dégradant par les allocataires. Ceux-ci sont alors entachés du soupçon d’être des « assistés » qui tirent profit de leur statut, préférant l’oisiveté au travail. Un soupçon aux effets délétères sur la cohésion sociale.

 

Les associations caritatives, comme le Secours populaire ou les Restos du cœur, ont, quant à elles, pris une importance telle qu’elles ne sont plus seulement une solution d’urgence mais occupent une place structurelle laissée vacante par des politiques publiques insuffisantes. « Il suffit de peu de chose pour tomber, assure Pierre-Marie, agriculteur âgé de 45 ans. (…) Maintenant j’ai l’impression que c’est chacun pour sa peau. Heureusement que Coluche a créé ces fameux Restos du cœur. Moi, j’y viens pour la quatrième année consécutive . »

 

-Article de Céline Bagault- www.scienceshumaines.com-

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11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 10:41

Pour commencer cette deuxième semaine de révision du bac philo, Adèle Van Reeth a rencontré Olivier Verdun et ses élèves au Lycée Félix Le Dantec de Lannion, pour traiter du sujet : "Suffit-il d'expliquer le corps pour comprendre l'esprit?"

 

L'importance de la psychanalyse et comment la psychanalyse envisage le rapport corps-esprit: cliquez à la 45ème minute de l'émission pour écouter cette dissertation pertinente:

   France-Culture

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  Adèle Van Reeth et Olivier Verdun ©Radio France
  

Plan :

I) De l'homme-machine à l'homme-neuronal. Et inversement.

  

Idée directrice : il suffit d'expliquer le corps pour comprendre l'esprit car l'esprit n'est qu'une propriété de la matière. Cette option matérialiste forte conduit soit à éliminer du vocabulaire philosophique et scientifique le mot «esprit», soit à faire de l'esprit un épiphénomène des processus neuronaux. On aboutit alors à une naturalisation de l'homme, de la pensée, de la subjectivité dont il convient de mesurer les enjeux.

 

A) Déterminisme physique et déterminisme psychique

  1. 1. Le paradigme de l'explication scientifique
  2. 2. Le modèle mécaniste (Descartes)
  3. 3. Une physique du désir, la psychanalyse (Freud)

B) L'âme matérielle : des atomes aux neurones

 

1. Les neurosciences : le cerveau pense

2. L'atomisme antique (Lucrèce)

 

C) La naturalisation de la pensée et de la subjectivité

  1. 1. L'écueil naturaliste et positiviste
  2. 2. Le rêve d'un homme naturel et transparent

 

Transition :

Que l'esprit n'existe pas sans cerveau et qu'il soit le résultat d'un processus évolutif naturel, que les sciences naturelles contribuent, et contribueront encore plus demain, à notre connaissance de ce qu’est l'esprit, est-ce à dire que le corps humain produit sa pensée ? Les phénomènes mentaux n'ont-ils pas leur niveau d'organisation et leur causalité propre, même s'ils sont incompréhensibles en dehors d'un substrat matériel ?

 

II) Le corps spirituel

  

Idée directrice : on peut plus facilement comprendre (comprendre, étymologiquement, c'est «prendre avec») le corps par l'esprit que l'inverse. Le corps présuppose l'activité de l'esprit. La matière est d’abord une production de l'esprit qui confère aux objets le statut de réalité intelligible. La matière est, en ce sens, éminemment spirituelle.

