17 juillet 2012 2 17 /07 /juillet /2012 19:29

Éducation populaire, le retour !

  

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Né officiellement en France après la Libération comme l’une des missions importantes de l’État, sous l’impulsion d’une pensée portée par le Conseil National de la Résistance et dont le cheminement remonte au moins à Condorcet, ce grand mouvement continue aujourd’hui à porter l’idéal d’un art et d’une culture pour (et par) tous. Il prend parfois d’autres noms, invente d’autres formes, mais en une période où le néolibéralisme fait rage et répand dans le monde le poison d’une marchandisation universelle, ce qui est en son cœur continue de nous animer comme l’un des plus précieux outils pour réaffirmer la part créative de chaque être et ce que le psychanalyste Roland Gori appelle l’humanité dans l’Homme.

  
 

 

Voici un livre de référence qui retrace, grâce en particulier au précieux travail de Franck Lepage, l’épopée de magnifiques utopistes qui firent entrer leurs rêves dans le réel. Cet ouvrage a d’abord vocation de transmettre une histoire extraordinaire et méconnue, mais il veut aussi donner courage et force à tous ceux qui ne se résignent pas à la réduction des pratiques culturelles et artistiques à la production d’objets marchands ou de signes de distinction pour une élite.

 

"Ceux qui sont conscients du fait que l’art et la culture sont des outils de civilisation aussi essentiels à l’avenir de l’humanité que la préservation de la Terre, savent qu’il nous faut puiser dans ce passé la force d’imaginer et de construire un avenir vraiment humain".

 

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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 12:22

Ils ont entrevu l’au-delà... Et racontent leur voyage dans des termes étonnants de similitude. Quatre témoins, de Philippe Labro à Dominique Bromberger, étayent la thèse de la “near death experience”, étudiée depuis les années 1970 par des scientifiques américains. Une enquête troublante de Patrice Van Eersel accompagné du documentaire "Le grand retour". Un brin d'espoir dans un monde plus que désenchanté !

 

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C’est une expérience que vous trouvez relatée dans les plus anciens récits du monde. Parlant d’Er le Pamphylien, apparemment ressuscité après une bataille, Platon l’a nommée deuteropotmos. Er s’est "évanoui et réveillé deux fois". Guru Nanak aussi l’a vécue. Le fondateur de la religion sikh – qui introduisit des valeurs d’une modernité inouïe dans le nord de l’Inde – se noya dans un lac et en ressortit au bout de trois jours, en s’écriant : « J’ai vu la lumière du saint nectar ! »

 

Un observateur attentif retrouve partout l’expérience de mort imminente, ce que les Anglo-Saxons nomment une near death experience (NDE). Perceval, chevalier de la Table ronde, est pendu par des brigands et s’en sort de justesse. A la seconde où il croit mourir, le temps s’arrête et il pénètre une dimension extraordinaire, où brille la lumière ineffable du Graal, « faite d’amour et de connaissance absolus ».

 

 

Mythologie à l’hôpital


En créant une sorte de zone intermédiaire entre la vie et la mort, les progrès fulgurants de la médecine moderne vont propulser cette expérience rarissime et apparemment mythique dans le champ de notre réel. Parmi les millions de personnes dont le cœur s’est arrêté ou qui se sont retrouvées dans le coma – et que nos techniques de réanimation ont réussi à faire revenir, chose impensable pour nos ancêtres –, il s’en trouve un certain nombre qui relatent une traversée ayant changé leur vie.

 

Humour objectif d’une situation que nul ne pouvait prévoir : le lieu le plus technique et le plus "désenchanté" du monde médical contemporain, l’unité de soins intensifs, connaît depuis le milieu du XXe siècle l’irruption d’une mythologie "sauvage". Aux Pays-Bas, une enquête, menée avec la plus grande rigueur scientifique dans les services de cardiologie de dix grands hôpitaux, a ainsi montré que 18 % des patients réanimés in extremis ont connu une near death experience.

 

L’étude moderne de la NDE commence dans les années 1970, aux Etats-Unis. Des chercheurs – les psychiatres Raymond Moody et Bruce Greyson, le psychosociologue Kenneth Ring, les cardiologues Michael Sabom et Fred Schoonmaker – réalisent que des millions de personnes ont vécu cette expérience limite, qu’elle a visiblement bouleversé leur existence, mais qu’il n’en est question nulle part, ni en médecine ni en sciences humaines.

 

Dire l’indicible

  

Difficulté majeure : le statut des mots. D’un côté, les rescapés ayant vécu une NDE (experiencers, en anglais) commencent généralement par proclamer qu’il n’existe aucun mot pour décrire ce qu’ils ont vécu. Ils devraient donc se taire. Mais leur besoin de témoigner les en empêche et ils parlent, ô combien ! Mais comment dire l’indicible ? « Je suis entrée dans une lumière plus puissante qu’un million de soleils, mais qui ne brûlait pas » ; « J’ai connu un orgasme un million de fois plus érotique que ce que j’avais connu auparavant, mais qui n’était pas sexuel » ; « Je me trouvais après ma mort, mais ça n’était pas après car j’étais hors du temps. »

 

De rares témoins, difficiles à dénombrer car ils souhaitent oublier, rapportent une expérience négative : ils étaient généralement prisonniers de figures géométriques (un « 8 » couché désignant l’infini, le signe yin/yang, etc.), et affrontaient des sarcasmes indescriptibles contre lesquels ils luttaient farouchement pour ne pas être anéantis.

  

Des mots décrivant une expérience ineffable, cela porte un nom : ce sont des symboles. Mais notre monde a oublié le sens premier du symbole, que nous confondons avec la métaphore, le sigle, voire la marque ! Des millénaires de culture, en Orient comme en Occident, ont pourtant exploré la nature de ces passerelles entre dicible et indicible, visible et invisible, concevable et inconcevable. Si la modernité, dans sa phase actuelle, a perdu ce sens fondateur de culture, c’est qu’elle a érigé l’autosuffisance en principe fondamental : nous pensons que le monde s’auto-organise jusque dans l’absolu et que nous n’avons pas besoin de passerelle symbolique pour rejoindre un invisible/inconcevable/transcendant censé ne plus exister.

 
Les NDE posent donc une question embarrassante : quels seraient ces délires mystiques qui, des années après avoir été traversés, continueraient de guider leurs « malades » dans une révision de vie comparable à une guérison de leurs névroses ?

 

La première réaction d’un scientifique analysant un phénomène tel que la NDE est de chercher des corrélations. L’expérience a-t-elle plus de chances d’être vécue par un homme ou par une femme ? par un enfant ou par un vieillard ? un accidenté ou un grand malade ? Les hypothèses vont se multiplier, mais, en trente ans, aucune corrélation solide ne tiendra. La NDE semble aléatoirement répartie. Ce qui poussera les chercheurs à se focaliser beaucoup moins sur le fait d’objectiver cette expérience insaisissable que sur ses effets comportementaux dûment constatables.

 

Constatation de base : les experiencers ne craignent plus de mourir – racine première de toutes nos peurs. Ils gardent une puissante nostalgie de l’état qu’ils ont connu, mais l’idée du suicide ne les effleure pas. Ils ont souvent l’impression d’être revenus dans leur corps dans le but d’« accomplir une mission ». Pour eux, désormais, peur de mourir égale peur de vivre. Ils manifestent l’intention de vivre pleinement. En revanche, leur peur a pu se déplacer de la mort vers la société humaine, qui considère leurs récits comme des délires psychiatriques.

 

Au-delà du jugement

  

Médecins et familles ont du mal à comprendre les changements profonds qui les touchent, dont deux sont frappants.

 

Les experiencers ont l’impression d’avoir vécu jusque-là dans l’illusion des rôles sociaux et du paraître. Les épisodes qu’ils considéraient comme de grandes fiertés ou de grandes hontes ont perdu de leur importance. Pour eux, les chemins de la liberté passent désormais par les détails de chaque instant, qu’ils découvrent avoir tragiquement négligés.

 

Ceux qui relatent une « revue de vie », phase de la NDE où l’intégralité de l’existence revient en mémoire, en tirent une morale « au-delà du bien et du mal ». Ils disent avoir connu une sorte d’autojugement, où ils ont revécu toute leur vie, mais aussi les conséquences de leurs actes et de leurs pensées sur autrui.

 

En somme, la société moderne, confrontée au plus universel : notre mortalité, semble retrouver expériences et états de conscience que les grandes traditions spirituelles ont explorés. Cela se produit pour nous spontanément, à une échelle massive. Pourquoi ? Comment ? Réponse de la célèbre revue médicale britannique The Lancet : « Il faut poursuivre les recherches. » En attendant, que ceux qui ont vécu une NDE en reviennent débarrassés de la peur de mourir et emplis du désir de vivre nous remplit d’un espoir inouï.

 

Philippe Labro

   

Une pneumopathie foudroyante, dix jours de souffrance entrecoupée de comas cauchemardesques. A la troisième anesthésie, le journaliste, écrivain, cinéaste et homme de radio décolle...

  

« Je me suis senti sortir de mon corps, devenir une caméra qui me regardait en plongée, allongé sur mon lit, entouré de l’équipe médicale. Puis j’ai eu la sensation d’être aspiré tout entier vers le haut dans un ailleurs cotonneux, blanc transparent, euphorisant, plein de présences sans visage – je n’ai pas vu les anges ! Ces présences diffusaient en moi un bien-être, une sorte de bonheur, de sérénité, de délice, de béatitude, presque une extase, incommunicable par des mots. J’étais bien, dans un flou abstrait, pacifiant, bienfaisant, où tout souvenir de douleur avait disparu. Mais ça n’a pas duré…

 

Je peux attribuer cette expérience aux produits pris pendant dix jours, aux circonstances, à mes sentiments : souffrance, angoisse, incertitude appelant une fuite libératrice. Ou à l’environnement médical avec ses infirmières – car cet ailleurs n’est pas viril, il a une essence particulière de féminité. Mais je laisse leur part à l’inexplicable, au mystère, à l’inconnu et, pour tout dire, à d’autres dimensions…

 

Euphorie au retour. Amour, désir de vivre mais sans doute aussi grande fragilité, et volonté de trop faire, voire manque d’humilité. Résultat, dix ans plus tard, une dépression, burn out d’homme trop affairé ! S’approcher de la mort ne guérit pas de tout. »

 

Diane Chauvelot

  

En 1989, elle passe quarante-sept jours dans le coma, à la suite d’une maladie rare provoquant de graves hémorragies internes. Psychanalyste lacanienne, elle a décodé les messages de son inconscient.

 

« NDE ou coma, dans les deux cas, la mort est là. Dans le coma, on a le temps de s’y habituer. Mais la structure est la même : un sujet… et l’occasion unique de rencontrer son inconscient ! On est sourd, aveugle, insensible et, néanmoins, on perçoit tout ce qui se passe. Car l’inconscient, lui, sait tout. Mais la transmission se fait avec cette transposition dont Lacan a parlé : remplacement, déplacement, métaphore, métonymie.

 

Ainsi, je me suis “retrouvée” tantôt dans un goulag vert (la couleur des uniformes en réanimation), tantôt dirigeant une entreprise d’inhalateurs (j’étais sous assistance respiratoire) avec deux employés africains (mes infirmiers, reconnus à mon réveil et dont j’avais “capté” la personnalité).

 

Psychanalyste, j’étais mieux armée pour décoder ensuite les messages que mon inconscient s’était amusé à m’envoyer, telle une phobie du fauteuil par peur de la paralysie. Il n’y avait là rien de para-normal ou de mystique. Il est vrai qu’en sortant on n’a plus peur de la mort, c’est un acquis, dû à un savoir que l’on n’a pas cherché, qui vous est “tombé dessus”. On se dit alors que l’on ne sera plus jamais la même… mais c’est une autre affaire ! »

 

Robert Laffont

  

En 1991, âgé de 75 ans, il subit deux opérations du cœur. Au deuxième jour postopératoire, il connaît une expérience dont il se souvient avec une étonnante clarté, treize ans plus tard.

