30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 10:24

"Le téléphone sonne" sur la pédopsychiatrie, cliquez sur le logo:

 

france inter

 

L'hyperactivité touche plus de 3% des enfants de six à douze ans. Mais tous les petits qui "ne tiennent pas en place" ne sont pas des hyperactifs, et les troubles de l'attention ne sont pas toujours présents. Comment les aider en famille et à l'école ? Comment les soigner? Que penser des médicaments, sur lesquels certains médecins sont réservés ?

   

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Invités : - Professeur Manuel Bouvard, Responsable du Pôle de psychiatrie de

                 l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital Charles Perrens de Bordeaux

  

              - Christine Gétin, Présidente de l'Association TDAH (Troubles du

               déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité)

  

              - Maria Limongi, Psychologue

              - Avec Danielle Messager de France Inter. 

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 10:20

La dynamique des groupes est un ouvrage du psycho-sociologue et psychopédagogue français Roger Mucchielli sur les rouages, le fonctionnement et l'évolution des groupes d'individus.

  

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Pour Roger Mucchielli, la dynamique des groupes est un ensemble de personnes qui nouent des liens entre elles, mettant de l’unité et de la cohésion dans un chaos d'individus désorganisés et beaucoup trop compétitifs !

 

Le groupe n'est considéré comme une réalité que si l'on constate des interactions entre les participants. Une vie affective minimale commune et la bonne participation de tous sont des règles de vie absolument indispensables...même si les membres n'en ont pas conscience et qu'aucune norme formelle n'a encore été définie. La dynamique existe de façon implicite quand les personnes passent du 'je' au 'nous', reconnaissant de cette manière le passage au collectif, apportant par surcroît de l'enrichissement mutuel.

 

L'expression dynamique des groupes vient du sociologue américain Kurt Lewin en 1944. Le 'groupe primaire' désigne plutôt un groupe dont les membres entrent en relation de face à face.

Roger Mucchielli définit dans la structure d'un groupe 7 éléments psychologiques essentiels :

 

- 1. Les interactions entre ses membres;
- 2. La reconnaissance d'objectifs collectifs;
- 3. L’émergence de normes ou règles de conduite ;
- 4. La formation d’une structure informelle portant sur l’affectivité et sur la dualité sympathie/l’antipathie, très souvent fonctionnant sans lois officielles;
- 5. L’existence d’émotions et de sentiments collectifs communs;
- 6. L’existence d’un inconscient collectif ;
- 7. La réalisation d’un certain niveau d'équilibre interne et de relations stables avec l'extérieur.

 

Dans un groupe naissent naturellement des règles que tout le monde respecte, quelle que soit leur forme, ainsi que des pressions de conformité définies par la solidarité existant entre les membres du groupe. Leur revers est qu'elles réduisent le niveau de liberté de chacun et peuvent aller jusqu'à la mise à écart ou l'exclusion d'un membre. Roger Muchielli évoque à ce sujet les "sanctions possibles du type mépris, raillerie, mise en quarantaine…", punitions aux manques reconnus comme tels par le groupe. Tout nouveau venu devra faire l'effort nécessaire pour être intégré au groupe, sous peine d'en être rejeté (voir l'article: "Etes-vous dans la norme ?" sur ce site).

 

La cohésion du groupe (valeur minimale nécessaire à sa survie) peut être facilitée par la désignation d'un 'bouc-émissaire' qui va focaliser contre lui tous les ressentiments et permettre aux affrontements de s'effacer ou de prendre en tout cas d'autres formes.

  

  Prenons en exemple un service lambda (mairie, association ou entreprise), où un 'nouveau', réputé être à la solde de la hiérarchie, veut remettre en cause certaines règles qui maintiennent un minimum de cohésion. Sa venue facilitera la résorption (momentanée) des conflits et fera diminuer les tensions entre les autres membres du groupe. Ils deviennent donc solidaires pour contester le 'nouveau', ce qui évite de poser les vrais problèmes que personne n'a réellement envie d'affronter. Le bouc-émissaire représente ainsi l'élément ambivalent attraction/rejet : rejet, a priori, de par son action personnelle mais aussi attraction, parce qu'il est indispensable à la survie du groupe et que son départ serait vécu comme un événement destabilisant pour celui-ci. Il est attaqué de l'intérieur par ses pairs, mais est souvent défendu vis-à-vis des autres à l'extérieur du groupe.

  

En général, un groupe fait peu d'effort pour intégrer un nouveau venu, et il en est souvent de même du nouveau vis à vis du groupe, qui reste méfiant et sur ses gardes...Le résultat est que l'on constate souvent que le problème reste entier en matière d'intégration. Une équipe est d'abord un groupe primaire mais pas seulement, et Roger Muchielli pense que dans ce domaine « l’équipe est une variété originale qui ajoute à la cohésion socio-affective et aux relations interpersonnelles... la convergence des efforts pour l’exécution d’une tâche qui sera l’œuvre commune. »

 

Dans ces temps tourmentés de crise, la dynamique de groupe tend à se réduire à des relations dégradées de suspicion, de faire valoir ou de narcissisme, plutôt que de privilégier le "bien commun" ! Il reste à espérer que l'intelligence humaine saura restaurer un principe de vie primordial...qui a fait la force de bon nombres de sociétés et de systèmes.

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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 08:57

Lorsqu’elle devient maladive, la jalousie est un cauchemar pour celui qui la subit et… pour celui qui la vit. Différentes approches thérapeutiques permettent, sinon de “guérir” ce poison, du moins d’en contrôler les effets négatifs.

 

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Le jaloux maladif est un scénariste hors pair. Prisonnier d’une mauvaise série, il se voit dans la peau de l’antihéros trahi par son conjoint et un tiers, et filme en plan serré les comportements de ses partenaires comme autant d’indices du crime dont il sera la victime. Les autres acteurs ont beau se justifier, donner la preuve de leur innocence, lui n’entend rien, obsédé par ces images de tromperie.

  

Catherine se souvient : « Tous les soirs, j’attendais qu’il ait le dos tourné pour faire ses poches. Un nouveau stylo, une carte de visite, un nom illisible écrit sur une page d’agenda, n’importe quoi : je ne pouvais pas m’empêcher de considérer chaque objet trouvé comme une preuve de trahison. Et, tous les matins, je l’observais avec minutie : le moindre petit changement, le moindre effort particulier pour être séduisant, et j’étais intimement convaincu qu’il allait passer la journée avec une autre. »

   

Une forme de paranoïa

  

« La jalousie relève d’une forme de paranoïa, explique Alain Krotenberg, psychiatre spécialiste de la thérapie comportementale et cognitive (auteur de L’Envie d’aller mieux, avec Luc Patry, Payot, 2001). Or, le paranoïaque n’a, par définition, jamais tort ; s’il est persuadé que sa femme veut le tromper, rien ne pourra l’ébranler. » A moins que sa souffrance, devenue trop forte et difficilement soutenable, ne l’incite à consulter. C’est alors au thérapeute de lui faire prendre conscience du degré pathologique de sa jalousie.

 

« Dans un premier temps, je demande à la personne jalouse de noter régulièrement à quel rythme et avec quelle intensité se manifeste sa souffrance avant, pendant et après ses crises de jalousie », explique Alain Krotenberg. C’est la partie dite cognitive. Le thérapeute propose ensuite un jeu de rôles : « Le patient se met dans la peau de sa “victime”, moi dans la sienne, puis nous inversons. » Cette approche comportementale permet au jaloux de prendre conscience de ce qu’il y a d’excessif dans sa manière d’agir et de raisonner. Les proches peuvent prendre part à la thérapie en participant à ces jeux de rôles.

 

Pour autant, aucun conjoint n’a, seul, les moyens d’aider le jaloux à sortir de son schéma obsessionnel. L’inquiétude de celui-ci demeure, incontrôlable, obsédante et, surtout, croissante : « On commence par lui jurer qu’on l’aime, qu’aucun autre ne peut nous attirer, mais ça ne suffit pas. » Après avoir elle-même suivi une psychothérapie, Patricia, 39 ans, a fini par divorcer de son mari trop jaloux. « Pour éviter les disputes, j’avais fini par rompre avec tous mes amis et par quitter mon travail, jusqu’au jour où je me suis retrouvée chez moi, à ne plus rien oser faire et à déprimer. »

 

« Et même quand la victime du jaloux finit, enfermée, par ne plus voir personne, il arrive que l’autre devienne jaloux même de ses pensées et se dise : “Elle n’a pas l’air heureuse avec moi, elle pense forcément à un autre !” », ajoute Violaine-Patricia Galbert, thérapeute de couple. Pour se débarrasser de ces mauvaises pensées – les spécialistes parlent de "distorsions cognitives" –, le jaloux doit d’abord comprendre ce qui se cache derrière celles-ci. C’est ce que certaines thérapies, et notamment la psychanalyse, s’attachent à révéler en s’intéressant au passé du jaloux. « Le rapport à la mère étant un rapport amoureux que l’enfant ne veut pas partager, la jalousie amoureuse n’est jamais qu’une réminiscence de cette relation vécue dans l’enfance », explique Denise Lachaud, psychanalyste.

    

La dépendance affective

    

Pendant vingt ans, Léo Lederrey, journaliste médical et thérapeute, a été d’une jalousie féroce, jusqu’à ce qu’il décide de se tourner vers des spécialistes. Après avoir suivi plusieurs stages de Gestalt-thérapie, de rebirthing et de bioénergie, il a pu sortir de son schéma obsessionnel : « J’ai pu comprendre d’où venait ma jalousie : j’ai été élevé seul par ma mère… Un jour, mon père a brutalement réapparu pour me “voler” l’affection de celle-ci. » Depuis, chaque homme qui s’approchait de trop près des femmes qu’il aimait prenait inconsciemment ce rôle de "voleur d’amour". « C’est un traumatisme qui fait partie de mon histoire, une cicatrice qui sera toujours présente, ajoute-t-il. Mais parce que la thérapie m’a permis de l’identifier, elle ne me fait plus souffrir. »

 

Selon Violaine-Patricia Galbert, « la jalousie tient d’abord au désir de posséder l’autre ; le jaloux ne veut pas qu’il lui échappe ». Derrière cette volonté d’emprise se cache un état de dépendance affective. « Quand il essayait de se justifier de ses crises de jalousie, mon mari me répétait que jamais il ne pourrait vivre sans moi, que l’idée de se retrouver seul le terrorisait », témoigne Patricia. Le travail du thérapeute consiste alors à sortir le jaloux de cette relation fusionnelle en lui inculquant les principes de l’autonomie : « Il s’agit de lui apprendre à s’épanouir seul, sans l’autre qui lui sert de substitut », poursuit Violaine-Patricia Galbert.

 

Apprendre à avoir confiance en soi

 

Dès lors, un travail sur l’estime de soi s’avère nécessaire : si le jaloux ne se sent pas bien sans l’autre ou se croit sans cesse menacé de le perdre au profit d’un tiers, c’est parce qu’il ne se croit pas à la hauteur. Il se pense indigne de l’affection qu’il reçoit. « Le jaloux va donc devoir travailler sur l’affirmation de sa puissance, précise Violaine-Patricia Galbert. Le but de la thérapie est qu’il puisse se dire finalement : “Je mérite de la garder”, ou encore : “Si elle s’en va, je sais que j’aurai les moyens de me faire aimer d’une autre…” »

 

Apprendre à avoir confiance en soi pour avoir confiance en l’autre est un vrai travail qui peut durer, selon Léo Lederrey, un, deux, voire trois ans. « Au final, on ne guérit pas de la jalousie, mais on apprend juste à la maîtriser. » Cet ancien jaloux et habitué des ruptures vit avec la même femme depuis près de dix ans. « Elle vient de s’inscrire à des cours d’espagnol. Autrefois, mon réflexe aurait été de lui demander avec qui elle avait parlé, si beaucoup d’hommes étaient inscrits dans sa classe. Aujourd’hui, je gère, parce que j’ai compris que le problème ne vient pas d’elle mais de moi. Ce n’est pas toujours facile, mais, en tout cas, ma jalousie ne nous gâche plus la vie. »

    

Différence des sexes

  

Homme, femme : qui est le plus jaloux ?

  
Selon les études, la jalousie est un sentiment qui s’accorde aussi bien au féminin qu’au masculin. Quant à la fréquence et à l’intensité de la jalousie, là encore, hommes et femmes sont à égalité. Les deux sexes se distinguent, en revanche, dans leur manière de réagir : « Les hommes se fâchent, les femmes dépriment », remarque Ayala Malach Pines, thérapeute de couple.

 

Alain Krotenberg, psychiatre, souligne pour sa part que, « chez les femmes, la jalousie révèle un comportement hystérique et dépressif tandis que, chez les hommes, elle a un caractère paranoïaque et obsessionnel, ce qui la rend plus difficilement guérissable ». La psychanalyse considère la jalousie comme un reflet du désir inconscient de tromper l’autre. Parce que ce désir d’infidélité est insupportable, le jaloux s’en défend en l’attribuant à l’autre. Ce mécanisme, dit de projection, est difficile à accepter. Pour le jaloux, d’abord, qui n’admettra pas que ce sont ses propres désirs qu’il projette sur l’autre. Pour le conjoint, ensuite, qui risque de conclure : « C’est donc à moi d’être jaloux, puisque tu désires me tromper. » Les deux doivent alors admettre que ces désirs sont inconscients, donc sans lien avec la réalité.

 

Anne-Laure Gannac pour psychologie.com

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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 07:49

1. Les risques des antidépresseurs

  

Les antidépresseurs sont un réel progrès dans le traitement de la dépression. Mais comme tout médicament, ils peuvent avoir des retentissements plus ou moins importants sur la santé. Tour d’horizon des risques et des inconvénients de ces pilules soi-disant miracles. 

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"Note: Pensez à consulter votre médecin ou psychiatre avant toute initiative hasardeuse, concernant l'usage des antidépresseurs. D'autres articles sont à disposition sur ce site concernant les risques plus graves provoqués par certains psychotropes."

 

Les effets secondaires des antidépresseurs dépendent énormément de leur nature. Ainsi, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ont des effets moins gênants que les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) et les antidépresseurs tricycliques (ou imipraminiques). De plus, certains entraînent une forme d’accoutumance et, dans ce cas, le traitement ne doit pas être interrompu brutalement.

 

  • Des risques pour l’estomac ?

