11 mai 2013 6 11 /05 /mai /2013 11:21
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Question: Pourquoi avoir écrit un nouvel ouvrage sur la résilience ? Est-ce que tout n’était pas déjà dit ?
Le concept de résilience est entré très vite dans le langage courant. En gagnant en visibilité, il a perdu en exactitude, on trouve de plus en plus d'interprétations hasardeuses. Cette "boursouflure sémantique", qui consiste à simplifier pour rendre accessible, est une évolution normale, mais le terme nécessite d’être précisé, au fur et à mesure du temps et des livres qui l’évoquent.
 D'ailleurs, la demande est là : les gens sont en attente de précisions et d’explications sur une notion par laquelle ils se sentent concernés.
 
Pourquoi la résilience intéresse-t-elle autant ?  Est-ce qu’on souffre plus qu’avant ?
On ne souffre pas plus ou moins qu’avant, on souffre différemment. D’abord, parce qu’il n’y a pas deux souffrances qui se ressemblent, et pas de hiérarchies entre elles : on peut souffrir cruellement d’un mot de travers d’un proche, et traverser des catastrophes de façon plus sereine.
Ensuite, parce qu’en temps de guerre, l’exigence est portée sur le groupe. En temps de paix, c’est l’individu qui prime. Le centre de gravité s'est déplacé du groupe à l’individu, ce qui entraîne une exigence plus grande de chacun dans son épanouissement personnel.
 
Certes, mais tout le monde ne subit pas de traumatismes graves...
Il faut savoir qu’en dehors des guerres et des situations de violence physique ou sexuelle, il y a une autre forme de blessure, plus insidieuse et beaucoup plus fréquente : c’est l’isolement sensoriel, la carence affective qui naît d’un manque de tendresse d’un parent pour son enfant par exemple. Et cette souffrance-là est fréquente.
 
On a l'impression que, dans notre monde finalement assez protégé (pas de guerres, de violences...) on deviendrait finalement moins résistants à la souffrance ?
On est surtout plus attentifs à nos sensations, et aussi beaucoup plus vulnérables. Le monde humain est de moins en moins violent, mais le progrès social nous rend plus exposés. Les évolutions technologiques et culturelles tendent à favoriser l’immobilité et à effacer l’autre, à anéantir la relation. On est de plus en plus seuls.
 
Mais n'a-t-on pas parfois tendance à s’attacher à sa souffrance, qui devient une façon de se définir face aux autres ?
Si. Je pense que cette tendance provient de notre culture. Aujourd’hui, on encourage l’enfant blessé à faire une carrière de victime. Dans le traumatisme, il y a deux coups : le réel, c’est-à-dire ce qui a fait mal, et la représentation du réel, autrement dit l’idée que l’on s’en fait, sous le regard de l’autre. Si l’autre ne nous considère plus que comme une victime, comment sortir de cette peau ? J’ai connu un patient maltraité durant son enfance, à qui l’on avait toujours dit qu’il répèterait ce schéma sur ses enfants. Du coup, le simple fait de tomber amoureux le terrifiait !
 
La résilience est-elle possible pour tout le monde ?
Ce qui est clair, c’est que face à la souffrance, on a toujours deux possibilités : se laisser abattre, ou se battre. Ce qui va changer d'une personne à l'autre, ce sont les bagages qu’aura l’individu pour rebondir, sa construction psychique, et la culture dans laquelle il baigne, qui favorisera ou ralentira le processus de résilience.
 
Nous ne sommes donc pas tous égaux... 
Non. Mais attention, ce n’est surtout pas une question d’acquis ou d’inné, mais d'histoire personnelle. Ce qui donne la force d’affronter, c’est la confiance développée avant le traumatisme : un enfant qui a souffert d’un manque affectif de ses parents réagira plus vivement, car l’événement traumatisant rouvrira une blessure.
 
Comment peut agir l’entourage pour favoriser la résilience ?
Lorsqu'on vit un traumatisme (décès, violence sexuelle...), on se sent comme un épouvantail, effacé de la condition humaine. La réalité est trop dure à regarder, alors on se vide de soi-même, on se coupe de nos sensations, un peu comme une enveloppe vide. Si autour de moi je ressens de la solidarité affective, je réintègre peu à peu ma place d’être humain.
Offrir une tasse de café, parler à l’autre normalement, sourire... Tout cela passe par des petites choses banales pour quelqu’un qui vit normalement, mais d’un réconfort immense pour celui qui souffre.