 

« J’étais dans mon lit, quand je me suis retrouvé dans un paysage admirable que traversait un arc-en-ciel. Celui-ci s’est lentement rétréci, jusqu’à devenir un pont, enjambant un fleuve énorme qui s’est mis à rouler vers moi. Mais je n’éprouvais aucune peur. Puis je me suis aperçu que ce fleuve était constitué d’humains marchant côte à côte. Quand ils m’ont atteint, j’ai été submergé et je me suis laissé faire. Et presque tout de suite, je me suis mis à sangloter. De joie !

 

Un amour inconcevable se dégageait de ces gens. Ça venait de partout et m’atteignait de la tête aux pieds, jusqu’au tréfonds de l’âme. Comme une irradiation qui sortait d’eux, mais aussi de moi ! Je n’aurais jamais cru qu’une telle compassion fût possible. Je me souviens de quelques silhouettes très tristes, seules, sur les rives. En même temps m’étaient offerts des sortes de petits sketchs, destinés à démontrer la puissance de l’amour. On voyait une femme désespérée, puis un homme apparaissait, lui tapotait l’épaule, et la femme se mettait à rayonner…

 

Quand tout s’est arrêté et que j’ai rouvert les yeux, dans mon lit d’hôpital, j’ai encore pleuré pendant des heures. Je n’ai jamais rien vécu d’aussi puissant ni d’aussi clair en quatre-vingt-huit ans de vie. »

 

Dominique Bromberger

  

Un aller-retour : c’est le titre de son livre, et c’est ainsi que Dominique Bromberger, chroniqueur à France Inter, définit ses trois semaines de coma, après un accident de scooter, en mars 2001.

  

« A aucun moment je n’ai eu conscience d’être proche de la mort. C’est plus tard que m’est apparu le sens de certaines – seulement – de mes visions ou hallucinations. Dans l’une, notamment, une reine d’Espagne vêtue de blanc m’annonçait que je quitterai son pays sans encombre. C’est le moment décisif de mon coma, mais je l’ai vécu comme un rêve, sans interpréter ni comprendre. Chacun apporte une part de soi-même dans ce genre de visions. Peut-être était-ce la Vierge, peut-être ai-je plus la foi que je ne l’imagine ?

 

Je ne prétendrais pas en être sorti transformé, mais cet accident fut également une chance. Je suis devenu plus émotif, plus sensible aux autres. J’ai appris à mieux aimer ma fille, à admirer ma femme plus encore, à me faire plaisir sans culpabilité ni anxiété.

 

Deux choses, surtout, dont il faut avoir conscience : l’approche de la mort est douce, sans peur ; et il est essentiel que ceux qui aiment une personne dans le coma viennent la voir, lui parlent, la touchent. C’est ainsi que l’on m’en a tiré. »

 

Interview

  

De Pim Van Lommel, cardiologue

Cardiologue à l’hôpital Rijnstate, à Arnhem, aux Pays-Bas, Pim Van Lommel a coordonné l’enquête menée de 1988 à 1996 auprès des services de réanimation de dix hôpitaux néerlandais. La publication des résultats dans la revue médicale The Lancet, en décembre 2001, a fait grand bruit... Entretien:

 

Qui est susceptible de vivre une NDE ?
Pim van Lommel : N’importe qui. Mais elles semblent plus fréquentes avant 60 ans, plus profondes chez les femmes, et s’accompagnent d’une plus forte probabilité de décès dans les trente jours suivant l’arrêt cardiaque. En revanche, nous n’avons trouvé aucun facteur médicamenteux, physiologique, neurologique, socioculturel ou psychologique, excepté une meilleure mémoire à court terme.

 

Comment s’explique-t-elle ?
Comment l’expliquer ? Des perceptions extérieures au corps, parfois vérifiées ultérieurement, une intense expérience cognitive, émotive et mémorielle, alors même que toute activité cérébrale a cessé : voilà qui remet en question la conception scientifique actuelle selon laquelle la conscience contenue dans le cerveau en serait le « produit ».

  

Notre conscience ne serait pas « en nous » ?
Si, mais seulement en partie. Plutôt qu’un organe secrétant de la conscience, le cerveau est peut-être comme un ordinateur connecté à une conscience bien plus vaste, à laquelle il permet de prendre forme mais qu’il ne contient pas, comme une radio ne contient pas ce qu’elle transmet. A mon avis, l’explication viendra d’un lien entre la biologie et la mécanique quantique.

 

Les 5 étapes

  

Kenneth Ring (auteur de En route vers Omega - Robert Laffont, 1991), professeur de psychologie à l’université du Connecticut, aux Etats-Unis, et fondateur de l’International Association for Near Death Studies (IANDS), a défini les stades d’une NDE.

 

1. La douleur disparaît soudainement, le sujet trouve une paix jamais connue auparavant (100 % des cas).

 

2. Il a la sensation de sortir de son corps, de se voir lui-même – généralement d’en haut –, de pouvoir « lire » les pensées d’autrui ou de traverser les murs (60 % des cas).

 
3. Il est aspiré dans un vide, un tunnel, avec l’impression d’avancer à grande vitesse tout en restant immobile, de n’avoir plus de corps tout en conservant ses sens (23 % des cas).

 
4. Il voit apparaître des parents, sa vie entière défile en accéléré devant lui, il avance vers une lumière qui devient de plus en plus brillante sans pourtant l’éblouir (16 % des cas).

 
5. Pénétrer dans cette lumière conduit à l’indescriptible : beauté, amour, connaissance, rencontre d’entités spirituelles, retour à une matrice originelle, orgasme non sexuel, fusion (10 % des cas).

 

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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 10:31

Et  vous, qui êtes-vous ?


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Là où les sciences cognitives patinent dans l'incohérence, malgré tout un équipement médical digne d'un futur lointain... Un sociologue allemand parvient à prouver que "Le Mal" est partout, inhérent à notre structure évolutive ! Et que seule l'éducation et les valeurs humaines transmises par notre société permettent de juguler le flux massif des psychopathologies que le système génère par ses déviances et ses excès.

 

 

  
  • LE MAL - UNE APPROCHE SCIENTIFIQUE ? (HD) 

Il y a quarante ans, le psychiatre américain Hervey Cleckley a réalisé la première étude de cas d'envergure sur des patients qui n'éprouvaient aucun remords au sujet des crimes qu'ils avaient commis. Cette absence d'empathie est-elle innée ou acquise ? Pour y répondre, le chercheur Gerhard Roth s'est intéressé à l'environnement de délinquants, montrant que celui-ci joue un grand rôle et peut altérer le cerveau dès le plus jeune âge. "Ces changements s'ancrent profondément entre l'âge de 4 et 7 ans, comme s'ils étaient d'origine génétique", explique-t-il. Le neuropsychologue Thomas Elbert, lui, s'est penché sur les mécanismes qui poussent certains groupes à commettre des meurtres horribles dans différents conflits qui secouent l'Afrique et s'interroge sur le fonctionnement des enfants-soldats. Prise en otage et violée par un patient dans un centre de détention pour mineurs, une thérapeute témoigne et se demande pourquoi elle n'a pas su prévoir la réaction de ce jeune homme sur lequel elle avait écrit auparavant un rapport rassurant...

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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 12:45

La beauté est parfois injuste. Elle crée des inégalités entre individus qui, bien que non dites, ont de très fortes implications sur le marché de l’amour ou sur celui du travail ! Un article de Jean-François Dortier.


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On peut débattre sans fin de la beauté. La laideur, elle, est indiscutable. Dans Les Mots (1964), Jean-Paul Sartre se rappelle comme d’un véritable traumatisme le jour où, à l’âge de 7 ans, on lui a coupé les cheveux. Jusque-là, il portait une longue chevelure blonde et bouclée qui cachait un visage enfantin. Mais d’un seul coup sa nouvelle coiffure va révéler à la famille ce qu’elle n’avait pas voulu reconnaître : l’enfant est très laid et il louche. C’est l’effroi quand il rentre à la maison, tondu. Sa mère s’enferme dans sa chambre pour pleurer. Son grand-père est atterré. Il « avait confié au coiffeur une petite merveille, on lui avait rendu un crapaud : c’était saper à la base ses futurs émerveillements. » Plus tard, grâce à son génie, Sartre saura compenser sa laideur – sa taille de nabot, son regard de travers, sa voix nasillarde – et deviendra un vrai séducteur.

 

Mais tous les laiderons n’ont pas du génie, et sur eux pèse une malédiction. Car la laideur physique est un lourd handicap, sur le marché de l’amour comme sur le marché du travail. Dans L’Histoire de la laideur, Umberto Eco rapporte le destin peu enviable de ceux que la nature a défavorisés. L’histoire réserve un sort piteux à ceux qui ont eu le malheur de naître difformes, hideux, sans grâce. Dans la peinture occidentale, la laideur est associée à la souffrance, l’enfer, les monstres, l’obscène, le diable, la sorcellerie, le satanisme. Car la laideur suscite le dégoût, mais aussi la peur, la dérision, au mieux la compassion. Dans l’imaginaire populaire, la laideur a toujours été associée à la méchanceté, à la folie, à la bêtise. Jérôme Bosch peint des êtres difformes qui peuplent l’enfer. Dans les contes populaires, la sorcière a toujours été dépeinte comme une femme vieille, méchante et « laide » : nez crochu, sourire satanique, dos courbé, menton en galoche. La laideur a souvent été assimilée à ce qui est tordu, courbé, fripé, ridé, balafré, difforme, petit, gros, gras et vieux.

 

La beauté est-elle universelle ?

  

Les traits associés à la laideur dessinent en creux les critères de la beauté que l’on assimile souvent à un corps jeune, symétrique, lisse, droit, mince, grand. Reste à savoir si ces canons sont universels. La question oppose deux camps. Pour les historiens comme Georges Vigarello, « rien de plus culturel que la beauté physique». La peinture fournit des preuves évidentes de la relativité des canons de beauté selon les époques. Il suffit de voir comment l’on a peint les Trois Grâces au fil du temps (encadré p. 40) . La littérature fournit aussi un précieux témoignage : Ronsart vante la « divine corpulence » de sa belle ; Alexandre Dumas s’extasie sur les charmes d’une amoureuse « hardie de poitrine et cambrée de hanches » .

 

Les anthropologues ont de nombreux arguments montrant la relativité des critères selon les sociétés. Les femmes mursi appelées « négresses à plateau » n’ont rien pour charmer le regard des Occidentaux ; les pieds de certaines Chinoises, atrophiés par des bandages, avaient, paraît-il, leur charme au regard des hommes ; les vénus hottentotes arborent des fessiers hypertrophiés très prisés des Bushmen, etc.

 

Mais au-delà des variations historiques et sociales, n’existerait-il pas tout de même des critères de beauté universels ? C’est ce que pensent beaucoup de psychologues adeptes de l’approche évolutionniste. Leurs arguments ? Depuis une vingtaine d’années, de très nombreuses expériences ont été menées sur les critères de physical attractiveness. La méthode la plus courante consiste à proposer à des personnes de comparer deux portraits pour choisir le plus attirant. Il est même possible de modifier les paramètres d’un visage par ordinateur pour voir comment telle ou telle modification opère. Plus ou moins rond, plus ou moins jeune…, à ce jeu, des constantes se dégagent nettement.