 

La prise de certains antidépresseurs pourrait entraîner des hémorragies gastriques chez les personnes âgées. Telle est la conclusion d’une étude canadienne1 portant sur plus de 300 000 personnes de 75 ans de moyenne d’âge. Selon les résultats, la prise d’un antidépresseur de type inhibiteur de la recapture de la sérotonine augmentait de 10 % en moyenne le risque d’hémorragie gastrique. Ce danger augmenterait avec l’âge et en cas d’antécédents d’hémorragie digestive. Cette enquête confirme en fait une relation déjà soupçonnée et devrait favoriser la prise en compte de l’âge et des antécédents dans le traitement de la dépression chez les seniors…

 

  • Antidépresseurs et troubles érectiles

 

Les antidépresseurs sont responsables de troubles sexuels variés chez un certain nombre de patients (diminution de la libido, troubles de l’éjaculation ou de l’érection, etc.). Tous les antidépresseurs entraînent des effets secondaires différents et plus ou moins intenses d’une personne à l’autre. Tous les antidépresseurs concernés sont : antidépresseurs tricycliques, inhibiteurs sélectifs de la sérotonine et IMAO non sélectifs.

 

  • Zyban® sous surveillance

  

En janvier 2002, l'agence du médicament britannique (Medecine Control Agency ou MCA) a annoncé que 57 décès avaient été recensés Outre-manche chez des personnes prenant du Zyban®. Ce nouveau médicament d’aide au sevrage tabagique est en fait un antidépresseur. Il est d’ailleurs prescrit comme tel aux Etats-Unis. Selon l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), rien ne prouve qu’il y ait un lien de cause à effet entre le décès et la prise de Zyban®. En effet, la MCA affirme aussi que la plupart des patients concernés présentaient des états de santé qui à eux seuls peuvent vraisemblablement expliquer leur décès. De plus, sur ces 57 cas, 14 personnes ne prenaient plus le médicament suspecté au moment de leur mort. Il n'y a donc pas lieu de s'alarmer2 mais de surveiller…

 

  • Gare aux associations !

  

Selon certaines études, la combinaison de plusieurs médicaments affectant la production de sérotonine pourrait favoriser la survenue de céphalées et d’accidents vasculaires cérébraux. La sérotonine est un messager chimique particulièrement important au niveau cérébral. Certains antidépresseurs augmentent ainsi spécifiquement sa concentration. Or, la sérotonine possède une action vasoconstrictrice (réduisant le calibre des vaisseaux sanguins). Si cette propriété s’exprime au niveau de vaisseaux cérébraux, elle peut causer des céphalées ou des accidents vasculaires, selon les auteurs de l’étude parue dans la célèbre revue Neurology. Pour étayer leur propos, ils décrivent trois cas d’accidents ischémiques. Les produits mis en cause sont en premier lieu les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS). Mais sont également concernés certains antimigraineux appelés triptans ; certaines pilules amaigrissantes, les amphétamines, le millepertuis, certaines drogues comme l’ecstasy ou la méthamphétamine…

 

Les antidépresseurs sont vraiment efficaces pour traiter la dépression et seul un médecin peut juger du besoin d’employer ce type de médicament. Ils sont exclusivement sur prescription médicale et leur usage nécessite un suivi. Pas d’automédication donc… même pour un petit coup de blues mais il ne faut pas hésiter à consulter son médecin en cas de doute. La dépression est une vraie maladie.

 

Louis Asana

1 - BMJ, septembre 2001 ; vol. 323 : p. 1-6
2 - Communiqué de presse de l’Afssaps du 18 janvier 2002
3 - Neurology 2002 ; vol. 58 : p. 130-133


 

2. Antidépresseurs : des vertus insoupçonnées ?

  

Contrairement à ce que leur nom laisse penser, les antidépresseurs ne soignent pas uniquement la dépression ! Ils peuvent avoir un intérêt pour faire face à de nombreux problèmes de santé et plusieurs études leur ont trouvé de nouvelles vertus ! Tour d’horizon…

 

Les antidépresseurs possèdent de nombreuses propriétés intéressantes. Leurs effets font d’ailleurs l’objet de nombreuses recherches.

 

  • Pour le sevrage tabagique

 

L’exemple le plus récent d’utilisation "alternative" d’un antidépresseur est le fameux Zyban ® (bupropion). Depuis longtemps utilisé aux Etats-Unis dans les problèmes dépressifs, ce composé s'est révélé avoir d'autres propriétés plus surprenantes : il constitue une aide précieuse lors du sevrage tabagique. Les études d'efficacité montrent que son taux de réussite serait même supérieur à celui des substituts nicotiniques de type patch (18 % contre 10 %).

 

  • Contre les risques d’infarctus

 

Toujours chez les fumeurs, le Prozac ®, l’un des antidépresseurs les plus prescrits dans le monde, vient peut-être de trouver une nouvelle application. Selon le professeur Kimmel*, de l'Université de la Pennsylvanie, "la pilule du bonheur", diminuerait de 65 % le risque d’infarctus chez les fumeurs. Pour le chercheur, le Prozac, et les médicaments de la même famille (les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine), grâce leur action anti-coagulante réduiraient le risque de formation de caillots à l’origine des accidents cardiaques. A moins qu’en agissant simplement sur les troubles de l’humeur, le Prozac réduise indirectement le risque d’infarctus. En effet, les personnes dépressives sont deux fois plus exposées aux accidents cardiaques.

 

Curieusement, de précédentes études semblaient au contraire indiquer que d'autres types d’antidépresseurs pouvaient entraîner des troubles du rythme cardiaque. Si le Prozac peut donc aider les fumeurs, la meilleure solution est tout de même d’arrêter la cigarette !

 

  • Contre le syndrome prémenstruel

 

De nombreuses femmes souffrent de troubles avant ou pendant les règles. Souvent, ceux-ci sont peu intenses, c’est pourquoi elles n’éprouvent même pas le besoin d’en parler à leur médecin. Mais parfois la gêne est considérable et peut empêcher toute vie sociale. Des médicaments dirigés contre les principaux symptômes peuvent apporter un certain soulagement. Dans le cas des troubles de l’humeur, plusieurs études ont montré sans conteste l’efficacité des fameux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine. Cependant un tel traitement ne peut s’adresser qu’à des syndromes sévères.


  • Contre l’hémiplégie


Après un accident vasculaire cérébral, l’une des conséquences peut-être une hémiplégie, c’est-à-dire une paralysie partielle. Or une équipe de l'INSERM (unité 455 de neuro-imagerie fonctionnelle) à Toulouse vient de montrer qu'une seule injection d’un antidépresseur (toujours le Prozac !) améliore les fonctions motrices chez les patients hémiplégiques à la suite d'une attaque cérébrale. Les molécules de cette famille d'antidépresseurs activeraient des neurones, normalement inactifs, qui prendraient le relais des régions cérébrales endommagées.


  • Pour retrouver le calme


L’hyperactivité de l’enfant est un sujet dont il est de plus en plus question aujourd’hui. Si le médicament phare, surtout aux USA est la Ritaline (méthylphénidate), les antidépresseurs sont parfois utilisés lorsque le trouble est en rapport avec un état dépressif. Ainsi l'imipramine est efficace dans 75 % des cas. De plus, l'utilisation des antidépresseurs présente plusieurs avantages sur les psychostimulants : durée d'action plus prolongée, pas de troubles du sommeil… Cependant l'efficacité s'estomperait après 8 à 10 semaines de traitement.


  • Les antidépresseurs et la boulimie


Contre la boulimie, les antidépresseurs peuvent être efficaces de manière temporaire. Mais ils n'empêchent pas les récidives. Ils doivent donc accompagner une prise en charge diététique et psychologique. Ce soutien psychologique et comportemental reste indispensable.


  • Contre la douleur


L’arsenal antidouleur ne se limite pas aux anti-inflammatoires et aux dérivés morphiniques. Des antidépresseurs sont fréquemment prescrits à des personnes ne présentant pas de problèmes dépressifs, mais souffrant de douleurs neurologiques ou articulaires. De même, relaxation et sophrologie peuvent contribuer à diminuer le vécu douloureux et l’acupuncture est habituelle.


  • Antidépresseurs et Parkinson


S’il n’existe pas de traitement curatif contre Parkinson à l’heure actuelle, plusieurs médicaments peuvent diminuer les symptômes. C’est le cas des antidépresseurs tricycliques. En effet, ceux-ci ont des propriétés anticholinergiques et antidépressives qui améliorent l’état de santé des malades.


  • Ejaculation prématurée


Pour traiter les patients souffrant d’éjaculation précoce des antidépresseurs peuvent être prescrits afin de retarder le moment de l’éjaculation. Et cela semble marcher, puisque l’on obtient 70 à 100 % d’efficacité selon les médicaments.


  • Fatigue chronique


Le syndrome de fatigue chronique est reconnu dans la plupart des pays anglo-saxons, mais reste bien souvent ignoré en France. Le traitement outre-atlantique fait généralement appel aux antidépresseurs associés à une psychothérapie ou une psychanalyse.

Les antidépresseurs semblent donc efficace contre de nombreux maux. Néanmoins, l’automédication est à proscrire et vous ne devez les utiliser que sous contrôle médical strict.

    

Louis Asana pour doctissimo.fr


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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 14:29

"Les jeux vidéo seraient des déclencheurs d'agression. Les mécanismes d'identification aux personnages sont favorisés par un réalisme qui ne cesse d'être amélioré." La sonnette d'alarme fut déjà tirée par des sociologues, des scientifiques et des psychanalystes il y a quelques années... n'est-il pas trop tard pour en tirer les leçons ?


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© Rockstar Game Distribution

Grosses voitures, armes à feu, sexe et corruption : les dernières générations de jeux vidéo (ici le « héros » de Grand Theft Auto iv) font du crime et de la violence leur principal argument de vente. Des études scientifiques révèlent que ces supports entraînent une augmentation des violences.

 

L'auteur, pour cerveau et psycho.fr:

 

Laurent Bègue est professeur de psychologie sociale à l’Université de Grenoble, où il dirige le Laboratoire interuniversitaire de psychologie : personnalité, cognition, changement social (EA 4145).

 

- Un premier exemple du réalisme des jeux violents:

 

 

  • À l’occasion de la sortie du jeu vidéo Grand Theft Auto IV (theft signifiant vol), médias, opinion et politiques se sont interrogés : ce type de jeu rend-il violent ?

 

Est-il susceptible d’encourager un passage à l’acte chez certains utilisateurs ? Ou au contraire, comme certains l’ont prétendu, fait-il office d’exutoire en permettant de vivre par procuration des actes illicites ? Les sceptiques vous répondront qu’il ne fait que refléter la violence environnante et que les critiques indignées qu’il engendre ne servent qu’à masquer des problèmes sociaux réels.

 

Rappelons que le jeu Grand Theft Auto IV atteint un degré de réalisme inégalé. Les vices urbains que l’on y rencontre existent bel et bien aujourd’hui : gangs, drogue, prostitution, trafics, violence. D’autres jeux vidéo, commercialisés ou conçus par des amateurs et téléchargeables gratuitement, tirent également leur inspiration de la brutalité de l’actualité mondiale. Dans Kaboom : The suicide bombing game, jeu qui s’ouvre sur la caricature de feu Yasser Arafat, le joueur dirige un kamikaze arabe évoluant dans une ville. Son objectif : tuer le maximum de personnes. Après chaque explosion, le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants tués et blessés par l’explosion est comptabilisé. Dans Virginia-tech massacre game, le joueur incarne Seung-Hui Cho, auteur de la tuerie la plus meurtrière de l’histoire des États-Unis. Le jeu consiste à abattre le maximum d’étudiants croisés sur le campus. Si ces logiciels sanglants témoignent de l’ubiquité d’une violence humaine certes ancienne, ils posent néanmoins une question : les jeux vidéo violents rendent-ils la société plus violente encore ?

 

  • Évaluer les risques objectivement

 

Cette question reçoit deux sortes de réponses. La plus courante consiste à sélectionner des événements personnels et à s’en servir, dans un sens ou dans l’autre. Sur les forums de jeux vidéo, de nombreux utilisateurs témoignent d’une pratique assidue des jeux violents tout en ironisant sur les effets prétendument délétères que déplorent certains spécialistes, en concluant : « Je n’ai jamais tué personne ! » Une variante de ce type de raisonnement consiste à invoquer des faits d’actualité, par exemple le meurtre d’un homme au volant de sa voiture par deux jeunes aficionados de Grand Theft Auto III en 2003.

 

Inversement, certains opposent que l’auteur du massacre de Virginia Tech en 2007 n’était nullement adepte de jeux vidéo violents. Cette approche des liens entre jeux vidéo et violence est fondamentalement erronée, car elle ignore la signification de ce que l’on nomme les facteurs de risque. Au même titre que la maltraitance familiale, la consommation d’alcool ou les frustrations sociales (voir l’encadré pages 18 et 19), la pratique de jeux vidéo violents peut être considérée comme un facteur de risque. Cela signifie que les jeux vidéo augmentent, de façon indépendante ou éventuellement en interaction avec d’autres facteurs, la probabilité d’un passage à l’acte violent.

Lorsqu’il s’agit d’homicides ou de violences extrêmes, il y a généralement présence de plusieurs facteurs de risque. Ces actes sont rarissimes (en France, il y a en moyenne un millier d’homicides par an), et la probabilité qu’un joueur assidu blesse grièvement ou tue quelqu’un est minime, s’il ne présente pas d’autres facteurs de risque importants. N’en déduisons pas que les jeux vidéo ne stimulent pas son agressivité à court ou à long terme, mais simplement que ces effets porteront sur des pensées, des émotions ou des conduites agressives moins spectaculaires. Dans les faits d’actualité, on constate que de nombreux auteurs de fusillades dans les écoles étaient généralement adeptes de jeux vidéo violents, mais qu’ils présentaient également plusieurs autres facteurs de risque.

 

Une autre façon d’établir un lien éventuel entre les jeux vidéo et le comportement d’agression (défini comme une action réalisée avec l’intention de blesser quelqu’un) consiste à s’appuyer sur l’une des trois méthodes scientifiques à la disposition des psychologues. La première est la méthode expérimentale : des personnes sont placées devant un écran où elles jouent pendant une quinzaine de minutes à un jeu vidéo violent. D’autres jouent, dans des conditions identiques, à des jeux vidéo neutres. Ensuite, on compare leurs comportements d’agression. Les niveaux de difficulté, d’excitation ou de frustration associés à ces jeux devront être équivalents afin que l’on ne puisse attribuer les différences observées qu’au degré de violence véhiculé par le jeu : toute différence de comportement entre les personnes des deux groupes est alors directement imputable au type de jeu pratiqué.

