6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 12:30

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Un chef très confiant en ses qualités, faisant preuve d'autorité naturelle et cherchant à se faire admirer, est-il nécessairement bénéfique à une entreprise, une organisation ou un pays ?

   

Barbara Nevicka et ses collègues de l'Université d'Amsterdam ont fait une expérience où des groupes de trois personnes disposaient d'informations sur des candidats à recruter, et devaient choisir le meilleur candidat. Des informations différentes étaient données à chaque participant, de sorte que la qualité de leur décision commune dépendait de la capacité des membres du trio à partager leurs données. Au sein de chaque groupe, un leader était désigné au hasard par les psychologues.

 

Chaque participant remplissait aussi un questionnaire d'évaluation du narcissisme, comportant des questions telles que : « Je suis plus capable que la plupart des gens » ; « J'aime être le centre de l'attention » ; « Je veux compter aux yeux des autres » ; « J'aime mon corps » ; « J'ai un désir de puissance ».

 

Les résultats ont montré que plus un leader est narcissique, moins le choix collectif est judicieux. Les participants, bien que persuadés des qualités de leur leader, livrent moins d'informations à la réflexion collective. Le leader leur demande moins souvent leur avis, et des données essentielles sont oubliées.

 

Contrairement au lien parfois établi implicitement entre charisme et leadership, cette étude montre que les leaders narcissiques, malgré leur aura, ont un impact parfois désastreux sur les performances d'un groupe. De nombreux chefs d'État ont souvent une composante narcissique importante. Les conséquences pour leur pays peuvent être négatives, alors même que le narcissisme semble être un avantage pour arriver au pouvoir...

 

Par Sébastien Bohler www.pourlascience.fr


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6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 10:52

Vivre après la mort de son enfant , Des parents endeuillés témoignent - de Josette Gril.

 

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C'est un livre sur l'une des pires expériences que la vie puisse réserver. Une épreuve qui déchire le cœur à jamais...

 

Josette Gril a recueilli le témoignage de quinze parents, six hommes et neuf femmes de tous âges, tous milieux, ayant perdu leur enfant par accident, maladie ou suicide, depuis quelques mois pour certains, de longues années pour d'autres. Comment ont-ils vécu cette tragédie ? Comment ont-ils supporté l'absence impossible à combler, l'immense chagrin dont on pense qu'on ne sortira jamais ?

 

En nouant sa propre expérience de mère endeuillée à ces témoignages, Josette Gril réfléchit à la spécificité du deuil d'enfant et souligne le rôle fondamental de la douleur - qui dévaste mais aussi garantit qu'on reste vivant - avant de présenter quelques voies empruntées par les parents : groupes de parole, psychothérapie, lecture...

 

Alors que les circonstances de la mort, l'histoire de chacun et de la famille au moment du drame, mais aussi les façons de réagir apparaissent dans toute leur diversité, des points communs se dessinent, qui tissent le lien profond que le livre cherche à établir avec les lecteurs : intégrer l'absence des êtres chers dans notre vie, les porter dans nos cœurs est une façon de ne pas se laisser anéantir, de continuer à les faire vivre.

 

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5 janvier 2012 4 05 /01 /janvier /2012 14:07

Lorsqu’à sa naissance, le nouveau né se met à crier, son cerveau n’est pas encore mature. Et pourtant, dès les premiers jours de la vie, le nouveau né est sensible à la mélodie du langage de sa mère et l’on avance même qu’à 4 jours, un bébé est capable de distinguer sa langue maternelle d’une langue étrangère.

 

Cliquez sur le logo pour écouter l'émission:

 

France-Culture-copie-1

 

Comment se développe et se construit ce bébé ?
Quelle est la place de l’environnement ?

C’est ce que nous allons voir avec notre invité le Professeur Bernard Golse. Chef du Service de Pédopsychiatrie à l’hôpital Necker, Bernard Golse est Professeur à l’Université Paris Descartes.

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 14:51

Aujourd’hui, France culture a le plaisir de recevoir le psychanalyste Roland Gori et le sociologue Alain Caillé. Cliquez sur le podcast pour écouter l'émission:

   France-Culture

 

La France aime les manifestes... Il faudrait s’amuser à les compter depuis le Manifeste du surréalisme. Récemment sont parus le « Manifeste pour une santé égalitaire », le « Manifeste pour une Politique des métiers », et un « Manifeste du convivialisme » ! La France aime les Appels. Il faudrait s’amuser à les compter depuis l’Appel du 18 juin ! L’histoire ne se répétant pas, il n’est pas sûr que ce comptage serve à grand chose. Les appels se suivent et ne se ressemblent pas. Ils ont néanmoins un point commun si on les rapporte à la séquence historique qui les voit naître. Le Manisfete du surréalisme est impensable hors de la zone d’influence du mot Révolution. L’appel du 18 juin est impensable hors de l’effondrement national qui en est la cause. Que sont alors les manifestes et les appels d’aujourd’hui comparés à ces grands exemples. Ils ne tombent pas sous le coup de circonstances historiques aussi marquées. Cela est évident. Mais ils sont les symptômes d’un monde qui finit et d’un autre qui se cherche. Ce n’est pas un hasard si le président de la République dans son discours de Bordeaux du 15 novembre s’en est pris à ceux qui trahissaient - qui ? Les fraudeurs de la Sécurité sociale – l’héritage du Conseil national de la Résistance. Il s’en est pris en réalité aux auteurs du « Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire ».

 

Preuve que ses conseillers sont bien documentés, et qu’ils ont sans doute lu les autres Manifestes.

Aujourd’hui, nous recevons deux auteurs ayant écrit ou participé à des Manifestes. Mais leur activité de pensée et d’écriture ne s’arrête pas à ce genre de tâches.

 

Ce sont comme ont dit, deux auteurs engagés dans un travail personnel et collectif. L’un est psychanalyste et l’autre sociologue : j’ai nommé Roland Gori l'un des fondateurs de l'Appel des Appels et Alain Caillé, qui dirige la revue du Mauss. 

 

 Ils font tous les deux appel à la dignité de penser!

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28 décembre 2011 3 28 /12 /décembre /2011 17:20

Comme toute manifestation humaine, la volonté est soumise à des lois. Je vais donc envisager les conditions de la véritable volonté et ce qui freine ou annule l’authenticité de celle-ci.

 

Prenons l’exemple d’un mulet, bloqué sur ses pattes, ne donne t-il pas une apparence de volonté, parce qu’il dit « non » avec une fermeté inébranlable ? Et beaucoup de personnes n’agissent-elles pas de même, tout en croyant sincèrement être « très volontaires » ?

   

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Examinons premièrement ce qui empêche l’expression de la volonté :

 

L’impulsivité exagérée, l’inhibition exagérée, le manque d’énergie et les fausses énergies (fatigue, agitation, nervosité, émotivité), l’indifférence maladive.

 

Voyons à présent ce qui permet la volonté :

 

L’équilibre entre l’impulsivité et l’inhibition, la vitalité, la véritable énergie, la maîtrise de soi, l’intérêt affectif pour un but précis.

 

Définition de l’impulsif et de l’inhibé :

 

L’impulsif est-il volontaire ? Hélas non ! L’impulsif est souvent explosif, agité…

Il fonce et est incapable de se freiner. Il se considère souvent comme un leader, toujours volontaire pour intervenir ! L’impulsif se lance toujours dans des actions exagérées, il court sans cesse. Il semble bourré de volonté et de puissance mentale mais il sait, tout au fond de lui (si toutefois il ose y regarder), qu’il est incapable de volonté réelle. Sous son faux esprit de décision se cachent l’impuissance, la peur et l’émotivité.

 

C’est un drogué esclave du mouvement, souvent agressif…il est incapable de revenir sur ses pas pour changer de direction. Ce n’est pas un volontaire mais un automate de ses pulsions inconscientes.

 

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L’inhibition est l’opposée de l’impulsion : elle consiste à bloquer un mouvement ou une pensée. Dans un contexte psychologique équilibré, elle permet de ralentir une action afin de la raisonner et de la justifier. La personne normalement inhibée va donc interrompre son entrain pour vérifier si l’action du moment correspond à la situation extérieure, dans le but de s’adapter à son environnement.

 

L’excès d’inhibition provoque un arrêt prolongé… ou la personne rumine, doute, hésite longuement et reviens sur ses décisions ! Parfois allant jusqu’à une paralysie totale, dans certains cas de timidité extrême. L’inhibé n’est donc pas volontaire, sa volonté est prisonnière comme une voiture aux freins serrés…la dépression, l’éducation, les sentiments d’infériorités ou les névroses soumettent l’individu à un blocage plus ou moins puissant.

 

La faculté d’agir consciemment demande donc à la fois une part équitable d’impulsions et d’inhibitions. Sans cet équilibre, nous tombons dans l’excès et les réflexes inconscients reprennent immédiatement le dessus sur la volonté véritable.

 

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En conclusion, une personne qui agirait uniquement d’après ses réflexes inconscients (volontariste exagéré, autoritariste, hyperactif ou timide, hyperémotif, complexé) ne serait pas un être humain mais une machine… programmée uniquement pour répondre à des besoins de sécurité.

   

La volonté authentique est une fonction supérieure, elle doit donc se baser sur une personnalité équilibrée et purifiée des troubles de l’éducation ou de la socialisation. Beaucoup de gens passent toute leur vie sans avoir accompli un seul acte de volonté ! Tout en ayant répété « je veux » à satiété. Il faut songer ici à nouveau aux névroses, aux peurs, aux angoisses, aux compensations : ces maladies font agir l’individu à travers une affectivité radicalement faussée. L’homme ne va alors vers son but qu’avec une petite partie de lui-même, et cette partie qui dit « je veux » est bien souvent la partie malade !

  

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28 décembre 2011 3 28 /12 /décembre /2011 16:42

LA CRISE ET NOUS…


UNE SÉRIE D’ENTRETIENS D’ANTOINE MERCIER 
DU 19 AU 30 DÉCEMBRE 2011.


-Avec notamment: Bernard Stiegler, philosophe. Christophe Dejours, psychiatre et psychanalyste et Sophie Wahnich, historienne... Cliquez sur le logo pour écouter le podcast-

 

France-Culture-copie-1

 

Présentation :

 

Depuis la grande crise financière de 2008, qui a donné lieu à de multiples analyses, la situation concrète des pays occidentaux s’est nettement dégradée. A la crise financière s’est ajoutée une crise économique qui prend maintenant un caractère social et politique. Tous les aspects de la vie collective semblent atteints, tour à tour, au point que l’on évoque une menace pour la civilisation occidentale qui a dominé le monde depuis la Renaissance.

   

Lors de précédents entretiens, nous avions cherché à discerner les contours de la crise. Par cette nouvelle série, on tentera, toujours en compagnie d’intellectuels, d’ausculter les symptômes de l’événement « crise » dans l’existence concrète des individus. Car plus la crise est globale, plus elle doit laisser de traces dans l’intimité de nos personnes.
L’absence de projet collectif désoriente chaque particulier.

 
Quelles conséquences la crise produit-elle sur notre façon de vivre, de travailler, d’aimer ou de penser ? Change-t-elle quelque chose à notre manière d’être au monde et d’envisager l’avenir ?

      

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28 décembre 2011 3 28 /12 /décembre /2011 11:28

Dossier complet de Marina Papageorgiou, Psychanalyste et Psychosomaticienne.

