19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 07:21

France culture s'intéresse à ses deux grandes figures du XXe Siècle et à leurs échanges, face aux tumultes de la guerre...

    EinsteinFreud

 

Sur un plateau, des lettres, et au milieu, ce mot, cette force, ce drame, auxquels elles tentent de trouver réponse : la guerre. Nous sommes en 1932, Einstein écrit à Freud. Les deux penseurs sont travaillés par la question de la violence en général, et le premier demande au second s’il existe selon lui un moyen d’en affranchir les hommes? Vaste programme. C’est pas demain la veille, aurait pu se contenter de répondre le psychiatre, mais la réponse est plus longue, plus ambivalente, et convoque tout ce que l’action humaine a de complexe, de non unitaire, de culturel. Ce n’est pas la première fois que Freud s’interroge en correspondance sur un tel sujet, ce n’est pas la première fois que des penseurs d’aujourd’hui, la relisent. C’est que la question est persistante. Marlène Belilos est psychanalyste et journaliste, elle a dirigé l’ouvrage collectif Freud et la guerre  publié aux éditions Michel De Maule, tandis que François Ansermet, pédopsychiatre et psychanalyste, y a participé. 

 

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[ Introduction sur l'amour / Commencement à la 18ème minute de l'émission ]

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19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 06:56

A ce destin scandaleux, nul ne s’habitue jamais. Jusqu’où ce refus est-il normal ? Quand devient-il pathologique ? Comment l’idée de la mort s’ancre en nous ?... Réponse sous l'angle de la philosophie et de la psychanalyse:

 

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"Jusqu’à 32 ans, j’ai tenu la mort pour une abstraction, explique Sonia. Puis ma meilleure amie est décédée : un accident de voiture. Ce jour-là, j’ai vraiment réalisé que, moi aussi, j’étais concernée. Depuis, quand mes parents partent en voyage, je suis un peu anxieuse. Adepte de l’escalade, je prends moins de risques…"

 
Pour la psyché humaine, la mort est le paradoxe des paradoxes. C’est notre destin, donc un phénomène bien ordinaire, pourtant, écrit le philosophe Vladimir Jankélévitch dans La Mort (Flammarion, 1977), nul ne s’y habitue : "Chaque mort étonne ou scandalise, comme si elle était la première." En même temps, nous réussissons à vivre, à aimer, à agir malgré la menace quasi quotidienne de notre trépas… Serions-nous héroïques ou inconscients ? Rares sont ceux qui se disent : "Puisque je dois mourir, je commence dès aujourd’hui à me laisser dépérir, à refouler en moi tout désir." En fait, les pathologies directement liées à la peur de la mort sont peu nombreuses. Cependant, pour définir, dans la relation à la mort, la limite entre le normal et le pathologique, encore faut-il cerner les processus par lesquels elle s’ancre en nous, ainsi que leurs effets.

     

Naître à la mort

"L’expérience de la naissance est la première expérience de l’émergence de la mort", déclarait Françoise Dolto dans Parler de la mort (Mercure de France, 1998). Notre venue au monde nous installe parmi ceux qui vont mourir. Elle implique d’emblée une perte : celle du placenta protecteur vécu par le nouveau-né comme une part de lui-même. Dès l’âge de 2-3 ans, l’enfant peut réaliser qu’une personne de son entourage est morte. Mais il s’imagine qu’elle est partie habiter dans un autre univers d’où elle reviendra peut-être. Pour un petit, mourir c’est vivre autrement. Inutile de s’inquiéter s’il ne pleure pas toutes les larmes de son corps et manifeste surtout de la curiosité ("Où il est papy, maintenant ?"). La mort intrigue les enfants, comme la sexualité et la procréation. En revanche, une absence de questionnements de sa part signale une difficulté : l’enfant se tait pour ménager ses parents s’il saisit leur incapacité à parler de ce décès. Or ce silence risque de le rendre inapte, plus tard, à assumer la confrontation avec la mort… sans se mortifier.

     

La peur s’installe

C’est une étape normale du développement de l’enfant. Vers 7 ans, l’idée de la mort devient très active. "J’y pensais tous les soirs avant de m’endormir, se souvient Delphine. J’étais angoissée à l’idée que j’allais mourir un jour. Pour me rassurer, j’ai imaginé un personnage, Monsieur Tout-le-Monde, nécessairement promis à la mort. Puis je me suis identifiée à lui. Alors, j’ai pu me dire que mourir était une chose normale et ma peur s’est atténuée." Certains enfants, eux, ne cessent de craindre que "maman meurt". Cette inquiétude provient d’un malaise ressenti par le tout-petit qui, lorsque sa mère s’absente, a peur qu’elle ne revienne pas, analyse Ginette Raimbault, psychanalyste et auteur de L’Enfant et la mort (Dunod, 1998). D’ordinaire, ce type d’angoisse s’apaise avec l’apprentissage de la solitude.

  

Très tôt la conscience de la mort donne lieu à une peur des morts inspirée, selon Freud, par la culpabilité : nos relations aux autres sont toujours teintées d’ambivalence, l’être le mieux aimé est simultanément haï. Aussi, quand une personne proche s’en va, nous nous sentons coupables – plus ou moins consciemment – des sentiments hostiles que nous lui portions. D’où les scénarios d’enfants et les dessins campant monstres et fantômes. Ceux-là mêmes que nous retrouvons dans la littérature fantastique et les films d’épouvante. Toutefois, sauf situation névrotique où la culpabilité demeure inentamable, notre psychisme sait aussi se protéger et transformer les morts en êtres bienveillants. Mais, d’une façon générale, les morts impressionnent. Les précautions oratoires adoptées pour les désigner témoignent de notre embarras. D’un défunt, on préfère dire qu’il est parti ou plongé dans le sommeil de l’éternité. Saint Paul nommait les morts "ceux qui dorment".

 

Moi aussi, je vais mourir…

C’est la mort des autres qui nous fait prendre conscience de notre mortelle condition. "Moi aussi, je vais mourir." Un constat propre à l’homme et impossible pour l’animal qui vit dans l’ignorance du sort qui l’attend. Etre un homme c’est craindre la mort et inventer des rituels pour marquer son passage. Les spécialistes de la préhistoire ne parlent d’"hominisation" qu’à partir du moment où les grands singes velus que nous tenons pour nos premiers ancêtres se sont mis à honorer leurs morts par des rites funéraires. Pourquoi ont-ils, dans la foulée, inventé les religions ? Probablement pour essayer de donner un sens à la vie et des images à la mort, univers de l’invisible et du non-représentable par excellence. Ce n’est pas un hasard si la majeure partie de la littérature philosophique s’emploie à nous aider à la penser. Pour mieux la dénier. "Il est inutile d’y songer, déclare Epicure. Tant que nous sommes là, elle n’est pas ; quand elle est là, nous ne sommes plus." Ou pour nous persuader de l’accepter avec sérénité. Grâce à la philosophie. "On peut apprendre à mourir", assure Montaigne.

  

"A 40 ans, je constate qu’autour de moi on commence à développer des cancers, observe Emmanuel, la mort a cessé d’être un “accident” pour entrer dans un certain quotidien. Surtout, j’ai peur pour mes parents : ils vieillissent et j’imagine que d’ici à quelques années, ils seront impotents… Après, forcément, ce sera la mort." Si craindre la mort de parents, de proches, malades ou vieillissant, est légitime, être obsédé par la perspective du décès de tous les êtres qui nous entourent est névrotique. Tout comme la crainte perpétuelle de certaines mères pour la vie de leurs enfants. Pour la psychanalyse, ce type de symptômes est l’effet de vœux inconscients de mort transformés dans la conscience en obsession permanente de la mort.

  

Vouloir rester en vie, pour ceux qui ont besoin de nous, est une autre préoccupation très courante. "Quand mon mari et moi partons en voyage, nous ne prenons jamais le même avion, avoue Estelle, 40 ans, mère de deux garçons de 10 et 13 ans. Pour que nos enfants ne soient pas orphelins. Statistiquement, il est impossible que deux catastrophes aériennes surviennent coup sur coup." Eviter les situations susceptibles de causer prématurément notre décès n’a rien de pathologique. En revanche, se sentir en situation de danger permanent, sans raison, est plus problématique. On ne monte jamais dans une voiture, ni dans un bateau, on est obsédé par la pensée que nos proches vont disparaître… Certains individus, par superstition névrotique, frémissent d’horreur dès qu’ils lisent ou entendent le mot "mort", signe qu’il pourrait leur arriver une chose terrible.

 

En psychanalyse, la sensation constante de mort imminente, les angoisses morbides chroniques ont généralement leur source dans des conflits psychiques non résolus. "Grâce à ma thérapie, je me suis rendue compte que ma peur venait de la relation que j’avais eue avec ma mère, confie Sylvia. Enfant, je n’avais jamais pu me fier à elle. Adulte, je n’avais pas davantage confiance en la vie : j’imaginais que rien de bon ne pouvait m’arriver."

     

Que subsistera-t-il de notre moi ?

Pourquoi meurt-on ? Que se passe-t-il après ? De la mort dans sa concrétude, on ne sait rien. Nous n’avons que des fantasmes, c’est-à-dire un savoir inventé pour se rassurer, insiste Françoise Dolto. Les religions – fantasmes collectifs, selon Freud – nous font espérer un au-delà, une survie de "l’âme" : expliquer que Dieu rappelle très tôt à lui ceux qu’il aime est une façon de mieux supporter ce scandale absolu qu’est la mort d’un enfant. Elles ont aussi insufflé l’idée que la mort est, à l’occasion, une libération, le remède le plus efficace aux blessures de la vie. Mais leur perte d’influence laisse l’Occidental d’aujourd’hui plus démuni que jamais. Il ne dispose plus des mots et des gestes qui permettaient jadis de faire face à la Grande faucheuse. D’où sa tendance à cloîtrer dans les hôpitaux, à éloigner de son regard malades et vieillards et à négliger les rites funéraires.

 

Puisque la mort ne peut être pensée qu’à partir de l’unique expérience dont nous disposons – la vie –, l’illusion est nécessaire : après le moment fatal, quelque chose de notre moi subsistera. D’où nos préférences sur la façon dont sera traité notre cadavre.

 
"Je tiens à être enterrée pour qu’on vienne me voir, qu’on se souvienne. Le nom sur la tombe continue de maintenir une sorte d’existence", explique Marie. "Je voudrais être incinérée pour que mes cendres soient dispersées, pour être libre, explique Laure. Léguer mon corps à la science ? Pas question d’être charcutée !" Cette impossibilité de réaliser que, une fois morts, notre moi cessera d’exister, est à la base d’un fantasme très répandu : la peur d’être enterré vivant. Plus que la mort abstraite, c’est le "mourir" qui nous effraie. Evoquer ce moment de passage entre vie et trépas, où l’on se dirait "je meurs", donne le vertige.Mais au-delà de cette crainte métaphysique, il existe aussi la crainte très banale de la "sale" mort, celle qui fait souffrir. La plupart d’entre nous souhaite périr dans son sommeil, sans rien savoir de ce "mourir". Mieux vaut une crise cardiaque brutale à la lente agonie qui laisse le temps de penser à l’inévitable.