 

La deuxième méthode, dite transversale, consiste à recueillir des informations sur les comportements agressifs d’un certain nombre de sujets étudiés (en les interrogeant ainsi que leur entourage, leurs professeurs, etc.) sur le type de jeux vidéo qu’ils pratiquent, ainsi que sur le temps moyen qu’ils y consacrent. Dans ce type de statistiques, on veille aux biais connus, notamment au fait que les garçons jouent plus aux jeux vidéo violents et sont plus agressifs verbalement et physiquement, en moyenne, que les filles.

 

Avec la troisième méthode, dite longitudinale, on recueille des informations à plusieurs reprises auprès des mêmes personnes. On détermine ainsi, non seulement s’il existe un lien entre les jeux vidéo et l’agression, mais aussi comment on peut l’interpréter. Si l’on constate qu’une personne joue à des jeux vidéo une année donnée et que ses actes violents augmentent l’année suivante, on peut supposer que la pratique de ces jeux vidéo en soit la cause (indépendamment du niveau d’agression mesuré la première année).

 

Les analyses de contenu des jeux vidéo commercialisés montrent que la violence constitue le thème principal de plus de la moitié des titres les plus vendus au monde. Le succès colossal enregistré par Grand Theft Auto IV (le produit culturel le plus vendu au monde en 2008) confirme cette tendance. Dans ce jeu, la plupart des missions requièrent de tuer ou d’agresser violemment des gens (par exemple, trouver quelqu’un dans New York et l’éliminer, protéger quelqu’un en supprimant ses adversaires, braquer un fourgon, punir les commerçants qui s’élèvent contre le racket, etc.). Rien ne vous empêche d’acheter les services d’une prostituée, puis de la cribler de balles avant de récupérer votre argent. Ou de conduire sur les trottoirs et d’écraser les piétons, dont le sang vient alors maculer le pare-chocs et le pare-brise du 4 ¥ 4 que vous venez tout juste d’arracher à son propriétaire.

  

- Un deuxième exemple de jeu violent très réaliste:


  
  • L’impact du sang virtuel

 

Le premier jeu violent commercialisé en 1976, Death Race, consistait déjà à écraser des piétons avec une voiture. Mais en 30 ans, la qualité graphique et sonore de la violence s’est considérablement améliorée ! Selon le journaliste et historien des jeux vidéo Steven Kent, un tournant s’est opéré en 1992 avec le jeu Wolfenstein 3d (w3d), bientôt suivi de Doom, en 1993, où pour la première fois le joueur « était » le personnage dont il contrôlait l’arme à feu.

 

Dans ce type de jeu, le joueur voyait l’action comme s’il portait lui-même l’arme servant à tirer, et évoluait librement dans un univers à trois dimensions. Alors que dans Death Race et beaucoup d’autres jeux qui ont suivi, les personnages abattus disparaissaient (laissant parfois sur l’écran une petite stèle funéraire ornée d’une croix), dans w3d, ils tombaient par terre et perdaient leur sang. En 1999, le jeu Soldier of Fortune améliorait remarquablement le sanglant réalisme : créé en collaboration avec un ancien colonel de l’armée américaine, il permettait au joueur aguerri d’abattre son adversaire en visant l’une des 26 « zones létales » du corps qu’il était possible de blesser. Les victimes réagissaient avec vraisemblance aux différents coups de feu selon la partie du corps touchée, l’arme utilisée et la distance de feu.

 

Le caractère particulièrement sanglant de certains jeux n’est pas sans conséquences. Dans une récente étude, Christophe Barlett et ses collègues, de l’Université de l’Iowa, ont fait jouer des participants à un jeu violent classique, Mortal Kombat. Dans ce jeu, il est possible d’abattre les ennemis sans voir le sang couler. Mesurant la pression sanguine des joueurs avec l’option « sang » activée, ils ont observé une plus grande activation physiologique que lorsque l’option « sang » était désactivée. En outre, l’hostilité des joueurs en condition « jeu sanglant » augmentait, et ils avaient davantage de pensées agressives après le jeu, indépendamment de leur caractère agressif intrinsèque, mesuré au début du jeu.

  

Cet effet du sang observé existe-t-il aussi au cinéma ? Pour le savoir, Stephen Black et Susan Bevans, de l’Université Bishop, se sont postés à l’entrée d’un cinéma et ont demandé aux spectateurs de répondre à un questionnaire de personnalité et d’indiquer le film qu’ils venaient voir. Ils ont constaté que les films comportant des scènes violentes étaient d’autant plus appréciés par les spectateurs qu’ils avaient un niveau élevé sur une échelle d’agressivité. Ce résultat traduit un élément qu’il faut prendre en compte avant d’affirmer que les films ou les jeux vidéo rendent violents : ils sont davantage recherchés par les personnes qui ont des tendances violentes.

 

Dans une recherche réalisée auprès de 300 adolescents scolarisés aux Pays-Bas, Jeroen Lemmens, de l’Université d’Amsterdam, a montré que ceux qui aiment les jeux vidéo violents sont le plus souvent des garçons ayant un niveau d’agressivité élevé et un niveau d’empathie bas. D’autres recherches ont montré que les enfants adeptes des jeux vidéo violents ont davantage de conflits avec leurs enseignants, sont plus agressifs verbalement et physiquement. Dans une étude effectuée auprès de 1 254 adolescents âgés de 12 à 14 ans, Lawrence Kutner et Cheryl Olson, de la Faculté de médecine de Harvard, ont mis en relation divers problèmes de comportement avec la pratique de jeux vidéo violents. Ainsi agression, délinquance et utilisation de jeux vidéo semblent bien liées.

 

  • Créer des pensées agressives

 

Des études ont été également effectuées afin d’estimer les raisons invoquées par les enfants et adolescents qui jouent à des jeux vidéo violents. L’un des élèves interrogés par Elly Konijn et ses collègues, de l’Université d’Amsterdam, disait : « J’aime beaucoup Grand Theft Auto parce qu’on peut tirer sur les gens et rouler à toute vitesse dans des voitures. Quand je serai plus grand, je pourrai faire cela aussi. » Dans leur étude, L. Kutner et C. Olson ont distingué quatre motifs recherchés par les enfants : l’excitation et le plaisir (ils jouent pour gagner, arriver à terminer la partie) ; l’aspect social (ils aiment jouer entre amis) ; les émotions ressenties (ils jouent pour calmer leur colère, oublier leurs problèmes, se sentir moins seul) ; ils jouent pour ne pas s’ennuyer (pour tuer le temps).

 

Tout cela suggère que la pratique des jeux vidéo violents est liée à certaines variables de personnalité et revêt des significations différentes selon les joueurs. En tant que tels, bien qu’ils ne permettent pas de déterminer si les personnes agressives jouent de préférence à des jeux violents ou si ces jeux les rendent violentes, ils contredisent le rôle cathartique fréquemment attribué aux jeux vidéo (voir l’encadré page 16).

Indépendamment des prédispositions initiales à la violence, qui orientent effectivement le choix des jeux, existe-t-il des preuves d’un effet causal des jeux vidéo sur les pensées et les émotions agressives ? Une première étude illustre l’effet des jeux vidéo sur les pensées agressives. Les psychologues américains Craig Anderson, de l’Université de l’Iowa, et Karen Dill, de l’Université Lenoir Rhyne, en Caroline du Nord, ont montré que des personnes venant de jouer à un jeu violent identifient plus rapidement des mots violents projetés sur un écran : leur esprit est donc « préparé » à penser de façon violente. Il s’agit de ce qu’on nomme un amorçage de pensées agressives, qui a de multiples conséquences.

 

Une étude comparable a été réalisée par Steven Kirsh, de l’Université de New York, auprès d’enfants âgés de 10 et 11 ans. Après avoir joué à un jeu neutre ou à un jeu violent, les enfants devaient lire des histoires où un personnage était responsable d’un incident, sans que l’on puisse décider si cela était intentionnel ou non. Les volontaires ayant joué à un jeu violent imputaient davantage d’intentions négatives à ce personnage. Ce type de biais n’est pas sans conséquences, de nombreuses études révélant que l’attribution de pensées hostiles à autrui constitue un facteur décisif dans les conduites agressives.

 

Les effets des jeux vidéo violents s’expriment également au plan émotionnel. C. Anderson a ainsi montré que le degré d’anxiété et d’hostilité de personnes ayant joué à des jeux violents était significativement supérieur à celui de personnes ayant joué à un jeu neutre. Dans une vaste analyse des travaux scientifiques réalisés sur ce sujet (impliquant au total 1 495 participants), C. Anderson et B. Bushman ont établi un lien statistique entre la pratique de jeux vidéo violents et la fréquence des pensées agressives.

 

  • De la pensée agressive au comportement violent

  

Les psychologues américains Roland Irwin et Alan Gross, de l’Université du Mississippi, ont laissé des enfants de huit ans jouer à un jeu vidéo excitant pendant 20 minutes. Certains jouaient à un jeu violent (le jeu de combat intitulé Double Dragon), tandis que d’autres s’amusaient à un jeu non violent (Excitebike, une course de moto). Ensuite, on les conduisait dans une salle de jeu où ils étaient filmés à leur insu pendant 15 minutes en train d’interagir avec d’autres enfants. Des observateurs extérieurs ont ensuite noté divers aspects de leurs comportements (en comptabilisant les gestes tels que taper, secouer, donner un coup de pied, pincer, etc.). Les résultats ont révélé que les enfants ayant joué au jeu de combat commettaient deux fois plus d’actes agressifs que ceux qui avaient joué à la course de moto.

  

Ainsi, certaines recherches ont montré un lien entre la pratique de jeux vidéo violents et les cognitions agressives, d’autres un lien entre la pratique de jeux vidéo violents et le comportement agressif. Dans une étude récente réalisée à l’Université de Grenoble, nous avons fait l’hypothèse que les pensées hostiles suscitées par la pratique des jeux vidéo faisaient le lien entre les jeux violents et le comportement agressif. Dans notre étude, après une phase de familiarisation, 136 hommes et femmes adultes jouaient durant 20 minutes – la phase préparatoire – à un jeu identifié comme violent (Condemned 2, Call of Duty 4 ou The Club) ou à un jeu non violent (une simulation de course de voiture, par exemple, s2k Superbike, Dirt 2, etc.).

 

Ensuite, les participants devaient lire deux scénarios ambigus et imaginer la suite de l’histoire. Par exemple, dans la première histoire, un conducteur heurtait l’arrière de la voiture du personnage principal. Après avoir constaté les dégâts, les deux conducteurs s’approchaient l’un de l’autre. On demandait ensuite aux participants de décrire en 20 points ce que le personnage principal allait dire, penser ou faire dans les minutes qui suivaient. Dans une deuxième étape de l’expérience, chaque participant réalisait une tâche compétitive contre un partenaire : il devait appuyer aussi vite que possible sur une touche dès qu’il percevait un signal sonore. Le perdant recevait un son désagréable dans les oreilles, diffusé par des écouteurs.

 

Les participants croyaient que l’intensité du son avait été choisie par leur adversaire. La mesure d’agression était l’intensité sonore (de 60 à 105 décibels, soit l’équivalent d’une alarme à incendie) et la durée (de 0 à 5 secondes par intervalles de 500 millisecondes) que le sujet choisissait de faire subir à son (faux) adversaire, lorsque celui-ci perdait (des études préalables indiquent que cette mesure est liée à des actes agressifs dans la vie réelle). Les résultats ont montré que les participants ayant joué à un jeu vidéo violent, quel que soit leur sexe, avaient davantage de pensées agressives et agressaient davantage leur adversaire.

 

Dans une autre étude reposant sur la même méthode, réalisée par E. Konijn, les joueurs qui s’identifiaient au personnage du jeu étaient plus violents par la suite. En outre, si le jeu était réaliste et « immersif » (il plongeait complètement le joueur dans l’ambiance), les joueurs s’identifiaient davantage au personnage violent qu’ils commandaient. Si l’on observe les résultats des études publiées depuis 20 ans, on constate que non seulement il existe le plus souvent un lien avec la pratique de jeux vidéo violents, mais aussi que l’intensité de ce lien augmente. Il apparaît ainsi que plus le jeu est réaliste, plus son effet sur l’agression est élevé.

Le neuroscientifique Christopher Kelly et ses collègues de l’Université Colombia ont étudié le fonctionnement du cerveau pendant la pratique de jeux vidéo. Ils ont constaté que les jeux diminuent l’activité d’un réseau cérébral qui inhibe l’agression réactive, c’est-à-dire la tendance à agresser quiconque est agressif à notre égard.

 

  • Des effets à long terme

 

Pour mesurer les effets des jeux vidéo à long terme, le psychologue américain Douglas Gentile et ses collègues, de l’Université de l’Iowa, ont interrogé 430 enfants âgés de 9 à 11 ans ainsi que leurs camarades et leurs professeurs, deux fois à un an d’intervalle. Ils ont montré que ceux qui jouaient davantage à des jeux vidéo violents lors du premier test attribuaient, un an plus tard, plus d’hostilité aux autres personnes qu’ils rencontraient, se montraient plus agressifs verbalement et physiquement, et étaient moins enclins à l’altruisme. Au total, plus de 8,5 pour cent des actes violents mesurés après un an étaient expliqués par la pratique de jeux vidéo violents au cours de l’année écoulée.

 

Comment les jeux vidéo entraînent-ils de tels changements ? Les effets à court terme impliquent essentiellement l’amorçage de concepts agressifs, l’activation physiologique et l’imitation ; les effets à long terme, quant à eux, concernent les croyances et les attitudes agressives ainsi que les schémas de perception et d’attentes agressives. Ainsi, le comportement agressif est jugé davantage justifié, le registre de l’agression apparaît automatiquement en cas de conflit, et des intentions hostiles sont fréquemment attribuées à autrui lorsqu’une situation ambiguë se présente.

  

  • Les jeux vidéo désensibilisent à la violence

 

Un autre mécanisme clé est lié au phénomène de désensibilisation. Dans une étude réalisée par Nick Carnagey, de l’Université de l’Iowa, on demandait à des volontaires de pratiquer des jeux violents pendant 20 minutes, puis d’observer des scènes de violence réelles pendant dix minutes, tandis que l’on enregistrait la conductivité de leur peau (un signe d’émotivité) et leur rythme cardiaque. Les résultats ont montré que les personnes ayant joué à un jeu vidéo violent étaient moins sensibles à la violence que les autres : la conductivité de leur peau restait faible et leur rythme cardiaque lent.