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Quand Perséphone fut enlevée par Hadès, oncle amoureux et maître des enfers, Déméter, sa mère, entra dans une errance mélancolique et épuisante à la recherche de sa fille. La rencontre avec Iambé, vieille femme exhibant son sexe – laissant apparaître selon une variante du mythe une tête de garçon naissant –, fit rire la déesse et mit fin à sa douleur. Déméter reprit même une activité sexuelle et procréatrice, mais elle n’accepta de regagner sa place parmi les dieux qu’après avoir retrouvé sa fille, sous peine que la terre ne devînt stérile. Perséphone fut autorisée à alterner son séjour dans la demeure souterraine d’Hadès avec un séjour sur la Terre-Mère, qui retrouva ainsi la fertilité. Cette alternance qui signifie la rythmicité des saisons pourrait évoquer le double enracinement de la sexualité et de l’identité féminines, en « bascule » selon l’expression de Florence Guignard entre le maternel et le féminin.

 

 Ce mythe m’est venu à l’esprit pour illustrer ma rencontre avec des patientes souffrant d’une « nouvelle » maladie, essentiellement féminine, la fibromyalgie. Mes réflexions sont inspirées de cures analytiques ainsi que d’investigations et de suivis psychothérapiques dans un centre de traitement de douleur chronique.

 

La fibromyalgie primitive ou (Syndrome Polyalgique Idiopathique Diffus), autrefois appelée polyentésopathie ou fibrosite, est un syndrome douloureux de l’appareil locomoteur d’étiopathogénie inconnue où la fatigue est intriquée aux douleurs diffuses.

 

À la différence de la fatigue chronique associée à des maladies systémiques et distincte des syndromes myofaciaux où les douleurs, d’origine organique, restent localisées et répondent aux traitements, le diagnostic de la fibromyalgie est clinique, en absence de toute lésion organique ou altération biologique. Deux critères de diagnostic sont retenus : d’abord la persistance de douleurs diffuses depuis au moins trois mois, puis un score d’au moins onze points du corps douloureux à la palpation sur les dix-huit répertoriés (tender points) et qui correspondent à des insertions tendineuses ou à des zones de transition musculo-tendineuses. La fréquence et l’intensité des douleurs peuvent varier, augmenter à l’effort, au froid et au « stress », diminuer à la chaleur et au repos, mais la fatigue, voire l’épuisement, est toujours présente.

 

Associée à des facteurs organiques rhumatismaux, endocriniens, etc. la fibromyalgie dite secondaire est mieux acceptée aussi bien par les patients que par les médecins.

  

UNE MALADIE ÉPUISANTE À SOIGNER

 

En absence de causalité organique tangible, la symptomatologie fibromyalgique reste énigmatique et embarrassante pour le corps médical. Elle suscite des réserves et des controverses nosographiques, de nombreux médecins et psychiatres y voient des manifestations hystériques. Aux douleurs et à la fatigue s’ajoutent d’autres symptômes fonctionnels et végétatifs, souvent accumulés, affectant tous les systèmes : musculosquelettique (lombalgies, spasmes, dysfonctionnement temporomandibulaire, canal carpien), digestif (reflux gastro-œsophagien, dysphagies, bouche sèche, colopathies), cardiovasculaire (palpitations et extrasystoles), respiratoire (toux, dyspnées, allergies), génitourinaire (dysménorrhées, incontinence), endocrinien (hypoglycémie, peau sèche, hyperhydrose, perte des cheveux), nerveux (céphalées, migraines, vision double, acouphènes, troubles de l’équilibre et étourdissements, dysesthésies (brûlures, gonflements, inflammations, picotements, tendance à échapper les objets, hypersensibilité aux bruits et aux odeurs). Enfin, irritabilité, anxiété et angoisses diffuses, troubles de concentration et de mémoire s’ajoutant aux insomnies conduisent le plus souvent à une incapacité de travailler, voire à une mise en invalidité. Cette clinique donne aux médecins une impression de « tout et n’importe quoi », « psychogène », ou « psychosomatique », coûteux et difficile, voire épuisant à soigner.

 

Les thérapeutiques médicamenteuses (anxiolytiques et antidépresseurs) n’apportent pas d’amélioration. La prescription d’exercices physiques (!) est vécue de manière ambivalente, et les techniques psychologiques les plus utilisées sont d’inspiration comportementaliste, dites de « gestion de stress et de douleur ». L’évolution de la maladie est variable : les crises peuvent se stabiliser ou diminuer et plus rarement disparaître, le critère médical prévalent étant la qualité de vie plutôt que l’amélioration des symptômes. Les malades se sentent mieux quand les douleurs diminuent, en revanche la fatigue persiste, probablement parce qu’elle est moins quantifiable. Malgré la vigilance suscitée par l’abondance des somatisations chez les fibromyalgiques, en général, on n’observe pas de maladies graves.

 

La fibromyalgie est ainsi considérée comme une entité nosographique distincte des autres atteintes organiques, résultant d’un dysfonctionnement des systèmes de contrôle inhibiteur de la douleur, selon la seule hypothèse éthiopathogénique valable. De nombreuses études ont montré que chez les femmes fibromyalgiques le seuil de douleur est diminué et que la sensibilisation périphérique impliquant non seulement les muscles mais également les tendons, les ligaments et la peau est amplifiée et généralisée par un dysfonctionnement central. Toutefois, des altérations dans les mécanismes nociceptifs peuvent être observées chez d’autres malades douloureux mais non fibromyalgiques. Certains chercheurs ont relevé une difficulté épistémologique dans la nosographie, à savoir l’intrication entre douleur et fatigue, dont l’un peut provoquer l’autre tout en en étant le résultat. Le lien entre les deux serait en rapport avec les troubles du sommeil mis en évidence chez ces patients, et qui pourrait être dû à une micro-ischémie qui entrave le repos musculaire pendant la nuit.

 

CORPS DOULOUREUX, CORPS VIDÉ

 

L’investigation des patientes fibromyalgiques fait ressortir deux caractéristiques particulières. Premièrement, les douleurs surviennent à la suite d’un événement traumatique qui marque un changement dans la vie du sujet et le sollicite à un remaniement économique majeur. Le plus souvent il s’agit d’un deuil, notamment un deuil maternel, une rupture affective, ou un échec professionnel. Le début des crises se situe en général après la quarantaine, ce qui peut signifier un cap de remaniement libidinal et identificatoire, accentué par les modifications biologiques évidentes chez les femmes et plus rarement à l’adolescence.

 

D’abord localisées, les douleurs se diffusent progressivement et le corps est décrit douloureux ou anesthésié, éteint, « hors service », et incapable de répondre à des sollicitations externes perçues comme demandant trop d’énergie et le vidant de ses forces. Le sujet ne sait pas s’il a mal parce qu’il est fatigué ou si la fatigue accrue devient douleur. L’épuisement est décrit comme un état où on ne peut plus lutter, on n’y peut rien.

 

La deuxième remarque est le fait qu’il s’agit toujours de femmes hyperactives, qui privilégient les défenses de comportement et notamment le recours à la motricité. Cette hypertonicité s’exerce dans leur vie professionnelle, très investie et contraignante mettant en jeu les exigences d’un moi idéal féroce et insatisfait. En dehors du travail, les tâches ménagères qui sont décrites comme un « cauchemar », ou « une épreuve de nullité », et les occupations impliquant les soins donnés aux petits-enfants, très investies sont par la suite évitées ou empêchées, car épuisantes. Ces femmes semblent se consumer dans leur travail, se confrontant à une injonction interne selon laquelle il faut faire toujours plus et mieux pour ne pas risquer de tout perdre. Elles décrivent une constante obligation de résultats en quête d’une valorisation et d’une ré-assurance narcissique menacée en permanence. Cette hyperactivité ne semble pas obéir à une logique de compétition ou de rivalité, soutenue par une activité fantasmatique et une conflictualité interne, par exemple de nature œdipienne, mais elle correspond à la nécessité de mobiliser une surcharge énergétique pour lutter contre des tensions externes ou internes trop menaçantes pour le psychisme. Cette hypertonie, qui affecte également les voies mentales, finit par épuiser le sujet enfermé dans le piège de ses mécanismes de défense, où l’apaisement est recherché dans l’action et l’excitation à l’instar des procédés autocalmants, décrits par les psycho-somaticiens (M. Fain, C. Smadja, G. Szwec) et qui rendent mieux compte de la nature du « stress » lié au travail. Il est intéressant de s’interroger sur la facilité avec laquelle ces mêmes activités peuvent être désinvesties, lors des arrêts maladie prolongés où la mise en invalidité est ressentie comme un soulagement. « Je pourrais enfin me reposer, et dormir », disait une patiente souffrant d’insomnies et de douleurs matinales.

  

La faculté de « lâcher » pourrait connoter une faible valeur sublimatoire des activités professionnelles ainsi que la labilité de l’investissement. Investies comme des occupations pour éviter de penser, elles ne sont pas ressenties comme un espace de créativité, de plaisir et d’enrichissement personnel. Au lieu de gagner en indépendance, le sujet s’use dans une quête permanente d’amour et de reconnaissance adressée à un objet maternel cruel ou indisponible, mais qu’il doit en même temps garder à l’abri de toute projection de motions destructrices internes. Ceci explique le contrôle exercé sur les voies motrices et les voies fantasmatiques et qui ne permet pas non plus l’épanouissement des pulsions épistémophiliques et le plaisir de penser.

 

LOURDEUR ET APESANTEUR

 

Les patientes fibromyalgiques décrivent des sensations de douleur, de brûlures ou de froid, d’écorché vif, qui alternent avec des sensations de lourdeur, de raideur ou de mollesse, d’épuisement, de perte de consistance ou de force musculaire, des troubles d’orientation ou de contenance dans l’espace, ou encore la sensation de trop sentir, comme avoir mal « aux attaches des tendons » où « même sourire devient fatigant ». Les sensations semblent opérer à la place des émotions et des affects qui ne sont pas absents mais déqualifiés. Hormis des crises de larmes, ces patientes se montrent rarement joyeuses ou tristes, agressives ou en colère, n’ont pas d’expressions enthousiastes ni d’élans passionnels. Leur vie sexuelle est à peine mentionnée, ou alors pour décrire de manière lapidaire une vie conjugale « comme tout le monde », « sans rien de particulier », en soulignant le caractère obligatoire ou contraignant de la sexualité. Parfois, elles relatent des expériences blessantes au plan physique ou affectif, et le plus souvent elles décrivent une sexualité « incomplète », soit par absence de plaisir soit par manque de tendresse.

 

Le caractère diffus de ces éprouvés donne au clinicien le sentiment d’être en présence d’un corps insaisissable, sans forme, sans contour. En face d’une patiente qui égrenait tout ce qu’elle ne pouvait plus faire dans la journée une image s’est imposée à moi, celle d’une silhouette de sable qui s’effritait dès qu’on essayait de la saisir.

 

L’ENFANT THÉRAPEUTE

 

L’expérience clinique montre que le surinvestissement d’un corps douloureux fait écho à une relation avec l’objet primaire, de nature traumatique, un objet interne menaçant et excitant en permanence, qui n’est ni assurément présent, mais dont il est impossible d’assumer l’absence. Que la mère ait été réellement absente, psychiquement indisponible, chaotique, imprévisible, érotisée ou intrusive, elle incite chez l’enfant une hyperex-citabilité motrice et sensorielle qui vise à la fois à récupérer l’intérêt maternel et à atténuer une proximité menaçante de faire exploser le sentiment de continuité de soi. Ainsi, à l’instar de la plaie corporelle qui, en tant que zone de condensation narcissique dans la description freudienne, protège de la névrose traumatique, la douleur physique garde toujours une valeur de défense contre le risque d’effondrement psychique.