 

Tout d’abord, il apparaît que les traits « néoténiques » d’un visage (petit nez et grand yeux) sont plus attractifs que d’autres, ce qui disqualifie les visages âgés aux traits complexes. On préférera les traits « enfantins ». Les traits de la vieillesse : rides, teint de la peau, tâches sont discrédités. Inversement, la maturité de certains traits peut s’avérer plus attrayante. On préfère en général les visages sans bajoues et aux pommettes saillantes. Une autre caractéristique est la symétrie. Un visage globalement symétrique est jugé plus beau. Enfin, la forme moyenne de l’ovale fait référence en matière de beauté. Un visage « normal » n’est ni rond ni carré.

 

Tout bien considéré, l’opposition entre universalité et relativité de la beauté n’a rien d’irréductible. Regardons les nus féminins que nous offrent la peinture, la photographie, la mode. Ils peuvent présenter des femmes plus ou moins rondes, celles-ci sont jeunes. De même les hommes, de l’éphèbe grec à l’homme mûr de la Renaissance. Leurs proportions harmonieuses affichent bonne santé et vigueur. Ni les freluquets, ni les obèses ne sont jamais pris comme étalons de beauté. Voilà pourquoi les garçons savent d’instinct qu’en rentrant le ventre et gonflant les pectoraux, ils auront plus de chance de plaire.

 

L’appréciation de la beauté varie bien selon les époques et les cultures. Mais cette variation se fait autour de quelques attracteurs esthétiques. Jamais l’on ne verra des dents mal plantées, des boutons sur le visage, une grimace, des rides, des tâches comme canons de beauté. Il y a peu de chance pour que quelque part dans le monde les gens préfèrent le portrait de l’auteur de ces lignes à celui de George Clooney (si c’est le cas, merci de me communiquer les coordonnées de ce peuple étrange).

 

Ce qui est beau est bien

  

La beauté est injuste car très inégalitaire. Mais ce n’est pas tout. S’y ajoute un constat plus cruel encore : le beau possède le privilège supplémentaire d’être associé à ce qui est bon et bien. Le lien entre « beau » et « bien » s’ancre dans le langage, même là où les deux mots sont parfois synonymes. On dit une « belle personne » en parlant de ses qualités morales et « vilain » est synonyme de « méchant », comme s’il suffisait d’être beau pour être paré de toutes les autres qualités. Les enquêtes de psychologie sociale le confirment : la beauté est spontanément liée à l’intelligence, la gentillesse, la santé, la sympathie, etc. En somme, « ce qui est beau est bien » comme le résument Jean-Yves Baudouin et Guy Tiberghien, auteurs d’une étude sur les représentations sociales de la beauté et de ses stéréotypes associés.

 

L’histoire des représentations de la beauté et de la laideur confirme le fait. De tout temps, l’imaginaire de la laideur fut associé au mal, en correspondance avec les monstres, le diable, le pervers, le malade ; elle est maléfique et entraîne répulsion et crainte. On peut alors se demander quel impact la beauté a dans la vie quotidienne. Fondamental ! Ses facteurs pourraient jouer, de façon plus ou moins consciente, non seulement en amour, mais aussi à l’école, sur le marché du travail ou dans la justice.

 

La sélection beau/laid opère dès l’école. Elle s’initie dès la cour de récréation où les attaques contre les « moches » se révèlent impitoyables. De nombreux enfants souffrent en silence des persécutions faites à ceux qui ont le malheur d’être trop gros, trop petits, de loucher ou d’avoir les dents mal plantées.

 

Il se peut que les enseignants – à leur corps défendant bien sûr – puissent avoir aussi une préférence pour les beaux. Prenez une pile de copies et faites la corriger par un groupe de professeurs. Relevez les notes puis proposez les mêmes copies à un autre groupe d’enseignants en y adjoignant la photographie des étudiant(e)s. Résultat : les physiques avenants améliorent leur note, les physiques ingrats perdent des points. À l’oral, le phénomène est évidemment encore plus marqué. L’apparence joue en faveur des plus beaux sans que les enseignants en aient conscience, bien sûr.

 

De l’école au travail, la sélection par le beau

  

Le même protocole peut être appliqué aux entretiens d’embauche. Le sociologue Jean François Amadieu, professeur à l’université de Paris-I, a réalisé des expériences au constat sans appel. Un visage disgracieux sur une photo de candidature est un handicap certain. De même, un CV avec un visage d’obèse a moins de probabilités de décrocher un entretien d’embauche qu’un autre. Les Anglo-Saxons ont accumulé bien d’autres travaux sur les discriminations, qu’elles soient liées à la petite taille, l’obésité ou la laideur physique et à leurs impacts sur le déroulement de carrière. Au travail, être grand et beau est un avantage, y compris en matière de salaire.

 

La beauté joue donc dans la sélection. Ce fait est encore renforcé dans nos sociétés de services où les relations publiques sont plus importantes que dans les sociétés industrielles. Certaines entreprises recrutent en tenant compte explicitement de l’esthétique. C’est le cas pour certaines tâches de représentation : hôtesse d’accueil, de l’air, steward, présentateur de télévision, etc. Mais dans de nombreux autres cas, le critère esthétique opère sans être explicite : un manager qui recrute sa secrétaire, un chef qui recrute dans son service, un salon de coiffure ou un magasin de vêtements – il est toujours mieux pour l’image de marque d’une entreprise que les salariés qui la représentent soient beaux. Même à l’intérieur des équipes, bien qu’il n’y ait pas d’enjeu de représentation, le phénomène joue a priori . Dans les relations sociales ordinaires entre collègues, il a été démontré par des sociologues que les personnes les plus belles attirent plus de sympathie de la part de leurs collègues. On recherche plus volontiers leur compagnie. Inversement, il y a une mise à l’écart des obèses, des laids ou des handicapés. La discrimination par la beauté qui existait déjà à l’école se poursuit au travail.

 

Elle se retrouve aussi dans la justice. Face aux juges, le « délit de sale gueule » joue un rôle et une mine patibulaire appelle plus de suspicion qu’un visage d’ange. C’est incontestablement sur le marché de l’amour que la loi de la beauté est la plus implacable. Et la plus cruelle. En dépit de « l’amoureusement correct » qui voudrait que l’on aime une personne d’abord pour sa personnalité, sa générosité, son intelligence, son humour…, la beauté reste le facteur prédominant dans l’attraction entre les êtres.

 

Les beaux vers les beaux, les laids vers les laids

 

Une belle gueule a évidemment infiniment plus de chance de pouvoir séduire la femme de ses rêves qu’un laideron. Et tout le monde n’a pas le bagout et l’intelligence de Sartre pour compenser un physique ingrat. De ce point de vue, la sélection par le beau est assez intraitable. Seuls quelques romanciers ont osé aborder sans fard ce tabou. La laideur contraint souvent à ne séduire que les personnes qui sont à sa portée, c’est-à-dire ceux qui vous ressemblent. Dans Le Goût des femmes laides (Gallimard, 2005), l’écrivain Roger Millet met en scène un personnage très laid qui, poussé par le goût de la conquête et du sexe, doit se contenter de ne séduire que des femmes laides. Il devient une sorte de Don Juan des réprouvées. Dans Extension du domaine de la lutte (Nadeau, 1994), Michel Houellebecq relate la misère sexuelle et la frustration d’un homme sans charme.

 

Sur ce point, le constat des sociologues rejoint celui de la psychologie évolutionniste et le constat courant que chacun peut faire. Les femmes accordent, il est vrai, un peu moins d’importance au physique dans leurs relations amoureuses. Mais, en général, une femme ne tombe amoureuse d’un homme plus laid et vieux que s’il a un statut social supérieur et une position prestigieuse. Il arrive certes parfois que la plus belle et charmante fille du lycée, du quartier, de la fac, s’entiche d’un sale type : laid, stupide et sans attraits apparents. Mais ces exceptions sont rares. Elles sont remarquables justement parce qu’exceptionnelles. De même, certains hommes préfèrent les femmes plus âgées, ou grosses, alors que l’âge et le poids constituent en général un handicap dans la séduction. Le marché de l’amour a ses lois. La beauté offre un précieux « capital de séduction » plus ou moins élevé. Ce capital est un facteur d’inégalités très fortes dans les relations humaines en général et les relations amoureuses en particulier. Injustice supplémentaire : ce capital est en partie héréditaire.

 

Bref, c’est triste à constater, à l’école, au travail, en amour, en amitié et dans les relations humaines en général, il vaut mieux être beau. Cela compte de façon significative dans le jugement porté sur nous. On comprend dans ces conditions que le maquillage, la musculation, les régimes amaigrissants, les produits « anti-âge », antirides, la chirurgie esthétique, le Botox, bref tout ce que l’industrie de la beauté peut proposer, se portent bien... "L’importance excessive" que l’on accorde aux apparences est d'une futilité éloquente, mais la beauté reste un atout considérable dans les relations humaines.

 

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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 12:04

Personnage majeur de la sociologie, Pierre Bourdieu a initié une œuvre qui irrigue encore toutes les sciences humaines. Car si la culture et les inégalités sont ses thèmes fondamentaux, il a su étendre sa réflexion dans de multiples directions.

  

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On l’a aimé ou on l’a détesté, mais le sociologue Pierre Bourdieu a rarement laissé indifférent. Il faut dire qu’il y a matière à discussion avec la quarantaine d’ouvrages et sans doute les quelques centaines d’articles qu’il a publiés sur les sujets les plus divers. Disciple ou adversaire, on lui accorde le mérite d’avoir tenté d’intégrer dans sa théorie (articulée autour de trois concepts clés : habitus, champ, capital) une synthèse des apports respectifs de Karl Marx (la société comme théâtre d’une lutte entre groupes sociaux aux intérêts antagonistes), Max Weber (les rapports de domination sont aussi des rapports de sens, et sont perçus comme légitimes) et Émile Durkheim (il y a un lien entre catégories mentales et catégories sociales, la sociologie se construit contre le sens commun). Mais au-delà, c’est avec tout un pan des sciences humaines que Bourdieu a construit sa théorie : Claude Lévi-Strauss et le structuralisme , Maurice Merleau-Ponty et sa philosophie anti-intellectualiste , le linguiste Noam Chomsky, Ludwig Wittgenstein, Erwin Panofsky, Ernst Cassirer…

Pratiques culturelles et origine sociale

 

La dimension la plus connue de son œuvre reste celle où il met en évidence le fonctionnement subtil des inégalités face à la culture. Qu’il s’agisse d’enseignement supérieur (Les Héritiers, 1966 ; La Reproduction, 1970), de fréquentation des musées (L’Amour de l’art, 1969) ou de photographie (Un art moyen, 1965), tout n’est censé être que question de talent ou de goût personnel. Or, l’enquête montre que la réussite scolaire ou l’inclination à adopter les pratiques culturelles les plus légitimes, c’est-à-dire celles universellement reconnues comme bonnes, sont fortement corrélées à l’origine sociale. Les classes supérieures qui possèdent plus de capital économique et de capital culturel (titres scolaires, possession d’objets culturels, érudition…) ont les plus grandes chances de satisfaire ces exigences sociales. Pour les autres, plus ou moins dépourvus de ces atouts, la tâche est évidemment nettement plus ardue ; pourtant, ils seront jugés à la même aune… Une perspective qui aura un grand écho dans une société française alors en pleine révolution culturelle (Mai 1968 n’est pas loin), et dont La Distinction (1979) fournira l’expression la plus achevée.