 

La mort, moteur de la vie

La mort impersonnelle, abstraite, nous la refusons tous : "Chaque individu veut mourir de sa mort “à lui”", constatait Freud dans ses Essais de psychanalyse (Payot, 1989). C’est pourquoi il agit, tente de se construire son propre destin. Selon les psychanalystes, c’est l’aiguillon de la mort qui nous pousse à faire des enfants grâce auxquels nous survivrons au-delà du néant. C’est lui aussi qui incite l’artiste à créer pour immortaliser son nom. James Joyce, auteur de textes particulièrement obscurs, l’affirmait clairement : "J’écris pour donner du travail aux universitaires pour les siècles à venir." En fait, vivre éternellement serait sans doute d’un ennui sans fin. Car le désir de vivre, de créer, d’aimer se nourrit d’obstacles. Et, sans l’horizon de la mort, cette énergie intérieure s’éteindrait probablement à tout jamais. Autrement dit, nous avons psychologiquement besoin de la mort pour vivre.

 

Eros contre Thanatos

Plus nos décennies filent, plus la conscience de notre statut de mortel s’ancre dans nos esprits. "Tant que j’avais mes parents, j’y pensais rarement, assure Louisa, 59 ans. Maintenant que je suis grand-mère, je me dis qu’est venu mon tour."

 
Rédiger son testament est sans doute l’acte qui nous confronte le plus à la mort. Néanmoins, nous n’y croyons jamais concrètement. "Dans l’inconscient, chacun est persuadé de son immortalité", écrit Freud dans ses Essais de psychanalyse (Payot, 1989) : l’inconscient ignore le temps et, par conséquent, la mort. Même si nous avons vu des parents, des amis disparaître, notre inconscient nous murmure à l’oreille : "Toi, tu ne mourras pas." Le malade qui demande à être euthanasié ne croit pas davantage qu’il va mourir : il veut surtout abréger ses souffrances. Mais, à cet élan qui nous jette parfois dans les bras de la mort, il existe une autre explication. Selon Freud, en nous s’affrontent deux types de pulsions : les pulsions sexuelles, d’auto-conservation (qu’il nomme "Eros") et la pulsion de mort (qu’il appelle "Thanatos") présente en nous dès la naissance.

  

Chez l’individu normal, les deux sont associées et c’est cette union qui produit un mouvement vers la création ou la procréation. Cependant, il arrive que les péripéties de l’histoire personnelle d’un individu (mauvais traitements, abandon ou deuils précoces mal surmontés) entraînent une disjonction de ces forces. Et là, la mort mène la danse…

 

Yasmina, 25 ans : “J’ai annoncé à mon père qu’il allait mourir”

"Plus que trois mois à vivre…" Ces mots, le jeune interne des hôpitaux de Paris n’a pas su les dire à mon père, qui, à 77 ans, entrait en phase terminale d’un cancer du fumeur. Ma mère non plus : "Je n’y arriverai jamais…"  Je lui ai répondu, la gorge serrée, que papa détestait le mensonge et qu’il avait le droit de savoir… Me voici assise devant lui, au salon. Le vide s’est fait autour de nous… "Papa, ils nous ont menti, il ne te reste pas beaucoup de temps, trois mois au mieux. Tu as une tumeur dans un poumon, en plus de celle dans ta gorge, et des métastases partout… Rien à faire, c’est fini…"

 
Il répond d’abord avec ses yeux, surpris que l’émissaire désigné soit la troisième de ses enfants : moi qui, à 25 ans, continue à refuser qu’il me quitte. J’ai su lire dans son regard : il n’était pas trop inquiet pour lui-même, il était enfin parvenu à accepter l’idée de la mort. Après ce silence, il me répond : "Je le sais bien : les brûlures sont de plus en plus fortes dans ma gorge, dans mon dos… Chaque jour, c’est pire, mais moi ça va, j’ai bien vécu." C’est décidé, il mourra à la maison, ne veut pas d’infirmière et demande qu’une belle grille soit mise autour de sa tombe. Ces paroles sans réserve nous ont permis à tous de mieux vivre ce passage vers l’inconnu. Sa mort a été comme un instant de grâce : dans sa maison, entouré de ceux qu’il a aimés, il a eu droit au bonheur, même au bord du trépas. Je suis sûre que mes mots y ont été pour quelque chose.

 

Isabelle Taubes.

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14 mai 2012 1 14 /05 /mai /2012 12:38

- Deux reportages incontournables sur les injustices subies pendant ces trente dernières années -

 

DEXIA: Abus de faiblesse !

 

DEXIA a vendu des prêts toxiques aux collectivités Françaises en leur faisant croire à des taux fixes. Les villes sont ruinées et l'argent nécessaire à la collectivité sert uniquement à payer les intérêts. Tous les projets sont bloqués:

 

 

Fric, krach, et gueule de bois : le roman de la crise...

  

Cette émission spéciale nous plonge au coeur des enjeux des crises passées et sur le chemin des solutions pour l’avenir. Il était une fois la crise ... avec ses héros et ses traîtres, ses menteurs et ses clowns...

 

 

Mais comment en est-on arrivé là ?

Pourquoi, en quelques mois, le capitalisme a-t-il failli ?
Comment quelques banquiers ont-ils mis le monde sans dessus dessous ?

Pourrons-nous échapper à la prochaine crise ? Sommes-nous dans une impasse ?

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12 mai 2012 6 12 /05 /mai /2012 14:30

 - Quand les clochards deviennent des Dieux ! - 

 

 "Ce film est une pure alchimie entre l'orchestre, le maestro et la soliste. Le mariage de l'anima et de l'animus atteint un tel degré de perfection qu'il est quasi impossible de ne pas libérer ses émotions. Jamais auparavant la grâce et la beauté n'avait été exprimée avec tant d'exactitude... Un chef-d'oeuvre qui fait d'une bande de marginaux slave, des amoureux de l'art et de la splendeur de l'âme !"

  

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Le Théâtre du Châtelet, lieu du concert.

  

A l'époque de Brejnev, Andrei Filipov était le plus grand chef d'orchestre d'Union soviétique et dirigeait le célèbre Orchestre du Bolchoï. Mais après avoir refusé de se séparer de ses musiciens juifs, dont son meilleur ami Sacha, il a été licencié en pleine gloire. Trente ans plus tard, il travaille toujours au Bolchoï mais... comme homme de ménage.

   
Un soir, alors qu'Andrei est resté très tard pour astiquer le bureau du maître des lieux, il tombe sur un fax adressé au directeur : il s'agit d'une invitation du Théâtre du Châtelet conviant l'orchestre du Bolchoï à venir jouer à Paris... Soudain, Andrei a une idée de folie : pourquoi ne pas réunir ses anciens copains musiciens, qui vivent aujourd'hui de petits boulots, et les emmener à Paris, en les faisant passer pour le Bolchoï ? Entre autres exigences de ce faux Bolchoï, la participation de la soliste Anne-Marie Jacquet. L'occasion tant attendue d'achever le concerto, et de renouer les fils du passé...

 

1- Version courte du concert en français:

 

 

2- Version longue avec ovation et scène émotionnelle:

 

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11 mai 2012 5 11 /05 /mai /2012 15:25

9782266169516Une vision «systémique» du processus créatif

 

La créativité - Psychologie de la découverte et de l’invention de Mihaly Csikszentmihalyi est l’aboutissement d’une trentaine d’années de recherche sur la vie et les façons de travailler des créateurs. Dans cet ouvrage, Mihaly Csikszentmihalyi présente le processus qui permet de trouver des idées nouvelles, le processus créatif. Pour élaborer sa conception du processus de créativité, Csikszentmihalyi se base sur la façon de vivre et de travailler d’artistes, d’écrivains, d’acteurs, de chercheurs, de scientifiques, chefs d’entreprise et politiciens d’expérience qui ont vécu de leur découverte ou de leur création tout au long de leur vie. Csikszentmihalyi tire des leçons de ces témoignages de créateurs contemporains et souligne l’importance des connaissances déjà acquises dans un domaine, de l‘influence de l’environnement intellectuel et social, de la reconnaissance par les experts comme éléments déterminants du développement de leur créativité. Selon Mihaly Csykzenmihalyi, une idée ou une invention «créative» n’est pas le résultat d’un esprit unique mais bien «la synergie de différentes sources».

 

Théories de la créativité illustrées par les témoignages de créateurs extraordinaires

 

Dans La créativité - Psychologie de la découverte et de l’invention Mihaly Csikszentmihalyi se base de manière plus spécifique sur une étude réalisée entre 1990 et 1995 avec ses étudiants en psychologie de l'université de Chicago. Cette étude menée auprès de 91 individus reconnus très créatifs dans leur domaine respectif, sont pour la plupart au-dessus de la soixantaine et la majorité encore vivants. Les questions abordées lors des entretiens relatifs à l'étude concernaient la carrière et les priorités; les relations; les habitudes et méthodes de travail; les modes de pensée et l'évolution de ces personnes créatives. Les précieux témoignages de ces créateurs extraordinaires s'exerçant dans des domaines différents sont utilisés par Csikszentmihalyii pour illustrer et mieux faire comprendre ses théories sur la créativité.

 

Histoires de vie de grands créateurs

 

Mihaly Csikszentmihalyi s'intéresse particulièrement dans cet ouvrage, à la vie des grands créateurs, au contexte de leur travail et à leur découverte pour en faire une source d'inspiration. Selon Csikszentmihalyi, les produits de leur créativité viennent enrichir la culture et la qualité de vie de tous.

 

Mihaly présente en première partie du livre, le processus créatif et les multiples aspects du concept de créativité qui est pour lui un phénomène systémique. Mihaly souligne le fait que la créativité «dépend de la conjonction entre un domaine, un milieu et une personnne. Il aborde les caractéristiques de la personnalité créative à qui il reconnaît un trait principal, celui de la «complexité». Il reprend la notion du «flux» ou «flow» expliquée dans ces ouvrages précédents et termine avec les aspects liés au travail et à l'environnement créatif.

 

Csykzenmihalyi nous convie en deuxième partie, à approfondir la vie de ces individus créatifs. Son intention est de fournir des exemples «sur la manière de développer le potentiel humain». Pour n'en nommer que quelques uns, Michael Snow, le peintre, le musicien de jazz et réalisateur de film; Ravi Shankar, joueur de Sitar et compositeur; John W. Gardner, psychologue, écrivain et professeur font partie de cette liste impressionnante. Mihaly souligne qu'un des objectifs du livre vise d'ailleurs à expliquer comment et pourquoi «Les individus créatifs apprécient la joie du travail bien fait», aiment apprendre et considèrent que «c’est là leur plus grande récompense.»

 

En troisième partie du livre, Csykzenmihalyi examine le processus de création dans différents domaines tels le domaine littéraire, les sciences de la vie, de l'environnement, de la culture et de la créativité personnelle. Mihaly présente des exemples de créateurs exceptionnels qui en combinant leurs connaissances et leurs expériences dans différents domaines ont innové. Il veut «persuader de ne pas laisser prévaloir l'hyperspécialisation: mauvaise pour l'âme, elle réduit également la probabilité d'un enrichissement de la culture par l'apport d'innovations.» Pour augmenter la créativité, la solution est d'introduire la joie de découvrir et de créer. «S'il était possible de transmettre aux jeunes générations la joie de créer exprimée par nos interviewés, la créativité se mettrait immédiatement à fleurir, c'est certain.» On trouve églement dans cette partie du livre des suggestions pour développer la créativité personnelle, procurer un bien-être quotidien et améliorer la vie en général.