 

Une configuration particulière est au centre de l’histoire des femmes fibromyalgiques. Pendant leur enfance, elles ont occupé une fonction d’enfant thérapeute auprès de leur mère, ce qui a provoqué une distorsion particulière des liens mère-fille. D’une manière ou d’une autre, elles ont été amenées à s’occuper d’une mère souffrante psychiquement, mais également atteinte physiquement, malade ou handicapée. Il s’agit d’une mère qui se trouve dans une dépendance physique mais décrite comme très indépendante de caractère, courageuse, insoumise, et hyperactive à l’extérieur et à l’intérieur du foyer, malgré des capacités sensori-motrices parfois limitées, très exigeante et perfectionniste. Ce qui domine dans le personnage maternel est un excès de présence physique agie qui lui confère l’illusion de passer outre à tout besoin ou désir, et malgré l’évidence déniée des manques corporels, d’échapper au manque, et bien sûr à la castration. Dans tous les cas, ces femmes s’étaient senties durant leur enfance moralement et physiquement responsables de l’intégrité psychique et physique de leur mère.

 

Le personnage paternel est investi comme un rempart, tantôt tendre ou idéalisé, courageux, tantôt érotisé, même violent, brutal, très pulsionnel, mais toujours peu capable d’endiguer les agissements de la mère.

 

Les rapports avec les maris sont un compromis entre les deux personnages parentaux. Les relations avec les enfants-filles sont plutôt conflictuelles, réactivant les exigences et les dangers émanant de la mère, tandis que les enfants-garçons sont décrits comme plus faciles à élever et à éduquer, voire à « tenir », mais aussi plus vulnérables et souvent en mauvaise santé.

 

Ces patientes se décrivent comme des enfants très sages, écolières sérieuses et appliquées, sans frivolité, matures et responsables, de vrais soutiens de famille, « comme des hommes ». Dans cette hypermaturité intellectuelle, et corporelle, il s’agit de contenir l’expansion motrice pour ne pas lâcher la surveillance du corps de la mère, tout en se conformant à son désir à elle de « tenir » l’enfant.

  

Pendant son analyse, une patiente éprouvait le besoin de me regarder bien avant de se lever du divan et se détacher de moi, alors que sa mère l’empêchait de se détendre avec insouciance et nonchalance à ses côtés en la sommant de ne pas bouger, pas remuer, pas respirer ! Au bout de quelques années, on a pu comprendre que la crispation douloureuse correspondait pour elle à un désir de se raidir de manière virile pour se défendre contre la déréliction physique et psychique de sa mère, "atteinte d’une polyarthrite rhumatoïde". Le corps endolori correspondait à une identification masculine paternelle pour se défendre d’une promiscuité homosexuelle latente et maternelle. Toute circonstance l’éloignant fantasmatiquement du père provoquait des angoisses sous forme de sensations de perte de consistance et de jambes en coton. En revanche, le sentiment de fatigue et d’épuisement, l’empêchant de travailler mais aussi de penser et d’associer librement, correspondait à une identification hystérique à la mère molle et éreintée, chaque fois que celle-là refusait de partager un jeu ou une joie avec sa petite fille.

 

La rigueur d’une enfant thérapeute contraste souvent avec une ambiance familiale marquée d’excitation et de sensualité parentale, châtiments corporels, et parfois abus sexuels. J’ai toujours trouvé que la place de l’enfant thérapeute dans le roman familial est connotée d’un trouble de filiation, d’un changement de nom, d’une adoption, ou d’un changement de statut, d’une alliance transgressive ou d’un secret familial qui bouleverse l’ordre établi, en tout cas un événement significatif dans un registre symbolique, ou une rupture de transmission.

 

Le fait qu’il s’agit essentiellement de femmes n’est pas insignifiant dans le tissage de la relation thérapeutique et le jeu des projectionsidentifications qui va habiter l’espace de la relation thérapeutique, y compris avec les médecins. Elles suscitent chez les médecins hommes une attitude de rigueur et de réserve alors que les médecins femmes adoptent une attitude hyperactive, toute-puissante ou complice. Ainsi, l’orientation par les premiers vers une consultation de la douleur semble être motivée par le besoin de « tiercéiser » une relation thérapeutique épuisante et peu gratifiante, dont la part de subjectivité risque d’ébranler la rigueur du raisonnement clinique et de fausser les capacités d’empathie. En revanche, les mêmes difficultés et la persistance des plaintes suscitent chez les médecins femmes une envie d’en « faire trop » pour ces patientes, multipliant les explorations et les traitements et instaurant une proximité sous forme de relations mondaines ou de confidences « féminines ».

  

Autant d’attitudes de séduction maternelle exercées sur une fille et qui s’opèrent par l’intermédiaire d’un corps marqué tantôt par un excès d’excitation, « un corps qui ne dort jamais », tantôt marqué par l’épuisement de la lutte, en position de retrait ou de renoncement.

  

REGARD PSYCHOSOMATIQUE SUR LA FATIGUE ET LE LIEN PRIMAIRE MÈRE - FILLE

  

Pour Pierre Marty, il est des relations à l’objet qui sont fixées précocement à partir des investissements qui sont restés essentiellement ancrés dans la sphère sensori-motrice en raison des réponses de la mère et de sa capacité d’assurer l’intégration somatopsychique pulsionnelle de l’enfant et d’étayer l’acheminement fantasmatique des excitations. Dans un premier temps la mère ne peut « lâcher prise » sur le corps du bébé, faute d’une capacité de rêverie suffisante, et dans un deuxième temps son anxiété ou ses propres besoins d’étayage narcissique empêchent l’épanouissement de l’enfant, par exemple dans les jeux, freinant les décharges motrices et la mobilité fantasmatique. On peut rapprocher le sommeil non réparateur et l’hypervigilance musculaire des fibromyalgiques à la théorisation de Michel Fain sur la nécessité d’un rythme alternant investissement et désinvestissement du tout-petit de la part de la mère pour que le sommeil gardien du soma puisse s’installer, avec pour corollaire le rêve gardien du sommeil, l’ensemble garantissant le silence des organes. On sait que cette qualité de la mère est liée à la « censure de l’amante » qui met en jeu la discontinuité entre la libido maternelle, la mère étant séduite par le bébé à qui elle prodigue des soins, et la libido féminine de la mère amante qui désinvestit le bébé pour retrouver l’intimité corporelle du père. Ainsi, quand les choses se passent bien, la censure de l’amante renforce les visées narcissiques de la fonction maternelle de Marty en continuité avec l’identification hystérique primaire.

 

Outre le sommeil fatigant, chez ces patients, l’activité onirique est réduite et les rêves qui surgissent au fur et à mesure du traitement sont toujours rapportés à des objets ou des animaux qui bougent dangereusement, ou des contenants (chambres, maisons, grottes) que le rêveur se met à explorer de l’intérieur.

  

Je fais l’hypothèse qu’il s’agit d’une tentative d’élaboration fantasmatique de ce qui est propre et singulier au destin psychique et anatomique du corps féminin, à savoir qu’elle est le contenu du corps de la mère, de l’utérus, avant d’être à son tour un contenant. Cet enjeu singulier entre l’altérité et l’identique est propre à l’identité féminine et au développement de sa vie psychique.

 

REGARDS PSYCHANALYTIQUES SUR LE LIEN MÈRE - FILLE

 

À plusieurs reprises, Freud établit la distinction entre la névrose d’angoisse et l’hystérie, pourtant très intriquées, à partir de l’insuffisance psychique qui caractérise la première et qui est responsable de l’accumulation de la tension sexuelle interne, à l’origine des processus somatiques anormaux. En revanche, le soubassement des symptômes hystériques qui cliniquement s’apparentent à ceux de la névrose d’angoisse se fait à partir d’un conflit psychique. Ainsi la névrose d’angoisse est le pendant somatique de l’hystérie, la dérivation de l’excitation se produisant à la place d’une élaboration psychique suffisante. Cette distinction parcourt les diverses reprises freudiennes quant à l’origine et la nature de l’excitation, qui déborde les capacités du moi, et résulte d’un effroi présexuel qui ne doit pas dans le cas de l’hystérie être déchargé complètement et immédiatement mais passer par les frayages des traces mnésiques et l’après-coup, transformant ainsi la quantité extérieure en qualité (Esquisse). Or cette capacité transformatrice est liée à la qualité des échanges avec l’objet maternel primaire, ce qui correspond dans la conception freudienne à l’identification hystérique primaire, qui fonde les prémisses de la vie fantasmatique. Mais si la mère est la première séductrice, elle reste dans le modèle freudien essentiellement œdipienne, et n’est pas envisagée comme objet de séduction de la part de l’enfant. Or dans la clinique contemporaine aussi bien des structures névrotiques que non névrotiques, on est confronté aux avatars des investissements et identifications réciproques entre l’enfant et la mère pendant l’œdipe précoce. Ainsi dans la censure de l’amante conceptualisée par Michel Fain et Denise Braunchweig, l’accent est mis sur l’investissement de la mère réciproquement par et sur deux objets, l’enfant et le père de l’enfant.

 

Dès cette triangulation précoce et fondatrice, la mère apparaît dans une singularité soulignée par André Green, celle d’avoir des relations charnelles avec deux partenaires liés entre eux.

 

En ce qui concerne le développement œdipien féminin, l’œdipe précoce s’articulera avec le changement d’objet de la phase œdipienne où la petite fille devra à la fois s’identifier à la mère mais aussi se confronter à elle en tant que rivale. Ces remaniements identificatoires et libidinaux masculins, féminins, maternels, paternels vont réactualiser les identifications préœdipiennes maternelles et paternelles et leurs soubassements fantasmatiques. L’effraction de l’œdipe sexuel met à l’épreuve la force et la qualité de l’intrication pulsionnelle précédente et interroge aussi la texture du masochisme érogène primaire. On sait que le défaut de l’identification hystérique primaire fait le lit de l’hystérie mais aussi des éclosions somatiques. Comme le rappelle Augustin Jeanneau, chez l’hystérique la dépression est tournée au-dehors, en quête d’un objet d’amour à l’instar de l’objet prégénital.

 

Dans la quête de l’objet maternel en rapport avec les assises de sa propre féminité, la femme doit composer avec ce que Florence Guignard appelle le maternel primaire et le féminin primaire. Le premier se réfère à la capacité de rêverie de la mère et l’espace des introjections projectives, qui réactive dans la relation mère-fille l’infantile de la mère se voyant comme la petite fille qu’elle fut à travers sa propre fille. Cet espace vectorise le conflit pulsionnel primaire et renvoie l’enfant au fantasme du retour à l’utérus et au fantasme de castration. De sa texture dépendent également les processus de la pensée et les capacités créatrices ainsi que la qualité du préconscient. Le féminin primaire de la mère confronte l’enfant à la sexualité de la mère et au désir de l’autre. L’abandon de l’omnipotence narcissique marque l’avènement à la position dépressive et aux prémisses de la bisexualité psychique, la capacité de s’identifier à la mère et à l’objet du désir de la mère.

 

Chez la fille, l’intrication entre l’identification à la mère comme identique et en tant qu’objet du désir du père s’avère particulièrement complexe et douloureuse du fait de l’identité corporelle. Ainsi, accéder à une maternité créatrice et épanouissante implique le renoncement au fantasme de posséder (et détruire) l’utérus de la mère pour lui voler les richesses déposées par le père. Dans un cas que j’ai développé ailleurs, l’hystérectomie qu’une mère dépressive « exhibait » à sa fille pendant son adolescence a scellé l’identification hystérique masochiste à la mère afin de contre-investir les pulsions haineuses engendrant une énorme culpabilité.