  
Capitale, cette exploration de la dimension symbolique de la domination n’est pourtant qu’une des nombreuses facettes de l’œuvre de Bourdieu. On semble aujourd’hui redécouvrir le Bourdieu anthropologue, celui qui, frais émoulu de Normale Sup, part étudier les paysans d’une Algérie alors en pleine décolonisation et en transition vers l’économie capitaliste (Le Déracinement, 1964 ; Travail et travailleurs en Algérie, 1963). Puis qui fait son « Tristes tropiques à l’envers » en étudiant le désarroi des paysans béarnais de son village natal confrontés au célibat. Ces enquêtes fourniront la matière à deux livres, Esquisse d’une théorie de la pratique (1972) et Le Sens pratique (1980), qui exposeront une théorie de l’action nettement anti-intellectualiste. Pour Bourdieu, nous agissons le plus souvent de manière ajustée au monde, sans pour autant avoir à réfléchir à notre action. Pourquoi ? Parce que nous avons incorporé les régularités du monde social sous forme de dispositions durables à agir, penser et sentir, autrement dit un habitus, ajustées à ce monde. Les situations de décalage (l’ouvrier se retrouvant dans le « beau monde ») font ressortir la force de cet ajustement entre notre position et nos dispositions.

Un véritable entrepreneur scientifique

 

Mais ce ne sont là que deux aspects d’une œuvre foisonnante, œuvre d’un esprit touche-à-tout qui a livré des analyses empiriques sur la haute couture, sur la religion, sur Martin Heidegger et Gustave Flaubert, sur la science, sur le patronat… Au cours des années 1990, Bourdieu accédera à une visibilité médiatique nouvelle. Tout d’abord avec La Misère du monde, grande enquête collective qu’il dirige sur la souffrance dans la société française, qui deviendra un best-seller. Puis surtout à partir de 1995, où son engagement politique se fait plus franc, au sein du mouvement contre le plan Juppé de réforme des retraites et, ultérieurement, dans la mouvance altermondialiste. Il lance également, avec plusieurs collègues, une collection de livres d’intervention, Raisons d’agir. Il l’inaugure avec Sur la télévision, reprise d’un cours télévisé au collège de France, où il dénonce la menace qu’un journalisme de plus en plus soumis aux lois du marché fait peser sur l’autonomie des champs scientifiques et culturels. L’ouvrage se vend comme des petits pains, alors que les critiques de la posture bourdieusienne se multiplient (populisme, démagogie, sectarisme, mélange des genres entre science et militantisme).

  
Mort en 2002, le sociologue laisse notamment inachevées une tentative d’autoanalyse (Esquisse pour une autoanalyse, 2004), ainsi qu’une étude sur Édouard Manet (non publiée). Véritable entrepreneur scientifique, il a légué à ses successeurs une panoplie d’outils en parfait ordre de marche : un centre de recherches (le Centre de sociologie européenne), une revue (Actes de la recherche en sciences sociales), fondée en 1975, une maison d’édition indépendante (Raisons d’agir), et une collection (« Liber ») chez un grand éditeur (Le Seuil). Aujourd’hui discutée sans parti pris (par exemple Le Travail sociologique de Pierre Bourdieu, dirigé par Bernard Lahire, La Découverte, 1999), l’œuvre de Bourdieu continue d’irriguer largement les débats et la recherche empirique dans la sociologie française et internationale. Qu’il s’agisse des grands domaines de son œuvre (éducation, culture, « biens symboliques ») ou non, il est désormais possible de penser avec et contre Bourdieu.

  

-Petite bibliographie-


• Les Héritiers. Les étudiants et la culture
avec Jean-Claude Passeron, 1964, rééd. Minuit, 1994.
• La Reproduction
avec Jean-Claude Passeron, 1970, rééd. Minuit, 1993.
• Esquisse d’une théorie de la pratique
1972, rééd. Seuil, coll. « Points essais », 2000.
• La Distinction. Critique sociale du jugement
1979, rééd. Minuit, 1996.
• Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire
1992, éd. revue et corrigée, Seuil, coll. « Points essais », 1998.
• La Misère du monde
collectif, Seuil, 1993.
• Sur la télévision
Seuil, coll. « Liber », 1996.

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7 juillet 2012 6 07 /07 /juillet /2012 11:31

"Parce qu’elle touche surtout les femmes (mais aussi les hommes) et qu’elle fleure la passion amoureuse, l’érotomanie est une maladie psychiatrique pas tout à fait comme les autres !"

 

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 Toile de Grégory Huck - Artiste peintre.

 

Mise au rang des ‘délires passionnels’ par le Dr Clérambault en 1921, ou des ‘troubles délirants chroniques’ dans les manuels de psychiatrie plus récents, l’érotomanie est un trouble rare qui se fonde sur l’illusion délirante d’être aimé par un autre.

Mise en image dans de nombreux films, évoquée de nombreuses fois dans les émissions de télé, l’érotomanie fascine autant qu’elle interroge.

Qui n’a pas quelque part dans son esprit une vision propre, un regard personnel sur cette maladie? Qui n’a jamais craint de se trouver à la frontière de cette folle passion destructrice ?

Pour démystifier les idées reçues, et clarifier le mystère de l’érotomanie, Santé AZ fait le point sur cette passion vertigineuse par sa véhémence, et troublante par son intensité.
 

Qu’est-ce-que l’érotomanie ?

 
L’érotomanie est un trouble délirant chronique dominé par la conviction illusoire d’être aimé par un personnage connu ou de rang social plus élevé. Un regard, une parole, un geste venu de l’autre… et c’est la révélation. Cet autre devient celui qui aime, qui se passionne pour l’érotomane, sans oser se l’avouer.

Le délire se base sur une série d’interprétations de faits et gestes réellement générés par la personne choisie, et plus rarement sur des hallucinations olfactives (odeurs) et tactiles tournant autour de la même thématique.

On dit de ce trouble qu’il est chronique, car il est durable dans le temps. Le pronostic est très variable et peu prévisible. Il évolue par phases et peut traverser des périodes de rémission où aucun symptôme n’est visible. Même s’il a tendance à récidiver, certains cas peuvent évoluer vers la guérison.

Bien que l’érotomanie ne soit de nos jours que rarement observée, cette maladie reste bel et bien réelle et continue à envahir la vie de celles qui en souffrent, et des objets d'amour de ces dernières.

Si la certitude passionnée d’être aimée est complètement illusoire, les arguments avancés gardent le plus souvent une certaine logique. Il n’est d’ailleurs pas rare que l’érotomane ait un train de vie en apparence normal et des comportements appropriés dans quelqu’autre domaine que ce soit.

Dans certains cas, l’érotomanie peut être secondaire à un autre trouble psychiatrique (schizophrénie, trouble bipolaire, etc.) ou à une maladie du cerveau. Dans ces cas, la présence d’autres symptômes aidera à faire la part entre une érotomanie primaire (pas de cause retrouvée), ou secondaire.

 

Les 3 phases

 
Typiquement, l’épisode d’érotomanie se déroule en trois phases, d’expressions et de durée variables d’une situation à l’autre : les phases d'espoir, de dépit, puis de rancune.

La phase d’espoir


Une fois que l’amour de l’autre vis-à-vis de la malade est devenu une évidence indéfectible, celle-ci se lance dans une dévotion mue par un espoir fou. Le tout à la mesure des signes d’amour qu’elle croit déceler chez cet amoureux improbable.

Qu’il s’agisse de son médecin, d’un professeur, ou d’un homme haut placé, l’érotomane n’hésitera pas à placer une énergie forcenée pour le voir, pour se faire voir, l’entendre et lui parler. Le moindre ‘signe’ pourra être interprété en sa faveur comme une preuve d’amour infaillible. Il ne veut pas me parler ? C'est qu'il craint de montrer son amour en public. Son regard s’est tourné vers moi ? J'ai lu un « je t’aime » dans ses yeux.

L’érotomane continuera à voguer sur son nuage imaginaire, jusqu’au jour où sa proie ne supportera plus ses espionnages intempestifs, ses coups de téléphones répétitifs, et ses allusions malsaines.

Au-delà de l’indifférence puis de la réprimande, il arrive que la personne 'visée' par l'érotomane porte plainte, faute de n’avoir pu freiner les ardeurs de l’érotomane. Confrontée de force aux faits, cette dernière passe d’une attitude pleine d’espoir à une phase d’intense désappointement.

La phase de dépit... puis de rancune


Très vite, la déception éclate et l’obsession tourne à la dépression.
L’espoir a laissé place à une tristesse et un vide profond, plus ou moins ponctués de nouvelles tentatives de rentrer en contact avec l’objet du délire. Puis, de douleur en incompréhension, le dépit peut très vite se muer en rancune.

C’est alors que l’énergie employée pour son amour imaginaire se renverse finalement contre lui. L’érotomane explose et peut, pour se venger, devenir violente, menaçante. De coups de fils quérulents, en lettre menaçantes, en passant par des dégâts matériels, la rancune n’a parfois pas de prix. En tout cas, pas celui de la dignité. C’est pendant cette phase-là que l’agressivité, et donc la dangerosité, est la plus haute. Et c’est aussi pendant cette phase que les soins psychiatriques sont le plus souvent entrepris.

  

Qui est touché ?

  
La cause du trouble n’est pas encore très bien comprise. Il est possible que des anomalies neurobiologiques, voire génétiques, puissent être en partie responsables, mais les études en cours ne les ont à ce jour pas identifié précisément.

D’autres hypothèses, d’ordre psychanalytique, attribuent l’origine de l’érotomanie à une carence affective vécue dans l’enfance. Cependant, cet élément ne peut, à lui seul, provoquer une érotomanie, et ne peut donc être qu’un facteur parmi d’autres favorisants l’éclosion de ce trouble.
 

Ne pas confondre avec...

 
L’érotomanie ne doit pas être confondue avec la nymphomanie qui est plutôt liée à une exagération pathologique des désirs sexuels. L’érotomanie n’y ressemble pas puisque l’histoire vécue (imaginée), plus attachée à la passion amoureuse fantasmée qu’à la sexualité, est le plus souvent platonique.

D’autre part, certaines ‘fixations passionnelles’ temporaires peuvent s'apparenter à l’érotomanie, notamment dans la phase d’espoir et de dépit. Cependant, l’acceptation du refus de l’autre est beaucoup plus rapide et ne laisse que rarement place à une phase de rancune. De même, les fixations amoureuses d’adolescents fans de tel prof ou de telle star sont très fréquentes et ne relèvent aucunement de l’érotomanie. C’est seulement leur caractère prolongé, et clairement inadapté qui doit inquiéter.

 

Les traitements

 
La consultation psychiatrique est indispensable. Elle débutera en cabinet lorsque la situation reste stable et gérable, ou en hôpital, si le cas est critique. Si la personne malade refuse les soins, il sera parfois nécessaire de l’hospitaliser d’office ou à la demande d’un tiers. Certaines techniques de réadaptation sociale peuvent être utiles, comme le soutien à la recherche d'une profession, ou l'encouragement à une activité créative.

Par la suite, une psychothérapie, ou une psychanalyse, devra être entreprise pour tenter de soigner le trouble en profondeur. Un traitement médicamenteux, à base d’antipsychotique, est le plus souvent nécessaire pour juguler le délire, ou pour atténuer l’agressivité.

 

www.santé a-z.com

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5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 15:05

"Un menteur, contrairement à une idée reçue, a tendance à davantage regarder son interlocuteur qu’une personne disant la vérité."


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La croyance populaire veut qu’un menteur détourne le regard, de peur d’être démasqué. Pour déceler le mensonge chez un interlocuteur, il suffirait de lui demander de répéter sa phrase, les yeux dans les yeux. Mais le sens commun est-il toujours un reflet de la vérité ? Pour le savoir, les psychologues Samantha Mann, Albert Vrij et leurs collègues de l’Université de Portsmouth ont réalisé un bilan de nombreuses études sur ce sujet. Ils ont constaté que certains signes trahissent effectivement le mensonge : un menteur a tendance à marquer des pauses dans son discours, des hésitations, à illustrer moins abondamment ses propos par des mouvements des mains. Concernant le regard, toutefois, il semblerait que les menteurs ne détournent pas les yeux. Bien au contraire !