 

Vivre une vie pleinement créative

 

Bien que La créativité. Psychologie de la découverte et de l’invention tourne davantage autour de la Créativité avec un grand C, Mihaly Csykzenmihalyi propose dans les derniers chapitres de ce livre des manières de préserver notre énergie psychique et vivre une vie pleinement créative.Voici quelques exemples de gestes simples à poser pour nourrir votre curiosité et éveiller votre créativité au quotidien:

  • Laissez-vous surprendre chaque jour par quelque chose;

  • Essayez de surprendre une personne;

  • Notez vos expériences pour découvrir vos intérêts;

  • Approfondissez vos intérêts principaux pour éveiller votre énergie créative;

  • Améliorez la qualité de vos tâches quotidiennes;

  • Transformez toute activité en «expérience optimale» et satisfaisante;

  • Préservez du temps pour réfléchir et vous détendre;

  • Organisez votre espace;

  • Faites davantage de choses que vous aimez.

Mihaly suggère d’apprendre à aménager son horaire pour faire les choses au bon moment et d’organiser l’espace de travail pour libérer l’énergie créative. «La seule manière de demeurer créatif consiste à éliminer les facteurs d’usures grâce à des techniques d’organisation du temps, de l’espace et de l’activité qui favorisent le «flux» et rendent chaque expérience quotidienne satisfaisante sinon créative.» Il nous encourage à développer des habitudes de discipline, de prendre le temps de réfléchir, de se connaître et de s’entourer d’objets stimulants. «En appliquant votre créativité au domaine du quotidien, vous ne transformerez peut-être pas le regard que les générations futures porteront sur le monde, mais vous modifierez la façon dont vous-même le vivez.» Il termine d'ailleurs l’ouvrage par cette question [….ce qui compte le plus, est-ce de voir son nom associé à une grande découverte ou d’avoir pleinement vécu une vie créative?].

 

"Donner un sens et de la beauté au chaos de l’existence"

 

Csykzenmihalyi reconnaît chez les individus créatifs les caractéristiques suivantes «…l’ardente curiosité, l’émerveillement devant un mystère sur le point d’être révélé, le ravissement de trouver une solution qui révèle un ordre insoupçonné.» Il nous encourage à voir ce que les individus créateurs ont de plus important à offrir «Donner un sens et de la beauté au chaos de l’existence». Mihaly Csikszentmihalyi reconnu comme «l’une des figures de proue du courant de la psychologie positive», nous encourage à nous nourrir de l’histoire et des «parcours riches et épanouissants des individus extraordinaires pour améliorer nos vies». Mihaly tire des exemples auprès de grands créateurs d’aujourd’hui pour illustrer l’«expérience optimale» qu’est l’expérience de créer. De fait, les témoignages apportés que ce soit dans le domaine des arts et sciences humaines, des sciences, dans le milieu des affaires et dans la sphère politique permettent d’explorer le vaste territoire de la créativité dans ce qu’il y a de plus humain et à la fois de plus universel. De plus, ces témoignages nous mettent devant de nouvelles perpectives pour mieux voir et interpréter le monde. C’est un excellent livre de référence pour les étudiants en psychologie de la créativité. C'est aussi un ouvrage à recommander à toute personne passionnée par la création et l’innovation, la psychologie et le développement personnel, le processus créateur et l’expérience du «flow», «flux», l'«expérience optimale» ou le plaisir de créer.

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11 mai 2012 5 11 /05 /mai /2012 10:59

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L’état d’esprit modifie la perception du temps.

 

Vous n’avez jamais remarqué comment vous attendez quelque chose, comme Noël, plus longtemps qu’il n’arrive, alors que les examens que vous craignez tant arrivent toujours trop rapidement ? Ceci vient de ce que notre perception du temps qui passe dépend de votre état d’esprit, affirme une étude de psychologues qui ont étudié la science derrière le fait d’être rivé sur l’horloge.

  

Des chercheurs de l’École d’Économie de Paris ont trouvé que différents types d’anticipation pour un événement donné, affectaient la durée que les gens éprouvaient avant l’arrivée d’un événement, ce qui est techniquement appelé sa "durée anticipée".

 

Le sentiment que vous "ne pouvez pas attendre quelque chose" le rend plus long à venir. D’un autre côté, la crainte d’une obligation fait paraître le temps comme plus rapide. Les scientifiques ont découvert qu’attendre un événement créé une impatience qui signifie que vous pensez beaucoup à l’événement et cela semble "étendre le temps", cela semble une éternité.

 

D’un autre côté, le fait de redouter un événement créé de l’anxiété, et cela signifie que vous le sortez de votre tête et cela a un effet de "contraction" sur le temps. Les chercheurs déclarent que le temps n’est pas absolu, mais peut avoir une certaine "élasticité" qui dépendra du type d’émotions qu’on éprouve. "Quand une personne anticipe un événement qui produit une émotion positive, disons passer les prochaines vacances sur une plage ensoleillée aux Maldives, elle pourrait vivre de l’impatience et pourrait ressentir que ces vacances tant attendues n’arriveront jamais" explique les auteurs dirigés par Pierre-Yves Geoffard.

 

"La durée anticipée s’allonge. D’un autre côté, si la même personne doit faire face à un événement négatif, comme un examen difficile, elle pourrait ressentir de l’anxiété, et le temps semblera comme filant jusqu’à cet événement. D’où la sensation d’un temps se contractant."

 

L’étude, publiée dans le journal Philosophical Transactions of the Royal Society, a présenté un ensemble d’autres études. Comme, par exemple, celle sur des volontaires auxquels on a demandé de donner la vitesse du temps passé avant de recevoir un baiser d’une star de cinéma, ou quand ils recevaient un choc électrique... "imaginez les résultats !".

 

Enfants, seniors, schizophrènes, dépressifs, autistes… chacun perçoit le temps à sa façon.

    

C'est un objet d'étude assez insaisis­sable - la perception du temps - qui a réuni pendant tout un colloque psychiatres, psychologues, psychanalystes, philosophes et experts en biologie moléculaire à l'université de Rennes. Enfants, seniors, dépressifs, schizophrènes, autistes: chacun a sa perception du temps qui passe. C'est grâce à une horloge interne et à un mécanisme de comptage évolué que notre cerveau semble capable d'estimer la durée d'un moment passé et, parfois, de se tromper.

  

Une chose est sûre: le temps ne passe pas à la même vitesse pour tout le monde. Les rythmes biologiques pourraient peut-être expliquer certaines variations de la perception du temps en fonction de l'âge: «Les personnes âgées ayant une fréquence cardiaque ralentie auront l'impression que ce qui les entoure va très vite, alors que les enfants (qui ont une fréquence cardiaque accélérée) ont l'impression que tout va trop lentement », détaille le Pr Sylvie Tordjman, responsable du pôle hospitalo-universitaire de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent de Rennes.

  

Le Dr Dina Joubrel, psychiatre et coordonnatrice de la cellule d'urgences médico-psychologique de la région Bretagne, insiste sur la subjectivité de la perception du temps selon les situations: «En cas de traumatisme, le temps est comme figé. Il reste tel quel, il devient intemporel, il n'évolue plus. Le temps du mélancolique, lui, est éternel, il ne finira jamais, et il y a un risque de passage à l'acte (le suicide, NDLR) pour l'arrêter. Au contraire, le temps de l'angoisse se resserre, devient trop court, c'est un temps de l'immédiateté.»

 

Effet accélérateur des émotions

  

Ainsi, dans la schizophrénie, une maladie marquée par des pensées délirantes, la perception du temps se trouve-t-elle aussi modifiée. «Ce qui est étrange, soulève le Dr Olivier Bonnot, pédopsychiatre (Pitié-Salpêtrière, Paris), c'est que le temps devient ramassé - comme si tous les événements s'étaient agglomérés - seulement lorsque les premiers symptômes de la maladie se manifestent, souvent entre 15 et 25 ans. Nos recherches plaident plutôt pour un mécanisme dû aux problèmes cognitifs (mémoire, attention). »

  

Les émotions pourraient aussi accélérer le débit du générateur d'impulsion de notre horloge interne, d'où une sensation que le temps passe plus vite. L'attention peut également avoir un effet modulateur: «L'attention portée à un événement est corrélée à la perception subjective de sa durée», explique le Pr Tordjman.Il est plus difficile de comprendre pourquoi le temps semble aller au ralenti lorsque l'on attend quelque chose.

  

Dans une étude sur 50 enfants autistes, Sylvie Tordjman a ainsi pu mettre en évidence chez près des deux tiers d'entre eux la disparition des fluctuations normales du cortisol, hormone de l'éveil qui monte en principe progressivement avec un pic de sécrétion vers 8 heures: «Ne pas être confronté à des fluctuations biologiques majeures pourrait entraîner des difficultés à s'adapter au changement et jouer un rôle dans l'intolérance au changement observée chez les enfants autistes. Les enfants avec autisme auraient besoin de créer des discontinuités stéréotypées comportementales et/ou idéiques (par exemple, balancement du corps), car des discontinuités répétées à intervalles réguliers leur auraient manqué dans leur développement physiologique, du fait, par exemple, du trouble des rythmes biologiques.»

 

Recréer une harmonie

 

On peut avec saint Augustin relever que le temps passé n'existe plus et que le temps futur n'existe pas encore, nous condamnant au présent, mais la perception du temps est plus délicate encore puisqu'il faut un intervalle entre deux événements pour estimer à quelle vitesse il est passé. «Imaginons que je sois au pub avec des amis. À un moment, je regarde l'heure et je suis surpris de voir qu'il est 3 heures du matin. Je me dis que le temps est passé vite. Du moins, je fais cette déduction, car je ne m'en suis pas rendu compte sur le coup », explique le Pr John Wearden (université de Keele, Angle­terre), un psychologue dont les travaux ont transformé la notion de perception du temps chez l'homme à la fin des années 1980. Pour éclairer la perception humaine du temps, Wearden a modifié un modèle de mesure des performances en temps limité (Scalar Expectancy Theory [SET]) proposé chez l'animal: « Tout se passe comme si nous avions dans le cerveau un générateur d'impulsions. Ces impulsions sont stockées dans un accumulateur, et c'est là que se trouve la représentation brute du temps. Lorsqu'il est peu rempli, on dit que le temps est passé lentement », précise-t-il.

 

Recréer une harmonie entre le temps biologique, le temps mesuré, le temps vécu serait donc un gage de bonne santé ou de bien-être. « Notre organisme comporte de nombreuses horloges biologiques, remarque le Pr Yvan Touitou, vice-président de la Société internationale de chronobiologie. Je ne sais pas où est le chef d'orchestre, mais je ne peux pas imaginer qu'elles ne soient pas coordonnées entre elles.»

  

Sources: http://www.insoliscience.fr et http://www.lefigaro.fr/

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 22:01

 Est-on désormais en droit d'espérer la fin de la culture du cynisme, de l'élitisme et de la division des populations... au profit du civisme, de l'humanisme et de la cohésion sociale ? Valeurs démocratiques et psychologiques qu'il serait judicieux de consigner dans les programmes scolaires afin d'apprendre à mieux " vivre ensemble ".

        

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   L'auteure Véronique Truchot jette un éclairage sur la mission de l’école dans son rôle de formatrice de citoyens responsables, capables de discernement, ayant l’esprit critique et habilités à faire des choix fondés sur des valeurs démocratiques. L’auteure s’emploie également à cerner des obstacles auxquels se heurte une éducation à la citoyenneté et à la démocratie participative et pluraliste. L’analyse de ces obstacles devrait aider à dégager des pistes possibles d’action pour que l’établissement scolaire participe de fait à l’émergence "d’une société plus juste"...   
  