  

Mère et fille appartenaient à la même secte, ainsi que le mari que la deuxième avait offert à sa mère afin de l’initier. Bien entendu le couple était stérile, sans que cela soit source de tristesse jusqu’à la mort de la mère et l’apparition de la fibromyalgie. Dans ce cas, l’arrêt de l’activité professionnelle pour cause de fatigue a été remplacé avec succès par une hyperactivité consacrée aux soins donnés bénévolement aux personnes âgées dépendantes ou mourantes, étayée bien sûr par une pulsionnalité sadique.

  

Chez les fibromyalgiques, la position de l’enfant thérapeute les confronte à l’intrication entre le désir de posséder le corps de la mère en lieu et place de l’Autre de l’objet et l’impossibilité de s’en détacher. L’obligation de porter le corps de la mère colmate la béance que laisse la perte de traces représentationnelles de « ce qui fait qu’on est sûr qu’on a bien eu une mère et qu’on a été bien porté dans ses bras » comme dit une patiente.

 

PORTER LA LOURDEUR D’UNE MÈRE LÉGÈRE

  

Liliane est une jolie femme ronde, de 57 ans, « rose bonbon », me suis-je dit, lors de notre première rencontre. Ses douleurs ont commencé après deux décès, la mort de sa mère et le mariage de sa fille la même année, ce qu’elle compte pour « un deuxième décès », comme elle dit, lors de notre première rencontre. À ces deux pertes qu’elle est incapable de différencier, il faut ajouter la mort d’un frère aîné qu’elle n’a sue que deux mois plus tard, comme si « elle était une inconnue ». Elle avait aussi appris le décès de sa mère le lendemain, et le vit depuis avec les remords de l’avoir placée dans une maison de retraite où elle a fini ses jours « désorientée ». À la suite de ces pertes, Liliane a suivi pendant quelques années un traitement antidépresseur et une psychothérapie « contre » une dépression sévère, dont elle s’estime guérie, mais elle garde des douleurs présentes jour et nuit, des sensations de brûlures et de glaçons, un épuisement physique permanent et des moments de déséquilibre et de désorientation, comme une somnambule. Elle s’efforce alors de visualiser une rambarde ou une corde imaginaire qu’elle doit tenir avec « ses yeux et ses muscles », pour éviter de tomber. Puis, elle se sent tellement fatiguée et ramollie que rien ne peut l’atteindre. Même l’explosion d’une bombe n’arriverait pas à la faire bouger.

   

De cette hypervigilance sensorielle et motrice est tissée comme un fil rouge la relation de Liliane à sa mère. Petite dernière d’une fratrie de cinq enfants, elle était pendant toute son enfance plus qu’un simple soutien d’une mère à moitié sourde, atteinte d’une otospongiose et presque aveugle, à la suite d’un glaucome. Liliane était toujours collée à elle, la guidait pour traverser la rue, lui décrivait les paysages, lui répétait les paroles des passants qu’elles rencontraient, car « sa voix vive et aiguë de petite fille portait bien », et rendait sa mère heureuse. Ainsi, plus que porter sa mère, Liliane avait toujours eu le sentiment d’être devenue littéralement le corps de sa mère, seule manière de pouvoir tenir et assumer cette lourde charge. Elle évoque deux souvenirs-écrans qui manifestement gardent une brillance traumatique : dans le premier, un médecin enlève la peau des yeux de la mère à l’aide d’une pince. Dans le deuxième elle tombe dans un fossé à l’âge de 6 ans alors qu’elle traversait un champ, en tenant sa mère à bout de bras, en évitant les orties. Lors de la chute, la petite fille s’est trouvée écrasée par le poids de la mère corpulente et terrorisée à l’idée qu’elles pouvaient y rester coincées pendant la nuit. Elle faisait ce « chemin de calvaire » plusieurs fois par semaine pour conduire sa mère chez sa propre mère, qui vivait seule à plusieurs kilomètres de la maison parentale de Liliane.

  

Dans l’histoire familiale, elle occupe également une place singulière. Elle est la seule à porter le nom de son père, deuxième mari de la mère qui était également son amant ainsi que père biologique de tous ses enfants, nés pendant son premier mariage et reconnus par le premier mari dont ils portent le nom. Liliane est née après la mort de celui-ci et le remariage de sa mère avec son « amour adultérin ». Elle porte son nom « comme un fardeau » tandis qu’elle s’attendait à ce que cela fût une fierté qui lui aurait valu la reconnaissance et les faveurs de sa mère. A la place, elle a eu affaire à la rivalité et à l’hostilité de ses frères et sœurs qui la traitaient comme une « petite merde », alors que c’était elle qui avait scellé l’union de ses parents, y compris en payant intégralement les frais des obsèques pour les deux décès. D’ailleurs, au décès de ses parents, qu’elle présente comme une scène primitive ultime, elle découvre dans le livret de famille qu’à sa naissance, elle était déclarée de mère inconnue. Sa mère l’aurait reprise quelques mois plus tard.

  

En guise de commentaire sur les différentes prises en charge qui lui sont proposées (antalgiques, antidépresseurs, relaxations, kinésithérapie, psychothérapie), Liliane me dit que rien ne la soulage vraiment et pour longtemps, mais qu’elles doivent exister. Elle doit prendre tout ce qu’on lui donne, de la même manière qu’elle grignotait les restes de tranches de pain que sa mère lui donnait, une fois que ses autres enfants avaient fini le petit déjeuner.

  

Elle accepte ainsi de « goûter » la psychothérapie parce « qu’elle n’a rien à perdre », et que je la reçois très loin de son domicile ce qui lui donne le sentiment que je ne lui impose pas une thérapie lourde. Le contraire de son psychiatre qui était pesant et l’enfonçait dans un silence de plomb. Elle vient accompagnée de son mari, renfrogné et bougon, qui l’attend dans le couloir et dont Liliane ne fera aucune mention pendant longtemps.

 

Les plaintes corporelles décrivant un « dos en feu et un corps écrasé par la fatigue, piétiné par un éléphant » occupent toute la séance et sont directement associées au stress permanent qu’elle ressent à son travail et qui la conduit à se faire arrêter par son médecin, voire même à envisager une préretraite. Elle occupe un poste administratif dans l’Éducation nationale où elle est chargée des normes de sécurité dans les écoles maternelles et primaires. Elle ne peut plus assumer la « lourdeur de ses responsabilités et les exigences qui augmentent, au détriment de la reconnaissance et la valorisation qui sont en baisse », d’autant qu’elle ne supporte pas les conflits entre ses collègues et le supérieur hiérarchique, une femme de caractère mais sans considération pour son équipe. Liliane décide de la défendre en se désolidarisant d’une pétition dénonçant son incompétence et ses abus de pouvoir. Il s’ensuit une période de long conflit qui empoisonne les relations au bureau et qui aboutit au départ houleux et amer de la chef. Elle est très déstabilisée. Habituellement elle se sent obligée d’accepter tout, même des choses contradictoires ou insensées, et dans ce conflit, elle a pu s’opposer « à la masse », mais avec des dégâts. Elle se sent seule, plus fatiguée que jamais alors que la chef est partie et qu’il n’y plus de tensions. Elle veut comprendre pourquoi elle ne peut jamais dire non, ou poser des limites.

  

Cette situation, qui me demande une gymnastique mentale particulière car je me sens sollicitée à suivre les fluctuations économiques de la patiente, tout en m’efforçant de préserver mes capacités fantasmatiques, me permettra de comprendre et de montrer à Liliane l’origine interne de son « stress ». Ce que Liliane a ressenti à l’égard de sa chef attaquée : volonté de la protéger en se démarquant de la fratrie de ses confrères et consœurs, espérance d’être reconnue dans ce dévouement, recrudescence des douleurs et abattement après qu’elle est partie – répudiée, pensais-je –, ressemble point par point à sa position d’enfant thérapeute, mère de sa propre mère. Ce qui la contraint à maintenir un état d’excitation élevé n’est pas tant lié à sa peur consciente de commettre une négligence ou une faute et d’être moralement responsable d’un accident qui pourrait blesser ou tuer un enfant, mais à son angoisse inconsciente d’endommager ou de détruire sa mère alors qu’elle était chargée de la protéger, de veiller sur elle. Je dois préciser que le levier transférentiel qui me permet de lui formuler cette idée est le fait que Liliane fait souvent des commentaires sur mon physique et des éventuelles marques de fatigue ou de contrariété. Elle devient alors très vigilante à mes expressions ainsi qu’aux bruits du service.

 

Je cherche à lui montrer que l’angoisse n’est pas directement liée à son travail, source d’ailleurs de gratifications qu’elle sous-estime, mais à l’énergie considérable qu’elle doit déployer pour lutter contre ses propres pulsions agressives, voire destructrices, dirigées contre un objet d’amour dont elle attend la reconnaissance.

 

D’autre part je vise à introduire la dimension de la fonction paternelle dans sa vocation de tiercéité, et du désir maternel pour le père, en lui faisant entendre implicitement que dans son éprouvé de porter le fardeau de sa mère malade tout en faisant un avec elle, elle cherche aussi à être un parent pour sa mère, aussi bien une mère qu’un père, l’homme père qui la protège mais qui a aussi des « titres de propriété », en reprenant une de ses formulations à propos de son lieu de travail qui n’appartient pas à elle mais au chef de l’État. Cette idée semble difficile et elle s’absentera en arrêt maladie.

   

À son retour, elle se dit accablée de fatigue, mais elle se sent très réconfortée à l’idée que j’ai laissé entendre, à savoir qu’elle peut s’intéresser à autre chose que le devoir professionnel. Elle compare cette idée à l’image d’une mère qui accepte que sa fille peut avoir des secrets qu’elle ne lui communique pas. Elle évoque alors son goût pour les beaux vêtements, difficiles à trouver à sa taille, et son souci d’assortir la rousseur de ses cheveux à son maquillage de manière féminine et légère, mais « sans faire vulgaire ».

 

Pendant une période d’accalmie, quant à ses douleurs, durant laquelle Liliane me donne une étrange impression de somnambule éthérée, le travail psychothérapique va se poursuivre au profit d’un renforcement des identifications féminines plutôt mimétiques, et d’une recherche de complicité avec moi qui illustrera les difficultés de la triangulation qui la confronte à l’épreuve de la perte d’objet.

 

Le remaniement dans son lieu de travail a mis en place une équipe composée d’un chef homme et de plusieurs jeunes femmes, décrites comme aussi idiotes et incompétentes que vulgaires et provocantes, prêtes à tout pour obtenir une promotion. Liliane se trouve alors dans une place tantôt de vieille fille mise au placard, oubliée et inutile, qui doit céder sa place, tantôt dans un rôle de mère expérimentée qui doit apprendre aux nouvelles « les secrets du métier ». Une nouvelle période de recrudescence des crises douloureuses correspond à cette rivalité œdipienne et de jalousie féminine, qu’elle récupère dans un fantasme de mère initiatrice ainsi que dans la joie d’être grand-mère. D’une part, elle se compare avec tristesse aux « nénettes » légères du bureau face auxquelles elle ne fait pas le poids, d’autre part elle investit de plus en plus nos séances qui sont devenues plus fréquentes, ainsi que les moments d’enjouement qu’elle partage avec sa petite-fille de 4 ans et son petit-fils de 18 mois. Elle souligne sa capacité de deviner et de combler leurs besoins et leurs désirs (préparer des bons plats pour le bébé, jouer à la dînette ou lire des histoires). Elle peut bouger et « s’éclater avec eux dans le bonheur », se démarquant de sa propre fille qui se montre austère et sèche avec ses enfants leur interdisant de « courir et de tournicoter sans cesse ». Dans une ambiance de béatitude orale, elle se sent envoûtée par sa petite-fille « merveilleuse et magique » et un petit garçon qui la dévore des yeux et la comble de câlins.