 

Le psychologue américain B. Bartholow a d’ailleurs montré que le cerveau des joueurs réguliers est comme désensibilisé aux images de violence qu’on leur projette, et que ces personnes se montrent plus agressives dans un test d’agressivité proposé juste après. De tels effets sont indépendants du tempérament initial (plus ou moins agressif) de la personne. Les jeux vidéo ont ainsi des effets non négligeables sur le long terme.

 

Si nous sommes aujourd’hui obligés de nous poser la question de l’impact des jeux vidéo violents, ce n’est pas pour nourrir une polémique stérile. Nous y sommes obligés parce que les données scientifiques sont très convergentes, et que la plupart des adolescents et de nombreux adultes pratiquent ces jeux assidûment, parce que le temps qui leur est consacré en une journée augmente, et parce que les restrictions diverses (les limites d’âge imposées) sont inopérantes. Selon une enquête américaine, 68 pour cent des garçons et 29 pour cent des filles d’un échantillon d’enfants âgés de 12 à 14 ans ont joué à des jeux interdits aux moins de 17 ans. Enfin, puisque le réalisme d’un jeu est lié à son impact psychologique, les évolutions futures des jeux vidéo (le joueur sera de plus en plus immergé dans le jeu à cause de l’utilisation d’autres modalités sensorielles telles que le toucher) ne risquent pas d’apaiser une situation déjà peu rassurante…

 

Laurent Bègue pour cerveau et psycho.fr

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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 13:57

Acte criminel, entend-on chaque été après les incendies dévastateurs. Mais qu’est-ce qui pousse un homme à craquer une allumette dans une pinède ? Confession d’un incendiaire qui a su s’arrêter à temps.

 

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Philippe témoigne...

   

Je ne suis plus pyromane. Aujourd’hui, ce sont les cœurs que j’embrase. » La voix au téléphone est rieuse. Trop ? Quelques minutes plus tard, Philippe, 39 ans, accepte un entretien. Rendez-vous est pris dans la multinationale où il exerce le très pacifique métier d’informaticien. Large sourire, démarche sportive, on est loin de l’image que l’on se fait du dangereux maniaque. Impression qui se confirme dès qu’il se lance sur un sujet de toute évidence longuement analysé.

 

Retour sur son enfance campagnarde. Dernier de trois enfants, Philippe a 5 ans en 1971. « Je n’étais pas triste, j’étais solitaire. » Et déjà fasciné par le feu. « Je m’entraînais en enflammant des bouts de papier, pour me faire peur. J’allais jusqu’à brûler des fourmis et mes soldats en plastique. » Frissons assurés. Nul ne s’alarme dans la famille. Philippe continue. Et puis, une nuit – « la nuit, la transgression est plus grande encore » –, c’est le passage à l’acte, prémédité.

 

Terreur et frissons

  

« Nos voisins travaillaient sur les marchés. Dans leur jardin, ils avaient entassé des cagettes de bois qui formaient comme un mur. J’avais volé des boîtes d’allumettes et j’avais calculé qu’en les allumant d’un coup ça ferait une gigantesque explosion. J’ai mis mes chaussures et je suis allé mettre le feu. Et ç’a bien brûlé ! » Frissons encore, et frayeur.

 

« Quand j’ai vu les flammes monter, j’étais terrorisé. » Sirène, intervention des pompiers. Et interrogatoire du père : « Il a tout de suite su que j’étais le coupable. Il m’a donné une fessée gigantesque. Mais ce qui m’a réellement traumatisé, c’est l’intervention des pompiers. Ils étaient les soldats de “mon” feu ! »

 

Etrangement, personne ne reviendra sur l’incident : « Ma mère n’a rien su. Nous n’en n’avons jamais reparlé, ce qui, chez nous, était dans la logique des choses. » L’incendie s’en va alourdir le coffre à secrets de la famille, pas plus lourd qu’un autre. « Nos parents considéraient qu’une fois la bêtise punie l’affaire était close, on n’en reparlait plus. » Les mois passent. En 1974, se souvient Philippe, sort La Tour infernale, le premier film catastrophe américain : « J’ai revécu profondément, violemment mon passage à l’acte. »

 

Impression forte, mais pas suffisante pour lui faire passer le goût des flammes, qu’il apprend à domestiquer. « Je mettais le feu, mais avec un seau d’eau à côté de moi. J’étais pompier et pyromane en même temps, l’idéal. »

 

Fascination et initiation

  

A 9 ans, le spectacle d’un incendie de forêt dans les Cévennes le bouleverse. « Nous avons croisé les pompiers et, sur leur visage, j’ai vu la peur. J’ai compris que ce que le feu engendre est terrible. Ç’a été une étape. Il y a eu un avant et un après. »

 

Trente ans plus tard, Philippe analyse cette passion qu’il est parvenu à domestiquer : « La pyromanie cache une frustration, elle déclenche une émotion que l’on ne parvient pas à obtenir ailleurs. » Le feu, comme une chaleur que l’on attend, d’une mère, d’un père, qui ne vient pas. Philippe se souvient de la douleur à chaque mise à feu : « Je les vivais comme un appel : “Prenez-moi par la main !” La pyromanie, c’est se faire remarquer par le plus grand nombre.

 

Pour le comprendre, il n’y a qu’à regarder la fascination exercée par la pyrotechnie », dit-il, pudique. « C’est le signe d’une difficulté à s’extraire de l’enfance, de sa toute-puissance. En même temps, mettre le feu, comprendre son acte, relève de l’initiation. Il y a l’excitation, la transgression. Paradoxalement, par cet acte irresponsable, on comprend l’idée même de responsabilité. Vers 10 ans, j’ai compris la dualité de l’individu. Nous sommes réellement l’Ange et la Bête. Notre attitude face au feu, craint, vénéré, le démontre depuis toujours. »

 

Prise de conscience et guérison

   

On doute bien sûr que tous les pyromanes aient cette lucidité sur les portées, réelles et symboliques, de leurs actes. Philippe s’est soigné tout seul. Enfin, presque seul. Sur le tatami d’un dojo, à 14 ans, en pratiquant, en groupe, l’aïkido, cet art où l’on apprend à contrôler, à canaliser son agressivité, à utiliser celle de l’autre aussi. Affrontement, mais surtout échanges de forces et regard de l’autre sur soi. Au cours de l’analyse qu’il a entreprise, il n’a pas encore éprouvé le besoin d’évoquer son ancienne pyromanie. Aujourd’hui, Philippe s’estime guéri : « A part dans ma cheminée, je n’ai plus envie de mettre le feu. »

   

Une pulsion incontrôlable ?

    

Pour Pierre Lamothe, psychiatre au service médico-psychologique régional de Lyon, les mises à feu sont des appels au secours. Et les pyromanes, des adultes à qui l’on n’a pas fixé de limites durant l’enfance. Explications.

  

Selon le docteur Pierre Lamothe, il existe trois catégories d’incendiaires : « Le pyromane occasionnel, qui, un soir d’ivresse – par vengeance ou jalousie – met le feu. Celui que l’on appelait autrefois “l’idiot du village”, qui, par vengeance lui aussi, met le feu à une grange. L’un comme l’autre ne recherchent aucun plaisir et ne récidivent pas, contrairement aux individus du troisième type, les pervers. Eux ne reconnaîtront jamais les faits, même pris sur le vif. Ils s’inventent d’ailleurs de très bonnes excuses. Victime d’un délire d’innocence, ils finissent par y croire. Comme ce chercheur du CNRS, pyromane, qui soutenait l’intérêt scientifique de l’étude d’un incendie. »

  

D’où vient cette pulsion incontrôlable ? « Souvent, enfants, ils n’ont pas été soumis à l’interdit, poursuit Pierre Lamothe. Ils n’ont pas été protégés par les adultes contre un état qui les excitait. En cela, leurs parents ne sont pas sadiques, mais leur ont donné une éducation sadique. Qu’elle soit trop permissive ou trop sévère, le résultat est le même. » Ainsi, Pierre Lamothe se souvient-il d’un jeune hommes qui avait incendié un hôpital : « Ce fils de profs n’avait jamais eu l’occasion de “mettre ses cahiers au feu et le maître au milieu”… » En clair, de s’opposer à son père, considéré par tous comme un modèle de compréhension.

 

Silence coupable de l’enfant face à une instance paternelle qui ne dit pas la loi mais la commente sans cesse, ou face à une autorité absolue qui ignore tout dialogue. Silence blessé de l’enfant face à un père souvent absent, qui atteint davantage les garçons que les filles. On s’étonnera à peine que l’écrasante majorité des incendiaires soit des hommes.« Le feu renvoie au narcissisme phallique, à la peur de la castration, explique le docteur Lamothe. C’est pour cela que les premiers épisodes surviennent souvent au moment où l’enfant découvre la différence des sexes et ressent ses premiers émois sexuels. »

 

Une période décisive. « Le futur pyromane, poursuit Pierre Lamothe, commence sa carrière vers 7 ou 8 ans, âge où l’énurésie, fréquente chez ces enfants, cesse. » En général, l’enfant pyromane cherche un exutoire à des émotions trop lourdes à vivre. La pyromanie devient alors une manière de les « mettre en scène à travers les réactions des autres », poursuit Pierre Lamothe. Par exemple, comme il ne s’autorise pas la colère, il s’identifiera à celle des victimes et des pouvoirs publics. Avec cette croyance qu’il peut, à son gré, l’amplifier et la maîtriser. Métaphore suprême de ce fantasme de toute-puissance : les rares pompiers pyromanes.

Et ce même fantasme, paradoxalement, a des côtés positifs : « Un dixième des feux sont contrôlés par les pyromanes eux-mêmes, certains s’arrangeant même parfois pour ne pas passer à la mise à feu », ajoute Pierre Lamothe.

 

Pour avoir une chance de soigner ces patients aux émotions si soigneusement cadenassées, le thérapeute guette les doutes dans leur discours. Comme une béance d’où peut s’échapper une colère trop longtemps contenue. A charge pour le thérapeute de lui montrer ensuite que le monde ne s’écroule pas si on laisse affleurer ses émotions. Pari long et difficile.

 

 

Par sophie Rostain.

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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 18:10

Essai clinique de comparaison entre l’ancienne tradition alchimique et la Psychanalyse de « l’homme total ».

     
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  -Un hommage à Paulo Coelho, sa vie et ses oeuvres-

        
La route est longue en psychanalyse dite « totale », si le désir est d’aboutir à une transmutation véritable de soi-même ; une longue veille à laquelle on peut consacrer une grande partie de sa vie...

Toute grande recherche de résurgence intérieure pourrait s’inscrire dans une sorte de triple slogan : transmutation, subversion, religiosité (dans le sens de relier), provoquant des ruptures puissamment libératoires, avec nombres de conceptions et d’usages de mœurs, parfois millénaires.

Sous le regard de l’âme en colère :

Heureusement indestructible au fond du psychisme, l’âme (notre centre, noyau ou équilibre) se cache sous un empilement progressif de structures éducatives et sociales qui l’empêchent de se manifester plénièrement. Faut-il répéter que de nombreux « décrets » sociaux, religieux, moraux, le plus souvent abstraits et sans justification affective possible, entrent en collisions permanentes avec les grandes libertés de l’âme ? Et qu’apparaissent la désorganisation et la désinformation intérieure, le chaos affectif et la réduction de l’intelligence ?

Au cours de l’adolescence parfois, se manifeste un violent sursaut : C’est la « subversion négative », infantile parce que sans approfondissement de l’objet de la révolte (on ne peut se révolter correctement qu’envers ce que l’on connaît) ; subversion uniquement destructrice, avec rejet de toute forme d’autorité ou de règle. C’est donc une subversion à l’envers, sans autre lendemain que l’égarement qui n’est qu’une autre forme de chaos.
     
De toute façon, on passe généralement sa vie à se « débâtir », à se construire à l’envers. Et l’âme profonde attend ! Durant combien de temps ?

Un retournement, un basculement, sont alors indispensables, vers la quête d’une conscience supérieure fondée sur une intelligence ouverte au maximum possible de chacun. N’est-ce pas le travail que pratiquaient les alchimistes de jadis et qu’entreprennent encore ceux d’aujourd’hui ? A travers la pratique de la Psychanalyse dite de « l’homme total ».

Autour de l’athanor :

  
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On sait que l’athanor est le fourneau dans lequel l’alchimiste fait chauffer « l’œuf philosophique », sorte de ballon généralement en cristal, hermétiquement clos, symbole de l’œuf du Monde d’où sortira « la pierre philosophale ».

L’alchimiste part d’une matière première « vulgaire » d’où il extraira soufre et mercure, force mâle et femelle, desquelles surgira un jour « l’or philosophique » après qu’un sel ait servi d’élément fixateur.

 
En psychanalyse, on part également d’une matière première ; l’aspect visible d’une personnalité aux contenus disparates, complexés, et forcement « vulgaires » par rapport à ce qu’il deviendra, quand surviendra l’aboutissement de cette même personnalité.

Rappelons le fait bien connu que l’être humain contient un pôle masculin et un pôle féminin, et que ces deux pôles tendent sans cesse à se réunir afin de réaliser l’intégralité de l’image originelle. Dans la vie aura lieu la réunion de l’homme et de la femme, en un homme comme en une femme. L’idéal sera la fusion des pôles individuels : l’animus et l’anima.

En alchimie, ce sera l’expansion du soufre mâle qui s’unira à la puissance de concentration du mercure femelle. Quant à l’analyste, nouvel alchimiste, il sera le « sel » fixateur, en même temps que le gardien du feu allumé dans l’athanor.

Ceux qui interrompent, ou les tentatives avortées :

    
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En alchimie, l’or naîtra de la parfaite union des deux éléments créateurs. L’or étant la perfection métallique, tout autre métal n’est que « naissance » avant terme, un or imparfait.

Transposé en analyse, un arrêt de travail en cours de route ne laissera qu’une « naissance » imparfaite, bien que pouvant tout à fait être capitale dans la rénovation de soi-même… et qui peut malgré tout se parfaire d’elle-même par la suite, grâce à des prises de conscience successives procurant des énergies nouvelles. Tout dépend de ce qu’une personne demande à l’analyse. Mais, dans ces cas d’interruption, « on préfère infiniment se vouer à une psychologie compartimentée, dans laquelle le tiroir de droite ignore ce qu’il peut y avoir dans le tiroir de gauche… » C.G JUNG.
   
Il est certain que cette forme de thérapie s’avérera moins onéreuse et beaucoup plus brève, comme un leader de restauration rapide bien connu !