"Mot fatigué, mais idée neuve qui relève plus de l’utopie que de la réalité, la démocratie reste à construire."

   

L’idée est généreuse, mais son actualisation suppose que les membres de la société consentent à participer aux débats du temps et reconnaissent le droit pour chacun d’élaborer son propre jugement et de manifester intelligence et sens critique. L’éducation étant la pierre angulaire de cette patiente construction, on comprend dès lors les défis posés à l’école face aux enjeux que représente la participation dans le processus démocratique.

 

Un état de la situation

 

D’entrée de jeu, il importe de rappeler que la démocratisation de l’enseignement s’est en quelque sorte confondue avec ce qu’il est convenu d’appeler la massification. En Occident du Nord, la presque totalité des enfants sont scolarisés. Mais l’accès de tous à l’école suffit-il à garantir la démocratie ? La réponse est non, si " cette démocratisation quantitative de l’enseignement s’accompagne d’un accroissement important de la ségrégation interne ".

  

On doit ainsi distinguer l’accès à la scolarisation de l’égalité des chances. A cet égard, on constate que les inégalités sociales se reflètent dans les parcours scolaires : les élèves d’origine populaire se voient relégués dans des filières dont on sait qu’elles ne sont pas un gage d’ascension sociale. Il suffit d’observer le taux de réussite aux examens en fin de secondaire, dans les pays dont on vante la démocratie, pour comprendre qu’aller à l’école est une chose et réussir sa scolarité en est une autre. L’école serait-elle un moteur d’exclusion ? La question est complexe et appelle à une réflexion sur sa mission.

 

La mission de l’école

 

La démocratie renvoie à la possibilité pour chacun d’assumer ses responsabilités. Le citoyen doit être en mesure de faire des choix éclairés dans l’intérêt de l’ensemble de la communauté. Un tel projet impose que l’école occupe une place centrale dans le processus de formation du futur citoyen. Le souhait de voir celle-ci contribuer à l’avènement d’une société démocratique (juste, libre, responsable) ne doit pas en rester au stade de l’intention généreuse : il doit se transformer en une volonté clairement exprimée pour avoir des chances de s’actualiser. Dans cet esprit, la reconfiguration de la mission de l’école doit figurer à l’ordre du jour.

 

Éduquer aux droits de l’homme

  

Même si elle est loin d’être effective, la garantie des droits fondamentaux pour tous doit servir de repères et guider nos choix. Outils tangibles, les instruments internationaux sont le point d’ancrage d’une éducation aux valeurs démocratiques. On aborde ici un terrain ordinairement peu familier aux enseignants, soit celui du droit international des droits de l’homme. Aussi rébarbatif que puisse paraître le "monde des lois", sa connaissance et la maîtrise des termes et des concepts juridiques de base n’en sont pas moins incontournables : " pas de démocratie sans loi ". Dans cette perspective, l’éducation aux droits de l’homme devrait faire partie intégrante de la mission de l’école. Cette préoccupation n’est pas nouvelle. Elle a amené Jean Piaget, en 1967, à soutenir, notamment, la création de l’Association mondiale pour l’école instrument de paix (ÉIP) dont l’une des innovations pédagogiques a consisté à rendre le texte de la Déclaration universelle des droits de l’homme accessible à tous et à toutes, dans le but d’encourager le développement de l’éducation aux droits de l’homme dans les écoles. Par ailleurs, on retrouve, dans plusieurs textes internationaux, ce souci de promouvoir en priorité une telle éducation. En témoignent les orientations de bon nombre d’organisations internationales dont l’Unesco, le BIE et le Conseil de l’Europe, notamment.

 

Instruire

 

Force est de constater que la mission d’instruire impartie à l’école s’est élargie, ces dernières décennies, aux domaines du social et du psychologique. L’idée fort répandue selon laquelle l’école doit viser le développement intégral de l’enfant témoigne de ce tournant qui n’a cependant pas suffit à former des citoyens, au sens où nous l’entendons. Dans plusieurs cas, cet élargissement s’est produit au détriment du développement intellectuel qui demeure, malgré tout, la finalité première de l’école. De telles dérives sont dangereuses si l’on considère que la démocratie repose sur des connaissances et des habiletés sans lesquelles il est impossible de comprendre le monde.

 

Socialiser

 

Si, d’autre part, on convient que l’école doit servir de levier à l’émergence d’une société démocratique, il devient clair qu’à la mission d’instruire vient tout naturellement s’ajouter celle de socialiser. La socialisation, c’est apprendre à vivre bien ensemble, dans le respect des règles sociales communes et dans le souci de promouvoir les valeurs de justice, de liberté et de responsabilité. Socialiser, c’est ainsi préparer les élèves à exercer leurs futurs rôles sociaux. Cet exercice passe par une pratique de la participation dans cette micro-société qu’est l’école, laquelle devient un milieu de vie stimulant qui incite à la prise d’initiative où chacun peut développer sa créativité et cultiver son esprit critique.

 

Dans nos sociétés pluralistes, la socialisation invite à parler également d’éducation interculturelle. Au sens où nous l’entendons, une telle éducation vise à développer des attitudes et des comportements respectueux de la différence, dans un esprit d’ouverture et de partage. A une époque où l’on observe partout dans le monde une montée du racisme, de la xénophobie et de l’intolérance, il est plus que jamais urgent de former des esprits capables de comprendre que la diversité apporte la richesse du métissage.

 

Obstacles à une éducation au service de la démocratie

 

S’il est relativement simple de faire consensus sur l’importance de l’école dans la construction de la démocratie, la question du "comment la construire" soulève des débats qui renvoient aux valeurs fondamentales de la démocratie. Un sujet sensible puisqu’il va au cœur même de ce qui anime chacun d’entre nous, que nous en soyons conscients ou pas. Nous ne reviendrons pas sur les controverses qui entourent la question de l’universalité des valeurs et admettrons que certaines d’entre elles sont incontournables quand on parle d’une démocratie participative et pluraliste : justice, liberté et solidarité. Chacune de ces valeurs renvoie à d’autres qui les prolongent en retour ; ainsi, la justice suppose l’équité, la liberté implique la responsabilité et la solidarité entraîne l’engagement. Une fois proclamées, ces valeurs devraient présider aux choix des moyens à mettre en œuvre pour rendre effective la démocratie dans une société plurielle.

 

L’école, lieu de conflits de valeurs

 

C’est sur les valeurs que se fondent les politiques éducatives d’une société. Si celle-ci est démocratique, la justice, la liberté et la solidarité devraient alors présider aux orientations du système éducatif. Qu’en est-il dans les faits ? Quelles valeurs l’école véhicule-t-elle auprès des futurs citoyens ? Est-il besoin de répéter que les sociétés en mutation d’aujourd’hui sont guidées, à l’échelle mondiale, par des intérêts économiques ?

L’économie de marché et la compétition sont devenues les maîtres-mots. Comment, dès lors, s’étonner que l’école soit devenue une machine à produire de la main-d’œuvre compétitive et que l’élève soit devenu l’otage de cette logique ? Prise entre l’idéologie dominante et les valeurs démocratiques, l’école semble pour l’heure nager entre deux eaux. Cette position ambivalente est génératrice de tensions et de perte de repères.

 

Les dérives de l’autorité

 

L’usage de l’autorité prête souvent à confusion. Elle peut être entendue, comme le suggère le Petit Robert, " comme une supériorité de mérite ou de séduction qui impose l’obéissance sans contrainte, le respect, la confiance ". Vue sous cet angle, l’autorité de tout éducateur devrait reposer sur son aptitude à guider les élèves pour qu’ils soient en mesure d’exercer leur liberté dans un souci de justice : une autorité autorisée par autrui. Prise dans ce sens, " l’autorité implique une obéissance dans laquelle les hommes gardent leur liberté.

 

Nous ne reviendrons pas ici sur les nombreux débats qui ont entouré la question de la directivité et de la non-directivité depuis les années. La controverse a eu le mérite d’inciter les tenants de l’autorité (enseignants, dirigeants) à réfléchir sur l’utilisation qu’ils en font. Ceux-ci sont-ils prêts à " modérer le poids de leur pouvoir et de leur autorité en vue d’étendre autour d’eux le développement des responsabilités et donc des personnalités ? ". Il est permis d’en douter si l’on en juge par des travaux qui traitent de la question.

  

L’on doit reconnaître que la relation maître-élève induit dans son essence même une inégalité de statut ; mais l’élève demeure en tout temps l’égal de l’enseignant en matière de droits fondamentaux. Si les comportements directifs vont de pair avec l’institution, il ne faut pas perdre de vue que l’école doit former des êtres libres, responsables et soucieux de la justice. Dès lors, l’on attend de l’établissement scolaire qu’il soit un lieu d’apprentissage de la liberté, et donc de la responsabilité. Or, si l’on se réfère aux recherches qui portent sur la fonction reproductrice de l’école, nous sommes portés à croire que " l’ordre social repose sur le pouvoir de contrôle de groupes dominants qui utilisent l’école pour reproduire leur position de domination, conformément à leur intérêt particulier ", plutôt que comme vecteur d’émancipation. L’autorité, qui devrait être un véhicule des valeurs démocratiques, se trouve ainsi dénaturée, faisant dire à Mendel qu’elle n’est jamais que " le masque mystifiant de la violence ".

 

La place de la parole

 

La formation des citoyennes et des citoyens actifs et responsables, conscients d’appartenir à la "communauté humaine" est un long processus au cours duquel interviennent plusieurs éléments. Le premier concerne la place et le pouvoir accordés à la parole des élèves. Cette parole, les élèves doivent pouvoir l’utiliser entre eux en vue d’élaborer une réflexion collective. Pour que cette démarche exigeante devienne objet d’apprentissage, elle doit revêtir un sens pour eux. Bien qu’inscrite dans un article de la Convention relative aux droits de l’enfant, la prise en considération de la parole de l’élève est loin d’être effective. Dans quasiment toutes les écoles, l’espace et le temps sont encadrés, gérés, administrés par les seules instances décisionnelles que sont l’administration et la direction de l’école ; les journaux étudiants - quand il y en a - sont surveillés de près, voire censurés ; l’affichage est réglementé, etc. L’analyse que fait Marc Gourlé, dans ce numéro de Thématique, des règlements scolaires, nous montre combien nous sommes encore loin d’une véritable éducation à la démocratie, y compris dans les pays qui prévoient des "dispositifs" pour que les élèves participent aux décisions.

 

Dans la majorité des établissements, nous dit C.R. Escoubés, l’application relève de la parodie : ® Les élections sont bâclées et les délégués sont considérés comme quantité négligeable. Ils ne peuvent pas s’exprimer, ou bien leur parole est tournée en dérision, ou encore, plus perfidement, on les encourage à la délation envers les " brebis galeuses " de la classe. La procédure qui permet aux délégués de participer aux conseils de classe consacre " l’absence d’acte-pouvoir collectif des élèves dans l’établissement " en n’octroyant à ceux-ci qu’une forme caricaturale de représentation délégative. Cette manipulation fait reposer l’autorité sur des faux-semblants, voire sur la force. Cette absence instituée de pouvoir des élèves, les amène à mettre en doute les valeurs et le bien-fondé des comportements des adultes de l’école et de ce fait, leur autorité. Et la violence, comme moyen de se faire respecter, trouve dans ce modèle de l’autorité, sinon une légitimité, du moins une justification.