    

C’est dans ce contraste de perte et de retrouvailles que Liliane évoque pour la première fois les crises de jalousie de son mari chaque fois qu’elle fait des coquetteries ou achète des cadeaux à ses petits-enfants. Il se montre très hostile et jaloux de ses séances avec moi mais tient à faire l’aller-retour avec elle pour la surveiller et lui gâcher son plaisir.

 

La passivité vis-à-vis des violences physiques et verbales de son mari que Liliane associe aux disputes violentes de ses parents, et l’alcoolisme « dégoûtant » de son père, comme si elle devait porter et supporter le poids d’un destin, correspond à un renforcement masochiste de l’identification hystérique à la mère face à la crainte de la perdre, menace sous-jacente à tout changement économique et opportunité de créer des nouveaux objets. Cette identification masochiste à la mère renoue avec une des parties clivées de l’enfant thérapeute, celle de la passivation imposée par les besoins de la mère, alors qu’une autre partie s’identifie aux besoins et aux désirs d’enfant. C’est cette partie qui est en œuvre dans la capacité de Liliane de « régresser », comme elle dit, en présence de ses petits-enfants.

 

À ce moment de la cure, la patiente évoquera la fatigue sous un autre angle. Celui de la lassitude de penser : au bureau, en séance, en réunions de famille à propos des problèmes d’héritage. Elle veut qu’on la laisse tranquille avec sa petite-fille qu’elle cajole avant de dormir, tandis qu’elle a peur de garder le bébé garçon toute la nuit car il pourrait se trouver malade, voire en détresse vitale.

 

Dans un transfert positif de base, Liliane cherche le même contact que celui d’être près du corps de sa petite-fille, dans une identification immédiate, proche de l’identification hystérique primaire. Toute sollicitation, physique ou intellectuelle qui rompt ce corps à deux mobilise une charge pulsionnelle motrice, qui pourrait expliquer la fatigue exprimée. En revanche, la position masochiste vis-à-vis du mari, que Liliane associe au « réveil des douleurs du dos et des bras », avivant aussi les réminiscences d’une scène primitive brûlante, correspond à une sexualisation secondaire, à travers les identifications maternelles et paternelles, féminines et masculines sous-jacentes au « féminin » de la mère et qui mettent en scène une mère sexuelle rivale. Cette image est effractante et insupportable, car elle ne peut pas s’articuler avec des traces fournissant l’assurance d’une mère aimante et qui « porte », capable de contrecarrer l’irruption du génital.

  

Liliane évoquera une relation de tendresse et d’affinités avec un homme très séduisant et fin, qui cherche à « s’introduire davantage dans son intérieur », ce qu’elle voit venir, et elle redoute de « se comporter avec légèreté, et tout perdre ». La légèreté de la séduction féminine s’oppose à la lourdeur du corps maternel à porter et à supporter, écrasant mais sûr. Le léger devient menaçant à cause du manque d’insouciance infantile, et la lourdeur qui vide le corps mais qui est indispensable pour vivre doit se comprendre en opposition à une mère sans consistance, qui ne porte pas l’enfant, en apesanteur.

 

L’identification de Liliane à sa mère oscille entre la lourdeur-douleur du lien primaire teintée du handicap sensoriel et la dépression de la mère inversant la logique de la régression-dépendance au sens winnicottien, la rivalité féminine œdipienne et le changement d’objet qui menace le pacte narcissique de non-agression scellé avec la mère, à partir de la place d’enfant thérapeute. Cette inversion de génération est aussi utilisée en porte-à-faux par rapport à « la censure de l’amante », permettant à la fille de maintenir une illusion d’omnipotence près de sa mère et d’occuper fantasmatiquement la place de l’amant sans pour autant permettre une véritable intériorisation de surmoi paternel. La structure œdipienne de la mère marquée par la figure de sa propre mère qui déteint sur la complicité réelle avec sa fille déqualifie la fonction de la censure de l’amante qui se trouve ainsi resexualisé, comme un trop d’excitation fixé sur le corps qui ne peut pas suivre pleinement un destin fantasmatique. De ce point de vue, elle fonctionne comme une hystérie de comportement au lieu de se développer vers une hystérie complète. Tout changement d’objet et remaniement économique en faveur du père n’est pas vécu comme porteur de nouvelles richesses et d’ouverture affective mais ravive le risque d’un arrachement du lien maternel, d’un délestage narcissique plutôt que d’une légèreté et entraîne un renforcement masochiste de l’identification hystérique à la mère souffrante et délaissée.

  

Au bout de deux ans, les douleurs physiques de Liliane sont devenues supportables, parfois inexistantes, ce qu’elle attribue au fait de pouvoir se confier à moi et de garder son mari dehors, mais elle est très gênée par son poids qu’elle attribue au grignotage nocturne, où elle est réveillée par des rêves d’angoisse et la sensation de faim. Saisie d’une forte émotion, elle réalise qu’elle fait exactement comme sa mère, réveillée par des fringales nocturnes pendant une période où, très déprimée, elle avait chassé le père du lit conjugal et elle avait pris Liliane à sa place. Confidente de la mère pendant sa puberté, Liliane doit recomposer la scène primitive, en découvrant en la personne d’une maîtresse du père, une liaison qui remonte à sa naissance, une autre rivale (et alliée ?) œdipienne qu’elle doit partager avec sa mère. Le surgissement de ses propres désirs sexuels, et l’enrichissement psychique la confrontent à ce triple remaniement identificatoire, hystérique par essence. On pourrait se demander si toute hystérie féminine ne se distingue pas justement par ce noyau de lien pulsionnel au corps de la mère qui reste comme un roc, au cœur de toute formation de conflit psychique.

 

Liliane me pose alors une question : « Il me fallait une force de géant pour survivre à ma mère, tellement usée, fragile, et tellement énorme, en fer. En tant que femme, vous devez savoir, est-ce que les femmes traînent toujours leur mère comme un boulet, comme si on était condamné à la même peine ? On ne peut jamais se laisser aller, s’envoler à la légère sans se faire attraper en bas par ce poids épuisant. »

 

En ses termes, on pourrait penser la fatigue comme émanant de deux investissements douloureux contraires, l’un se dirigeant vers le narcissisme corporel, faute de pouvoir se transformer en douleur psychique, l’autre se dirigeant vers la constitution d’un objet œdipien destiné à être lesté masochiquement afin de ne pas être perdu.

  

"Le but final étant de ne jamais s’épuiser des chaînes qui lient à la mère".

 

Ouvrages de référence:

 

-Guignard F. (2000), « Mère et fille : entre partage et clivage », in La relation mère-fille, entre partage et clivage, Paris, SEPEA.  

-Hôpital Avicenne, Bobigny.

-Fritz P., Bardin T., Fibromyalgie et syndrome myofacial.

-Braunschweig D., Fain M. (1975), La Nuit, le Jour, Paris, PUF, coll. « Le fil rouge ».

-Green A. (1997), Les Chaînes d’Éros, Paris. Odile Jacob.

-Jeanneau A. (1985), « L’hystérie, unité et diversité », Rapport au 44e Congrès des pays de langue romane, in Revue française de psychanalyse, t. XLIX, n° 1, p. 107-326, Paris, PUF.

-Papageorgiou M. (1999), « Tu enfanteras dans la douleur ou tu n’accoucheras point », in Revue française de psychosomatique, n° 15, Paris, PUF.  

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Published by Trommenschlager.f-psychanalyste.over-blog.com - dans Dossier Psychosomatique
22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 12:39

La violence conjugale n'est pas toujours l'apanage des mâles

 

Pour le mouvement féministe, les femmes sont les victimes d'une société fondamentalement patriarcale. "Un grand nombre d'affaires mettant en cause des maris violents ont confirmé cette théorie".

  

Mais les statistiques, au Canada, aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde, montrent qu'en moyenne les femmes ne sont pas moins agressives que les hommes à l'égard de leur conjoint ou même de leurs enfants. Cette réalité, certes, ne cadre pas avec nos préjugés. C'est pourquoi, très souvent, les hommes battus sont traités de mauviettes... ou de menteurs. Patricia Pearson, auteur d'un essai sur le "mythe de l'innocence", livre les résultats de son enquête sur ce sujet encore tabou.

 

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Jusqu'à ce que sa vie tombe en lambeaux, Peter Swann (pseudonyme) vivait dans un monde qui lui semblait bon et sensé. A la trentaine, il avait un travail stable comme ingénieur à la municipalité et il élevait sa petite fille de 7 ans, Grace, dans une maison haut perchée sur les falaises herbeuses du lac Ontario, à l'est de Toronto. Là, il pouvait se consacrer à son amour de la nature : grimper sur le toit, par les nuits claires d'été, pour montrer les étoiles à Grace dans son télescope, faire avec elle des virées en VTT au milieu des innombrables ravins du grand parc animalier près de Toronto. Il remplissait la maison de toutes sortes de petits trésors : un aquarium de poissons rares, une collection de roches. Parfois, il exhumait un autre trésor, le vieux phonographe de sa mère, pour apprendre à sa fille les refrains de vieilles chansons qu'il connaissait bien.

  
Lorsque Grace arriva à la puberté et fut sujette aux sautes d'humeur qui caractérisent cette période, il se dit qu'il était temps de nouer une liaison avec une femme, dans l'espoir qu'elle puisse jouer le rôle de mère pour sa fille. La mère de Grace s'était évanouie dans la nature, peu après que le Secours catholique pour l'enfance l'eut poursuivie pour violences et eut confié la garde de l'enfant à Peter. Récupérer Grace l'avait rendu fou de bonheur. L'élever était sa mission. Enfant, lui-même avait été abandonné par ses parents et confié à une famille d'adoption, mais sa fille, elle, grandirait auprès de son père.

  
En 1989, un ami commun présenta Peter à une aide-soignante prénommée Dana, dont le mariage avait été un échec. Dana était une femme brillante et sympathique, et Peter attribuait son tempérament emporté aux frustrations qu'elle avait endurées avec son mari, qui semblait avoir été un butor. "Ils n'arrêtaient pas de se battre, raconte-t-il. Elle le frappait jusque dans leur lit. Elle le frappait au visage. Lui croyait que c'était pour rire. Les gens, je vous assure...", dit Peter en mimant la consternation. "Je me disais : je ne suis pas comme lui, alors, nous deux, ce sera différent. J'ai un caractère plus facile ; je n'ai pas la même personnalité."