De toute façon, « la longue veille » est interrompue ; l’or intérieur ne s’est pas révélé. L’état unifié de l’âme n’a pas été recouvré. Faut-il ici citer la conception islamique selon laquelle « Une âme d’enfant est proche de l’état adamique », jusqu’à ce qu’elle se désorganise et refoule ses richesses de subversion positive au contact des messages adultes !

D’autres, cependant, poursuivent leur veille autour « de l’athanor » à la recherche tenace de l’insondable âme humaine. Le but disparaît ici, parce qu’il n’y a plus de but précis. Seul compte la route, avec ses découvertes successives, ses paysages sans cesse renouvelés, ses horizons qui reculent et invitent à prolonger le voyage vers « l’archétype personnel », qui seul est porteur de réussite durable… « Le fameux centre des psychanalystes ».

    
Et tel l’alchimiste qui se transforme, en même temps qu’il poursuit la transmutation de la matière, le psychanalyste, lui aussi, se trouve au cœur même du problème et se voit transformé par le travail qu’il pratique en compagnie de l’autre. Tels sont les lois de l’évolution humaine : humilité et enrichissement mutuel.

Jamais ce travail n’a lieu de façon linéaire, mais courbe, par cercles concentriques vers le noyau, par démarches successives vers le centre du labyrinthe. Car l’autre doit découvrir ce que, inconsciemment, il sait déjà et qui se trouve en lui. Sinon, comment le découvrirait-il ?

Nous voici loin, fort loin même, de ce que certain public fort mal renseigné traduirait par une « fuite devant l’existence, un transfert qui ne se résout jamais, une drogue, voir un auto-érotisme ». Or, il ne s’agit nullement de cela, il est question au contraire de la plus grande liberté intérieure que l’on puisse atteindre grâce à un long trajet romantique : La véritable subversion !

     
La subversion, il faut le répéter, ne peut s’atteindre qu’après un long travail, et après avoir profondément connu et exploré le monde que l’on quitte. Vouloir comprendre la subversion de façon extérieure, prématurée et rationnelle signifierait « ne rien comprendre du tout » !
    
" La subversion positive n’est pas le résultat d’un dégoût ", mais d’une radicale mutation intérieure. Au lieu d’être un miroir aux alouettes, elle est une réalité consciente et une source d’informations absolument nouvelles. Elle représente « l’élitisme final », dont j’ai déjà parlé dans mon précédent article "Psychanalyse, rayonnement et humanisme", d’une âme dont elle faisait potentiellement partie…
  
La subversion est donc le domaine de la passion, de l'exaltation, de la chaleur humaine et de la religiosité active (toujours dans le sens de relier ou unir, et non dans le sens commun).

 

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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 11:31

"Neurologie, psychologie, etc... La tendance actuelle est au traitement, à la correction. La civilisation technologique tend de plus en plus à ignorer la personne humaine. Ce qui constitue un danger. Quand la personne est attaquée ou niée, on pense au nazisme ou au stalinisme. Quand la personne est occultée, on pense à un totalitarisme d’un genre nouveau, qui a pour idéologie le technicisme et la culture de l’évaluation, de la correction mécanique et numérique, de la norme technologique". -Bernard Dugué-

    

France-Culture

 

-La grande Table par Caroline Broué. Cliquez sur le logo pour écouter l'émission-

 

A partir du livre Humains : une enquête philosophique sur ces révolutions qui changent nos vies, de Monique Atlan et Roger-Pol Droit (Ed. Flammarion).

 

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Avec :

  • Catherine CLEMENT
  • André GRIMALDI
  • Ghaleb BENCHEIKH
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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 10:47

Ce texte est un extrait du quatrième chapitre de Mécréance et discrédit de B.Stiegler, t.2, éd. Galillée, publié comme document de travail pour la préparation de la réunion d'Ars Industrialis Souffrance et consommationi.

    

L’INDIVIDU DÉSAFFECTÉ DANS LE PROCESSUS DE DÉSINDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE 

 

 

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"On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Rimbaud

Qui veut noyer son chien prétend qu’il a la rage."

 

24. L’hypermarché 

 

L’économie politique de la valeur espriti est celle de l’économie libidinale – où la valeur, en général, ne vaut que pour qui peut désirer : elle ne vaut que pour autant qu’elle est inscrite dans le circuit du désir, qui ne désire que ce qui demeure irréductible à la commensurabilité de toutes les valeurs. Autrement dit, la valeur ne vaut que pour autant qu’elle évalue ce qui n’a pas de prix. Elle ne peut donc pas être intégralement calculée : elle comporte toujours un reste, qui induit le mouvement d’une différance (terme de J.Derrida), dans laquelle seulement peut se produire la circulation des valeurs, c’est à dire leur échange : la valeur ne vaut que dans la mesure où elle est inscrite dans le circuit d’individuations et de transindividuations qui ne peuvent individuer que des singularités.

 

-L'humain réduit au mode de vie "hyper"... Un paradigme de la pensée unique-

  

Or, dans l’économie politique hyperindustrielle, la valeur doit être intégralement calculable , c’est à dire qu’elle est condamnée à devenir sans valeur : tel est le nihilisme. Le problème est que c’est alors le consommateur qui non seulement se dévalue (car il est évalué, par exemple par le calcul de sa life time value) mais également qui se dévalorise – ou, plus précisément, qui se désindividue. Dans une telle société, qui liquide le désir, lequel est pourtant son énergie en tant qu’énergie libidinale, la valeur est ce qui s’anéantit et qui anéantit avec elle ceux qui l’évaluant s’évaluent. C’est pourquoi c’est la société en tant que telle qui apparaît finalement à ses membres, eux-mêmes dévalorisés (et mélancoliques), comme étant sans valeur – et c’est aussi pourquoi la société fantasme d’autant plus bruyamment et ostentatoirement des " valeurs " qui ne sont que leurres, discours de compensations et lots de consolation. Tel est le lot d’une société qui ne s’aime plus.

 

La scène de cette dévaluation dévalorisante n’est pas simplement le marché : c’est l’hypermarché, caractéristique de l’époque hyperindustrielle, où les marchandises gérées just in time par le code-barre et les acheteurs dotés de cartes de crédit à débit différé deviennent commensurables. Telle est la Zone d’activité commerciale des hypermarchés de Saint Maximin, non loin de Creil, construite par la société Eiffage – qui vient d’acheter une des sociétés d’autoroutes récemment privatisée par le gouvernement français – , une ZAC où Patricia et Emmanuel Cartier allaient passer les samedis après-midi avec leurs enfants. Jusqu’au jour où ils finirent par décider de tuer ces enfants, pour les conduire, expliqua leur père, vers une " vie meilleure " - une vie après la mort, une vie après cette vie qui n’était plus faite que de désespoir, si désespérante qu’elle poussa ces parents à injecter à leurs enfants des doses mortelles d’insuline.


" On devait tous mourir. " Ils avaient l’intention de mettre … fin à leurs jours pour " partir vers un monde meilleur ". " On a longtemps gardé l’espoir ". [Florence Aubenas, Libération, 17 octobre 2005] C’étaient de grands consommateurs. L’avocate de la partie civile, l’aide sociale à l’enfance, Me Pelouse Laburthe, reprochait pèle mêle à Patricia et Emmanuel Cartier de trop fumer, de laisser boire trop de Coca aux enfants… , de leur offrir trop de jeux vidéo. [Florence Aubenas, Libération, 17 octobre 2005]

Et puis, accablés de dettes – ils étaient détenteurs d’une quinzaine de cartes de crédit – , ils ont décidé, un peu comme les parents du Petit Poucet abandonnèrent leurs enfants dans la forêt, d’injecter l’insuline à leurs petits puis de se suicider : ils espéraient les retrouver ensuite dans ce " monde meilleur ". Seule Alicia, 11 ans, après trois semaines de coma, est morte de l’injection.


Cela signifie-t-il que ces parents n’aimaient pas leurs enfants ? Rien n’est moins sûr. Sauf à dire que tout était fait pour qu’ils ne puissent plus les aimer – s’il est vrai qu’aimer, qui n’est pas synonyme d’acheter, bien que les hypermarchés veuillent faire croire à leurs acheteurs que si j’aime, j’achète, et que je n’aime que dans la mesure où j’achète, et que tout s’achète et se vend, aimer, donc, n’est pas qu’un sentiment : c’est un rapport, une façon d’être et de vivre avec l’être aimé, et pour lui. Aimer est la forme la plus exquise du savoir-vivre.

 

Or, c’est un tel rapport exquis que l’organisation marchande de la vie a détruit dans la famille Cartier : de même que les enfants, comme j’ai essayé de le montrer dans le chapitre précédent, sont progressivement et tendanciellement privés de la possibilité de s’identifier à leurs parents par le détournement vers les objets temporels industriels de leur identification primaire, puis de leurs identifications secondaires, tout comme sont elles-mêmes détournées les identifications secondaires de leurs parents, précisément en vue de leur faire adopter des comportements exclusivement soumis à la consommation (et chaque membre de la famille Cartier avait son propre téléviseur), de même, et réciproquement, les parents, ainsi incités à consommer tant et plus par toute la puissance des télévisions, des radios, des journaux, des campagnes d’affichages publicitaires, des prospectus dans les boîtes aux lettres, des éditoriaux et des discours politiques ne parlant que de " relance de la consommation ", sans parler des banques, se trouvent expulsés de la position où ils pourraient aimer leurs enfants réellement, pratiquement et socialement. Il en résulte le mal-aimer d’un terrifiant mal-être, qui devient peu à peu un désamour généralisé – auquel Claude Lévi-Strauss lui-même n’échappe pas.

 

Notre époque ne s’aime pas. Et un monde qui ne s’aime pas est un monde qui ne croit pas au monde : on ne peut croire qu’en ce que l’on aime. C’est ce qui rend l’atmosphère de ce monde si lourde, étouffante et angoissante. Le monde de l’hypermarché, qui est la réalité effective de l’époque hyperindustrielle, est, en tant que machines à calculer des caisses à code-barre où aimer doit devenir synonyme d’acheter, un monde où l’on n’aime pas. Mr et Mme Cartier pensaient que leurs enfants seraient plus heureux s’ils leur achetaient des consoles de jeux et des téléviseurs. Or, plus ils leur en achetaient, et moins eux et leurs enfants étaient heureux, et plus ils avaient besoin d’acheter encore et toujours plus, et plus ils perdaient le sens même de ce qu’il en est de l’amour filial et familial : plus ils étaient désaffectés par le poison de l’hyperconsommation. Depuis 1989 qu’ils s’étaient mariés et avaient fondé cette famille, on leur avait inculqué, pour leur malheur, qu’une bonne famille, une famille normale, c’est une famille qui consomme, et que là est le bonheur.

 

Les parents Cartier, qui ont été condamnés à dix et quinze ans de prison, sont au moins autant des victimes que bourreaux : ils ont été victimes du désespoir ordinaire du consommateur intoxiqué qui, tout à coup, ici, passe à l’acte, et à cet acte terrifiant qu’est l’infanticide, parce que le rattrape la misère économique qu’engendre aussi la misère symbolique. Peut-être fallait-il les condamner. Mais il ne fait à mes yeux aucun doute que s’il est vrai que l’on devait les condamner, un tel jugement, qui doit précisément analyser et détailler les circonstances atténuantes du crime, ne peut être juste que pour autant qu’il condamne aussi et peut-être surtout l’organisation sociale qui a pu engendrer une telle déchéance. Car une telle organisation est celle d’une société elle-même infanticide – une société où l’enfance est en quelque sorte tuée dans l’œuf.

 

25. Intoxication, désintoxication

 

La consommation est une intoxication : c’est ce qui devient de nos jours évident. Et c’est ce que souligne un article écrit par Edouard Launet durant le procès contre Patricia et Emmanuel Cartier. Ceux-ci vivaient à proximité de Saint Maximin, … la plus grande zone commerciale d’Europe , …à la fois eldorado et terrain vague, abondance et misère sociale. Le marché, rien que le marché, et ces petits shoots d’adrénaline que procure l’achat d’un téléviseur ou d’un canapé. [Edouard Launet, Libération, 17 novembre 2005] … jours avant le drame de Clichy sous bois qui déclencha des émeutes dans toute la France pendant trois semaines, dans l’hypermarché Cora, lieu d’un " grand brassage social " où se mêlent les petites gens de Beauvais, dont les Cartier, et les Parisiens " aisés " qui passent leurs week-end dans des résidences secondaires, autour de Gouvieux et de Chantilly, dans cet hypermarché où 40 000 personnes passent chaque jour par les 48 caisses et leurs machine à code-barre, Jean-Pierre Coppin, chef de la sécurité du magasin … observe : " On sait qu’on est assis sur le couvercle de la marmite ".

 

Car la consommation immédiate de la vie provoque de nos jours souffrance et désespoir, au point qu’un profond malaise règne désormais dans la société de consommation. Comme je l’avais déjà signalé , une enquête commandée par la grande distribution à l’institut IRI fit apparaître la figure de l’" alter-consommateur ", tandis que proliféraient d’autres symptômes de cette crise de la civilisation hyperindustrielle – à travers les mouvements antipub et anticonsommation, à travers la baisse de la vente des produits de marques, etc . On m’a plusieurs fois objecté, depuis, qu’en réalité, il n’y avait pas de baisse avérée de la consommation (bien que l’enquête de l’IRI eut été déclenchée à la suite d’une baisse des ventes des produits de grande consommation), et qu’il n’y avait donc pas de crise non plus : les alter-consommateurs, c’est à dire ceux qui se disent mécontents de consommer, et désireux de vivre autrement, sont en effet souvent parmi les plus grands consommateurs – quasiment des hyperconsommateurs. Le malaise ne serait donc qu’une fausse mauvaise nouvelle.

 

Mais il n’y a aucune contradiction dans le fait qu’un hyperconsommateur dénonce la consommation, pas plus que dans les réponses à l’enquête qu’avait menée Télérama sur les pratiques télévisuelles des Français et les jugements qu’ils portent sur les programmes, et qui faisait apparaître que si 53% d’entre eux considèrent que les programmes de télévision sont détestables, la plupart de ceux-ci regardent cependant ces programmes qu’ils jugent si mal. Il n’y a là aucune contradiction parce qu’il s’agit dans les deux cas de systèmes addictifs, et l’on sait bien qu’un système est addictif précisément dans la mesure où celui qui est pris dans ce système le dénonce et en souffre d’autant plus qu’il ne peut pas en sortir – ce qui est le phénomène bien connu de la dépendance.