 

L’absence de pouvoir de la société civile

 

Tant que la structure existante du pouvoir n’est pas menacée, l’école ouvre volontiers ses portes. Mais, à l’instar des élèves, les membres de la société civile - notamment les parents - ne voient pas, la plupart du temps, leur parole prise en considération. Là encore, la structure du pouvoir impose ses limites à la démocratie. Malgré l’accent mis ces dernière années sur l’importance du partenariat dans l’élaboration du projet éducatif des écoles, les structures de participation des parents, comme celles prévues pour les élèves, sont le plus souvent des simulacres de démocratie. Consultés pour la forme sur des décisions déjà prises, les parents éprouvent un sentiment d’impuissance vis-à-vis de l’école et, découragés, ils s’en remettent aux mains de quelques représentants- alibis élus pour la forme.

 

On doit cependant reconnaître qu’à certains endroits, la législation scolaire prévoit la mise en place de structures de participation. Il est donc permis d’espérer qu’avec le temps et la détermination, le fonctionnement autoritaire - et dans bien des cas autoritariste - des établissements scolaires, sera progressivement remplacé par une gestion de type coopératif. Le défi est de taille quand on sait qu’aucun changement n’est possible sans une transformation du système de pouvoir et que les obstacles que nous avons soulignés sont alimentés par l’attrait qu’exerce celui-ci à des fins personnelles. Cette volonté des dirigeants de l’école de le conserver rend périlleuse et, dans certains cas, impossible, toute participation réelle des membres de la société civile.

 

Affirmons que la démocratie doit se constituer " en système de pouvoir fondé sur l’illégitimité de tout fondement autoritaire ". Issue d’une longue tradition, la dynamique autoritaire de l’institution scolaire semble incompatible avec cette affirmation. C’est là le paradoxe d’une démocratie qui "vise à créer un type de citoyen dont la gestation est subordonnée à l’existence préalable de celui-ci ".


Voies possibles d’action:

La pédagogie coopérative


Même si la parole des élèves n’est que rarement prise en compte dans les décisions qui touchent la vie de l’école, on doit cependant admettre que, depuis les années ’60, des efforts ont progressivement été consentis afin de valoriser les démarches éducatives qui font appel à une plus grande implication des élèves. Ces orientations ont permis à des enseignants d’expérimenter des approches coopératives - souvent inspirées de la pédagogie de Célestin Freinet - et qui mettent de l’avant le travail en équipe et l’entraide. Ainsi, des conseils d’élèves sont mis en place pour favoriser les échanges autour de problèmes rencontrés, inciter à la résolution pacifique des conflits et participer aux décisions ayant trait aux règles de vie dans la classe. La prise en compte de la parole des élèves, la fréquence des réunions et le fonctionnement des conseils varient toutefois d’une classe à l’autre en fonction de l’enseignant ou de l’enseignante qui reste, néanmoins, dépositaire du pouvoir.

 

Quand l’enseignant ou l’enseignante réussit à instaurer dans la classe un climat de confiance et de respect et que tous les élèves peuvent participer aux décisions, ces pratiques pédagogiques sont propres à favoriser l’autonomie des élèves, de même qu’à développer chez eux un sentiment d’appartenance au groupe-classe. Le fait de pouvoir s’exprimer et d’être écouté dans une communauté à laquelle on appartient constituent des conditions fondamentales à l’exercice de la citoyenneté et l’on peut se réjouir de voir ces approches pédagogiques privilégiées par bon nombre d’enseignants. On doit cependant rester vigilant et éviter de reléguer les connaissances au second plan, car l’école a à former des personnes capables de comprendre les enjeux sociaux et d’impulser les changements nécessaires dans l’intérêt de la communauté humaine.

  

La formation des enseignants

  

Une attention particulière doit être accordée aux connaissances, dont on sait qu’elles ne cessent de se multiplier et de se complexifier. Dans ce contexte, l’enseignant est appelé à maîtriser des approches interdisciplinaires relatives aux enjeux mondiaux et à disposer de méthodes qui permettent de comprendre et d’analyser la complexité du savoir, notamment, en regard des droits de l’homme. Il convient également que les enseignants soient familiarisés à des approches pédagogiques propres à éduquer à la démocratie. Cela suppose que celles-ci soient cohérentes avec les valeurs promues et qu’elles suscitent chez les enseignants le désir d’innover en matière de pédagogie, sans tomber dans le piège du "pédagogisme", qui consisterait à vider de tout contenu les méthodes dites actives. Les approches de type coopératif telles la pédagogie de la conscientisation issue de l’éducation populaire, la pédagogie institutionnelle et la pédagogie du projet, pour ne citer que celles-ci, proposent des pistes prometteuses.

 

Le phénomène des communications et le traitement de l’information devraient également être pris en compte dans la formation des enseignants. L’évolution des technologies a bouleversé nos repères et les médias de masse occupent désormais une place de choix dans la vie quotidienne. D’aucuns voient dans ces nouvelles technologies l’émergence d’une culture mondiale. La prolifération des sources d’information appelle, par ailleurs, à beaucoup de vigilance. Le danger est grand de voir se profiler une pensée unique faisant office de pseudo-culture mondiale. Dans cette optique, " l’éducation aux médias devrait faire l’objet d’une attention particulière " et la formation de l’esprit critique une préoccupation constante. Dans les sociétés en redéfinition permanente, la formation des enseignants devrait se poursuivre tout au long de la carrière. Mais cette démarche ne peut venir que de la personne elle-même. Il faut compter sur l’engagement de chacun.

 

L’engagement des acteurs

 

Il est aujourd’hui reconnu que la collaboration des différents partenaires éducatifs influe significativement sur les chances de réussite scolaire et sociale des enfants. Cette collaboration représente l’élément essentiel de toute démarche de prévention et de lutte contre l’exclusion dans la mesure où elle est proactive et concertée. Si les exemples de collaboration entre l’école et la communauté sont encore trop peu nombreux, ils ont par ailleurs déjà fait la preuve que l’implication de la société civile dans la vie scolaire était un moyen privilégié pour amener les individus à se solidariser et à contribuer activement à la vie démocratique. Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres et, dans bien des cas, les relations entre la société civile et l’école tiennent de l’artifice. Ce constat souvent, hélas, facile à faire ne doit pas conduire au découragement, mais plutôt inviter à la patience et à la détermination. L’expérience enseigne que la persévérance porte ses fruits et que si ces derniers peuvent sembler des petites choses, ils marquent des pas en avant incontestables. Les analyses de la mécanique du pouvoir révèlent combien sont importants les détails : ® techniques minutieuses toujours, souvent infimes, mais qui ont leur importance puisqu’elles définissent un certain mode d’investissement politique du corps, une nouvelle "microphysique" du pouvoir ".

 

Prospectives

 

C’est sur fond de crise et d’urgence que se développe aujourd’hui une volonté de plus en plus affirmée de faire de l’école un instrument de la démocratie. Au cœur d’un conflit entre les valeurs fondatrices de la démocratie et celles que préconise l’économie de marché, l’école a perdu ses repères. Par ailleurs, l’appel à la démocratie scolaire se heurte à une forte résistance chez ceux qui ne sont pas prêts à partager le pouvoir que leur confère leur position sociale. Ayant perdu toute légitimité, l’autorité se fait autoritaire, interdisant du même coup aux élèves l’apprentissage de la liberté et de la responsabilité.

 

On peut toutefois se réjouir de l’existence d’instruments internationaux tels que la Convention relative aux droits de l’enfant dont on peut s’inspirer pour promouvoir l’éducation à la démocratie dans les écoles. De même, il peut être utile de s’inspirer d’autres textes internationaux qui, bien que n’ayant pas de caractère contraignant, peuvent être des outils de référence pour éduquer à la démocratie et aux droits de l’homme dans une société multiculturelle.

 

A partir de méthodes et de contenus interdisciplinaires axés sur des problèmes concrets tels que la non application des droits de l’homme, l’école sera en mesure d’apporter aux élèves les connaissances qui lui permettront de comprendre les problèmes majeurs de l’humanité, de développer leur esprit critique : " La compréhension et l’expérience vécue des droits de l’homme sont, pour les jeunes, un élément important de la préparation à la vie dans une société démocratique et pluraliste. C’est une partie de l’éducation sociale et politique, qui englobe la compréhension interculturelle et internationale. ".

  

Les obstacles sont nombreux et on peut se demander comment défendre une démocratie pour laquelle l’école n’a préparé aucun démocrate ? Peut-être en commençant par mettre de l’avant " Les véritables intérêts des peuples et l’incompatibilité de ces intérêts avec ceux des groupes qui monopolisent le pouvoir économique et politique, pratiquent l’exploitation et fomentent la guerre". Il n’existe pas de solution toute faite, mais une réponse en devenir à laquelle chacun doit pouvoir participer ; une construction lente et patiente, faisant appel à la réflexion et à l’esprit critique.

 

Par Véronique Truchot dans http://www.educacionenvalores.org/
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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 12:11

"L'association Ars Industrialis: au service de l'humain, de son potentiel et de sa dignité de penser."

Interview de Bernard Stiegler sur France Inter dans le cadre de l'émission Parenthèse :

france inter-Cliquez sur le logo France Inter-

 

Premier motif de sa création

 

L’association Ars Industrialis a été créée le 18 juin 2005 à l’initiative du philosophe Bernard Stiegler. Dans le Manifeste rendu public à cette occasion, elle se présente comme une « Association internationale pour une politique industrielle de l’esprit ».


Son premier motif de constitution est le fait qu’à notre époque, la vie de l’esprit, selon les mots d’Hannah Arendt, a été entièrement soumise aux impératifs économiques, et aux impératifs des industries culturelles, et des industries de l’informatique et des télécommunications. Ce secteur peut être défini comme celui des technologies de l’esprit. A la critique du dévoiement de ces technologies comme instruments de contrôle des comportements, c’est à dire des désirs et des existences, Ars Industrialis associe la proposition centrale de former une écologie industrielle de l’esprit.

 

Culture et politique

  

Ars Industrialis est une association culturelle dans le sens le plus traditionnel du terme : les premières activités de ses membres comme de ses animateurs sont l’étude et la réflexion, individuelle et collective, le mûrissement et l’échange de points de vue. C’est aussi une association politique qui intervient dans le débat public et s’efforce, chaque fois que c’est possible, de mettre en œuvre ses propositions par des expérimentations ou des actions. Posant qu’il n’y pas de vie de l’esprit sans instruments spirituels, Ars Industrialis s’est fixé pour but d’imaginer un nouveau type d’agencement entre culture, technologie, industrie et politique autour d’un renouveau de la vie de l’esprit.

 

Des idées

 

En 2005-2006, l’association a d’abord travaillé sur les thèmes « société du savoir », « technologies cognitives » (Sommet de Tunis, bibliothèques numériques), « souffrance et consommation ». Cette première phase de travail est présentée dans l’ouvrage « Réenchanter le monde. La valeur esprit contre le populisme industriel ». Puis elle a traité des sujets directement politiques : la « télécratie », les causes de l’impuissance publique, l’investissement durable, la démocratie participative, à laquelle est consacré un second livre : « De la démocratie participative ».