  
Les liens entre Peter et Dana ne tardèrent pas à devenir très étroits. Quelques mois plus tard, elle emménageait chez lui, tout en conservant son emploi d'aide-soignante, un travail qu'elle aimait et dont elle s'acquittait très bien. Ils semblaient faits pour s'entendre : deux personnes épanouies dans leur travail, avec un enfant à élever. Trois existences bien remplies. Il n'y avait qu'une seule ombre au tableau : le mauvais caractère de Dana, que Peter avait cru pouvoir attribuer à son ressentiment à l'égard de son premier mari, ne s'adoucissait pas. Loin de la calmer, le tempérament doux et fuyant de Peter semblait attiser ses accès de rage. "Elle s'était mise à faire d'un grain de sable une montagne", dit-il. Brusquement, il se met à parler au présent, comme s'il était de nouveau dans leur cuisine, ou dans son bureau du sous-sol, et que quelque chose avait franchi une invisible clôture. "Elle rentre du travail, descend et commence à me hurler dessus et à fracasser de toutes ses forces des objets sur les murs. Je ne sais pas quoi faire. Qu'est-ce qui lui prend ? J'ai pourtant nettoyé la cuisine et payé les factures... Tout cela me traverse l'esprit, et je reste planté là, paralysé, vous voyez ce que je veux dire, désemparé, à me demander ce que je pourrais bien faire pour la calmer. Rien à faire. Et paf ! et bing ! elle me frappe."

  
Peter aurait dû comprendre - il se le reproche amèrement - que les accès de violence de Dana allaient continuer, et que sa réticence à y répondre par des plaisanteries crues et des coups en retour, comme l'avait fait l'ex-mari de Dana, ne serait pas plus efficace pour calmer une fureur qui n'était pas spécialement dirigée contre lui. C'était plutôt une sorte de maelström d'émotions venues de l'enfance. Peter était littéralement pétrifié par les colères de sa compagne. "Je suis devenu de plus en plus passif." Quelle que fût la raison qui la mettait dans un tel état de violence, il ne voulait pas entrer dans son jeu.

   
"Elle était incapable d'accepter les compromis, explique-t-il. Ou bien les choses se faisaient à son idée, ou bien elle refusait tout. Elle me tyrannisait, me frappait, me tyrannisait, me frappait. Elle saisissait le premier prétexte venu. Elle me disait que j'étais un nullard, que je buvais trop, que ma famille était nulle, et moi, un pauvre type. Elle me lançait des carnets d'adresses à couverture en métal au visage, des cendriers. Mais ce n'étaient que des bleus, après tout." Il allume une autre cigarette et se frotte le front, de plus en plus gêné. "Au bureau, les copains me disaient : 'Qu'est-ce qui t'est arrivé ? - Oh, rien, je suis tombé.' Plus tard, je leur ai raconté. 'Sors-toi de ce pétrin', me disaient-ils." Il secoue sa cigarette au-dessus du cendrier, le manque, puis se lève pour prendre son cochon d'Inde dans ses bras. "J'ai essayé de m'en sortir, mais je n'ai pas... je ne savais vraiment pas comment faire. Je me disais : nous avons une maison, j'ai ma fille près de moi, à nous deux nous gagnons 52 000 dollars par an [environ 300 000 FF]. A la fin, elle exigeait que je lui remette mon salaire. Je devais mendier pour un paquet de cigarettes, comme un chien. Je ne m'en rendais pas compte, j'étais idiot, d'accord ? Je suis une mauviette, d'accord ? C'est dur à dire. C'est dur à dire, pour un homme."

 
Mais Peter est bien obligé de le dire, puisque Dana est partie. Son emploi, sa maison, son télescope, tout ce qu'il possédait a disparu aussi, même son phonographe. Il vit aujourd'hui dans une pension, avec son cochon d'Inde pour toute famille. Le tort qu'a eu Peter Swann, c'est d'avoir rencontré et épousé une brute au féminin, une femme coléreuse, tyrannique et manipulatrice, qui a fini par le quitter en emportant tout ce qui était sa vie, y compris sa fille de 13 ans.

  
Les femmes qui battent leur conjoint ne sont pas censées exister, et pourtant elles existent. L'idée que, dans un couple, la violence se dirige exclusivement contre les femmes est si profondément ancrée dans la conscience occidentale qu'il est presque impossible de comprendre l'histoire de Peter Swann. La plupart d'entre nous pensent que le pouvoir masculin est à la source de toute violence, que celle-ci s'exerce en privé ou en public. Qu'importe si ce sont les femmes qui sont responsables de la majorité des infanticides aux Etats-Unis, qui maltraitent leurs enfants plus souvent que les hommes, qui commettent tant de violences sur les membres de leur famille et des agressions sur les personnes âgées, environ le quart des viols d'enfants et l'écrasante majorité des meurtres de nouveau-nés. La violence conjugale, c'est ce que les hommes font subir aux femmes, des femmes de tous âges et de toutes conditions, qui reçoivent en pleine face le sombre poing du patriarcat. Même si nous reconnaissons que les femmes aussi frappent leurs enfants, nous sommes incapables d'aller plus loin et d'imaginer qu'elles puissent frapper un homme. Même quand nous voyons un homme se faire casser le nez, perdre son travail, se retrouver en plein désarroi émotionnel, nous continuons à nous dire : c'est un homme. Il aurait pu rendre les coups. Il aurait pu rendre les coups en cognant plus fort.

  
Les hommes, c'est vrai, ont un crochet du gauche plus puissant. Mais la dynamique de la violence conjugale n'a rien à voir avec l'affrontement de deux boxeurs de poids différent sur un ring. Dans un couple, il existe des stratégies relationnelles et des facteurs psychologiques qui annulent la donnée de la force physique. Au coeur du problème se trouve cette question : lequel des deux partenaires - du fait de son tempérament, de sa personnalité ou de son histoire personnelle - a la volonté de faire du mal à l'autre ? Au vu des informations qui émanent du milieu homosexuel nord-américain, on rencontre autant de violence dans les couples de femmes homosexuelles que dans les couples hétérosexuels : la volonté de faire du mal n'est pas l'apanage des hommes. Ceux qui sont confrontés à des hommes battus sont souvent sceptiques du fait de l'absence de traces de coups. Il est rare qu'un homme (ou une femme homosexuelle) battu sorte de sa mésaventure sentimentale comme Hedda Nussbaum, cette New-Yorkaise dont le concubin, Joel Steinberg, fut condamné en 1988 pour avoir battu à mort leur fille adoptive, Lisa. Lorsque Hedda Nussbaum témoigna à la barre, les caméras de télévision filmèrent de façon si saisissante son visage affreusement tuméfié, avec son oreille en chou-fleur et son nez de boxeur, qu'elle devint aussitôt l'emblème de la femme battue. Chaque fois qu'une féministe affirme qu'une Américaine sur quatre a été battue par son partenaire, l'image de Hedda Nussbaum vient à l'esprit.

  
En réalité, des victimes comme cette femme se situent au point extrême des violences qui s'exercent dans le cadre de relations amoureuses et conjugales : 4 % des femmes subissent des agressions de ce type. La majorité des couples happés par la spirale de la violence commettent des actes de moindre gravité, dont les femmes sont aussi souvent les instigatrices que les hommes : les gifles, le verre qu'on brise, les morsures, les pincements furieux, le fusil que l'on agite, le coup de pied dans l'estomac, le coup de genou dans les parties. Ajoutez-y l'invisible vague de violence verbale qui submerge les foyers américains, les enfants utilisés à des fins de chantage, la destruction de biens, la communauté prise à témoin comme moyen de pression, et vous obtenez un tableau de la violence ordinaire beaucoup plus complexe que celui suggéré par le visage tuméfié d'une femme dans le cadre d'un procès navrant.

  
Les informations qui ont permis de révéler pour la première fois l'existence des hommes battus sont apparues dans une enquête publiée en 1980 par trois spécialistes de la violence familiale du New Hampshire : Murray Straus, Richard Gelles et Suzanne Steinmetz. Leur étude, menée auprès de 2 143 foyers américains pris au hasard, a montré que les brutalités étaient autant le fait des femmes que des hommes : 11,6 % des femmes et 12 % des hommes reconnaissaient frapper, gifler ou donner des coups de pied à leur partenaire. Or, pour les féministes, l'idée que les hommes puissent passer pour des victimes n'avait tout simplement aucun sens. Elle ne cadrait pas avec leur analyse fondamentale des brutalités subies par les femmes - à savoir qu'elles étaient la conséquence logique de la domination politique, économique et idéologique du mâle. Si les femmes étaient si manifestement sous le joug des hommes dans la société, comment pouvait-on s'attendre à ce qu'il en aille différemment en privé ? Les féministes craignaient, par ailleurs, que les résultats de l'enquête du New Hampshire ne soient utilisés pour minimiser le cas des femmes battues, un peu comme ces hommes, avocats, juges ou politiciens, qui vous disent : "Vous voyez ? Elle aussi, elle le fait." Affaire classée.

    
En conséquence, on accusa aussitôt Straus et Gelles, les principaux auteurs de cette enquête, d'avoir été tendancieux dans leur démarche. Se retrouvant sur le banc des accusés, tous deux remanièrent leur questionnaire et interrogèrent à nouveau plusieurs milliers de couples. Publiés en 1985, leurs résultats furent pratiquement les mêmes, si ce n'est qu'ils avaient découvert en outre que les femmes étaient aussi souvent que les hommes à l'origine des agressions : pour environ un quart des couples, seul l'homme était violent ; pour un autre quart, c'était la femme ; et, pour tous les autres, les deux l'étaient.

    
Une fois encore, un concert de protestations s'ensuivit. Des intellectuels se firent un devoir de prouver que l'amour-propre des hommes était moins atteint que celui des femmes et que les torts causés devaient être appréciés en termes de blessures physiques plutôt que d'intentions : une femme qui se retrouvait avec la mâchoire cassée ne pouvait pas être comparée à un homme comme Peter Swann, qui n'avait reçu qu'un cendrier sur la tête. A vrai dire, l'une et l'autre parties commettaient l'erreur de définir la violence selon des critères "mâles", en ce sens qu'aucune des deux ne prenait en considération les dégâts qu'une femme est capable de causer par une agression indirecte. De surcroît, Straus et Gelles, ainsi que les chercheurs qui ont continué ces travaux, ont découvert que les hommes présentaient souvent des blessures aussi graves. Une étude de 1995 sur les jeunes couples de l'armée américaine, dont on pouvait s'attendre qu'ils fonctionnent plus que quiconque sur le modèle patriarcal, a révélé que 47 % des maris et des femmes s'étaient mutuellement frappés, battus et blessés au même degré.

  
En 1989, une spécialiste des sciences sociales de Winnipeg, Reena Sommer, a effectué pour l'université du Manitoba une enquête sur l'alcoolisme qui a révélé que 39,1 % des femmes interrogées avaient reconnu s'être livrées à des actes de violence sur leur compagnon à un moment ou à un autre de leur relation ; 16,2 % de ces agressions étaient définies comme graves. Reprenant sa liste de départ, Reena Sommer téléphona à 737 des personnes qu'elle avait interrogées ; 90 % des femmes qui avaient reconnu frapper leur partenaire lui dirent qu'elles ne l'avaient pas fait en état de légitime défense. Elles s'étaient montrées violentes par colère, par jalousie, parce qu'elles étaient sous l'emprise de la drogue ou frustrées. Que ce soit de façon rationnelle ou irrationnelle, sous le coup de la colère ou froidement, elles avaient frappé, donné des coups de pied, cassé des objets et mordu leur conjoint, et 14 % de ceux-ci avaient dû être hospitalisés.