 

A) L'esprit, entéléchie du corps

  1. 1. L'immatérialité de l'âme (Lucrèce derechef)
  2. 2. De la puissance à l'acte (Aristote)

B) Le corps, chef-d'œuvre de l'esprit

  1. 1. L'esprit sublime le corps (Alain)
  2. 2. La perception comme intellection de l'esprit (Descartes derechef)

3. L'énergie spirituelle (Bergson)

 

C) Le corps pensant

  1. 1. Le corps et l'esprit, une seule et même chose
  2. 2. Vers un matérialisme faible

 

Transition : Il ne suffit donc pas d'expliquer le corps pour comprendre l'esprit : sans l'esprit, le corps n'est qu'une matière inerte, indéterminée, impensable. Les événements mentaux sont déterminés par les événements physiques, mais dans un sens large et très approximatif. L'esprit, irréductible à son fonctionnement, est le mouvement d'une subjectivité qui, dans l'extériorité de la matière, tente de de se ressaisir. La pensée jouit ainsi d'une autonomie par rapport au corps eu égard à son pouvoir de réflexivité. Comment alors comprendre l'esprit sans pour autant renoncer à l'expliquer ou à le connaître ?

 

III)   Expliquer plus pour comprendre mieux

 

Idée directrice : la question se pose maintenant de savoir de quel genre de connaissance relève l'esprit. Savoir objectif et compréhension subjective ne sauraient être confondus, même si compréhension vécue et explication objective peuvent être coordonnées.

 

A) Connaissance objective et connaissance subjective

  1. 1. Causalité et motivation
  2. 2. Une herméneutique de l'esprit

B) L'intentionnalité

  1. 1. L'expérience vécue et le sens
  2. 2. Intentionnalité et liberté

C) Causalité psychique et subjectivité : la psychanalyse derechef

 

1. Le déterminisme psychique

2. La preuve par la parole


Bibliographie :

- Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, chapitre 1 et 2 notamment
- Descartes, Méditations métaphysiques, 2ème méditation : le modèle dualiste
- Lucrèce, De la nature III

- Aristote, De l'âme II
- Descartes, Dioptrique, "Vision"
- Bergson, L'énergie spirituelle, "L'âme et le corps"

- Wilhem Dilthey, Introduction aux sciences de l'esprit
- Max Weber, La Sociologie compréhensive
- Freud, Oeuvres complètes : psychanalyse

  

Lecture des textes : Georges Claisse

Réalisation : Mydia Portis-Guérin

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9 juin 2012 6 09 /06 /juin /2012 15:54

A 2 ans, à 10 ans, à 20 ans, l’autonomie s’apprend, explique Claude Halmos, Psychanalyste. A travers l’éducation que lui donnent ses parents, l’enfant acquiert, pas à pas, la confiance nécessaire pour affronter seul le monde.

   

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Il arrive que l’on plaigne les parents, et les spectateurs du film Tanguy n’ont sans doute pas manqué de le faire. Comment, en effet, ne pas s’apitoyer sur le sort de ce couple dont la vie est gâchée par un grand benêt de fils qui refuse, malgré un âge avancé, de quitter le cocon familial ?

 

On aurait tort, cependant, de s’en tenir à la compassion, car plaindre ces pauvres parents conduit à désigner Tanguy comme le seul responsable de la situation et à n’expliquer cette dernière que par son "caractère", sa mauvaise volonté ou quelque pathologie particulière. Or, il ne s’agit en rien de tout cela car – un psychanalyste peut l’affirmer – l’impossibilité de quitter ses parents à l’âge adulte n’est jamais affaire de "constitution" mais d’éducation. Ce symptôme est toujours le signe que son histoire n’a pas permis à l’intéressé d’accéder aux deux choses qui rendent possible, à l’âge requis, l’envol hors du nid familial. Elle ne lui a pas appris à supporter les séparations et elle ne l’a pas suffisamment armé pour qu’il se sente capable d’affronter, seul, la vie adulte.

 

Une peur profonde

 

Les jeunes gens qui interrogent en analyse leur peur de quitter leurs parents lui découvrent souvent des racines plus profondes qu’ils ne l’imaginaient. Il n’est pas rare qu’ils réalisent qu’elle est en fait une des variantes de l’angoisse qu’ils éprouvent (et ont toujours éprouvée) chaque fois qu’ils ont (et ont eu) à affronter une séparation.