En mai 2007, le débat sur la formation et la destruction de l’attention est lancé par une première réflexion sur « l’avenir de nos établissements d’enseignement à l’époque des nouvelles industries de programme ». Ars Industrialis prend ensuite l’initiative de l’appel « Faire attention. Pour une nouvelle politique éducative ». Cet appel rencontre un grand intérêt chez tous ceux qui perçoivent que la question de l’attention, chez les enfants, n’est autre que la forme générationnelle de la crise générale de la vie de l’esprit.

 

Organisation de référence sur les technologies cognitives, l’association tend à être de plus en plus reconnue sur les questions de transmission entre générations. En 2008, elle décide de se confronter directement à la question de l’économie politique. Elle formule ainsi l’hypothèse d’une « économie de la contribution », travaille sur le lien entre « mécroissance et libido », puis sur le numérique dans l’économie et la cognition de l’attention.

 

Développement

 

L’activité intellectuelle est centrale dans l’organisation et le fonctionnement de l’association. Elle s’appuie sur un séminaire théorique qui se tient au Collège international de philosophie, et sur des conférences-débats soutenues par le Théâtre de la Colline. Cette réflexion est relayée par des publications, sous forme de livres, ou sur le site www.arsindustrialis.org. (ci-dessous) qui fait l’objet de plus de sept mille connexions par mois.

 
Mais Ars Industrialis n’est pas seulement un « club » ou un laboratoire ; c’est une association à part entière comprenant plus de cinq cents membres de toutes nationalités et d'horizons culturels et professionnels les plus variés.

 

Sa finalité même lui impose d’accorder le plus grand soin à la qualité de ses débats, à leur ouverture, à l’élaboration d’un point de vue collectif, au soutien intellectuel et culturel aux membres. Toute cette activité a pu être conduite avec des moyens réduits. L’association engage aujourd’hui une nouvelle phase de son développement qui comprend des partenariats mieux établis, et un ancrage d’activités dans plusieurs villes ou régions. Elle souhaite d’autre part accélérer son internationalisation, européenne et mondiale.

 

L'Europe

 

ARS INDUSTRIALIS est située à Paris, en France, mais se définit avant tout comme européenne. Elle veillera dès ses premiers pas à trouver des interlocuteurs, des partenaires et des adhérents dans les pays d’Europe, et à organiser ses activités hors de France aussi souvent que ce sera possible. Pour autant, c’est une association internationale, et non seulement européenne, qui entend développer des échanges internationaux bien au-delà du continent européen.

 
Elle entend porter sa réflexion au niveau mondial, pour ce qui concerne tous les points évoqués précédemment, et, par voie de conséquence, dans les domaines de l'enseignement, de la recherche, de la science, de l'art, des médias, de l'organisation des services publics de l'audiovisuel, des industries culturelles et des industries de programmes privées, et des politiques d’aménagement du territoire.

 
Outre ses partenaires et adhérents d’Europe et des autres continents, ARS INDUSTRIALIS visera à développer dans les villes de France un réseau de lieux d’activités, d’adhérents et de correspondants. ARS INDUSTRIALIS animera ces différents réseaux en utilisant tous les moyens contemporains de communication disponibles, et recherchera pour cela le soutien d’organismes et de collectivités publics et privés.

 

Les technologies de l'esprit

 

Notre époque est menacée, dans le monde entier, par le fait que la vie de l'esprit a été intégralement soumise aux impératifs de l'économie de marché, c’est à dire à la loi de l’amortissement rapide, à travers la monopolisation des technologies de l’information et de la communication, dites aussi culturelles et cognitives, et qui forment le secteur de ce que nous appellerons ici des technologies de l’esprit.

   

Or, ces technologies peuvent et doivent devenir un nouvel âge de l’esprit, un renouveau de la « vie de l’esprit ». Tandis que le modèle classique de la société industrielle paraît caduc, cet objectif doit constituer le motif d’une économie politique et industrielle de l’esprit – qui doit aussi être une écologie industrielle de l’esprit. Ces technologies visent aujourd’hui à contrôler et à façonner hégémoniquement les modes d’existence individuels et collectifs, et ce, à tous les âges de la vie.

 

Or, ce contrôle des existences est un contrôle et une manipulation des désirs des individus et des groupes et conduit à détruire les possibilités mêmes, pour ces individus et pour ces groupes, d’exister et de désirer : la démotivation empoisonne le monde. Le capitalisme, au XXè siècle, en vue d’absorber les excédents de la production industrielle, a fait de la libido sa principale énergie en la canalisant sur les objets de la consommation. Or, aujourd’hui, cette captation de la libido a fini par la détruire. Ce fait majeur constitue une immense menace pour la civilisation industrielle.

   

Reste que les technologies d’information et de communication sont précisément les technologies spirituelles, et cela signifie tout aussi bien qu’elles relèvent de la question des techniques de la mémoire dont Michel Foucault analysa le sens comme techniques de « l’écriture de soi ». La relation des hommes à ces technologies ne peut en aucun cas continuer de se limiter aux usages prescrits par les modes d’emploi et les campagnes de marketing : ce sont, comme disait Foucault, des hypomnémata.

    
La question d’économie politique que pose l’avenir industriel est la relance du désir – et non simplement la relance de la consommation. Et dans la mesure où le désir est en son essence orienté vers la sublimation, une politique industrielle de l’esprit peut et doit devenir une politique industrielle de relance du désir – à l’heure des technologies de l’esprit. Nous sommes convaincus, en particulier, que là est l’avenir de l’Europe – et- au-delà, des démocraties industrielles.

 

- Article de Bernard Stiegler -

    

Voici un bel exemple de la richesse des documentaires développés par Ars-Industrialis, à travers ces vidéos:

 


Lien: http://arsindustrialis.org/

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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 11:50

-A travers la psychanalyse et la mythologie Arthurienne, ce texte de Sofia Mazlic décrit avec précision les épreuves qui font d'un jeune adolescent, " Un Homme !". Véritable initiation et découverte du soi, selon les usages et les rites de l'ancienne tradition-

 

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  - Merlin BBC ONE 2008 - Canal +/Gulli - The sword in the stone -

 

LA DÉCOUVERTE DE SOI-MÊME, DE L'AMOUR ET DE L'AUTRE DANS LE ROMAN MÉDIEVAL "FLORIANT ET FLORETE"

 

Texte tiré de l'excellent site  "La littérature du monde.fr", à découvrir.


Floriant et Florete est un roman d’initiation. Au Moyen-Âge, le passage de l’adolescence à l’âge adulte est particulièrement symbolique et douloureux. Il est parsemé d’obstacles très différents. A chaque moment, le héros, chevalier solitaire, est soumis à des épreuves soit physiques soit morales. C’est un thème récurrent dans le roman arthurien. Bien souvent ce passage initiatique est chargé d’une symbolique spirituelle. Il représente la quête qui est celle de la découverte de soi-même, du monde, de l’univers, et de la symbiose avec lui. Tous les héros partagent plus ou moins le même destin : le roi  Arthur, Perceval, Lancelot, Yvain. Ils cherchent « le vrai soi » car il existe toujours  autour de leur naissance une aura de mystère entretenue par des êtres féeriques ou surnaturels. Dans le cas de Floriant il y a une forclusion du nom du père (pour utiliser le vocabulaire psychanalytique). Il ne connaît pas son identité et la récompense au  terme de son initiation sera la délivrance de cette identité. C’est en cela que consiste l’intention didactique du roman arthurien. Présenter symboliquement, voire de manière ludique les combats du héros, ses démons intérieurs et sa victoire sur les circonstances.
    
   
A la fin il devient "Maître de lui-même et de sa vie" et est amené à gouverner celle des autres. Dans les romans de ce genre il y a une forte tendance à émerveiller. Le but de l’auteur est de nous faire comprendre que nous nous trouvons dans un monde fantastique et merveilleux et qu’il s’agit d’un héros tout à fait exceptionnel. Comme le nom héros l’indique, nous sommes en présence de quelqu’un qui est mi-homme, mi-divinité. Par conséquent, au final, il devient immortel. L’initiation chevaleresque consiste en maintes péripéties. Elles se concrétisent en aventures. Ces dernières sont là pour aguerrir le héros et inciter son activité physique, mais aussi pour stimuler son mental. Le hasard n’existe pas et chacune d’elle apporte au héros une leçon inoubliable, tout en le menant vers une autre aventure, encore plus merveilleuse et plus fantastique que la précédente. Alors que tout gravite autour du chevalier errant et solitaire, on est amené à suivre son itinéraire qui commence par la découverte de lui-même, avant de faire celle de l’amour et des autres. Cette découverte est jalonnée de passions, de pulsions, de peurs et de rêves qui se fondent en un sublime idéal chevaleresque. Nous allons suivre l’évolution du héros en passant par toutes ces séquences et essayant de comprendre leurs sens le plus profond.            
                 
Étant donné que Floriant et Florete est un roman d’initiation, il a avant tout une intention didactique. Le topos est celui du roman initiatique : le héros est jeté  dans le monde tout seul, les voyages les plus extraordinaires marquent son progrès. Il part d’un château enchanté pour passer à travers toute l’Europe,  c’est-à-dire le monde connu de cette époque, pour revenir enfin à la source. Donc un mouvement circulaire, parfait. Il se cherche, cherche son identité, son origine qui lui est dévoilée une fois qu’il a surmonté les obstacles qui s’étaient dressés sur son chemin.            
            
Ces voyages sont la découverte de nouveaux lieux merveilleux, car c’est un récit fantastique (Floriant et Florete) : existence de châteaux médiévaux connotant un univers mystérieux, nef merveilleuse, atmosphère des fois très étrange et inquiétante, termes lugubres (Chevalier Noir, Chevalier coupeur de tresses…). Mais le roman est plus marqué par des endroits paradisiaques, qu’ils soient réels  (terrestres) ou qu’ils soient de l’Autre monde comme le château de Morgane. Ces  locus amoenus symbolisent la paix de l’âme du héros et sa récompense au bout du chemin.     
                    
Au topos fantastique se joint le topos surréaliste. La réalité mystérieuse est omniprésente. Les lieux de révélations sont toujours bien choisis : château du roi Arthur, celui de Morgane…       
                   
Tout cela contribue à la création des conditions nécessaires à l’évolution physique et spirituelle du héros qu’on appelle initiation. Cette dernière passe par plusieurs phases et comporte un réceptacle d’émotions, de sentiments et d’actions qu’éprouve le personnage principal, et le construit. Elle commence par la découverte du "soi-même" qui mène ensuite vers l’amour qui, lui, mène vers la découverte de l’autre, c’est-à-dire le monde réel. Chaque phase de l’initiation est accompagnée de passions, de peurs et de rêves contre lesquels le héros doit lutter pour accomplir sa mission. C’est de là que découle la rencontre de deux opposés : l’amour et les armes. Paradoxalement on doit lutter pour conquérir l’amour, on doit se battre pour le mériter. La victoire issue de la guerre contre les passions et les peurs libère la personne et lui confère l’amour universel et le respect des autres.      
                     
Alors pourquoi cette initiation ? Sa valeur, où se trouve-t-elle ? Parce que c’est la nature la plus fondamentale de l’homme, celle de chercher, d’exister et de coïncider avec le monde qui l’entoure. En découvrant lui-même par introspection et action il découvre toutes les lois qui régissent la nature. Tout est lié. "C’est le miracle de l’alchimie – la connaissance".      
                    