On parle des proches, mais on doit aussi vivre avec le responsable de notre souffrance...
Oui, c’est l’angle nouveau que j’aborde dans cet ouvrage. J’ai voulu regarder du côté de ceux qui infligent la souffrance. J’ai cherché à comprendre comment et pourquoi ces hommes ont pu en arriver à commettre de telles horreurs, qu’il s’agisse d’attentats, de génocides...
Ma conclusion : ce sont des "pervers" ou des "pervertis". Pour les premiers, l’autre n’a jamais existé : ils sont restés au stade du nouveau-né, pour qui l’autre - la mère en l’occurrence - n’existe que pour le nourrir. Les seconds, les "pervertis", vivent dans deux mondes : un monde perverti, fait de cruauté, et un monde où il rentrent chez eux embrasser leurs enfants et aimer leur femme...
 
Mais dans les deux cas, peut-on considérer que ces hommes sont des monstres ?
Non, loin de là. Ce sont même des individus...anormalement normaux. Parce qu'être normal, c’est tout déployer pour s’intégrer à une masse. Ce désir d’appartenance fait naître un désir d’obéissance : on est prêt à tout pour satisfaire son groupe. Plus rien ne compte, sauf soi et le groupe auquel on veut s'intégrer. C’était le raisonnement des nazis pour qui, dans une obéissance totale à Hitler, tous ceux qui n’étaient pas aryens n’étaient rien. Les actes terrosristes de nos jours s'expliquent de la même manière.
 
Faut-il mettre un mouchoir sur sa souffrance pour la surmonter ?
Non, se mettre des œillères reviendrait à entrer dans le déni, qui bloque l’évolution. Il faut parvenir à ne pas se considérer comme une "victime", mais comme une "blessée de l’âme". Dans "victime", il y a quelque chose de figé : on démissionne, on se laisse abattre. Se considérer plutôt comme une "blessée de l’âme", c’est reconnaître qu’il y a eu un coup, mais qu’il y aura un "après-coup".
 
Finalement, la résilience, n'est-ce pas juste une façon de "faire avec" la souffrance ?
La résilience, ce n’est pas "faire avec", c’est "faire de". Tirer quelque chose de sa souffrance, et ne pas s’en accommoder. D’une épreuve peut naître le meilleur : on peut réussir à extraire d’un événement traumatisant un engagement politique, psychologique, ou encore artistique... D’ailleurs, on remarque qu’il y a un nombre incroyablement élevé d’artistes, d’écrivains, de psychiatres, chez les individus résilients.
 
Et le responsable de notre souffrance, qu'est-ce qu'on en fait ?
On observe souvent chez les victimes de catastrophes naturelles la naissance d’une fascination pour la cause du trauma : l’inondation, l’ouragan, le tsunami... C’est pareil quand le "coupable" est un voisin, une personne de l’entourage, ou un inconnu. La personne blessée va chercher à comprendre, à analyser, à trouver du sens à l’intention de l’autre. La victime devient spécialiste de l’agresseur. Cette "rage de comprendre" est comme un souffle de vie après le chaos.
 
Comment se déroule le passage de la souffrance à l'apaisement ?
Après un traumatisme, on ressasse, et la tristesse persiste. La rage de comprendre est une façon de métamorphoser la blessure. Dans la recherche d’explication va naître une vraie satisfaction : satisfaction de comprendre, satisfaction de réparer sa souffrance. La résilience abrite un drôle de couple, fait de tristesse et de plaisir.
Et en cherchant à comprendre, on se protège car on a moins peur de ce que l’on maîtrise ! En plus, l’énergie que l’on va déployer pour analyser empêche les réactions de vengeance. Or, se venger, c’est se soumettre. Pas s'apaiser. Seule la compréhension -qui n'est pas l'excuse !- peut apaiser.
 
Mais la souffrance ne disparaît pas d'un seul coup...
Bien sûr. Ce qui fait mal, après un traumatisme, c’est le réel, le souvenir, qui cognent le blessé. Certaines cultures, certaines familles contraignent au silence pour éviter cela. Sans compter que certaines situations paraissent "inracontables" pour celui qui les vit, par peur de blesser, d’être incompris ou rejeté.
 
Alors comment éviter de s'enfermer dans ses souvenirs ?
Il faut extérioriser par le langage. D’une façon plus générale, on parle de "tercérisation". Ce mot un peu barbare regroupe tous les procédés qui permettent d’éviter un affrontement entre le réel et le blessé, grâce au détour par un tiers. Ce tiers peut être la mentalisation, qui consiste à refaire son histoire autrement, à remanier les faits ; l’esthétisation, qui transforme la souffrance en beauté et donne naissance à de véritables œuvres d’art ; ou même l’humour : dégager les côtés ironiques ou insolites d’une situation permet de changer d’angle de vue sur l’événement, le temps d’un sourire ou d’un clin d’œil complice... C'est ainsi que l'on fait face nos épreuves des forces de vie. En tout cas, nous avons tous intérêt à essayer !
 
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