  

Les psychologues ont réalisé une expérience dans un aéroport en demandant à des passagers de dire la vérité à propos de leur destination, ou de mentir. Les personnes qui les observaient devaient noter précisément le nombre de fois qu’ils détournaient le regard, ou au contraire qu’ils cherchaient le contact des yeux de leur interlocuteur. Quelque 338 passagers ont ainsi été interrogés, révélant que les menteurs cherchent plus fréquemment le contact visuel avec leur interlocuteur, que les personnes disant la vérité. Comment expliquer cet effet ? Un menteur, souligne S. Mann, a tendance à douter de sa crédibilité. Pour cette raison, il a un désir plus grand de se montrer convainquant et est à l’affût des signes traduisant cette adhésion chez son interlocuteur. Pour savoir si on le croit, il cherche des indices dans le regard de son vis-à-vis, dans ses mimiques, et l’observe attentivement. Une personne qui dit la vérité, en revanche, a moins de raisons de douter qu’elle est crue et peut se permettre de regarder ailleurs. Les apparences, tout comme les personnes, peuvent mentir !

  

Sébastien Bohler de www.pourlasciences.fr

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1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 12:24

Analyse de l'analyste et questionnement sur ses capacités... lorsque celui-ci est confronté au vieillissement, à la maladie et à la mort !

 

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“ Le total des jours de Mathusalem fut de neuf cent soixante-neuf ans et il mourut. (...) Quand les hommes commencèrent à se multiplier à la surface du sol et que des filles leur naquirent, il advint que les fils d’Élohim s’aperçurent que les filles des hommes étaient belles. (...) Alors Iahvé dit : “Mon esprit ne restera pas toujours dans l’homme, car il est encore chair.” Ses jours seront de cent vingt ans. ”La Genèse.

 

À ses collègues qui s’inquiétaient de l’âge croissant des candidats à une formation psychanalytique, un psychanalyste d’expérience répétait volontiers : « La psychanalyse est un métier de vieux. » Sans doute l’a-t-elle toujours été – au sens où l’on disait « mes vieux » en parlant de ses parents – et il est peu probable que l’on puisse devenir psychanalyste à 20 ans. Mais Lœwenstein n’avait pas 30 ans lorsqu’il s’est fixé à Paris pour contribuer à fonder la Société psychanalytique de Paris, et nombreux sont ceux de ses membres qui ont eu des responsabilités institutionnelles de formation autour de 35 ans ; leur dynamisme a été considérable et leur production remarquable. Faut-il rappeler que Maurice Bouvet n’avait pas 49 ans lorsqu’il est mort ? Alors « métier de jeune », « métier de vieux » ? L’expérience clinique et la simple expérience des difficultés de l’existence ne peuvent que favoriser l’exercice de la psychanalyse mais la jeunesse d’un analyste n’a-t-elle pas quelques avantages, et peut-on rester psychanalyste indéfiniment et quelles que soient les circonstances ?

 

 Des souvenirs cliniques me reviennent, trop nombreux. D’abord celui d’un patient dont le psychanalyste était devenu dément du fait de la sénilité. Il a vécu des mois de cauchemars avant de comprendre ce qui se passait, avant de prendre réellement conscience de l’état de son analyste, état qu’il ne voulait pas plus voir que l’entourage de celui-ci, entourage qui finit cependant par faire cesser d’autorité l’activité du praticien devenu incapable. Et puis cet autre exemple, presque inverse, puisqu’il s’agissait d’un analyste jeune, sans atteinte intellectuelle apparente, dont la patiente faisait état en séances de douleurs situées là où le stigmate d’une intervention grave marquait le visage de l’analyste : « Ma tête à gauche... », disait-elle, ce que l’analyste n’arrivait pas à rapporter à lui-même, car il lui fallait, dans son héro ïsme à résister à une affection létale, penser que le maquillage des séquelles de son intervention chirurgicale était imperceptible.

 

 Telle de nos collègues se rappelle comme d’un traumatisme dont elle eut du mal à se dégager la chronique des hémoptysies que son analyste, John Leuba, atteint d’un cancer du poumon, lui faisait lorsqu’elle lui rendait visite pour prendre de ses nouvelles.

   

Pris dans une autre forme de malheur médical, d’évolution lente mais fatale, un psychanalyste très estimé, se sachant perdu à moyen terme, s’efforçait de hâter la terminaison des cures de ses patients, induisant tels d’entre eux à demander une formation de psychanalyste, avec sans doute le fantasme de se prolonger dans une descendance analytique. Je puis mourir, mais ma façon de pratiquer l’analyse ne mourra pas si mes patients deviennent psychanalystes ; une part de moi au moins échappera à la mort. Le fantasme inconscient organisateur d’une telle conduite pourrait être : mon âme psychanalytique immortelle sera portée par mes anciens patients devenus psychanalystes. Le fantasme de « filiations analytiques » est puissant et organise bien des comportements.


Qu’il s’agisse du grand âge, du trop grand âge, ou de la maladie, la question est évidemment celle du rapport à la mort, du rapport des psychanalystes à l’éventualité – c’est-à-dire à la certitude niée – de leur propre mort.

 

On ne voit pas bien pourquoi les psychanalystes seraient différents des autres hommes dont Freud nous a montré que leur inconscient méconnaît en fait leur caractère mortel : « L’inconscient en nous ne croit pas à notre propre mort. Il est contraint de se comporter comme s’il était immortel. Peut-être est-ce là même le secret de l’héroïsme. » De l’héroïsme du psychanalyste qui se sait porteur d’une maladie létale à relativement court terme et continue de recevoir ses patients ? Il est trop évident en tout cas que les exemples évoqués ci-dessus, et bien d’autres, nous obligent à constater que bien des psychanalystes en fin de vie se conduisent comme s’ils étaient immortels.

  

L’idée inconsciente que la psychanalyse confère une sorte d’immortalité serait finalement assez répandue. Paul A. Dewald (1982) l’exprime, non sans humour : « Je considérerais volontiers que beaucoup d’analystes nourrissent le fantasme selon lequel leur analyse personnelle les a “immunisés” contre quelques-unes des maladies qui affectent les autres. Bien que je ne dispose pas de statistiques, l’expérience montre que les analystes peuvent avoir et souffrent de maladies et d’accidents sérieux qui menacent leur vie. » Cette idée est parfois sous-tendue par une considération consciente issue de l’expérience des psychosomaticiens : parce qu’elle développe l’élaboration psychique de l’analysé-analyste, la psychanalyse protégerait contre somatisations et somatoses, donnerait une forme d’immunité psychosomatique, une « psycho-immunité » qui nous rendrait invulnérables. La maladie grave de l’analyste lui infligerait donc une double blessure narcissique, l’une touchant banalement son intégrité corporelle et l’autre touchant ses illusions sur la valeur protectrice de son analyse sur le plan psychosomatique.

  

La rareté des articles se rapportant de près ou de loin à la mort possible, imminente ou accomplie, de l’analyste est frappante. Il faut citer essentiellement un article ancien de Gregory Zylboorg (1938) qui traite du fantasme d’immortalité d’une façon qui s’accorde bien avec la question des pulsions au milieu (ou à la fin...) de la vie ; un texte de K. R. Eissler de 1976, « Des effets possibles du vieillissement sur la pratique de la psychanalyse », qui est le seul de son espèce sur ce sujet précis.

   

LE VIEILLISSEMENT DE L’ANALYSTE

   

Attardons-nous d’abord sur le contenu de l’article de K. R. Eissler: Pour lui, et schématiquement, le vieillissement provoque un accroissement des investissements narcissiques. Si le narcissisme de l’analyste s’appuie sur son Surmoi, l’analyste devient plus rigide, plus obsessionnel et intolérant dans sa pratique. (C’est un cas de figure qu’il nous est loisible d’observer assez souvent.) Si cet accroissement du narcissisme se porte sur le Moi, l’analyste attendra du patient admiration, révérence et respect. À l’évidence, ces deux attitudes ont une influence – négative, même si l’auteur ne le précise pas – sur le travail analytique du patient et sur l’analysabilité de son transfert. Mais une note d’optimisme s’exprime dans un cas de figure plus favorable : si l’accroissement du narcissisme se distribue finalement de façon bien répartie (ce que favoriserait la diminution de la pression du Ça et donc du conflit), le Surmoi et le Moi seront plus harmonieux.

 

Il en résulterait une plus grande tolérance de l’analyste à la maladie du patient, une réduction de l’ambition thérapeutique et une plus grande acceptation du caractère ordinairement humain du patient. Il y aurait donc là un privilège de l’âge, de même que, du fait de la diminution de la tendance à l’activité laquelle accompagnerait le vieillissement, et du plus grand intérêt pour le savoir et l’insight, qui augmenterait avec l’âge, une meilleure attitude par rapport aux résistances du patient se développerait... Vieillir augmente aussi l’intérêt pour les souvenirs d’enfance et l’analyste vieillissant pourrait avoir une empathie plus grande par rapport à l’enfant qu’a été le patient lorsqu’il réapparaît dans l’analyse. Jusqu’ici, en somme, les avantages et les inconvénients se compenseraient, une forme de sagesse apportée par l’âge pouvant améliorer le fonctionnement analytique. Mais pour Eissler, au-delà d’un certain temps, le vieillissement fait que la mort devient une question qui affecte l’existence avec son cortège de conséquences possibles. Cependant, pour lui, si l’analyste a intégré que la mort est une nécessité, il sera capable de traiter l’inévitable comme facteur de la vie du patient et sera aussi mieux à même de l’aider à analyser ses peurs et vœux de mort. Pourtant non sans sagesse, il nous avise que nous devons nous garder d’apparaître héroïques aux yeux du patient. Penser qu’il a un analyste héro ïque serait de nature à réduire l’estime qu’il a de lui-même et de susciter chez lui des réactions de culpabilité. Les analystes femmes s’en sortiraient mieux du fait de leur meilleure intégration de la passivité.

  

En plus de la diminution de la mémoire qui ne peut être que très imparfaitement compensée par la prise de notes, un autre facteur perturbateur pour l’analyste qui prend de l’âge – affectif, celui-là – est qu’il commence à voir mourir ses contemporains, ce qui le conduit à un investissement plus important de ses patients, surinvestissement qui peut avoir des effets bénéfiques ou néfastes sur la qualité de leur analyse.

  

Globalement, Eissler considère que vieillir diminue le pouvoir thérapeutique de l’analyste, alors que les analystes, en tant que groupe, préfèrent considérer que ce pouvoir est meilleur faute d’être plus grand. L’essentiel pour lui est qu’il découle avant tout du vieillissement de l’analyste deux occurrences qui posent chacune leurs problèmes techniques spécifiques :

   

Tout d’abord la probabilité que l’analyste meure inopinément pendant l’analyse de ses patients augmente avec l’âge, ce qui, en ce cas, entraîne un cortège de conséquences pratiques : comment faire avec les patients de l’analyste disparu...

 

L’autre éventualité qu’il envisage – laquelle est sans doute finalement plus difficile à traiter – est que l’analyste puisse mourir peu à peu au cours de l’analyse du patient. Dans cette circonstance, une position héro ïque de l’analyste n’est guère profitable au patient, dit-il... Il recommande d’aborder la question avec lui, de continuer quelque temps l’analyse pour que celui-ci puisse exprimer ses sentiments et ses fantasmes par rapport à ce qui se produit, puis de l’envoyer à un collègue. Selon son expérience, il est très important que le patient poursuive son traitement avec ce nouvel analyste alors que le premier est encore en vie. Le bien-fondé de cette dernière disposition, qui fait peser une sorte de dernière volonté de l’analyste sur son patient, a été discutée par quelques auteurs qui pensent qu’elle ne peut avoir de valeur générale et qu’une politique impliquant un temps d’arrêt, laissant une place au deuil et à une possibilité de reprise ultérieure d’une analyse, a sa cohérence. Un conseil sage, et sur lequel un consensus se rassemble, d’où émerge en tout cas, la nécessité de fixer assez tôt un terme. Rachelle Dattner, dans la revue qu’elle consacre à la mort de l’analyste, cite un article de Kaplan et Rothman (1986) fondé sur les notes cliniques du thérapeute décédé, et aussi sur les entretiens menés une année et demie après la mort de Rothman, article que Kaplan conclut ainsi : « Malgré les meilleures intentions du monde, informer le patient d’une maladie mortelle de l’analyste reste vague tant qu’un terme n’a pas été fixé à l’analyse. Sans cela le thérapeute dénie sa propre maladie et le patient ne peut pas non plus en accepter la réalité. »

 

En dépit de l’intérêt de sa position de sagesse, l’article de Eissler reste limité dans ses considérations, en particulier parce qu’il n’évoque pas le monde fantasmatique de l’analyste et ses implications dans le traitement de la situation.