 

Le " shoot d’adrénaline " que procure un achat important est produit par le système addictif de la consommation, et il en va du téléspectateur interrogé par Télérama, et qui condamne les programmes que cependant il regarde, comme de l’héroïnomane qui, parvenu au stade où la consommation de la molécule de synthèse ne lui procure plus que des souffrances, parce qu’elle a bloqué sa production naturelle de dopamine, sérotonine, enképhalines et endorphine, ne trouve un apaisement temporaire que dans une consommation supplémentaire de ce qui cause cette souffrance – consommation immédiate de la vie qui ne peut qu’aggraver encore le mal, jusqu’à le transformer en désespoir. C’est pourquoi, tout comme le téléspectateur qui n’aime plus ses programmes de télévision, si l’on demande à un intoxiqué ce qu’il pense de la substance toxique dont il dépend, il en dira le plus grand mal ; mais si on lui demande de quoi il a besoin désormais, il répondra, encore et toujours : de l’héroïne.

Encore et toujours, du moins tant qu’on ne lui a pas donné les moyens de se désintoxiquer.

 

La stupéfaction télévisuelle, qui fut d’abord le haschich du pauvre, et remplaça l’opium du peuple, est devenue une drogue dure depuis qu’ayant détruit le désir, elle vise le pulsionnel – puisque il n’y a plus que les pulsions lorsque a disparu le désir qui les équilibrait en les liant. C’est le moment où l’on passe de la consommation heureuse, celle qui croit au progrès, à la consommation malheureuse où le consommateur sent qu’il régresse et en souffre. À ce stade, la consommation déclenche des automatismes de plus en plus compulsifs et le consommateur devient dépendant du shoot consommatoire. Il souffre alors d’un syndrome de désindividuation qu’il ne parvient plus à compenser qu’en intensifiant ses comportements de consommation, qui deviennent du même coup pathologiques.

 

Il en va ainsi parce que d’autre part, dans la société hyperindustrielle où tout devient services, c’est à dire relations marchandes et objets de marketing, la vie a été intégralement réduite à la consommation, et les effets de désindividuation psychique se répercutent intégralement sur l’individuation collective, étant donné que, dans les processus d’individuation psychique et collective, l’individuation psychique ne se concrétise que comme individuation collective et transindividuation, et que la réciproque est vraie. Quand tout devient service, la transindividuation est intégralement court-circuitée par le marketing et la publicité. La vie publique est alors détruite : l’individuation psychique et collective y est devenue la désindividuation collective. Il n’y a plus de nous, il n’y a plus qu’un on, et le collectif, qu’il soit familial, politique, professionnel, confessionnel, national, rationnel ou même universel n’est plus porteur d’aucun horizon : il apparaît totalement vide de contenu, ce que l’on appelle, chez les philosophes, la kénose, ce qui signifie aussi que l’universel n’est plus que le marché et les technologies qu’il répand sur la planète entière – au point que la République, par exemple, ou ce qui prétend la remplacer, ou l’épauler, ou la réinventer, par exemple l’Europe, ne sont ni aimée, ni désirée.

 

26. La désaffection

 

La société hyperindustrielle est intoxiquée, et la première question politique est celle de sa désintoxication. L’intoxication est produite par des phénomènes de saturation, qui affectent en particulier les fonctions supérieures du système nerveux : la conception (l’entendement), la sensibilité et l’imagination, c’est à dire la vie intellectuelle, esthétique et affective – l’esprit dans toutes ses dimensions. Là est la source de toutes les formes de la misère spirituelle. Appelons cognitive et affective ces formes de saturation typiques de la société hyperindustrielle.

 

Tout comme il y a de la saturation cognitive (on étudie depuis plus de dix ans déjà les effets du cognitive overflow syndrom qui ont pour résultat paradoxal – paradoxal pour une conception platement informationnelle de la cognition – que plus on apporte d’information au sujet cognitif, moins il connaît ), il y a en effet de la saturation affective. Les phénomènes de saturation cognitive et affective engendrent des congestions individuelles et collectives, cérébrales et mentales, cognitives et caractérielles, dont on peut comparer les effets paradoxaux aux congestions urbaines engendrées par les excès de circulation automobile, dont les embouteillages sont l’expérience la plus banale, et où l’automobile, censée faciliter la mobilité, produit au contraire la paralysie et le ralentissement bruyant et polluant, c’est à dire toxique. Comme la saturation cognitive induit une perte de cognition, c’est à dire une perte de connaissance, et un égarement des esprits, une stupidité des consciences de plus en plus inconscientes, la saturation affective engendre une désaffection généralisée.

 

Saturation cognitive et saturation affective sont donc des cas d’un phénomène plus vaste de congestion qui frappe toutes les sociétés hyperindustrielles, de Los Angeles à Tokyo en passant désormais par Shangaï. Lorsque Claude Lévi-Strauss dit s’apprêter à quitter un monde qu’il n’aime plus en donnant l’exemple de l’explosion démographique, il le présente un cas de cette intoxication généralisée :

L'espèce humaine vit sous une sorte de régime d'empoisonnement interne.


Dans tous ces cas de congestion, l’humanité semble confrontée à un phénomène de désassimilation comparable à ce que Freud décrit chez les protistes, en référence aux travaux de Woodruff :

Les infusoires sont conduits à une mort naturelle par leur propre processus vital. … L’infusoire, laissé à lui-même, meurt d’une mort naturelle du fait d’une élimination imparfaite des produits de son propre métabolisme. Il se peut qu’au fond tous les animaux supérieurs meurent aussi d’une même incapacité à éliminer. [Freud, Essais de psychanalyse, Payot, 1981, p. 106]


De plus, et j’y reviendrai au dernier chapitre, la sclérose que peut devenir le surmoi, et comme morale, peut aussi engendrer une telle auto-intoxication . Cependant, l’intoxication produite par la saturation affective (indubitable élément de causalité du crime de Patricia et Emmanuel Cartier) constitue un cas de congestion intrinsèquement plus grave et plus préoccupant que tous les autres : affectant les capacités de réflexion et de décision des individus psychiques et collectifs, mais aussi leurs capacités à aimer leurs proches aussi bien que leurs semblables, leurs capacités à les aimer effectivement, pratiquement et socialement, conduisant nécessairement, du même coup et à terme, à des phénomènes très graves de haine politique et de conflits violents entre groupes sociaux, ethnies, nations et religions, elle rend proprement inconcevable quelque issue que ce soit aux autres cas de congestion qui intoxiquent toutes les dimensions de la vie sur la planète toute entière.

 

La saturation affective est ce qui résulte de l’hypersollicitation de l'attentioni, et en particulier de celle des enfants, qui vise, par l’intermédiaire des objets temporels industriels, à détourner leur libidoi de ses objets d’amour spontanés vers les objets de la consommation exclusivement, provoquant une indifférence à leur parents et à tout ce qui les entoure, et une apathie généralisée, et surchargée de menace – dont les monstrueux héros d’Elephant, le film de Gus Van Sant, sont comme les symboles, ou les diaboles.

 

Au Japon, où je me trouve en ce moment même en train d’écrire ce chapitre, la réalité congestionnée de la désindividuation psychique et collective entraîne passages à l’acte, mimétismes télévisuels et criminels, et absence de vergogne, c’est à dire d’affection (et, à deux jeunes criminels japonais, auxquels on demandait de dire leur repentir pour leurs victimes, respectivement une femme de 64 ans, et de tout jeunes enfants d’une école maternelle, ceux-ci répondirent n’éprouver aucun regret ), tandis que sont apparus les hikikomori et les otaku, qui constituent deux cas typiques de jeunes individus désaffectés, des cas qui ont pris des proportions particulièrement préoccupantes : on considère que les hikikomori sont plus d’un million, dont des centaines de milliers de jeunes enfants totalement déscolarisés, très profondément coupés du monde, vivant dans une sorte d’autisme social, recroquevillés dans leur milieui familial et télévisuel, et absolument hermétiques à un milieu social qui est lui-même en bonne partie ruiné :


Vie de famille bouleversée, M. Okuyama, 56 ans, raconte : "Nous avons été obligés de déménager en mai dernier car il devenait trop dangereux de rester avec lui en raison de la violence de mon fils". Malgré la volonté des parents, la communication est quasi-absente. "J'essaie de le rencontrer une fois par semaine et d'avoir une discussion normale avec lui, mais c'est très difficile. Il ne parle que par insultes et mots inintelligibles", explique son père. "J'ai peur aussi: il est deux fois plus fort que moi". [http://antithesis.club.fr]

La plupart du temps totalement coupés du système scolaire, il arrive qu’ils passent à l’acte, alimentant ainsi l’importante et inquiétante rubrique des faits divers dans les journaux japonais :

En 2000, un garçon de 17 ans qui vivait reclus chez lui depuis 6 mois après avoir été victime des harcèlements et de brimades à l'école (ijime) a détourné un bus avec un couteau de cuisine et a tué une passagère.


On appelle également otaku les jeunes gens qui ne vivent plus que dans un monde clos, virtuel, jeu, bande dessinée (le mot otaku désignant initialement un héros manga), à l’intérieur duquel seulement ils peuvent rencontrer leurs semblables : d’autres otaku, également désaffectés, c’est à dire désindividués aussi bien psychiquement que socialement, parfaitement indifférents au monde autrement dit :


Dans son dernier roman, " Kyosei Chu " - titre que l'on pourrait traduire par " le Quotidien d'un ver " -, Ryu Murakami analyse de quelle manière les adolescents, refusant d'affronter la réalité, se construisent un univers purement fictif inspiré des bandes dessinées ou des dessins animés. Un univers dans lequel ils pénètrent grâce aux gadgets de plus en plus sophistiqués dont les abreuve l'industrie japonaise. Incapables de communiquer avec les autres, ils passent l'essentiel de leur temps devant une console de jeux ou un ordinateur et sortent peu de chez eux. [Bruno Birolli, Le Nouvel Observateur, Hors Série n°41, 15 juin 2000]


Certains otaku pratiquent des cultes d’objets, en particulier d’objets de consommation :

Ils organisent leur existence autour d'une passion qu'ils poussent à l'extrême. Cela peut être un objet ; ainsi cet otaku qui stocke dans sa chambre de vieux ordinateurs achetés par l'Internet, ou cette gamine qui possède plusieurs centaines de sacs Chanel. Certains de ces cultes bizarres posent problème, comme celui qui s'est subitement développé autour de Juyo, le porte-parole de la secte Aum, coupable de l'attentat au gaz sarin qui a fait douze morts dans le métro de Tokyo en mai 1994.


Nous, les urbains (et nous tous, ou presque tous, nous sommes devenus des urbains), nous souffrons de cette congestion psychique et collective, et de la saturation affective qui nous y désaffecte, lentement, mais inéluctablement, de nous-mêmes et des autres, et qui nous désindividue ainsi, psychiquement aussi bien que collectivement, nous éloignant de nos enfants, de nos amis, de nos chers et de nos proches, des nôtres, qui ne cessent de s’éloigner, et de tout ce qui nous est cher, qui nous est donné par la charis, par la grâce (grâce à) du charisme, du grec kharis, et d’un charisme du monde en quelque sorte, dont procède toute caritas, qui nous est ainsi donné y compris et sans doute d’abord (primordialement, d’emblée) comme idées, idéaux et sublimités : nous, nous autres, nous qui nous sentons nous éloigner des nôtres, nous nous sentons irrésistiblement condamnés à vivre et penser comme des porcs.

 

Ceux d’entre nous qui ont la chance de vivre encore dans les centre-ville des métropoles, et non dans leurs bans périurbains, tentent de survivre spirituellement en fréquentant assidûment musée, galeries, théâtres, salles de concert, cinémas d’art, etc. Mais ceux-là souffrent alors d’un autre mal : celui de la consommation culturelle, où il faut absorber toujours plus de marchandises culturelles, comme si une autre forme d’addiction s’installait là aussi, sans que ne puisse plus jamais s’installer le temps lent d’une véritable expérience artistique, le temps de l’amateuri, qui a été remplacé par le consommateur souffrant d’obésité culturelle hébétée.

 

Lorsque nous avons la chance, quand nous l’avons, de pouvoir partir à la campagne – pour autant que nous ne nous retrouvions pas, le samedi après-midi, venant de Gouvieux ou de Chantilly, dans l’hypermarché Cora de Saint Maximin, la plus grande ZAC d’Europe toute proche de la belle abbaye de Royaumont – et que nous y " respirons ", dans la campagne, donc, nous suspendons ces sollicitations affectives innombrables, permanentes et systématiques, qui caractérisent la vie contemporaine où tout devient services, désormais presque totalement soumise au marketing, y compris " culturel ". Nous retournons alors aux sollicitations affectives primaires de la verdure, des fleurs, des animaux, des éléments, de la solitude, de la marche, du silence et du temps lent – lenteur et silence aujourd’hui perdus : le caractère absolument incessant de l'adresse aux sens, et qui a précisément pour but de ne jamais cesser, induit une saturation telle qu’est venu le temps de la désaffection – et de la désaffectation.

 

Cette perte de conscience et d’affect, induite par les saturations cognitive et affective, qui constitue la réalité effrayante de la misère spirituelle, au moment où la planète doit affronter et résoudre tant de difficultés, est ce qui caractérise l’esprit perdu du capitalisme. Il y a aujourd’hui des êtres désaffectés comme il y a usines désaffectées : il y a des friches humaines comme il y a des friches industrielles. Telle est la redoutable question de l'écologie industrielle de l'esprit. Et tel est l’énorme défi qui nous échoit.

 

27. Turbulences

 

Au-delà de la désaffection, qui est la perte d’individuation psychique, la désaffectation est la perte d’individuation sociale, et c’est ce qui, à l’époque hyperindustrielle, menace les enfants turbulents tendant à devenir des individus désaffectés. Or, les enfants turbulents, depuis la réalisation par l’Inserm d’une étude largement inspirée de la classification américaine des pathologies et des méthodes cognitivistes associant psychiatrie, psychologie, épidémiologie, sciences cognitives, génétique, neurobiologie et éthologie, font l’objet d’une qualification nosologique appelée " trouble des conduites " . [Rapport de l'INSERM : "Troubles des conduites chez l'enfant et l'adolescent"]


À ce " trouble des conduites " sont associés systématiquement des troubles de l’attention. Or, l’attention est aussi, comme le soulignait Rikfin, la marchandise la plus recherchée – par exemple par TF1 et son PDG Patrick Le Lay, lequel explique d’ailleurs que l’attention en quoi consiste le " temps de cerveau disponible ", qui constitue l’audiencei quantifiable des télévisions, est parfaitement contrôlable et contrôlée, puisque, grâce aux techniques de l’audimat, c’est  le seul produit au monde où l’on " connaît " ses clients à la seconde, après un délai de 24 heures. Chaque matin, on voit en vraie grandeur le résultat de l’exploitation de la veille. [Les dirigeants face au changement, p. 93]


La désaffection produite par la saturation affective, qui est donc aussi une désaffectation, c’est à dire la perte de place et de reconnaissance sociales résultant de la perte d’individuation qui frappe l’individu désaffecté, et qui se traduit aussi en cela par le processus de désindividuation collective, tient précisément à ce que la captation de l’attention détruit l’attention – c’est à dire également cette qualité d’être attentionné, qui est sociale, et non seulement psychologique, et qui s’appelle, très précisément, la vergogne, sens qu’a particulièrement bien conservé le mot espagnol vergüenza .