Cette découverte les surprend, car le départ vers la vie adulte est rarement parlé en terme de séparation. Notamment par les parents qui s’évertuent au contraire, pour rassurer, à mettre l’accent sur ce qui restera "pareil" : « On n’est pas loin », « Tu viendras souvent dîner », etc.

 

Elle constitue pourtant une véritable séparation (d’avec la famille, l’enfance, etc.) et renvoie donc, en tant que telle, l’intéressé à toutes celles qui lui ont, auparavant, posé problème. Or, elles sont nombreuses, car le développement d’un enfant n’est qu’une longue suite de séparations, et même de doubles séparations. A chaque étape, en effet, il doit pour grandir se séparer non seulement de ce qu’il était auparavant – quitter sa "peau d’avant" – mais s’éloigner un peu plus de ses parents en se construisant comme être à part entière, autonome et distinct de chacun d’entre eux.
Tâche difficile, car elle suppose que les parents supportent sans trop d’angoisse ce changement et que lui-même puisse, malgré les bouleversements qui surviennent en lui, garder la conscience claire qu’il est bien toujours le même.

 

Un long cheminement

 

La route commence à la naissance. Véritable épreuve pour le petit d’homme qui doit à la fois quitter le corps de sa mère, et passer d’un espace aquatique au milieu aérien où nulle survie n’est possible sans le travail éprouvant de la respiration. S’il est accueilli par des parents qui l’aident à franchir le pas, la tendresse et la chaleur de leurs gestes, de leurs voix, les mots qu’ils disent pour nommer sa personne et le monde lui fabriquent un "contenant" nouveau mais aussi rassurant que l’était le ventre maternel. Le changement se fait dans la continuité et la sécurité. Il peut "se retrouver", tisser un lien entre ce qu’il était avant – in utero – et ce qu’il est désormais. Si, à l’inverse, il arrive dans un monde vide de présences et de mots, si son corps est violenté, cette première séparation devient pour lui synonyme de souffrance et d’insécurité. Et si nul par la suite ne l’aide, elle peut, prenant valeur de modèle, l’amener à aborder avec angoisse toutes celles qui suivront.

 

La route se poursuit avec le sevrage, qui contraint le bébé à renoncer au corps à corps avec sa mère. Bien des pathologies de la séparation renvoient à cette étape qui ne peut se passer bien qu’à trois conditions. Si, dans la période qui précède, la relation a été "suffisamment bonne" : on ne peut séparer que ce qui a été uni. Si le moment choisi est, pour les deux protagonistes, le bon : ni trop tôt, ni trop tard. Et si le passage s’effectue sans douleur : si la mère peut, telle un alchimiste, transmuer en mots la chaleur et le bonheur du corps à corps, faire de la parole un lieu de rencontre riche et joyeux. Si ce n’est pas le cas, la séparation devient pour l’enfant synonyme de perte irrémédiable de l’autre, mais aussi de lui-même que cette "rupture" laisse sans repères.

 

Ensuite vient la station debout, la marche, et ce vertige enivrant – ou paralysant – à s’éprouver, dans l’espace, corps autonome. Puis le moment où, les mains ayant appris à faire seules les gestes de la vie, l’enfant devient capable, pour reprendre les mots de Françoise Dolto, de "s’auto-materner" et de "s’auto-paterner" (en s’appropriant le rôle rassurant et soutenant de ses parents, l’enfant devient une “bonne mère” et un “bon père” pour lui-même), etc. La vie d’un enfant ressemble donc à une course d’obstacles. Les occasions de chute ne manquent pas. D’autant qu’il faut leur ajouter les séparations et les abandons traumatiques que peut imposer la vie : décès d’un parent, départ inexpliqué d’une nourrice… C’est toujours avec le poids – inconscient – de ces multiples dérapages que les jeunes adultes abordent le départ du domicile parental, qui signe la fin de leur enfance.