  
Une enquête sur la violence à l'encontre des femmes, effectuée en 1978 par la Commission du Kentucky, a révélé que 38 % des agressions commises dans cet Etat étaient dues à des femmes, mais ces chiffres n'apparurent pas dans le rapport publié sur cette enquête. Ces faits ont été découverts plusieurs années plus tard par d'autres chercheurs. A Detroit, la vague d'admissions aux urgences à la suite de violences familiales a été largement rapportée par les féministes comme une preuve des brutalités subies par les femmes. Personne n'a précisé aux médias que 38 % de ces admissions concernaient des hommes. Au Canada, le gouvernement fédéral a consacré 250 000 dollars [environ 1,4 million de FF] à un programme de recherche sur la violence dans les relations amoureuses. En 1993, le responsable de ce programme, le sociologue Walter DeKeseredy, de l'université Carleton, n'a révélé que les informations qui avaient trait aux femmes victimes de violences, ce qui a provoqué une vaste campagne de presse en faveur des femmes battues et donné l'impression que les campus canadiens étaient autant de bastions d'une misogynie brutale. Or les agressions commises par les femmes lors des relations préconjugales sont parmi les mieux documentées. Quoi qu'il en soit, DeKeseredy affirmait, dans un entretien téléphonique de 1994, que "le syndrome du mari battu est une arme à double tranchant. Les hommes se servent de ces informations pour intimider les femmes." En vérité, les hommes n'utilisent pas ces informations, car les chercheurs les gardent généralement pour eux.

  
Par un tiède après-midi d'octobre, à Toronto, Steve Easton est assis sous le porche de sa petite maison de bois délabrée. Un petit chat gris passe paresseusement la tête par la fenêtre, perché sur une pile de prospectus ronéotypés de l'Association Easton pour la prévention de la violence familiale, qui chapeaute des groupes de soutien aussi bien pour les femmes que pour les hommes battus. Il est difficile d'évaluer ce que l'on peut attendre d'un homme qui se dit lui-même "homme battu" - quelqu'un qui aurait l'air hypersensible, fragile, marginal et qui offrirait une infusion à son hôte. Mais Easton, âgé de 31 ans, a l'allure d'un de ces jeunes étudiants tout droit sortis d'une publicité pour la bière Budweiser. Il est soigné, bien bâti, arbore un brushing impeccable et porte une chemise du dernier chic.

  
Easton se moquait pas mal de la question de la violence domestique jusqu'à ce qu'il tombe amoureux, à 22 ans, et s'enfonce de plus en plus dans une relation explosive qui l'a complètement traumatisé. Son amie, Ursula, avait vu sa propre mère frapper son père. Elle abordait sa vie amoureuse de la même manière, traitant Steve d'"enculé" et de "connard". Elle lui disait comment s'habiller pour aller au bureau, sous prétexte que telle ou telle cravate ou chemise allait attirer ses collègues féminines. Si par malheur il faisait fi de ses diktats, il retrouvait à son retour sa garde-robe réduite en cendres. Ursula refusait, comme l'avait fait Dana avec Peter, qu'il sorte avec ses copains. S'il passait outre, elle le laissait passer la nuit dehors. Il n'avait pas le droit de lire le Toronto Sun, à cause des photos de belles filles en bikini que le journal publie chaque jour, sous prétexte que c'était la preuve qu'il courait après les autres femmes. Quand elle commençait la bagarre, elle le pourchassait d'une pièce à l'autre à travers la maison et lui faisait passer des nuits blanches en lui hurlant : "Je n'en ai pas encore fini avec toi !" Epuisé, il arrivait souvent au travail en retard. Ursula le frappait, lui lançait des bouteilles et des livres au visage, et le fit même passer à travers la fenêtre de leur salle à manger. Mais ce n'est que le jour où il la frappa à son tour qu'Easton résolut de la quitter.

  
Sans toit et désormais sans travail, il chercha une aide. Un organisme, Education Wife Assault, lui donna un petit livre intitulé Pourquoi les violences contre les hommes sont un leurre. D'autres centres d'entraide et des organismes d'aide familiale eurent la même attitude, reflétant l'opinion d'une journaliste en vue de Toronto, Michele Landsberg, qui avait écrit dans un article : "La prochaine fois que l'avocat d'un homme commence à radoter sur les 'hommes battus', mettez ses preuves en doute et posez-vous des questions sur ses mobiles. Vous pouvez être sûr qu'il ne s'appuie sur rien de véridique, et qu'il le sait."

  
Depuis qu'elle a vu le jour, en 1993, l'Association Easton - perpétuellement à court d'argent - reçoit de 3 à 10 appels par jour, soit 1 000 à 4 000 par an, de la part d'hommes qui vivent des relations de violence dont ils ne parviennent pas à s'extirper. Les raisons qui les en empêchent sont aussi variées que celles des femmes : ils sont inquiets pour leurs enfants, ont perdu leur emploi ou ont des revenus faibles et n'ont pas les moyens de se reloger. Certains hommes aiment leur femme et ne souhaitent pas la quitter, ils voudraient seulement qu'elle adopte un autre comportement ; d'autres sont trop déprimés pour se reprendre en main ou se sont réfugiés dans l'alcool et n'ont plus aucune volonté ; certains encore croient qu'ils peuvent tenir le coup, mais n'y arrivent pas. Aucune de ces raisons ne doit nous surprendre : les hommes ont parfois le coeur brisé et ils peuvent tenir passionnément à leurs enfants. Et puis le patriarcat peut bien régir l'économie, ça n'empêche pas des millions d'individus de sexe masculin d'être démunis. Pourtant, comme le découvrit Easton après avoir fondé son groupe, la politique qui voulait à une époque voir dans la violence familiale une affaire d'ordre privé proclame aujourd'hui que c'est une affaire de femmes. Les hommes ne peuvent plus - si tant est qu'ils aient jamais pu le faire - se poser en victimes eux aussi.

 
Vers la fin des années 80, les féministes et les intellectuels au coeur du mouvement de défense des femmes battues sont devenus très manichéens dans leurs distinctions entre l'homme et la femme. Si les femmes étaient fondamentalement sans reproche, on en déduisait avec de plus en plus de certitude que les hommes étaient fondamentalement à blâmer, au point que chercher les mobiles de leurs actes passait pour leur trouver des "excuses". Les mauvais traitements subis dans l'enfance n'étaient pas une raison, c'était une excuse. Même chose pour les pathologies individuelles, la dynamique du couple, les circonstances personnelles - jusqu'à ce que ce domaine d'investigation soit déclaré zone interdite.

 
Au Canada, le rapport final de l'enquête gouvernementale sur la violence à l'encontre des femmes, qui avait nécessité la collaboration des experts de toutes les Provinces pendant plusieurs années et qui avait coûté plusieurs millions de dollars, concluait en 1993 : "Si un homme brutalise sa femme, c'est parce qu'il a le privilège et les moyens de pouvoir le faire." Dix millions de dollars pour accoucher d'un cliché. Ceux qui conseillent les acteurs de la politique aux Etats-Unis virent leur opinion résumée dans le numéro spécial de Ms. sur les femmes battues : "Les chercheurs commencent maintenant à examiner les auteurs de ces violences, écrivait Ann Jones. C'est toujours la même chanson. Personne ne veut admettre que les hommes le font parce qu'ils aiment ça." Ce qui avait commencé comme une discussion nuancée sur l'un des volets des relations humaines les plus difficiles à cerner était réduit au triomphe du sectarisme le plus étroit. Les hommes sont mauvais. Les femmes sont bonnes. Violence domestique veut dire des femmes que l'on bat, et le premier qui reçoit le poing d'une femme en pleine figure est un menteur ou un malade.

   
Les recherches sur les raisons qui poussent les femmes hétérosexuelles à la violence et sur ce qu'elles ressentent sont quasi inexistantes. Les études qui ont été faites indiquent qu'elles forment un groupe très hétérogène, qui n'obéit pas aux clichés simplistes. Parmi les causes possibles, l'une des plus plausibles, pour les hommes comme pour les femmes, est peut-être ce qu'on appelle la "transmission de la violence d'une génération à l'autre". Une femme violente répète le type de communication qu'elle a appris dans sa jeunesse. Elle a vu sa mère frapper son père, ou bien elle se battait avec ses frères et soeurs. Le modèle familial est une force si puissante qu'il dépasse le conditionnement des sexes. D'après une étude récente, les enfants qui ont été battus par leur père tendent à se comporter en victimes une fois adultes, filles et garçons pareillement. En revanche, ceux qui ont été battus par leur mère deviendront plutôt des bourreaux. Quant aux causes de ces comportements, une hypothèse avance que, du fait qu'ils incarnent l'autorité, les hommes inculquent aux enfants des habitudes de soumission pour le restant de leur existence. Les femmes, elles, sont la figure de l'éducation. Elles ont davantage tendance à inculquer à leurs enfants leur propre mode d'expression émotionnelle.

  
Cela pourrait expliquer, en tout cas, pourquoi un homme qui a été battu dans son enfance peut accepter d'être brutalisé par sa partenaire. "Près de 80 % des hommes qui suivent notre programme ont été battus au cours de leur enfance. De même que leurs femmes. Qui se ressemble s'assemble", explique Easton. Peu après être tombé amoureux d'Ursula, Easton avait commencé à comprendre qu'elle n'était pas sûre de lui, parce que l'amour, pour elle, avait toujours été enrobé dans l'amer contexte des injures et des coups.

  
Une personne qui a été battue et délaissée dans son enfance peut en avoir conservé un souvenir si douloureux que sa vulnérabilité émotionnelle se traduit pratiquement pour elle comme une menace sur sa vie. Avoir besoin de quelqu'un, lui faire confiance, se rappelle-t-elle, cela veut dire souffrir comme un chien. Les femmes qui éprouvent cela sont peut-être les plus exposées à utiliser la violence comme une arme. Elles ont besoin de dominer et de rabaisser leur partenaire pour pouvoir se sentir en sécurité avec lui, pour se convaincre qu'elles ne sont pas le plus faible des deux. "La domination commence avec le besoin de nier la dépendance", observe la psychanalyste Jessica Benjamin. "La conséquence première de cette inaptitude à concilier dépendance et indépendance est la transformation du besoin de l'autre en une domination de l'autre."
Je t'aime. Donc tu me terrifies. Donc je dois te terrasser.

   

Cet article est adapté d'un essai paru dans When She Was Bad : Women and the Myth of Innocence [Quand elle était vilaine : les femmes et le mythe de l'innocence], éd. Random House of Canada.

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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 11:22

-La plupart des études scientifiques montrent que la télévision a des effets délétères sur le développement mental et la santé physique. Pourtant, médias et pouvoirs publics restent très discrets sur la question…

  

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L'auteur :

  

Michel Desmurget, directeur de recherche à l’INSERM, poursuit ses travaux au Centre de neurosciences cognitives, à Lyon.


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Quand la télévision formate, manipule et s'invite jusque dans nos cerveaux pour nous dicter nos conduites... que faut-il faire ?

 

Selon les experts de l’industrie médiatique, la télévision serait bienfaisante. Organisée par des professionnels humanistes, elle contribuerait à stimuler l’intelligence, à développer le langage, à éveiller la créativité, à cultiver l’esprit, à créer du lien social, etc. Son rôle sur l’obésité, le tabagisme, la violence, l’alcoolisme, les conduites sexuelles à risques ne serait nullement établi et au pire limité à quelques sujets prédisposés. Quand une voix s’élève pour contester cet apaisant tableau, elle est caricaturée et vilipendée pour délit d’intégrisme, d’outrance, de démagogie ou de diabolisation. Critiquer la télévision serait le passe-temps favori d’une élite aigrie, nostalgique de sa notoriété passée.