 

MALADIE GRAVE DE L’ANALYSTE ET CONTRE-TRANSFERT

 

Ce qui apparaît chez l’analyste obligé d’arrêter son activité pour une maladie grave peut nous éclairer par analogie, sur certains mouvements psychiques susceptibles d’apparaître chez un analyste confronté à l’éventualité de sa mort du fait de l’âge. Une telle expérience a été rapportée, dans deux articles distincts, par deux psychanalystes, Paul A. Dewald et Sander M. Abend, en 1982. Tous deux, lors d’une grave maladie qui les avait frappés l’un et l’autre, ont noté leurs réactions contre-transférentielles et constaté leurs difficultés à traiter la réalité de la situation d’interruption de l’analyse de leurs patients.

 

Abend écrit, par exemple : « Nous ne demanderions pas délibérément à nos patients d’être attentifs, soucieux de nous, de tout cœur avec nous, mais leur parler de nos maux peut constituer une voie détournée pour justement obtenir tout cela. L’impact régressif de la douleur, de la maladie, de la blessure et du danger peut nous amener inconsciemment à susciter de telles réponses. »

 

Dewald décrit ainsi un aspect des conséquences des informations transmises à ses patients sur la réalité de sa situation : « Lorsque mes patients connurent la sévérité de ma maladie et où j’étais hospitalisé, quelques-uns d’entre eux envoyèrent des cartes, des fleurs, ou d’autres témoignages d’intérêt, de souci et de sympathie. Un patient par exemple écrivit plusieurs lettres circonstanciées donnant avis et suggestions sur mon traitement médical et ma maladie infectieuse. Plusieurs autres allèrent jusqu’à ma chambre d’hôpital pour chercher à me voir, et d’autres posèrent des questions à mes amis et collègues sur mon état. Ces comportements produisirent des effets contre-transférentiels centrés sur la question du renversement des rôles... »

 

Soulignons ici cette question du renversement des rôles provoqué par la maladie. Le trop grand âge de l’analyste peut induire le même mouvement. Alors même qu’il avait pris la décision de ne donner à ses patients aucun élément de réalité justifiant son absence, Abend a constaté qu’il n’avait pas été en mesure de maintenir sa politique et qu’il s’était senti contre-transférentiellement poussé à transgresser la règle qu’il s’était fixée : « Lorsque j’eus retrouvé un état d’esprit plus ordinaire, je fus profondément impressionné par le fait qu’il s’était avéré impossible pour moi de faire ce que j’avais décidé avec la plupart de mes patients d’analyse. J’avais finalement fait exactement comme Dewald et beaucoup de collègues ont fait, c’est-à-dire que j’avais tenté de m’ajuster aux besoins de chaque patient, de façon individuelle. Rétrospectivement je pense cependant que mes ajustements n’étaient ni justes ni objectifs. Je me suis finalement rendu compte que mon propre contre-transfert, bien plus qu’une juste évaluation de ce qui pouvait être le mieux pour chaque patient, m’avait décidé à donner des informations factuelles. »

 

Les témoignages de Abend et Dewald confortent ce que des exemples moins rigoureusement observés laissent penser : la situation est en fait impossible. L’analyste est confronté malgré lui à une double contrainte, puisque, d’un côté, il veut « rester analyste », et qu’il est incapable d’y parvenir précisément puisqu’il est blessé dans son fonctionnement, et que, de l’autre, il introduit un corps étranger – psychanalytiquement étranger – dans l’esprit du patient du seul fait de l’interruption inopinée, que celle-ci soit accompagnée ou non d’informations factuelles. Quant au patient, il est également soumis à une situation de double bind puisque ses fantasmes rencontrent une réalité qui le prive de la situation où ils auraient pu être élaborés.

  

Abend souligne fort bien le caractère contradictoire des explications données au nom de la réalité : « (...) il est artificiel de chercher à séparer les perceptions, pensées, inquiétudes et jugements “réalistes” de l’analysant par rapport à l’analyste et à la situation analytique, des réactions de transfert inconsciemment déterminées. Il ne s’agit pas de nier qu’il existe des événements réels qui ont un impact sur la situation analytique, ni que les analysants, comme les analystes, ont la capacité de percevoir et de penser les choses dans leur réalité. Je veux simplement souligner que ce qui est réel pour chaque patient c’est ce qu’il observe, ressent, pense, souhaite, redoute, imagine à ce propos et résout au moyen des opérations d’un appareil psychique dont la composante inconsciente constitue invariablement une part significative, ce qui est également vrai pour chaque analyste. » Ce que l’analyste transmet de la « réalité » est contaminé par ses propres fantasmes et angoisses personnels mais aussi par des besoins régressifs inconscients : « À certains moments il semble plus facile à l’analyste de mettre ses patients dans le secret de son sort personnel plutôt que d’affronter la pleine expression de leurs fantasmes et de leurs sentiments. »

  

Comme l’écrit Dewald : « Le problème thérapeutique réside dans la nécessité d’explorer de façon adéquate toute la gamme des réponses du patient, affects et associations à la maladie et dans le fait qu’il faut y parvenir tout en étant confronté à des tentations contre-transférentielles qui conduisent soit à provoquer un arrêt prématuré et une fuite devant les affects les plus menaçants, soit à utiliser ce qui se passe pour des satisfactions exhibitionnistes, masochistes, narcissiques ou névrotiques d’autres sortes. » Ne pourrait-on pas évoquer le sadisme qu’il peut y avoir à se présenter quasi mourant en face d’un patient ? Et dans l’exhibitionnisme qu’il y a à mourir en public comme Molière en scène ?

  

La recherche inconsciente de compensations à la maladie grave ou à la vieillesse intervient forcément de façon importante dès que l’analyste a pris conscience de son état et les écueils de la situation analytique sont alors nombreux. Citons ici, à nouveau, Abend : « Il semble indiqué de prendre en considération les motifs contre-transférentiels potentiels qui iraient dans le sens d’une modification du principe d’abstinence dans de telles situations. (...) Quel est l’effet bénéfique de la révélation de quoi que ce soit de plus que le fait de l’interruption et de la prévision de la reprise des séances ? Sur quelle base décider que telle information spécifique est de nature à soulager une angoisse insupportable ? (...) « La transmission d’informations factuelles sur la maladie de l’analyste est subordonnée à des besoins inconscients chez l’analyste lesquels ne sont pas toujours reconnus ni admis. Il en est ainsi même si l’analyste est convaincu qu’il est techniquement correct de donner telle information... »

 

C’est d’une modification du principe d’abstinence que parle Abend, expression dont il faut souligner la force : sans employer directement le terme, Abend désigne finalement comme séduction la rupture de la réserve analytique qui devrait laisser au patient la liberté de tout imaginer. Les patients de Dewald avec leurs fleurs et leurs lettres avaient aussi interprété comme séduction ce qui leur avait été donné comme information, ils s’étaient sentis non seulement autorisés mais invités à se manifester. Renversement des rôles et rupture de la règle d’abstinence, c’est-à-dire séduction, sont ainsi les risques que peut faire courir à ses patients l’analyste qui tombe malade... ou celui dont l’évident excès de vieillesse est à lui seul une information, sinon une confidence.

 

Et que dire de la paralysie à toute forme de sadisme qu’impose au patient la perception de l’état de son analyste ? Si on ne tire pas sur une ambulance, on ne s’attaque pas non plus à un médecin blessé.

  

LE FANTASME D’IMMORTALITÉ
    
« (...) tous les immortels étaient capables d’une quiétude parfaite ; je me souviens de l’un d’eux, que je n’ai jamais vu debout : un oiseau avait fait son nid sur sa poitrine. »Jorge Luis Borges.
  

Le courage de Freud devant la maladie, la douleur et devant la mort nous a donné un exemple difficile à élaborer pour chacun de nous. Il a vécu et travaillé dix-sept ans avec sa tumeur de la mâchoire et presque jusqu’à la fin. Mais n’a-t-il pas, au bout du chemin, pris, lui le premier, ses patients comme soutien, en complément de celui d’Anna ? L’élaboration de la « pulsion de mort » alors qu’il avait sa propre fille sur son divan n’a-t-elle pas été l’une des formations réactionnelles nécessaires pour refouler les fantasmes incestueux qui ne pouvaient pas ne pas l’assaillir ? La place, de moins en moins hypothétique et de plus en plus grande, assignée à la pulsion de mort dans ses écrits au fur et à mesure que sa santé déclinait, ne témoignerait-elle pas d’un effort contre le renforcement de ses fantasmes incestueux par rapport à l’amour que lui portaient ses patients ? L’inversion du sens de la relation thérapeutique et la rupture de la règle d’abstinence liée à la maladie de l’analyste dans les exemples que nous avons cités n’ont-ils pas eu leurs équivalents dans le cas du père de la psychanalyse ?

  

L’obscure perception des risques encourus par l’analyste et le patient lorsque l’analyste approche d’une mort trop possible, perception qui serait l’effet du principe de réalité, devrait conduire les praticiens de la psychanalyse à s’arrêter « assez tôt » ; certains y parviennent. Chez d’autres, une forme de déni s’instaure qui les installe dans un statut psychique d’immortels.

  

« Je sais bien que je suis trop vieux, en danger de mourir inopinément – ou frappé d’une maladie telle que je serai mort dans quelques mois –, mais quand même je continue à recevoir mes patients comme avant. » Je sais bien mais quand même... Le clivage installé de cette façon vise à éviter le « deuil de soi-même », pour reprendre ici l’expression de Christian David, perte identitaire, deuil de soi-même que déclencherait chez le psychanalyste le renoncement à son activité, à l’investissement de ses patients. Mais il s’agit aussi de la perte de la provocation à élaborer que lui impose la stimulation des séances, de la perte du plaisir au fonctionnement analytique.

 

Dans la nouvelle intitulée « L’Immortel », Borges décrit l’étrange destin d’un homme devenu immortel par contagion lorsqu’il eut atteint le pays des Immortels : « L’histoire que j’ai racontée paraît irréelle parce qu’en elle s’entrelacent les événements arrivés à deux individus distincts. » Ici les deux individus distincts sont le psychanalyste en pleine santé et le psychanalyste transformé par la maladie ou la vieillesse. Le clivage s’établit entre le psychanalyste, homme de l’intemporel et donc immortel – la psychanalyse, comme les cellules germinales, serait immortelle pourvu qu’elle soit transmise –, et l’homme mortel et périssable qui lui sert de support. Il arrive un jour où l’un ne veut pas reconnaître l’autre. Ce serait donc idéalement le rôle de « la horde sauvage », du groupe des psychanalystes d’intervenir – mais comment ? – pour lever chez l’immortel ce clivage qui risque d’être dommageable à ses patients. Mais, à supposer que le vieillissement des analystes soit tel que le nombre des « immortels » devienne majoritaire, n’entrerions-nous pas dans un monde étrangement clivé où l’idée de l’immortalité serait implicitement admise ? « Exercée par un entraînement séculaire, la république des Immortels était parvenue à une certaine perfection de tolérance et presque de dédain. Elle savait qu’en un temps infini toute chose arrive à tout homme », écrit Borges. Si tout peut naître ici-bas d’une attente infinie, toute attente est permise et tout sursis favorable.