 

Les armer pour la vie

 

Mais un tel départ implique aussi que les voyageurs en partance se sentent capables d’affronter l’extérieur. Or, cette confiance en eux-mêmes manque à certains. Soit parce que, ayant vécu coupés du dehors dans une famille trop protectrice, ils ne peuvent se le représenter que comme une jungle inconnue et hostile. Soit parce que, leur éducation ne leur ayant pas donné l’occasion de s’affronter aux difficultés, ils n’ont pas pu se prouver qu’ils pouvaient les résoudre et acquérir de ce fait une représentation positive de leurs capacités. Une éducation ne peut permettre à un enfant de se sentir armé pour la vie qu’à deux conditions.

 

1) Si la porte de la famille est en permanence ouverte sur la vie :

  • si les repères éducatifs donnés par les parents sont les mêmes que ceux qui ont cours dans la société. Permettre dans la famille des choses interdites dehors – frapper, voler, etc. – creuse entre l’intérieur et l’extérieur un fossé qui peut à terme devenir infranchissable.
  • si l’interdit de l’inceste est clairement posé et respecté. La croyance, inconsciente, en la possibilité de se marier avec papa ou maman constitue, même à un âge avancé, l’un des freins essentiels à l’envol de nombreux jeunes gens.
  • si la succession des générations est comprise et acceptée, car c’est elle qui donne un sens au départ : « Je quitte mes parents comme eux ont quitté les leurs. » Les parents "copains" qui jouent à être aussi jeunes que leurs enfants sont un frein à leur émancipation.
  • et si les parents n’ont pas un besoin, inconscient, trop grand de garder leurs enfants.

2) Si la marche arrière est interdite :

  
Il faut également que l’enfant soit encouragé, voir poussé, à franchir cette porte. Pour cela, les parents doivent, dans l’éducation qu’ils lui donnent, ne pas se contenter de le suivre mais le précéder : évaluer à chaque étape ce dont il est capable et l’inviter à le faire. C’est la seule solution pour que l’enfant comprenne que l’on croit en ses capacités, et surtout pour lutter contre la tendance qu’il peut avoir à "faire du surplace". Il faut aussi qu’ils favorisent son autonomie. Sur le plan psychologique, en respectant ses désirs et ses opinions. Et sur le plan de la réalité, c’est-à-dire la possibilité qu’il a :

  • de faire les choses seul dès qu’il en a l’âge (à 6 ans, ne pas savoir lacer ses chaussures est dévalorisant).
  • de les penser seul (bien des jeunes gens terrifiés à l’idée d’avoir à organiser seuls leur vie matérielle, sont en fait d’anciens enfants à qui l’on a dit trop longtemps : « Va te laver les dents », « Pense à ton cartable », etc.).
  • de régler seul ses problèmes avec les autres. Apprendre à un enfant à se défendre dans la cour de récréation est formateur. Aller voir la maîtresse pour qu’elle le prenne sous son aile est invalidant.
  • d’assurer seul le financement de certaines choses qu’il désire (d’où l’intérêt de l’argent de poche), etc.

La fonction paternelle

 

Par rapport à cette visée éducative, le père joue un rôle essentiel. Pour tous les enfants en effet, ne pas avancer est toujours peu ou prou synonyme de "rester encore un peu dans les jupes de maman". Non pas parce que les mères seraient a priori plus laxistes que les pères. Simplement parce que la "répétition" pousse à retourner en arrière, c’est-à-dire d’où l’on vient, or l’on vient toujours du ventre d’une mère. Le père peut donc être pour l’enfant, s’il joue son rôle, celui qui lui barre l’accès à ce retour mortifère.

 

L’éducation d’un enfant n’a donc rien d’un long fleuve tranquille. Les parents ne peuvent jamais remplir leur tâche sans angoisse, sans peur de se tromper ou d’infliger à l’enfant trop de souffrances. Mais c’est à ce prix qu’elle peut atteindre son but : lui permettre, le jour venu, de partir. Et de partir sans angoisse, c’est-à-dire en sachant que si partir rime parfois avec mourir, il ne s’agit là que de mourir, un peu, à son enfance. Pour pouvoir naître, enfin, à la vie d’homme ou de femme.