 

Le discours laudateur du sérail télévisuel passe d’autant mieux que les téléspectateurs ont tendance à prendre comme une offense personnelle la moindre assertion négative. « Regardez-moi, je passe trois heures par jour devant le petit écran, et je ne suis ni inculte ni stupide ! » À ces arguments, on peut rétorquer que le simple fait de ne pas être idiot ou inculte ne signifie nullement que l’on soit aussi intelligent ou cultivé qu’on aurait pu l’être. De nombreuses études scientifiques ont démontré l’impact négatif de la télévision sur l’attention, la lecture, la créativité, le langage, le goût de l’effort et, bien sûr, la réussite scolaire. Ainsi, un enfant de huit ans n’ayant pas de télévision dans sa chambre a, par rapport à un enfant « identique » qui l’a, de bien meilleurs résultats en maths (+34 pour cent) et en français (+26 pour cent).

 

En pratique, les influences délétères du petit écran sont difficiles à repérer, car elles se manifestent souvent longtemps après. Si votre mère souffre de la maladie d’Alzheimer ou que votre fils échoue au bac, vous ne penserez pas forcément à incriminer la « petite heure » quotidienne qu’ils ont tous deux passée, des années auparavant devant leur téléviseur. Pourtant, cette innocente « petite heure » a potentiellement contribué de façon décisive à ces situations, comme l’ont montré nombre d’études récentes. Ainsi, chaque heure passée quotidiennement à regarder la télévision entre 40 et 60 ans accroît d’un tiers le risque d’avoir une maladie d’Alzheimer après 60 ans. De même, chaque heure de télévision entre 5 et 11 ans augmente de près de 40 pour cent la probabilité qu’un enfant devienne un adulte sans diplôme.

  

-Télévision et retard scolaire

  

Cette influence de la télévision sur la réussite scolaire semble aujourd’hui d’autant mieux établie que de multiples facteurs d’influence ont été identifiés dans des centaines d’études. Certains sont directs. Par exemple, la petite lucarne malmène le sommeil ce qui, par contrecoup, perturbe l’apprentissage et les performances cognitives. La télévision empêche aussi les échanges au sein de la famille. Quand elle est présente, l’enfant partage nettement moins de mots et de jeux avec ses parents, ce qui, on le sait depuis longtemps, hypothèque son développement intellectuel et émotionnel. En moyenne, la télévision est allumée plus de cinq heures par jour dans chaque foyer français ! Cette présence, qui accapare l’attention familiale, réduit de plus d’un quart le nombre de mots adressés à l’enfant chaque jour.

  

La télévision a d’autres conséquences plus subtiles. Elle altère notamment les comportements ludiques précoces, tels que la manipulation des objets. Durant le développement, cette manipulation se fait de plus en plus complexe. Supposons qu’un bébé joue dans une pièce sans regarder la télévision qui y est présente. Il attrape un jeu, l’explore, le manipule. Mais dès qu’un bruit ou un cri le perturbe, il s’interrompt et « oublie » instantanément son jouet. Puis il revient au jeu, attrape un autre objet, qu’il « oublie » tout aussi vite lorsque la télé émet à nouveau un bruit insolite. Ces incessantes coupures altèrent irrémédiablement la mise en place des fonctions attentionnelles et de la mémoire de travail (conçue comme une capacité à sélectionner, conserver et traiter les informations nécessaires à la réalisation d’une tâche complexe). Or ces compétences sont indispensables à la pensée. Elles servent à lire, à parler, à écrire, à compter, à anticiper et, plus généralement, à raisonner.

 

-Des conséquences délétères sur la santé

 

Bien sûr, la toxicité de la télévision ne se limite pas au domaine cognitif. Elle menace aussi l’intégrité somatique. Si l’on se fie aux statistiques, la phrase « Regarder la télévision tue » n’est malheureusement pas une figure de style. La télévision tue en premier lieu parce qu’elle favorise la sédentarité. Par exemple, un adulte âgé de plus de 25 ans qui passe quatre heures par jour devant son écran (soit juste un peu plus que la moyenne) a presque deux fois plus de risques de mourir d’un accident cardio-vasculaire que son jumeau dont la « consommation » n’excéderait pas deux heures quotidiennes. Indirectement, la télévision est aussi l’un des principaux facteurs favorisant le tabagisme, l’alcoolisme, l’obésité ou les conduites sexuelles à risques.

 

Par exemple, aux États-Unis, des épidémiologistes ont calculé que la capacité du petit écran à faire de l’enfant un fumeur rend compte, à elle seule, d’au moins 75 000 décès par an. Car, sans même prendre en compte les publicités sur le tabac qui sont maintenant interdites, les émissions de télévision ont plus d’influence sur l’initiation tabagique – en raison de la présence massive du tabac dans les films et les séries – que les copains ou les parents.

 

Concernant la sexualité, les scientifiques ont montré que l’exposition aux séries sexuellement connotées augmente le risque de grossesse précoce chez les adolescentes : il est multiplié par trois par rapport aux adolescentes qui regardent peu ce type d’émissions. Plus un adolescent est exposé à de tels contenus, plus il pense que tout le monde – dont ses copains – a des relations sexuelles sans risque et qu’il est nul s’il ne se comporte pas de la même façon. Cela se traduit par des relations plus précoces, plus nombreuses et moins protégées.

  

Comme l’alcool, le tabac, les aliments favorisant l’obésité et les contenus sexuels, la violence est omniprésente à la télévision. Or les scientifiques sont unanimes : les images violentes stimulent l’agressivité du spectateur. La relation est d’une ampleur comparable à celle qui lie tabagisme et cancer du poumon. Certains ont prétendu que le téléspectateur soulagerait ses pulsions violentes en les voyant mises en scène à l’écran. Sur plus de 3 500 études, aucune n’a confirmé cette thèse. Pour les chercheurs, le débat est clos depuis plus de dix ans : aujourd’hui, la question n’est pas de savoir si la télévision rend violent, mais quels sont les mécanismes neurophysiologiques qui sous-tendent l’émergence de cette violence.

  

Ces réalités scientifiques restent niées avec une fascinante mauvaise foi par l’industrie audiovisuelle et sa nébuleuse de « psys ». Au plan des critiques fondées, j’entends que la télévision offre parfois d’excellents programmes et qu’il « suffit » de contrôler son usage. Cette position pose trois difficultés. D’abord, les recherches montrent que la télévision a tout d’une substance addictive et que la tentation de sa présence fait rapidement exploser toute règle d’usage. Ensuite, nombre d’effets négatifs ne dépendent pas des programmes, mais du média (diminution du temps de sommeil et du vocabulaire chez l’enfant, etc.). Enfin, les « bons programmes » sont trop chronophages et coûteux à produire pour occuper une place significative. Ils se perdent irrémédiablement dans la masse. ■

 

www.pourlascience.fr

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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 10:06

-Victor Hugo « discours sur la misère » à l’Assemblée Nationale, le 9 juillet 1849-

 

"Comme tout psychanalyste qui se respecte, je me dois de partager cet article... qui, plus que jamais, reste d'actualité"

  

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«Je  ne suis pas, Messieurs, de ceux qui croient qu'on peut supprimer la souffrance  en ce monde, la souffrance est une loi divine, mais je suis de ceux qui pensent  et qui affirment qu'on peut détruire la  misère. Remarquez-le bien, Messieurs, je ne dis pas diminuer,  amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. La misère est une maladie du  corps social comme la lèpre était une maladie du corps humain ; la misère peut disparaître  comme la lèpre a disparu. Détruire la misère ! Oui, cela est possible !  Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en  pareille matière, tant que le possible n'est pas le fait, le devoir n'est pas  rempli.

 

La misère, Messieurs, j'aborde ici le vif de la question,  voulez-vous savoir où elle en est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu'où elle  peut aller, jusqu'où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au moyen-âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où  nous vivons ? Voulez-vous des faits ?

  

Mon Dieu, je n'hésite pas à les citer,  ces faits. Ils sont tristes, mais nécessaires à révéler ; et tenez, s'il faut  dire toute ma pensée, je voudrais qu'il sortît de cette assemblée, et au besoin  j'en ferai la proposition formelle, une grande et solennelle enquête sur la  situation vraie des classes laborieuses et souffrantes en France. Je voudrais  que tous les faits éclatassent au grand jour. Comment veut-on guérir le mal si l'on ne sonde pas les plaies ?

 

Voici donc ces faits :

 

Il y a dans Paris,  dans ces faubourgs de Paris que le vent de l'émeute soulevait naguère si  aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des  familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants,  n'ayant pour lits, n'ayant pour couvertures, j'ai presque dit pour vêtements, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du  coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures humaines s'enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l'hiver. Voilà un  fait. En voici d'autres : Ces jours derniers, un homme, mon Dieu, un malheureux  homme de lettres, car la misère n'épargne pas plus les professions libérales que les professions manuelles, un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à  la lettre, et l'on a constaté après sa mort qu'il n'avait pas mangé depuis six  jours. Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants  qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon !

 

Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa  force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société toute entière ; que  je m'en sens, moi qui parle, complice et solidaire, et que de tels faits ne sont  pas seulement des torts envers l'homme, que ce sont des crimes envers Dieu !

  

Voilà pourquoi je suis pénétré, voilà pourquoi je voudrais pénétrer tous ceux qui m'écoutent de la haute importance de la proposition qui vous est soumise. Ce n'est qu'un premier pas, mais il est décisif. Je voudrais que cette assemblée, majorité et minorité, n'importe, je ne connais pas, moi de majorité et de minorité en de telles questions ; je voudrais que cette assemblée n'eût  qu'une seule âme pour marcher à ce grand but, à ce but magnifique, à ce but sublime, l'abolition de la misère!

  

Et, messieurs, je ne m'adresse pas seulement à votre générosité, je m'adresse à ce qu'il y a de plus sérieux dans le sentiment politique d'une assemblée de législateurs ! Et à ce sujet, un dernier mot : je terminerai là.

  

Messieurs, comme je vous le disais tout à l'heure, vous venez  avec le concours de la garde nationale, de l'armée et de toutes les forces vives du pays, vous venez de raffermir l'Etat ébranlé encore une fois. Vous n'avez  reculé devant aucun péril, vous n'avez hésité devant aucun devoir. Vous avez  sauvé la société régulière, le gouvernement légal, les institutions, la paix publique, la civilisation même. Vous avez fait une chose considérable... Eh bien ! Vous n'avez rien fait !

  

Vous n'avez rien fait, j'insiste sur ce point, tant que l'ordre matériel raffermi n'a point pour base l'ordre moral consolidé ! Vous  n'avez rien fait tant que le peuple souffre ! Vous n'avez rien fait tant qu'il y  a au-dessous de vous une partie du peuple qui désespère ! Vous n'avez rien fait,  tant que ceux qui sont dans la force de l'âge et qui travaillent peuvent être sans pain ! tant que ceux qui sont vieux et ont  travaillé peuvent être sans asile ! tant que l'usure dévore nos campagnes, tant qu'on meurt de faim dans nos villes tant qu'il n'y a pas des lois fraternelles, des lois évangéliques qui viennent de toutes parts en aide aux pauvres familles honnêtes, aux bons paysans, aux bons ouvriers, aux gens de cœur ! Vous n'avez  rien fait, tant que l'esprit de révolution a pour auxiliaire la souffrance publique ! Vous n'avez rien fait, rien fait, tant que dans cette œuvre de destruction et de ténèbres, qui se continue souterrainement, l'homme méchant a pour collaborateur fatal l'homme malheureux!»

  

Victor  Hugo

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