   

Mais cette idée du « deuil de soi-même » ne serait-elle pas trop globale ? Quel monde fantasmatique suscité par le risque de mourir faut-il réprimer ou refouler par sa négation ? L’attaque du corps par la maladie, par la douleur, par l’excès du vieillissement induit la révolte, la contre-attaque, la tentation de la soumission et son refus. Maintenir ce mouvement dans les limites du Moi risquerait d’aboutir à une forme de mélancolie : le nier en soi et le défléchir sur l’extérieur, sur les autres est une solution possible. Les patients ne peuvent que devenir la cible des motions sadomasochistes soulevées, ou des contre-investissements mis en place pour les préserver.

   

Zylboorg, dans son étude sur les fantasmes d’immortalité, note que « (...) tous les investissements prégénitaux, en particulier ceux du sadisme, qui sont repris par le Surmoi pour être utilisés comme des munitions contre la liberté instinctuelle de l’homme lui sont restitués, à partir du moment où il accepte l’immortalité en échange de toute sa génitalité. Il serait fascinant de travailler à la comparaison de l’idéal d’immortalité sans vie qui domine la conversion mystique de l’individu et les idées développées dans les différentes Utopies sociales, ou les idéaux nés des revendications sociales ». Le lien entre « immortalité » et reviviscence des motions prégénitales et sadiques est ainsi souligné.

  

Une autre façon de considérer le fantasme d’immortalité sous l’angle pulsionnel est donnée par Tauber qui associe un mouvement nécrophilique à « une obscure mais persistante préoccupation d’immortalité ». Pour lui, le terme « nécrophilique » recouvre un investissement préférentiel des choses inanimées, une hostilité au changement qui vise à suspendre le temps. L’analogie avec l’idée de Bertram Lewin selon laquelle le patient idéal du médecin est celui sur lequel on a tout pouvoir comme sur le cadavre que l’on dissèque, suggère une association entre emprise et immortalité certes mais aussi le fait que la régression sadomasochiste induite par la maladie ou la vieillesse renforce de tels fantasmes dont le sort dans le contre-transfert est soumis à une activité de refoulement ou de répression intense. Derrière la nécrophilie l’inceste...

   

Une forme de vampirisme se développe : le surinvestissement des patients, nécessaire pour rester en vie psychique malgré la menace de la mort, est analogue au surinvestissement dépressif de l’ombre de l’objet que l’on a perdu ; les patients que l’on ne pourra plus suivre sont des patients que l’on va perdre comme objets d’amour. L’analyste mourant s’y attache d’autant plus comme à une source de vie où puiser. Les ressources psychiques des patients s’y épuisent et leur analyste devient pour eux un objet vampirisant analogue à ceux qu’a décrit Pérel Wilgowicz. L’analyste, sous le voile de la bonne conscience professionnelle, recherche en fait l’expression de l’émotion ou de la douleur de ses patients, gage qu’il est aimé et cure de jouvence ; les sueurs d’angoisse des patients tiennent alors lieu de « (...) ces bains de sang qui des Romains nous viennent / Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent...

  

La négation des sentiments d'antipathie à l’égard des patients qui vont nous survivre est une nécessité pour pouvoir continuer à les recevoir sans qu’ils s’enfuient. Le contenu latent : « Ils continueront à vivre, eux, ils me laissent tomber alors que j’ai besoin d’eux pour nier que je vais mourir, pour m’affirmer immortel », s’inverse ainsi : « Je ne vais pas les laisser tomber alors qu’ils ont encore besoin de moi. » Le sadisme refoulé s’exprime dans l’agir exhibitionniste de la maladie ou du trop grand âge. Chronos dévore ses enfants. En effet pour ne pas se laisser dévorer par le temps, pour refuser le destin, il faut s’identifier au temps lui-même, se nourrir de ses patients, s’identifier à l’agresseur Chronos, immortel par essence.

  

Ne pourrait-on considérer, chez l’analyste qui va mourir, une forme psychanalytique du « travail du trépas » tel que l’a décrit Michel de M’Uzan ? La poussée libidinale qui l’accompagne conduirait l’analyste promis à la mort à un comportement de prise de possession de ses patients par l’exhibition de sa mort même, mise en acte d’une séduction sexuelle enfin permise par le sort qui le touche, ultime inceste sous le manteau de la nuit qui s’approche...

 

Article de Paul Denis, psychanalyste à Paris. Pour cairn.info.

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1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 08:28

Dans la lignée de Aldous Huxley, imaginez un monde ou l'homme est instrumentalisé jusque dans sa chair, où les valeurs se situent dans la matérialité mais jamais dans l'essentiel : L'homme, lui-même !


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"Time Out" s'impose comme ce que l'anticipation nous aura offert de plus original depuis longtemps.


Synopsis et vidéo:


Bienvenue dans un monde où le temps a remplacé l'argent. Génétiquement modifiés, les hommes ne vieillissent plus après 25 ans. Mais à partir de cet âge, il faut "gagner" du temps pour rester en vie. Alors que les riches, jeunes et beaux pour l’éternité, accumulent le temps par dizaines d'années, les autres mendient, volent et empruntent les quelques heures qui leur permettront d'échapper à la mort. Un homme, accusé à tort de meurtre, prend la fuite avec une otage qui deviendra son alliée. Plus que jamais, chaque minute compte...


"Voilà pourquoi les sciences doivent toujours être tenues sous contrôle !"

 

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30 juin 2012 6 30 /06 /juin /2012 14:57

Le schéma linéaire « standard » de la communication, qui privilégie la transmission directe d'information entre un émetteur actif et un récepteur passif, n'a plus cours. La communication comme la transmission sont aujourd'hui conçues comme interactives, pleines d'obstacles et de contraintes médiatiques.

 

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Dans le sens commun, communiquer c'est transmettre de l'information, c'est diffuser des idées ou des contenus culturels. Il s'agit là de la transposition spontanée d'un modèle que la linguistique et les sciences de la communication ont formalisé pour tous les processus de communication : une ligne unit deux pôles, l'émetteur et le récepteur, et une entité diversement nommée (signe, signal, message) y subit divers traitements. On trouve une telle conception dite « transitive » dès le Cours de linguistique générale (1916) de Ferdinand de Saussure (1857-1913). Elle sera réellement formalisée dans « La théorie mathématique de l'information », un article de Claude Shannon (1949) qui propose un modèle linéaire de communication reposant sur une chaîne d'éléments : la source d'information, l'émetteur qui transforme le signal en un flux codé (la voix humaine transformée dans le téléphone par exemple), le canal de transmission, le récepteur qui décode les signaux et enfin le destinataire du message.

La communication comme forme active de la culture


Le modèle de C. Shannon est devenu rapidement le modèle standard dans beaucoup de théories de la communication. Ce modèle transitif, institué en « schéma canonique », a pu s'appliquer aux télécommunications, à la langue comme à l'influence des médias. Il a pour lui son apparente évidence, ne serait-ce que parce qu'il passe par un vocabulaire banalisé (émetteur, récepteur, message, contenu) et se traduit en un ensemble d'images mentales communes (boîtes, lignes, flèches). Il induit l'idée que nous pourrions voir, contrôler, optimiser les processus de communication. C'est pourquoi la transitivité obsède le « discours de maîtrise » que l'on trouve aussi bien dans le monde politique que dans la publicité, la pédagogie ou la communication médiatique, qu'il s'agisse de « faire passer » les messages, de contrôler l'« image reçue », d'« évaluer » la rentabilité d'un apprentissage, de définir la performance d'un réseau. En sciences de l'information et de la communication, ce schéma a permis dans un premier temps de distinguer des objets d'étude (production, messages, publics, etc.) mais il est aujourd'hui abandonné. Ces sciences s'intéressent maintenant prioritairement à la nature des constructions sociales, symboliques, formelles qui conduisent à attribuer un certain statut aux « objets culturels », les idées, les théories et savoirs scientifiques ou les croyances.
 
De ce point de vue, le modèle de la transmission de données ne dit rien d'intéressant. Une première critique du modèle transitif (la communication comme processus de transmission) provient de l'anthropologie de la communication. Ce courant a pour objet la compréhension des pratiques de communication en situation, dans toute leur richesse. Avec une telle posture d'observation, il est impossible d'isoler un processus de transmission autonome entre deux pôles, l'un actif et l'autre passif. Le premier effet de ce décalage du regard est d'inscrire le paradoxe d'« autoréférence » au coeur même de toute pratique de communication. La communication a affaire avec elle-même, avec les relations qu'elle établit et le jeu qu'elle institue, avant de concerner quelque information que ce soit. Communiquer est d'abord partager et non transmettre, éprouver ensemble quelque chose, une émotion, l'engagement dans des situations, une participation à la communauté humaine, loin de tout message proprement symbolique. C'est ce qu'indique la racine étymologique communis que l'on retrouve aussi bien dans « communication » que dans « communauté » ou dans « communion ». Le point d'orgue de la célébration chrétienne est nommée « communion » : il s'agit du moment de communication mystique avec la divinité, mais aussi avec les autres membres de la communauté chrétienne assemblée. Une telle conception oblige à penser différemment la mémoire sociale et sa transmission. Celle-ci ne résulte pas d'une opération intentionnelle de transfert, mais tient à des signes de toute nature. Les rois et les hommes d'Etat le savent de tout temps, qui ne cessent durant leur « règne » de créer des signes destinés à la mémoire (statues, bâtiments, rituels, écrits, discours, etc.) Dans les processus réels de communication culturelle, nul ne peut prétendre dire : « J'ai transmis ma pensée. » L'anthropologue remarque avant tout, comme le sémiologue Roland Barthes (1915-1980) l'avait fait, que « tout signifie ». Dans l'exemple de la célébration religieuse, la transmission et la communication sont autant l'oeuvre des paroles prononcées que de l'ordonnancement du rituel, de l'architecture et du dispositif scénique utilisé. De manière générale, on peut dire que si nous transmettons quelque chose de précis aux autres, il est difficile de savoir quoi. De plus, si nous le pouvons, c'est sur un fond de participation à une production de sens incessante et collective que nous ne contrôlons pas. Du point de vue des sciences de l'information et de la communication, ce principe a été rendu célèbre par l'image de l'orchestre opposée à celle du télégraphe, métaphore empruntée par Yves Winkin à plusieurs auteurs américains pour définir la « nouvelle communication ». Ces chercheurs, regroupés dans ce qu'on a parfois nommé l'école de Palo Alto, se sont appuyés sur le concept central d'interaction.
   