 

Il en va ainsi parce que l’attention est ce qui agence et ce qui est agencé par les rétentions et les protentions, tandis que celles-ci sont désormais massivement et incessamment contrôlées par les processus rétentionnels et protentionnels télévisuels, tels que, dès le stade de l’identification primairei chez l’enfant, puis comme identifications secondaires chez l’adulte, ils visent à substituer, aux rétentions secondaires collectives élaborées par le processus de transindividuation en quoi consiste la vie d’un processus d’individuation psychique et collective, des rétentions secondaires collectives entièrement préfabriquées selon les résultats des études de marché et des techniques de marketing prescriptrices des campagnes de publicité aussi bien que des cahiers des charges des designers, des stylistes, des développeurs et des ergonomes réalisant ensemble la socialisation accélérée de l’innovation technologique.

 

C’est pourquoi l’étude qui a inventé cette pathologie du " trouble des conduites " très inspirée par les catégorisations nord-américaines est largement sujette à caution dans la mesure où elle néglige gravement cet état de fait : que l’attention est devenue une marchandise. Or, le " trouble des conduites ", qui qualifie un comportement au cours duquel sont transgressées les règles sociales, est considéré comme un trouble mental qu’accompagnent différents symptômes, et en particulier, donc, le déficit de l’attention et le " trouble oppositionnel avec provocation " :


L’une des pathologies psychiatriques les plus fréquemment associées au trouble des conduites est le trouble déficit de l’attention/hyperactivité, ainsi que le trouble oppositionnel avec provocation.

Les enfants ou adolescents qui y sont sujets souffrent également souvent de dépression et d’anxièté, et ils passent facilement à l’acte suicidaire.


L’enquête prétend avoir dégagé une probabilité empiriquement constatable d’expression du trouble en association avec les cas suivants :

Antécédents familiaux de trouble des conduites, criminalité au sein de la famille, mère très jeune, consommation de substances, etc. …


Dès lors, le groupe d’experts recommande un repérage des familles présentant ces facteurs de risque au cours de la surveillance médicale de la grossesse.


Il suggère également de développer une étude épidémiologique auprès d’un échantillon représentatif des enfants et des adolescents en France… [et de] réaliser également des études ciblées sur des populations à haut risque (milieu carcéral, éducation spécialisée, zones urbaines sensibles).


La véritable question est du côté des effets destructeurs de l’individuation psychique aussi bien que collective provoqués par la saturation affective et les diverses formes de congestions qui intoxiquent la société contemporaine, et en particulier, la télévision, qui ravage les facultés attentionnelles aussi bien des enfants et des adolescents et de leurs parents, ainsi que des adultes en général, et en particulier des hommes politiques – et sans doute aussi des chercheurs de l’Inserm qui regardent la télévision.

L’étude, qui part d’hypothèses cognitivistes conférant aux facteurs génétiques et donc héréditaires un rôle essentiel, n’ignore certes pas qu’il faut évaluer la part de la susceptibilité génétique et la part de la susceptibilité environnementale spécifiques au trouble des conduite.


Et, tout en préconisant de rechercher des " gènes de vulnérabilité ", elle recommande aussi d’ étudier l’influence de l’attitude parentale.


Si l’on n’en est pas à suggérer de stériliser les parents présentant des facteurs de risque, on ne peut cependant pas s’empêcher de penser que plusieurs Etats d’Amérique du Nord, le pays dont la classification des pathologies mentales inspire ici manifestement ce travail de l’Inserm, pratiquèrent avant la guerre ce genre de stérilisation, et que l’horreur nazie révélée fit cesser cependant.

Mais surtout, pourquoi ne pas proposer d’étudier l’influence de la télévision et des innombrables techniques d’incitation à la consommation qui causent précisément le syndrome de saturation affective ? La télévision est bien mentionnée :


Les études récentes confirment que l’exposition à la violence télévisuelle à l’âge de 8 ans est hautement prédictive de comportements agressifs à long terme. Cette relation est maintenue indépendamment du quotient intellectuel et du statut socioéconomique des sujets , mais uniquement comme véhicule de scènes de violence.


Mais l’influence de la télévision n’est justement pas appréhendée pour ce qu’elle est : comme effet d’un objet temporeli industriel qui permet de capter l’attention que l’ennemi du beau appelle " le temps de cerveau disponible ". Quel crédit apporter, dès lors, à une étude psychopathologique qui prétend décrire des phénomènes de perte d’attention, et qui ne prête elle-même aucune attention aux techniques de captation de l’attention ?

 

La question de l’environnement psychosocial est celle du processus d’individuation psychique et collective tel qu’il est surdéterminé par le processus d’individuation technique, surtout à l’époque où la technique est devenue pour une très grande part un système industriel de technologies cognitives et de technologies culturelles, c’est à dire de ce que j’appelle, avec mes amis de l’association Ars Industrialis , les technologies de l’esprit. Dès lors, les dysfonctionnements des processus d’individuation psychiques, collectifs et sociaux doivent plus être traités comme des questions de sociopathologie que de psychopathologie.

 

28. De la psychopathologie à la sociopathologie

 

Qu’il y ait des terrains psychopathologiques plus fragiles, et donc plus sensibles et plus favorables aux sociopathologies, c’est une évidence. Mais s’il semble qu’apparaissent de nouvelles formes de pathologies, comme on le voit par exemple au Japon, ce concept de nouvelles psychopathologies est récusé par de nombreux psychiatres dans la mesure où il s’agit en vérité essentiellement de sociopathologies – c’est à dire de questions d’économie politique.

 

De plus, la fragilité psychopathologique, comme défaut affectant une psyché, est très souvent, sinon toujours, ce qui est à l’origine, et par des processus de compensation à la fois bien connus et intrinsèquement mystérieux, des individuations les plus singulières, et en cela les plus précieuses pour la vie de l’esprit, aussi bien au plan psychique qu’au plan collectif. J’ai déjà montré comment divers cas de handicaps furent à l’origine de génies artistiques, ainsi des doigts paralysés à partir desquels Django Reinhardt inventa la guitare jazz moderne, ou de Joë Bousquet qui devint écrivain en voulant être sa blessure, ou encore des asocialités que l’on qualifia toujours de perversion de Baudelaire, de Rimbaud et de tant de poètes, sans parler des folies de Hölderlin, de Nerval, d’Artaud, de Van Gogh, etc. Et ajoutons ici la surdité de Thomas Edison.

 

Le discours de l’Inserm, ignorant totalement ces questions, repose sur une pensée exclusivement normative et hygiéniste de l’appareil neurologique aussi bien que de la vie en général, et de l’être humain en général, qui ne semble tenir aucun compte, en outre, des analyses de Canguilhem sur le normal et le pathologique, et qui ne voit pas que c’est l’articulation entre système nerveux, système technique et système social qui constitue le fait humain total, c’est à dire réel – ce que permet de comprendre, depuis Leroi-Gourhan, l’analyse de l’hominisation comme technogenèse et sociogenèse. Il est vrai que la psychanalyse a elle-même gravement négligé ces dimensions hors desquelles il n’y aurait pas de psychogenèse, comme j’ai commencé de l’analyser avec le concept d’organologie générale, et je reviendrai sur ce point au chapitre suivant.

 

L’enquête de l’Inserm entrouvre cependant elle-même, quoique bien timidement, des perspectives vers ces sujets, lorsqu’elle souligne que la première question, en terme de genèse de la pathologie, est le langage, ce qui devrait toutefois inclure aussi, et plus généralement, tous les circuits d’échanges symboliques :

Un mauvais développement du langage entrave la mise en œuvre d’une bonne sociabilité, gêne la qualité de la communication et favorise l’expression de réactions défensives de l’enfant.


Le " groupe d’experts " recommande pourtant, en fin de compte, de développer de nouveaux essais cliniques avec des associations de médicaments et de nouvelles molécules.


Mais en vue de quoi ? Vraisemblablement sans pouvoir préconiser l’usage de la Ritaline, puisque cette molécule, qui servit précisément à " soigner " les enfants américains sujets à des " troubles des conduites ", a fait l’objet d’un procès retentissant, il s’agit manifestement, pour l’Inserm, d’une part de mettre en place des mesures de dépistage visant à catégoriser et lister a priori des enfants potentiellement " sujets " à ce trouble, et de proposer la solution d’une camisole chimique, c’est à dire d’une technologie de contrôle pharmaceutique, ouvrant par la même occasion un nouveau marché, et qui permette de ne pas poser le problème de sociopathologie – qui est le seul vrai problème.

 

29. La culpabilisation des parents et des enfants est un écran de fumée qui dissimule les question d’économie politique industrielle et conduit à la camisole chimique.

 

Ce processus de culpabilisation des parents et des enfants permet de les accuser en lieu et place de la société sans vergogne qui les rend fous et les détruit, que l’on n’aime plus et où l’on ne s’aime plus, où règnent mécréance, discrédit, cynisme et bêtise. Les turbulences comportementales, induites par la désindividuation généralisée, ne sont pas provoquées par des causes génétiques, même si elles ont évidemment aussi des bases génétiques – ni plus ni moins qu’une quelconque molécule bénéfique pour un organisme mais qui, lorsque est franchi un certain seuil, devient tout à coup toxique. Car les bases génétiques de l’irritabilité sont aussi celles de la sociabilité, et plus précisément, de ce que Kant appela l’insociable sociabilité :


J’entends ici par antagonisme l’insociable sociabilité des hommes, c’est à dire leur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doublée d’une répulsion générale à le faire, menaçant constamment de désagréger cette société. L’homme à un penchant à s’associer, car dans un tel état il se sent plus qu’homme [c’est moi qui souligne ces derniers mots] par le développement de ses dispositions naturelles. Mais il manifeste aussi une grande propension à se détacher (s’isoler [en japonais : hikikomori]), car il trouve en même temps en lui le caractère d’insociabilité qui le pousse à vouloir tout diriger dans son sens. … Remercions donc la nature pour cette humeur peu conciliante, pour la vanité rivalisant dans l’envie, pour l’appétit insatiable de possession ou même de domination. Sans cela toutes les dispositions naturelles excellentes de l’humanité seraient étouffées dans un éternel sommeil. L’homme veut la concorde, mais la nature sait mieux que lui ce qui est bon pour son espèce : elle veut la discorde.


Cette insociable sociabilité est donc la bonne éris :


Ainsi dans une forêt, les arbres, du fait même que chacun essaie de ravir à l’autre l’air et le soleil, s’efforcent à l’envi de pousser beaux et droits. Toute culture, tout art formant une parure à l’humanité, ainsi que l’ordre social le plus beau, sont les fruits de l’insociabilité, et d’épanouir de ce fait complètement, en s’imposant un tel artifice, les germes de la nature.


L’insociable sociabilité est la façon que Kant a d’articuler le psychique et le collectif, et comme un processus d’individuation qui met la singularité, et l’éris qu’elle suppose comme émulation, c’est à dire comme élévation et transmission, au cœur de sa dynamique. Or, c’est ce que les normalisations et classifications de la nosologie mentale d’inspiration américaine voudraient pouvoir contrôler pour le réduire à un modèle comportemental entièrement normalisable, c’est à dire calculable.

 

L’homme – qui est le nom courant du processus d’individuation psychique et collective – est un être en devenir, c’est à dire par défaut, et ce sont ses défauts qu’il faut, et comme son avenir, c’est à dire : comme ce qui constitue ses chances. Même dans la vie, on le sait, ce sont les défauts de réplication de l’ADN qui permettent l’évolution et la néguentropie caractéristiques du vivant. La normalisation chimiothérapique voudrait éliminer ce défaut qu’il faut : elle voudrait un processus sans défaut. Mais un tel processus serait sans désir – car l’objet du désir est ce qui lui fait défaut. Or, un processus sans désir est un processus irrationnel, qui conduit à la société démotivée des camisoles chimiques et des bracelets électroniques, ou à la politique de la terreur, ou, plus vraisemblablement, aux deux à la fois. Car les êtres sans désir voient leurs pulsions se délier, et la société ne sait plus les contenir que par la répression – outre la régression qui déchaîne ces pulsions.

 

Non seulement on peut faire, avec l’irritabilité génétique, qui est la base moléculaire de l’insociable sociabilité, des choses parfaitement sociables, mais on ne peut faire de choses véritablement sociables, c’est à dire individuantes, inventives et civilisés, que sur de telles bases. Quant à la turbulence pathologique dont souffre en effet la société qui ne s’aime pas et où règne la bêtise, elle est engendrée par un système dont cette thérapeutique des conduites est un élément : ce système est celui du populisme industriel qui a fait de l’attention une marchandise ayant perdu toute valeur, et qui engendre du même coup des comportements en effet socialement non-attentionnés, de la part d’individus désaffectés, de friches humaines dans une situation générale de misère symbolique, spirituelle, psychologique, intellectuelle, économique et politique.

 

Les enfants turbulents ont heureusement pour eux des défauts. Mais la libido de ces enfants énergétiquement constituée par ces défauts mêmes, parce qu’elle est détournée des objets d’amour que sont les parents, et plus généralement, des objets sociaux, c’est à dire des objets d’idéalisation et de sublimation de cet amour, en tant qu’objets de constitution de l’individuation collective, par exemple les objets de savoir, ou les objets du droit, en tant que concrétisations sociales et par défaut de la justice qui n’existe pas, la libido de ces enfants, ainsi détournée, devient alors dangereuse, pulsionnelle, agressive et terriblement souffrante de ne plus n'arriver à aimer ses parents et leur monde, tandis que les parents n'arrivent plus à aimer leurs enfants : ils n’en ont plus les moyens.