La vie de Floriant comporte quatre passages initiatiques de deux  grandes étapes, chacune de quinze ans approximativement. Il part et quitte Morgane à l’âge de quinze ans pour entamer sa quête et lui revient, après avoir rempli sa tâche, à l’âge de trente ans, environ. Ainsi son destin prend la forme d’un cercle, symbole de la perfection.   
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Floriant comme nous l’avons déjà dit, part à la découverte de son identité. La notion d’identité dans le roman arthurien est très symbolique, elle connote la découverte non seulement de la vraie origine mais aussi de la nature la  plus profonde du héros et son destin car le caractère, on le sait bien, détermine le sort de la personne. Donc, Floriant se lance à la découverte de son nom, ses origines, c’est-à-dire, soi-même. Il s’adresse à sa mère présumée, Morgane : « Madame, écoutez-moi ! Je crois bien que vous êtes ma mère mais je ne sais pas qui est mon père ! »  A ces mots, Morgane se met à pleurer et dit à Floriant qu’elle n’est pas sa mère et qu’un grand part de son destin consiste en la découverte de ses vraies origines. Et c’est cela le fil qui le dirigera tout au long de son initiation. Il doit se frayer un chemin tout seul, son aucune aide extérieure. Se prouver à lui-même et aux autres qu’avant d’être quelqu'un grâce à la renommée de sa famille, il est d’abord "quelqu'un" grâce à ses exploits et sa force intérieure. Il se construit lui-même. Et selon le vieux adage qui dit que la valeur d’un homme se mesure par l’importance des difficultés qu’il a rencontrées dans la vie, le héros est soumis à maintes épreuves qui lui permettront, chacune à leur tour, de lui montrer sa puissance physique et mentale. Il les rencontre dans l’ordre croissant de difficulté : il libère les quinze chevalier de la Table Ronde d’Arthur en vainquant Moradas , ensuite il tue le Pellican, bête cruelle qui mangeait des filles habitant à l’île aux belles Pucelles, il tue deux géants et finalement gagne dans le duel avec le chevalier coupeur de tresses.
  
C’est seulement à ce moment-là qu’il « mérite » de se présenter à la cour d’Arthur, lieu où l’on juge un chevalier d’après l’importance des batailles remportées et son courage. Sa valeur et sa  témérité lui valent la découverte de son identité. Il se montre digne du nom qui lui appartient de par sa naissance. La fée Morgane, sa mère adoptive lui reprend la nef enchantée mais lui dévoile son nom : il est prince, fils du roi Elyadus : « Mais maintenant elle [ Morgane ] veut t'apprendre en toute vérité qui fut ton père. C’était un homme de valeur, très réputé qui s’appelait le roi Elyadus. Il était roi d’une contrée prospère, la célèbre Sicile était à lui […] Mais Maragot, son sénéchal, un homme très perfide et déloyal, le tua un jour par traîtrise. Apprends pour quelle raison. […] » La lettre de Morgane contient deux choses : elle loue le mérite du père du héros éponyme et en décidant de lui dévoiler son identité véhicule le message qu’il est le fils digne de son père ; ensuite cette lettre représente l’étape suivante dans l’initiation de notre héros. Il doit venger la mort de son père et le malheur de sa mère qui se trouva dépourvue de tout. Car le héros évolue dans un système féodal et doit réaliser l’idéal chevaleresque qui dissimule un idéal mystique. Grâce à ses exploits guerriers il gagne l’estime du roi (ici du roi Arthur), découvre et accomplit sa mission ici-bas. Après s’être cherché il trouve le "soi-même" ou "être authentique" mais aussi tout un monde qui lui était jusqu’alors inconnu. En face de ce monde il réagit de façons différentes, éprouve des  sentiments différents.         
                 
Paradoxalement, sa lutte qui frôle la haine par moments, ses armes qui font de lui un tueur inlassable (car l’ouvrage abonde en épisodes violents et sanglants) le mène vers l’amour, le sentiment le plus pur. Les armes et les amours  se mélangent et seulement un vrai chevalier, un homme noble mérite d’être aimé par une belle et noble femme. Tout est dans le livre sous le signe du merveilleux : événements, objets, pouvoirs, créatures surnaturelles, lieux enchantés, malédictions, bénédictions… Et l’amour est la plus grande des magies. Grâce à lui le héros arrive à  surmonter tous les obstacles dont la plupart (sinon tous) se trouvent en lui-même. Le héros doit d’abord surmonter ses peurs, la peur de l’inconnu, de la mort, de la souffrance (ce qui est illustré par son désir d’aller à leur rencontre en cherchant sa vraie identité et constitue la première phase de l’initiation), cela le mène vers la maîtrise de ses propres passions incarnées dans l’amour, l’amitié, le sexe, le pouvoir et la richesse.
  
Une fois les obstacles abolis, les peurs dominées, les passions contrôlées, il est à même de réaliser ses rêves, à savoir son idéal chevaleresque, sa mission sur terre : il obtient la liberté et accède à l’immortalité. Sa quête du Saint Graal est terminée. Il a justifié le fait d’appartenir aux élus. L’éternelle s’étend devant  lui et partout où il va, l’abondance l’accompagne. Le Graal est le symbole de la vie éternelle, de la réunification des opposés : animusanima, conscient – inconscient,  haut – bas… Son contenu est indicible, il doit être cherché, trouvé, mérité. Il transcende la religion et touche aux sphères de la spiritualité. Le chevalier, qui est un  mâle, y arrive en réconciliant les opposés en lui-même, en devenant parfait. Son anima, c’est Morgane, le symbole du féminin, l’antipode de Merlin. Elle est mère <  mer < eau (le féminin dans l’alchimie). Nous voyons ces contrastes partout dans le roman, des substances aqueuses omniprésentes, symboles du féminin et des substances solides (château, tour), symboles du masculin.
 
On ne naît pas héros, on le devient. Et pour cela il faut traverser maintes épreuves, passer par un chemin parsemé d’embûches et de déboires où l’on apprend à se contrôler soi-même et à contrôler les autres et la vie. Surmonter ses peurs, triompher de ses passions permet au héros d’accéder à son idéal, de réaliser ses rêves et d’entrer dans le clan des grands, celui du roi Arthur, des chevalier de la Table ronde… Il devient immortel. Il devient un homme libre qui transcende le monde matériel pour entrer dans le monde des esprits (de la conscience). Mais cela, il doit le faire tout seul, par le biais de ses aventures, en découvrant l’amour. Il change, grandit, mûrit et finit par faire partie de la perfection.  
                                         
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1 mai 2012 2 01 /05 /mai /2012 19:05

Pour en finir avec la dictature de l'évaluation comptable, paradigme du néo-libéralisme.

 

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" Tout ce qui peut se compter ne compte pas, tout ce qui compte ne peut pas se compter ". Albert Einstein.

 

 

"Il faut évaluer, contrôler les esprits et les idées !"

       

[Article acerbe de Jean-Jacques LOTTIN, ancien directeur d'études de santé publique et ex-Président du comité scientifique de la Société européenne de santé publique:]

  

Tout évaluer en santé. Autrefois, c'était une vertu " naturelle " liée à la déontologie, l'éthique : rendre des comptes est cardinal quand on reçoit de l'argent public et qu'on œuvre au service de la population (définition même de la santé publique). Lucien Bonnafe parlait encore du peuple…


- Auto-évaluation : responsabilité.

La vertu s'est dégradée en impératif comptable, en postulat (ça évite toute discussion), en dogme. Et s'est installée l'évaluation-culpabilité, outil de la maîtrise des soins, norme intériorisée par chacun, de gré ou de force, n'appelant pas de critique, forme buro-technocratique de l'autocensure.

Il faut dépenser moins, affirment les gestionnaires, les administrateurs de caisse, l'Etat (ex) Providence, sans jamais apporter d'argumentation d'une logique autre que " l'horreur économique " en œuvre, évolution normale de l'Ordre cannibale d'Attali.

 
Cette culpabilisation est fascinante dans sa procédure. Elle consiste, en déresponsabilisant largement l'Etat ( et en privatisant l'offre ) à transformer les victimes en coupables, responsables de leur situation, au nom des libertés individuelles, pas toutes assumables, et du mérite (just do it ! tu seras un homme mon fils), selon un cycle historique qui a connu trois phases aux USA : les années Reagan sont passées du " guerre à la drogue " au " guerre aux drogués ". Il y eut ensuite, au début de Clinton, le passage du " guerre à la pauvreté " au " guerre aux pauvres " qu'on punit-pénalise ( deux millions d'emprisonnés). Il y a maintenant l'échec de la réforme du welfare state, et le passage du " guerre à la maladie " au " guerre aux malades ", les ONG subventionnées servant de plus en plus de bonne conscience patronnesse.

 
La boucle se boucle : on en revient à l'idéologie britannique du début du siècle…Il ne restera qu'à pas rater la seconde révolution d'octobre (si l'histoire repasse les plats)…ou à subir l'aliénation.
Et on finit donc par tout évaluer : la pertinence, la cohérence, l'efficacité, l'efficience, l'impact, l'à priori, les objectifs, le but, la stratégie, la qualité, la méthodologie, "l'ex ante", l'utilité, le processus, les coûts, le bénéfice, la contingence, la compliance, la pratique médicale, le modèle décisionnel, 251 autres items répertoriés par l'Ecole de Rennes, et même parfois les résultats… Seule manque à l'appel l'évaluation de la complexité humaine : il semble qu'on n'ait pas encore trouvé de " grilles " derrière lesquelles l'enfermer (je n'ai jamais rencontré dans l'immense industrie éditoriale que crée l'évaluation, une étude sur " évaluer le temps relationnel " !)


- Evaluation-bidon ?

Faut-il rappeler que l'évaluation princeps ne peut être qu'une aide à la décision et au jugement humain de la valeur d'une action, et qu'elle est toujours subjective-empirique-qualitative ?

  
Devenue fin en soi, l'évaluation a subi la contagion du modèle radiologique-endoscopique : on explore tout, l'homme doit devenir transparent, rationnel, sans mystère, fonctionnel, classifiable, triable, formatable, standardisable, code-barrable, carte-à-puçable, nomenclaturable : bref, homogénéisé, transformé en marchandise (cette phase suprême du capitalisme pour Marx). Le modèle obsessionnel-exhaustif a fini par remplacer la clinique et mettre en péril la relation, la parole, l'écoute, la singularité. Le clonage biologique devient inutile si triomphe cette idéologie non-dialectique du "tous informatisés".

 
Piochée dans les Actes du Colloque de Lille sur l'évaluation de 1994, cette perle :
-" l'évaluation est une démarche utile si ses résultats améliorent la connaissance…de l'évaluation "…
(P.100. G.F. de Sherbrooke . Canada).

Denis DUCLOS (Le Monde diplomatique de janvier 2000 : Une universelle exigence de pluralité) résume bien cette folie :

  
-" L'information endosse, à n'en pas douter, la construction de l'humanité comme telle, mais…elle ne doit pas la précipiter aussitôt dans l'absolue inhumanité de la transparence comptable. Déjà dans les grandes entreprises (l'hôpital en est) les cadres collectivement sadiques infligent à beaucoup de salariés les souffrances qu'on peut attendre de la caserne cybernétique. Sous couvert d'une adaptation aux normes mondialisées, ils épinglent les salariés comme les insectes d'un nouveau taylorisme, au plus près cette fois, du contrôle des esprits ".

  
- L'évaluation de tout a fini par expulser la Santé pour tous : évaluation = exclusion ?