Avant l'école de Palo Alto, le linguiste Mikhaïl Bakhtine (1895-1975) avait déjà affirmé un « principe dialogique », qui veut que chacun de nos énoncés soit avant tout une réponse à d'autres énoncés. Une seconde critique du modèle transitif standard, postulant l'équivalence entre communication et diffusion, s'est développée à partir de la sémiotique, discipline qui s'interroge sur l'élaboration des signes de la communication et leur signification. La sémiotique contemporaine n'est pas une simple théorie du code. Elle analyse à la fois la présence des objets (une affiche, un discours écrit, un tableau) dans leur singularité, leur inscription dans une histoire des formes, leur utilisation par les individus, etc. Prenons le cas du développement d'un courant politique, comme le mouvement antimondialisation actuel. Celui-ci dépend de la diffusion matérielle de nombre d'objets, livres, revues, mails, etc. Ces supports matériels véhiculent des idées et des réflexions politiques, les combattent, les discutent. Ce processus n'est ni un simple transport matériel, ni une pure diffusion intellectuelle, venue d'on ne sait quel centre. Il est fait de pratiques de dispositifs, de genres d'expression, de formes d'émotion partagée face à des types de situations : pétitions, essais littéraires ou discours politiques, réunions, manifestations, meetings. Il convoque des références multiples, impose des présences, anticipe des usages. Ce mouvement procède d'une construction graduelle de représentations et d'interprétations, incarnée dans un ensemble d'objets signifiants : des conversations ont participé à l'émergence de représentations et de notions communes ; le sentiment partagé d'un certain type d'impuissance face à la mondialisation a engendré le projet d'un pragmatisme actif (sans compter l'histoire de la lutte sociale des cinquante dernières années, qui montre la nécessité de prudence face aux idéologies générales) ; des articles de fond ont dénoncé une uniformisation idéologique et promu une invention terminologique (la « pensée unique », le « néolibéralisme » la « malbouffe », etc.) ; une multitude de textes a répercuté des récits exemplaires d'utilisation des médias ; une manifestation a investi de façon inédite le temps et l'espace de la ville, etc. A ces critiques disciplinaires du modèle transitif s'est ajouté une réflexion de plus en plus approfondie sur le rôle et l'importance des médias ou des technologies de l'information et de la communication, mais aussi une nouvelle attention portée aux formes et méthodes de la médiation entre « producteurs » et « récepteurs ».
 

L'examen réel des médiations

  

Il faut souligner que l'observation des processus de médiation est chose récente pour les sciences de l'information et de la communication. Au fond, le succès du modèle transitif a correspondu surtout à un état d'ignorance sur la réalité des pratiques culturelles ordinaires. La culture légitime était censée s'engendrer spontanément, puis faire l'objet d'une diffusion, de l'extérieur. Dans ce cadre, aucun réel intérêt n'était accordé aux pratiques effectives par lesquelles les « objets » de communication (discours, idées, doctrines) deviennent des biens communs : pratiques de collecte documentaire, de chronique journalistique, de légitimation scolaire, de vulgarisation, d'expertise, de conseil, d'inscription de valeurs culturelles dans les objets et les images du quotidien, etc. Dès que les chercheurs ont pris la peine d'étudier les formes de ces médiations, ils ont mis en évidence le caractère créateur et non simplement reproducteur de ces pratiques. Des historiens de l'éducation ont par exemple montré que l'étude de l'orthographe est un construit social, datable précisément : l'orthographe s'est imposée au début du xixe siècle comme pratique de l'école primaire permettant l'évaluation et le tri des élèves. Elle a été promue et s'est cristallisée au rythme de la constitution d'un corps professionnel d'instituteurs, comme marque de leur professionnalité et de leur expertise. Des démonstrations identiques ont été faites à propos de la forme de la dissertation, de l'utilisation du latin, des manuels scolaires, du rapport de thèse.  
 
De telles approches, favorisées par le retour critique sur l'école et les institutions culturelles, se sont développées en sciences de l'information et de la communication. Elles ouvrent la voie à une analyse du rôle des manuels, des brochures, des guides, etc. Ces outils de « diffusion » du savoir ou de la culture légitime ont été conçus longtemps (y compris par leurs auteurs) comme une traduction, ou une transposition. Ils sont aujourd'hui considérés comme des productions spécifiques, ayant leur propre logique, leur rhétorique, leurs effets cognitifs. Un manuel scolaire de terminale n'a pas la même forme - c'est le moins que l'on puisse en dire - qu'un manuel de premier cycle universitaire. L'un est découpé en très courts chapitres synthétiques, très illustrés, comportant des questions, des extraits de textes, etc., l'autre est un discours argumentatif linéaire et le plus souvent sans illustrations. Il est désormais avéré qu'ils ne sont ni plus juste, ni plus faux l'un que l'autre, mais qu'ils s'insèrent dans des processus de transmission et d'appropriation différents du savoir. Dans un autre registre, le psychologue social Serge Moscovici s'est donné le premier la peine d'étudier l'image de la psychanalyse dans la presse, montrant que celle-ci procède de constructions intellectuelles profondément différentes de l'exercice de la discipline thérapeutique. Abandonnant le couple émission-réception, Eliseo Veron a montré, à propos du succès de la linguistique, que chaque légitimation d'un texte entraîne une réinterprétation de maints textes précédents, qui n'a rien à voir avec le processus de leur production.
   
On peut enfin prendre l'exemple de la muséologie, l'un des domaines où les médiations ont été étudiées de près, au fil d'un programme de recherches. Ces dernières décrivent les métamorphoses que connaissent les projets de diffusion des savoirs. Une exposition est une réalité vivante et complexe, qui se développe dans un cadre social et économique chargé d'enjeux. Elle exige la mise en forme de matériaux et de signes différents et crée des associations nouvelles entre ces signes. Loin de constituer un processus homogène, elle repose sur l'emboîtement de plusieurs constructions successives, ayant chacune ses procédures de signification, chacune redéfinissant la précédente. Elle mobilise chez une série d'acteurs des types d'activité interprétative différents (lecture, réécriture, figuration, parcours, commentaire), qui permet des prises de rôle multiples vis-à-vis des objets culturels légitimes et illégitimes. Tout en renforçant à certains égards des valeurs consacrées, elle donne un statut culturel à des pratiques qui n'en avaient pas. L'analyse du rôle des formes et des contraintes médiatiques mène à l'étude des logiques sociales de la communication. Prenons l'exemple de la communication grand public sur la science. Il est impossible d'y voir au fil du temps la poursuite d'un même programme de « partage des savoirs ». La médiatisation des sciences comporte une dimension d'explication, qui présente une relative continuité avec l'« interprétation » et la « vulgarisation » des sciences, du xviie au xixe siècle. Quelles relations peuvent s'établir entre les représentations sociales et les savoirs spécialisés ? Comment représenter, expliquer, métaphoriser les savoirs ? Comment s'instituent les rôles et les relations entre un public, les connaissances, les médiateurs ? De quel type de récit relève la science ? Toutes ces questions continuent de marquer les pratiques de communication écrite ou audiovisuelle.

 

La complexité des logiques de communication

 

En même temps, ce qui se passe aujourd'hui dans une émission de télévision par exemple, procède de logiques différentes de celles qui valaient il y a un siècle et demi. Cela tient à un ensemble de facteurs qui font plus qu'infléchir l'activité et en redéfinissent le sens : les ressorts économiques et les dispositifs techniques de la communication ne sont pas les mêmes, la science n'entretient plus les mêmes relations avec l'actualité, les formes de la médiatisation sont différentes (la télévision n'existait tout simplement pas). Tout cela fait qu'on n'a pas affaire à des reformulations, mais à des types de discours de nature distincte, établissant d'autres rapports de communication et créant des objets culturels différents. Un exemple parfait est fourni par la thématique de l'environnement. Tentons une démonstration par l'absurde : que pourrait signifier transmettre, bien ou mal, la notion d'environnement ? Une « page » de journal télévisé actuel titrée « environnement » peut-elle être comparée avec un livre de vulgarisation du xixe siècle sur les volcans ou avec un colloque international d'hydrologues ? Non. L'environnement est un objet de la communication médiatique contemporaine. Il tient à des dispositifs, à des rôles d'expertise, à des schémas narratifs, à des logiques de dialogue et il ne peut être distingué de tout cela. S'il se réfère à certains savoirs élaborés par des scientifiques, il en modifie profondément le statut. L'objet « environnement », objet hybride, concrétisant des logiques politiques, médiatiques, économiques témoigne de la construction d'une posture politique et morale, d'une définition de l'humanité par rapport à ce qui l'entoure : quelque chose qui n'existait pas en tant que tel il y a vingt ans, et qui présente le caractère d'être largement partagé, de participer à la mémoire de notre culture, sans jamais avoir été en tant que tel transmis.
  

Communication et transmission en tension

  

Si ces recherches empiriques et théoriques constituent des avancées par rapport au schéma transitif, la question des rapports entre communication et transmission n'est pas réglée pour autant. On peut dire aujourd'hui que les notions sont en tension, après avoir été en équivalence. La question ici posée demande que le sens même des notions soit approfondi. Par exemple, la conception de la communication est souvent superficielle. La communication serait l'échange permanent, l'interaction continuelle, la soumission au présent. Cette conception étrange est partagée par les fanatiques du « réseau » et les défenseurs d'une culture sans « trivialité », c'est-à-dire pure et détachée de tous ses médiateurs. Elle permet aux premiers d'annoncer la liberté illusoire de la table rase et aux seconds d'accréditer l'idée d'une culture, une science ou des savoirs exempts de tout compromis, notamment lié à leur commercialisation et aux contraintes matérielles de leur diffusion. Cette opposition entre communication et transmission ne vaut pas mieux que la définition de l'une par l'autre. On ne peut jamais penser l'une sans l'autre. Le concept de communication est par exemple nécessaire pour analyser un document écrit datant d'une époque reculée. Celui-ci n'est jamais simplement une enveloppe contenant des décomptes, des ordres, un mythe, des idées, destinés à être transmis sans parasitage. C'est la mise en oeuvre d'une proposition de sens pour des publics donnés. Il dessine nécessairement la figure d'un lecteur. Il anticipe les modalités d'interprétation qui seront les siennes. Au fil des pratiques, des relectures ou des découvertes archéologiques, cette anticipation sera toujours prolongée ou au contraire déçue : c'est vrai aujourd'hui d'une conversation de café comme de la lecture de l'Encyclopédie. L'histoire récente des recherches conduit à une position tout aussi nuancée en ce qui concerne les rapports entre la communication comme pratique sociale et ses supports matériels et techniques. Les technologies médiatiques jouent un rôle essentiel dans le partage des représentations et la pérennité des oeuvres.
 
L'écriture permet par exemple de fixer des traces d'un certain nombre de savoirs, elle modifie à ce titre les dynamiques de la transmission des croyances et des idées. Mais surtout, le jeu qu'instituent les diverses écritures, de l'idéogramme au multimédia, entre leurs supports et leurs formes, crée au fil de l'histoire des cadres intellectuels et des ressources imaginaires. L'invention des écritures procède d'autre chose que la construction de contenus, elle institue la participation à une certaine qualité d'interrogation sur le monde : une invention qui a été diversement commentée, par des théoriciens comme Jack Goody, David Olson ou Anne-Marie Christin, qui y ont vu pour certains l'affirmation d'un certain ordre de rationalité, pour d'autres l'espace d'une pensée non-cantonnée au langage. Les sciences de la communication ne retiennent pas une conception déterministe des rapports entre dispositifs matériels et pratiques signifiantes : elles ne souscrivent pas à l'idée qu'un régime technique ou médiatique déterminerait une forme de la culture, l'oral entraînant par exemple la convivialité, l'imprimerie la scientificité et l'écran la consommation frivole. On ne peut prétendre, comme Marx soutenait par exemple que le moulin à eau engendra la féodalité, que tel régime technomédiatique (par exemple l'émergence du multimédia aujourd'hui ou de l'imprimerie au xve siècle) donnerait telle ou telle forme culturelle, système de croyance ou théorie. Ce que soulignent les recherches contemporaines en sciences de l'information et de la communication est qu'aucune production culturelle ne se pérennise ni ne se diffuse socialement par la simple multiplication physique de ses traces. Les objets ne font mémoire sociale que quand ils ont été transformés, réinterprétés et réinvestis par de nombreux créateurs inconnus.
  

De Yves Jeanneret: Professeur de sciences de l'information et de la communication à l'université Paris-IV (Celsa). Il a publié récemment L'Affaire Sokal ou la Querelle des impostures, Puf, 1998 ; Y a-t-il (vraiment) des technologies de l'information ?, Septentrion, 2000. Pour scienceshumaines.com.

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