 

Ces enfants demandent alors plus de consoles de jeu, plus de télé, plus de coca, plus de vêtements ou d’accessoires scolaires de marque, et les parents, soumis à cette pression à laquelle l’appareil social est désormais soumis lui-même en totalité, sont privés de leurs rôles de parent. C’est dans de telles circonstances que Patricia et Emmanuel Cartier ont pu passer à l’acte, mais en emportant leurs enfants avec eux – et tout comme ceux qui, tels les kamikazes de Londres, se prennent pour des martyrs : en affirmant qu’il y a une vie après la mort, et qu’elle vaut mieux que cette vie de désespoir.

 

J’affirme que de telles circonstances atténuent très fortement la culpabilité des parents Cartier. Et j’ajoute qu’en analysant les conditions dans lesquelles les dispositifs de captation de l’attention et plus généralement d’incitation à la consommation causent des troubles de la conduite, y compris ceux qui ont amené des parents à devenir infanticides, la question n'est pas de trouver des coupables, mais de tenter de penser ce qu’il en est de la justice et l’injustice à l’époque hyperindustrielle, et d’en déduire des propositions politiques nouvelles et porteuses d’un avenir, c’est à dire trouant l’horizon du désespoir.

 

Enfants, adolescents et parents sont gravement déséquilibrés dans leurs relations, c’est à dire dans leur être : le passage du psychique au collectif commence dans cette relation, qui n’est donc pas seconde, mais primordiale, et tramée par le processus d’identification primaire où l’enfant comme ses parents n’est ce qu’il est qu’en relation transductive avec les siens. Or, cette relation est à présent gravement perturbée par l’objet temporel industriel qui capte et détourne l’attention, modifiant en profondeur le jeu des rétentions et des protentions, et surtout, produisant des rétentions secondaires collectives qui court-circuitent le travail de transmission entre les générations, qui est aussi la seule possibilité de dialogue, y compris et même surtout sur le mode de l’opposition et de la provocation. Ces questions constituent le fond problématique de ce que j’ai appelé, dans le chapitre précédent, le complexe d’Antigone, et cela signifie aussi qu’elles renvoient à la question de la justice, du droit et du désir hypersurmoïque de la jeunesse qui peut tourner, si il est maltraité, à des processus de sublimation négative – c’est à dire aussi, dans certains cas, à des fantasmes particulièrement dangereux de martyrologie.

 

Contrôle de l’attention et canalisation des processus d’identification primaire et secondaire montrent qu’il y a un lien évident entre les procès que l'on fait à des enfants que l'on accuse d'être turbulents – car c'est bien un procès qu'on leur fait, et l’on sait qu’aux Etats Unis, ces enfants sont traités comme des malades – , enfants que l’on sacrifie ainsi sur l’autel de la consommation, ce qui est un scandale, une honte et une infamie, et le procès des époux Cartier. Car cette manière de les traiter, qui répond aux intérêts communs de l'industrie pharmaceutique, de la télévision et des hypermarchés, dont un chef de service de sécurité assure cependant savoir être " assis sur le couvercle de la marmite ", est une manière de faire peser sur les petites épaules de ces enfants la décadence d'une société intoxiquée par ses excrétions et produits de désassimilation : une société malade d’une auto-intoxication, qui est une destruction mentale, et la ruine de la " valeur esprit ".

 

L’enquête de l’Inserm qui prétend établir scientifiquement que ces enfants sont pathologiquement turbulents et déficitaires sur le plan attentionnel apparaît alors pour ce qu’elle est : un artifice de plus, qui permet de masquer que ces enfants sont rendus turbulents par une société qui est devenue profondément pathologique, et, en cela, inévitablement pathogène en effet. Les résultats de l’enquête, à cet égard, ne sont sans doute pas faux. Mais les prémisses qui servent à interpréter ces résultats le sont tout à fait. Et la conclusion qui en est tirée, et qui préconise en particulier une chimiothérapie du malaise social, en même temps qu’un dépistage qui est clairement un fichage, est catastrophique. Elle est d’autant plus catastrophique qu’elle ne pourra que conduire à répéter ce qui s’était déjà produit aux Etats-Unis avec la Ritaline.

 

30. Manques d’attentions – ou la toxicomanie comme modèle social

 

Au cours d’un procès intenté à l’industrie du médicament qui mit sur le marché la Ritaline, il fut déjà question de déficit de l’attention et du trouble pathologique qu’il était censé constituer chez les enfants et les adolescents :


" On ne peut pas continuer à bourrer nos enfants de psychotropes tout en leur demandant de dire non à la drogue " [déclare] Andrew Waters qui accuse l’American Psychiatric Association " d’avoir comploté pour pousser la jeunesse américaine à la consommation des pilules calmantes ".


Ce qu’il s’agit de calmer est l’ADD, c’est à dire d’attention deficit disorder, et les pilules calmantes sont du méthylphénidate, c’est à dire de la Ritaline, une " molécule proche des emphétamines ". Sa prescription a une définition si large que n’importe quel gamin distrait ou un peu turbulent peut y entrer. Résultat : le nombre d’ordonnances pour la Ritaline a connu une progression de 600 % entre1989 et 1996.

Coïncidence : la Ritaline est mise sur le marché au moment où les époux Cartier se marient. La définition de sa prescription est si large qu’elle peut évidemment s’appliquer à tous ces enfants qui, en Europe, en Amérique, au Japon et bientôt en Chine, deviennent de plus en plus turbulents, déficitaires sur le plan attentionnel psychologique tout aussi bien que non-attentionnés sur le plan social, abrutis qu’ils sont par la télévision, les jeux vidéos et autres désordres sortis des hypermarchés et de la société hyperindustrielle – c’est à dire du populisme industriel qui empoisonne le monde.


Comment dès lors ne pas s’inquiéter de voir le " groupe d’experts " recommander un suivi des enfants " dépistés ", confié aux infirmiers et infirmières des PME et PMI, ainsi qu’aux instituteurs et institutrices des écoles, aux éducateurs spécialisés, etc. ? Car face à ces " pathologies " qui affectent tout autant les infirmiers et les infirmières, ainsi par exemple de Patricia Cartier, qui était infirmière, que les instituteurs et les institutrices et que les parents des enfants " dépistés " comme souffrant de troubles de la conduite, pathologies parentales qui s’appellent par exemple le crédit à la consommation, la consommation addictive, l’abandon des enfants devant la télévision, etc., comment avoir confiance dans des structures institutionnelle de " suivi des enfants dépistés " pour faire face aux difficultés de ces enfants – sinon pour leur faire consommer de la Ritaline, ou un équivalent plus récent et autorisé ?


Car la Ritaline a été retirée du marché après un procès, donc – mais aussi après avoir fait de très graves dégâts. Que l’on me comprenne bien : on a eu confiance dans la Ritaline – et on a eu tort. Et réfléchissons bien, donc, ici, à ce que dans certains Etats, comme la Virginie, la Caroline du Nord ou le Michigan, de 10 à 15 % d’enfants d’âge scolaire avalent quotidiennement leurs " pilules d’obéissance ", souvent après avoir été signalés par les enseignants, qui invitaient les parents à consulter. Le contrôle chimique des teen-agers a ainsi pris des proportions effrayantes. Un couple d’Albany (Etat de New York) avait décidé d’interrompre provisoirement le traitement de son fils de 7 ans, qui le supportait mal. Les parents ont été dénoncés aux services sociaux pour " négligence " et traînés devant un juge. Lequel a ordonné la reprise des comprimés.


Peut-on faire confiance aux préconisations médicamenteuses et institutionnelles de l’Inserm, ou bien ne faut-il pas combattre le vrai problème, à savoir le désordre écologique de l’esprit à l’époque des technologies culturelles et cognitives monopolisées par le populisme industriel, auquel il faudrait opposer une économie politique et industrielle de l’esprit, novatrice, porteuse d’avenir, inaugurant un nouvel âge de l’individuation psychique et collective, et concrétisant, qui plus est, cette société du savoir ou ce capitalisme de la connaissance que tant de dirigeants, ou de conseillers de dirigeants, ainsi de Denis Kessler, appellent aujourd’hui de leurs vœux – et tout en en appelant à un " réenchantement du monde " ?


Ce que préconise l’Inserm conduit à une articulation fonctionnelle entre psychiatrie et justice pour gérer les ravages catastrophiques que la société de contrôle provoque chez les parents et leurs enfants. Or, de quoi s’agit-il ici ? De la relation entre dikè et aidôs. Au défaut de vergogne de l’appareil symbolique, devenu diabolique, c’est à dire facteur de déliaison sociale, de diaballein, et entretenant systématiquement la régression en quoi consiste le déchaînement pulsionnel, l’enquête préconise d’ajouter un dispositif répressif qui conduit à une pure et simple renonciation à la possibilité d’un surmoi : le corps médical intériorise ici la possibilité et la légalité du fait que la société ne soit plus sociable en rien, et que l’insociabilité ne puisse produire aucune sociabilité, sinon par lobotomisation chimique des singularités en souffrance.


Or, ce contrôle chimique, qui est une généralisation de l’utilisation des systèmes addictifs, préconisés aux plus jeunes enfants en souffrance d’avoir perdu leurs parents, c’est à dire les possibilités d’identification primaire où se forme leur imago, installe de toute évi

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6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 12:31

"Seule la connaissance est porteuse de liberté".

  

la masse servile- Une belle société a pour fondement une somme d'individus conscients et donnants. A contrario, une masse normalisée, inculte et consumériste est l'attribut d'un vil système - F.T.

 

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  • La première raison pour laquelle les hommes servent volontairement, c'est qu'il naissent serviles et qu'ils sont élevés comme tels. Puis vient l'habitude, et le pouvoir se renforce et peut devenir tyrannique. Par peur ou par faiblesse, tous les hommes obéissent plutôt que de s'opposer à l'autorité. De cela découle que, sous la tyrannie, les gens deviennent lâches et mous. Ils revendiquent plus de liberté mais manquent de volonté pour l'exercer. Il est certain qu'en perdant ses libertés, on perd vite la vaillance, l'intrépidité. Les gens soumis n'ont ni ardeur ni pugnacité au combat. Ils y vont tout engourdis, comme s'acquittant avec peine d'une obligation. Alors que l'ardeur de la liberté fait mépriser le péril et donne envie de gagner auprès de ses compagnons, quitte à mourir avec l'honneur et la gloire de n'avoir pas failli à son devoir, ni même faibli [les soldats de Bonaparte avaient retrouvé l'ardeur en se sentant porteurs des idéaux de la Révolution (liberté, égalité, fraternité)]. Les tyrans le savent bien et font tout leur possible pour engourdir leurs sujets, et les outils de la tyrannie sont toutes sortes de drogues, de distractions, de récompenses (décorations, médailles), de jeux, tombolas, courses, championnats, et autres exutoires (arènes)... Mais il leur faut un bouc émissaire, et ils désignent l'étranger ou le marginal pour ennemi, et tous vont alors dépenser leur ardeur contre l'ennemi désigné par l'autorité.

 

  • Le peuple des villes, les citadins, abruti de tant de ces choses alléchantes, de ces spectacles qu'ils trouvent beaux, émouvants, ou de ces plaisirs puérils qui les amusent, s'habituent à servir ainsi niaisement leur maître, et à leur obéir servilement [et avec l'avènement de la télévision, les ruraux également]. Le tyran fait quelques largesses de temps en temps, mais ce n'est pas le dixième de ce qu'il reçoit ; il vous laisse les miettes du gâteau que vous lui offrez par votre servitude. Le peuple ignorant a toujours été ainsi ; il abandonne tous les pouvoirs au premier qui se présente assez sûr de lui pour les commander. Ces millions de gens sous le joug d'un seul n'y ont pas forcément été contraints par la force, mais parce qu'ils sont fascinés et comme ensorcelés par le seul nom d'un seul, qu'ils craignent, alors qu'ils ne devraient pas le redouter puisqu'il est seul et qu'ils sont des millions.

 

  • Telle est pourtant la faiblesse des hommes, contraints à l'obéissance depuis leur enfance, éduqués pour temporiser, qui s'habituent à leur condition d'esclaves et ne se rendent pas compte de la valeur de la liberté qu'ils n'ont jamais connue. Si, contrainte par la force des armes, la nation est soumise au pouvoir d'un seul, il ne faut pas s'étonner qu'elle serve, mais bien le déplorer, ou plutôt, supporter ce malheur avec patience et se préserver pour un avenir meilleur. Il peut aussi arriver qu'un peuple ait de la reconnaissance pour un de ces hommes rares qui lui ait donné des preuves de grande prévoyance pour les sauvegarder, d'une grande hardiesse pour les défendre, d'une grande prudence à les gouverner ; s'il s'habitue à la longue à lui obéir et à se fier à lui jusqu'à lui accorder une certaine suprématie, sait-on alors s'il fera aussi bien là où on le place que ce qu'il a procuré lorsqu'il était à sa place naturelle, d'égal à égal avec d'autres, comme l'on se trouve entre compagnons ou amis ?

 

  • Mais quel est ce vice qui atteint la grande majorité des hommes, le petit peuple ignorant, prêt à obéir, à servir, jusqu'à se faire tyranniser, n'ayant plus aucune possibilité de se démettre de celui qui est alors leur maître ? La contrainte ne durerait pas s'il n'y avait pas un accord entre les partis. Ce qui suit est le ressort secret de la domination, le soutien et le fondement de toute tyrannie. Les tyrans s'entourent toujours de quelques gens très dévoués et fidèles (de leur famille ou des commis), car ceux-ci partagent les avantages du tyran et en tirent avantage. Ces dix commandent à cent, lesquels recrutent mille autres, et les mille empêchent le reste du peuple à vivre libre et heureux. La contrainte est acceptée par un grand nombre, lesquels la supportent de par leur nature : ce sont des êtres dépendants, instables, hésitants. C'est là tout le rouage de l'État, et ses hauts fonctionnaires vous obligent à payer le tribut à l'Armée et les diverses taxes qui augmentent sans cesse, sans aucun contrôle.

 

  • C'est par manque d'éducation, puis pas l'habitude que s'émousse la volonté ; c'est ainsi que par lâcheté ou faiblesse, vous perdez votre droit à la liberté et vous finissez par vous y accommoder. Les impôts sont de plus en plus lourds, jusqu'à vous priver des moyens de vous associer et de vous organiser pour reprendre votre liberté. Autant vous êtes démunis, autant l'Armée du tyran se renforce, réprime toute rébellion, et alors le poids de la soumission est terrible à supporter. Est-ce là vivre heureux ? Est-ce même vivre ? Apprenons à lutter contre cet état insupportable, je le dis à tous ceux qui veulent faire figure d'homme.

 

-Résumé du texte de La Boëtie, 1576-

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