 
Nos savants économistes sont partis en Amérique (dictature du modèle) et ont ramené la solution à tous nos maux : la management des hôpitaux (aux malades, j'mens ?) et sa batterie " d'outils " à traquer le gaspi, les dépenses " inutiles " et à contrôler les soignants. De service public, l'hôpital est ainsi devenu entreprise de production de soins.

    
En jargon gestionnaire, le PMSI (ce petit machin sans importance des PH, bientôt étendu à la psychiatrie pour y MESURER -selon quel étalon ? les coûts) appliqué dans les lits du " champ MCO " où sont regroupés des GHM (selon la loi de la marchandise), accompagnés à leur sortie de RSS par RMO, ont permis de produire des points ISA selon leur place dans les CCAM (par exemple : le GHM 113 -intervention majeure sur le thorax- vaut 5634 " points ") permettant de calculer le coût moyen en francs des-dits GHM et donc d'être accrédités-labellisés par l 'ANAES et admis par les ARH dans les SROS, antichambre libératrice des pécules globaux… Mais, comment évaluer les effets du thermalisme, par exemple ? quelle échelle pertinente pour le mieux-être subjectif (alors, comment ça va ?) sans même, bien sûr, évoquer les psychothérapies…
   
The Big One est installé et veille sur l'argent des soins. Notre argent. Il s'appuie sur la secte des "ZEVALUATEURS" (selon la belle trouvaille de Didier BOURGEOIS , PH à Montfavet) ces dociles technocrates d'un hôpital-entreprise où les effectifs croissent aussi vite que diminuent les personnels soignants. L'évaluation ( appraisability) devient la superstructure même : une pensée-action unique, autoréférente, imposant sa logique, son néolangage terrorisant et tautologique, global/total, globalitaire. Extermination " douce " de toute pensée libre...

 
Mais qu'en est-il du coût de l'évaluation, et qui va enfin l'évaluer, la soumettre à une critique radicale, résistante, citoyenne, démocratique et sans langue de bois ?

  
Comme le dit Christophe DEJOURS (" L'évaluation du travail à l'épreuve du réel " -INRA éditions, 2003) : " seuls les évaluateurs ne sont jamais évalués, l'évaluation est un procédé puissant qui médiatise les effets pervers de l'utilitarisme et de la rationalité cognitive instrumentale ".  Il paraît nécessaire de rappeler quelques évidences sémantiques bousculées par l'idéologie néolibérale mondialisée, à l'oeuvre dans le champ de la santé.

 
Evaluer, c'est " extraire (de) la valeur ". La valeur, dans le métalangage de notre temps, expert en euphémismes, c'est le " return on equity ", c'est à dire le taux de profit ( la vieille plus-value marxienne). Que valeur soit au départ polysémique et parle AUSSI de dignité, de vertu, de courage, de morale, est presque un gag. Créer de la valeur ( le retour sur investissement ) est devenu " équitable " puisque le marché, c'est naturel et sans alternative. Le bénéfice est bien une récompense pour la vertu investissante, payée en retour de gratitude. La valeur morale est ainsi contaminée par les valeurs économiques.

 
Les synonymes du ROBERT sont estimer, juger, jauger, priser, apprécier, expertiser. Toujours une redoutable confusion sémantique entre les sentiments et l'argent, ce qui ne saurait vraiment étonner les pratiquants de Freud. "Sauf qu'à l'ère des think-tanks pour start-up en stock-options (à lire à haute voix pour jouir de l'euphonie), l'alternative ne fait pas encore consensus".


Evaluer est donc bien déterminer la valeur d'une action (autre double sens), l'apprécier (lui donner un prix, toujours " juste ") pour l'accréditer : l'ANAES en a la charge (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé). Mais, pour Georges SOROS : " L'une des erreurs les plus courantes est de penser que la soi-disant valeur fondamentale est indépendante de l'acte d'évaluation ". (L'incroyable histoire de G.Soros. Edit. Assouline 1999).


- Evaluation, piège à cons ?

La réforme Juppé est en place. Elle fonctionne. Elle a préparé la réforme Mattéï. Dans l'ensemble, elle a rencontré peu de résistances, car elle est du côté de cette nouvelle idéologie dominante. Elle a réussi à réduire violemment chaque praticien en simple rouage gestionnaire systématiquement sus-pecté, complice plus ou moins forcé d'une puissante pulsion de mort. Et pourtant, qu'est-ce qui PROUVE (evidence based policy) qu'il y a trop de lits ?


- Evaluation = élimination.

Nous avons tous constaté qu'évaluer en pédopsychiatrie, en gériatrie, en gynécologie, en petite enfance, en psychiatrie, a toujours pour ultime fin de démontrer l'inefficacité (sic) et la non-rentabilité de ces secteurs du soin, donc à préparer des fermetures de lits ( cette obsession analogue au rêve de Michelin : je fais du profit, donc je licencie).

Pour Pierre GINESY (dans son bel article " Ordre gestionnaire, système totalitaire, position perverse " paru dans la Lettre de la Psychiatrie française N° 59/96) :

  
-" surgit alors une question qui risque bien de ne jamais être soumise à évaluation par un ordre qui n'a pourtant que ce mot à la bouche : quels sont les effets délétères d'un tel système sur ce que nous repérons en Occident comme corps et esprit ? Comment un système peut-il proposer d'évaluer systématiquement, sans dérision, sans démesure, sans obscénité, ce qui touche aux drames du destin humain ; dont la dignité se fonde précisément sur son absolue singularité, sur sa résistance à toute cette volonté forcenée de mesure, héritière directe d'une morale marchande…Dans cette société de contrôle… cette massive volonté d'anonymisation… " un patient est géré "…nous sommes du côté de la perversion, en ce que cela vise directement l'effacement de cette subjectivisation de l'autre, sa " cadavérisation ".

 
- Evaluer, gérer, pulsion de mort, moyennes, manque à jouir, système pervers, globalité.

Pourtant, elle demeure une nécessité éthique, une dimension déontologique de l'acte sanitaire car, de même qu'un réseau pour survivre ne peut être qu'informel, l'évaluation ne peut être que QUALITATIVE, subjective, hors de toute mesure de comptage. C'est une pratique humaine, sociale, culturelle, pas une science. Et les chiffres réduisent et mentent ( " Sanity is not statistical " disait G.ORWELL dans 1984). En 1994, j'ai co-organisé à Lille un Colloque international sur : " Peut-on évaluer en promotion de la santé ? "

  
La réponse élaborée a ressemblé à ceci : une pratique sociale humaine à l'aune communautaire ( pas communautariste) donne des résultats à moyen ou long terme non-évaluables d'un point de vue comptable, ni statistiquables.

 
Mais pour autant, il est nécessaire qu'à chaque étape d'un projet de prévention, de promotion de la santé, de développement social, une attention bienveillante, critique, reformalisante, transactionnelle (démocratique ?) se manifeste sous la forme d'une expertise qualitative, contradictoire, ouverte et collective associant les " experts ", les décideurs, les financeurs et les usagers-habitants-citoyens-clients rendus à leurs compétences. Certains appellent cela une utopie. Modestement, à l'échelle d'un quartier, d'une cité, d'une association, chacun d'entre nous proche du terrain, a pu un jour constater que ça marchait…(même si ce n'est jamais spectaculaire ou médiatique) la mise en mouvement d'une initiative de personnes sujettes de leur petite histoire locale. Et nous avons tendance à préférer la démocratie et l'empowerment, à l'éducation du patient, si mal nommée, souvent si peu désirée. Où est la démocratie sanitaire dans le projet Mattéï ?

Pour Michel DEMARTEAU (Prof. de santé publique à Liège) :

 
- " L'objectivité de l'évaluation vient de la valeur sociale qui lui est attribuée… l'évaluation doit s'interroger sur elle-même… la responsabilité ultime de l'évaluateur est de rendre compte à la population… en accord avec les Droits de l'homme ".
  
Entre 1970 et 1975, le ministère de la santé avait mis en place un programme de RCB (rationalisation des choix budgétaires, l'ancêtre de nos outillages de contrôle) dans le champ de la périnatalité pour vérifier que certaines méthodes de travail ouvertes, associant déjà médecins, personnels sociaux, usagers autour d'objectifs cogérés, ça pouvait marcher. Et ça a marché si l'on croit les statistiques : la réduction des taux de mortalité infantile a semblé manifeste.

  
De même, toute transparence n'est pas en soi perverse qui permet aux acteurs de corriger, chiffres à l'appui ; par exemple les effets négatifs de l'organisation des CH en services hyper spécialisés où règnent des dynasties plus accrochées à " garder " les lits, qu'à soigner des patients.
 
Tâchons de réfléchir ensemble aux conditions démocratiques préalables à la mise en place d'une contre-expertise populaire (ou " citoyenne " ?) dans le champ de la santé, s'appuyant sur la récupération du slogan de " démocratie sanitaire " et sur le principe de précaution ( quid par exemple des jurys de citoyens ?) - " En soulignant les incertitudes de la connaissance et en ouvrant une gamme de choix, une dynamique pluraliste de l'expertise permet de rendre toute sa place au débat public et à la décision politique ". (Savoir, c'est pouvoir J.P. GAUDILLIERE. Mouvements N°7, janvier 2000). Et pourquoi ne pas prendre au mot Martine Aubry quand -tout ce qu'elle a fait n'était pas " mauvais "-…dans sa lettre aux médecins du 15/2/1999, elle suggèrait " le développement de l'auto-évaluation des pratiques par la profession elle-même, collégiale et confraternelle, et non sous le contrôle de la sécurité sociale " ( la Loi confie cette mission aux URMEL ) : vive l'évaluation par les pairs.
  
Nous pensons qu'un des moyens pour réduire la malfaisance de l'impérialisme évaluateur comme symptôme du néo-libéralisme dans sa phase actuelle est d'inverser la logique de l'offre centralisée de biens et de moyens (ONDAM), et de réimposer (notamment par la décentralisation) la vieille logique des besoins : qui doit définir le contenu du fameux " panier " sinon NOUS ? L'actionnariat populaire revient à la mode sous sa forme salariale : en santé, nous sommes tous actionnaires en tant que cotisants. Demandons des comptes à notre tour.

Pour résister aux " nouvelles contraintes " économiques et aux lois " naturelles " du marché que symbolise en santé l'évaluation de tout (sic), qui coûte cher, prend beaucoup de temps, et vide les hôpitaux des soignants les plus motivés (n'est-ce pas le but recherché ?) nous proposons une alternative démocratique qui fasse confiance aux compétences des citoyens/clients/usagers, et valide l'expert empirique-pragmatique, l'audit populaire.

 
Le concept d'évaluation est déjà usé d'être mésusé. Il est devenu dogme, rituel, fin en soi.
L'approche communautaire, (le concept fait-il sens ?) parce qu'elle reconnaît l'hétérogène, le différent et s'en nourrit, semble encore fertile si nous convainquons que la santé est irréductible à l'ordre inhumain de l'économique, car : - " même le capitalisme, dernière forme concrète de la pensée totalisante, ne peut réussir à immerger complètement les masses humaines dans la seule logique comptable… " - (Denis DUCLOS, ibidem).


"Laissons-les donc gérer la co-errance : c'est leur contre addiction."

Par Jean-Jacques LOTTIN, ancien directeur d'études de santé publique, Lille.
ex-Président du comité scientifique de la Société européenne de santé publique.
http://www.serpsy.org/
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