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8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 13:09

Diplômée de la Faculté de médecine de Paris VII, Valérie Cordonnier pense qu'un couple qui se crée a une perspective de durer, " On ne crée pas un couple pour se séparer dans dix ans ! ".

Vidéo suivie d'une analyse personnelle du couple:

  

      

  • Qu’est-ce qu’un couple ? De l’instant à la durée :

 

Imaginons un homme et une prostituée. Forment-ils un couple ? On dira peut-être qu’ils n’ont que des rapports « génitaux », purement mécaniques. Mais c’est là chose impossible, car toute action humaine, quelle qu’elle soit, prend sa source dans l’affectivité (émotions grossières ou raffinées, conscientes ou inconscientes ; sensations et sentiments, positifs ou négatifs).

 

Cet homme et cette prostituée ont donc des rapports affectifs, qu’ils le sachent ou non. D’ordinaire, l’homme cherche l’illusion d’une affection, et la femme éprouve une vague commisération maternelle. Leur affectivité peut tourner autour du sadisme et du masochisme, « de l’amour ou de la haine », etc. : donc autour du sentiment.

 

Cet homme et cette femme forment un couple, mais un couple marqué par la brièveté : presque toujours, il se défait aussi rapidement qu’il s’est formé. Un véritable couple suppose une durée : telle est la loi première. Il n’existe aucun couple réel dans l’instant !

 

Mais chez nombre de couples, combien de fois par jour la femme et l’homme ne perdent-ils pas contact, parce que tel ou tel personnage surgi de l’inconscient, s’est mis à conduire la danse ? Il suffit d’un souvenir, d’une rêverie solitaire, d’une nostalgie, d’une peur de l’autre. Il suffit que l’homme ressente sa femme comme une mère pour cesser d’être un mari et devenir « un fils ». Il est tant d’occasion ou chaque élément du couple peut devenir semblable à un opérateur radio, qui appelle en vain un confrère, branché sur une autre longueur d’onde !

 

A ces moments-là, le couple cesse d’exister, affectivement parlant. La durée cesse et le couple se replace dans l’instant. Il n’y a plus qu’une simple relation sociale entre deux individus séparés. Qu’elle est donc le ciment qui peut assurer « la permanence » du couple ? Est-ce l’habitude, cette durée insipide et pétrifiée ? Certes non. Alors serait-ce l’amour ? Mais que signifie ce mot ?

  

bien-dormir-a-deux

   

  • L’union difficile de deux affectivités :

 

Un couple, disait le dictionnaire, « agit de concert ». Cela suppose que les partenaires aient un but commun. Et il est évident que d’innombrables couples tendent vers un même but : Peut-être l’homme et la femme ont-ils monté un magasin ensemble ; l’un est au comptoir et l’autre à la caisse. Certains travaillent de concert pour leurs vacances annuelles. D’autres, parce qu’ils ont le même idéal et considèrent la vie de la même façon, poursuivent ensemble la même recherche. Ici apparaît une dimension nouvelle et essentielle :

 

Couple = Durée + Affectivité !

 

Or, l’affectivité représente la quasi-totalité de notre vie psychologique. La psychanalyse et la psychologie ont fait ce qu’elles ont pu : elles ont loti l’affectivité en territoires que l’on  a dénommées, faute de mieux  « sensations, sentiments, intuitions ». Ces territoires ont leurs hôtes parasites : « complexes, angoisses, inhibitions », et autres grands prédateurs de l’énergie intérieure.

 

Un couple est la réunion, le mélange de deux affectivités. Aussi, pour définir ce qu’est un couple, faudrait-il étudier comment deux affectivités peuvent se rejoindre.

 

Mais qui pourra jamais décrire et analyser l’affectivité ? Notre cerveau reçoit quelques milliards d’informations par seconde. Comment décrire les fluctuations sans fin de nos sensations profondes et superficielles ? Quant aux sentiments, on ne peut en donner que de grossières approximations qui tournent autour de mots-clés tels que : « amour, haine, sympathie, antipathie, amitié ». Comment pourrait-on cerner un sentiment, puisqu’il est l’émanation d’une sensation que l’être humain tente de "traduire"  tant bien que mal… Essayant de rationaliser l’irrationnel, ou de chosifier chimiquement (par une démonstration hormonale) un ressenti profond de l’être ?

 

Or, c’est à partir de leurs sensations et de leurs sentiments qu’une femme et un homme tentent leurs approches mutuelles. C’est sur les sensations et les sentiments que le couple assure sa durée, sa permanence et sa pérennité. Et aussi, bien entendu, ses illusions, lesquelles émanent de sensations et de sentiments faussés...

 

C’est également par les sensations et les sentiments qu’un être parvient à se relier à tout ce qui l’entoure. Mais encore faut-il qu’il soit relié à lui-même !

 

De là, toutes les confusions qui entourent la notion de dialogue… Le « dialogue » est devenu un poncif au même titre que l’environnement, le respect de la nature, et les méfaits de la société de consommation. Jamais, plus qu’aujourd’hui, il n’y a eu tant de « débats » : notre monde semble ne plus pouvoir s’en passer... En réalité, c’est le monologue ronronnant qui est Roi ! Chacun « se » raconte à l’autre qui, pendant ce temps, « se » pense ! 

 

Un véritable échange, un dialogue réel, ne peuvent s’établir que si l’on est capable de dialoguer avec soi. Comment pourrait-on ressentir l’autre, si ce n’est à travers sa propre affectivité ?

  

A charge, pour la véritable psychanalyse, de restaurer ce dialogue intérieur ; au lieu de tournoyer dans un intellectualisme stérile sans affectivité !

 

C’est pourquoi un couple authentique se forme dans la mesure ou les zones inconscientes sont débarrassées peu à peu de leurs parasites, de leurs infantilismes qui dévient les sensations, déroutent les sentiments et transforment « l’autre » en un mirage que l’on prend pour la réalité.

 

  • « C’est pourquoi le couple réussi est le haut lieu du dialogue intérieur ! »

 

Le plus surprenant est qu’un dialogue affectif entre la femme et l’homme puisse se réaliser. Ce couple, ce mélange, forment la relation humaine la plus longue et la plus profonde (la plus difficile aussi). Car les femmes et les hommes habituels ressentent et envisagent l’existence de « façon si différentes » qu’il semble miraculeux qu’ils puissent, peu à peu, se rejoindre et se comprendre.

 

Pourtant, des milliards de couple ont foisonnés à la surface de la terre. On peut croire qu’un grand nombre furent « réussis », et on réalisé, dans la durée, le mélange profond de leurs affectivités, de leurs émotions, de leurs buts. Mais chaque couple accompli est une sorte de « miracle » ; c’est un défi contre la distance hautaine que tout être humain impose à un autre, par peur de perdre sa faible individualité !  « La peur qu’on a d’autrui est souvent l’angoisse de se perdre en l’autre ou d’être démasqué par lui ».  

  

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L’être humain est ainsi fait que la moindre menace contre sa flammèche de conscience réactive en lui la crainte d’être « détruit », et de retourner dans ce néant dont il eut tant de peine à sortir !

  

Néanmoins, il existe des couples solides, durables, profondément unis, sans orages destructeurs… Des ménages indestructibles, non pas par morale mais par amour, non pas par contrat mais par évidence intérieure ! Chacun est devenu l’autre, tout en restant soi-même. N’avez-vous pas rencontré de ces couples âgés ou les partenaires sont tellement fondus l’un en l’autre qu’ils semblent n’avoir qu’une seule âme ??...

  

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