"Qu’est-ce que la bêtise ? Où est-elle ? Où se situe-t-elle ? Dans l’esprit ? Dans le corps ? Dans le langage ?"
Est-elle comme le pensait Gilles Deleuze, le rapport de l’individuation à ce qui ne peut prendre forme, la stupeur « constituant le non reconnu de toute recognition » ? Stupeur née de la pensée et qui retourne à elle comme une question proprement transcendantale qui nous force à nous demander : comment la bêtise et non l’erreur est-elle possible ?
Ou bien la bêtise est-elle comme le granit, ou bien comme la bête ? Ou bien la bêtise réside dans le fait d’être surpris par le regard de l’autre, comme l’énonça un jour Roland Barthes ? Son emprise en tout cas est si prégnante qu’on préfère ne pas la situer, ne pas la localiser, ou alors sous la forme d’idées reçues, de conventions par trop pesantes, ou d’objets insignifiants, laissant croire par exemple à Roquentin, le héros de La Nausée, que ses yeux ne rencontraient jamais que du plein.
On pourrait multiplier les entrées, littéraires ou philosophiques, mais cela ne nous renseigne pas plus sur la bêtise contemporaine...
Or, c’est de celle-ci que nous allons parler aujourd’hui. De la bêtise et du savoir au XXI siècle; De l’état de choc technologique qui parfois nous perturbe; De l’infantilisation qui nous guette; De la parole qui rend bête; Voire de la décrépitude de la société tel que nous la connaissons !
Nous allons en parler avec Bernard Stiegler, lors des "Rencontres et débats autrement":
Stiegler: Les éléments biographiques d'une vie hors-norme !
Bernard Stiegler commence, en 1969, des études (qu'il n'achèvera pas) d'assistant réalisateur au Conservatoire libre du cinéma français et poursuit, en 1973, par un stage d'analyste programmeur à l'IRIA (aujourd'hui dénommé INRIA).
Entre 1978 et 1983, il passe cinq années en prison à la prison Saint-Michel de Toulouse, puis au centre de détention de Muret, pour des attaques à main armée. Pendant son séjour carcéral, il suit par correspondance des études de philosophie à l'université Toulouse II-Le Mirail.
En 1983, il est consultant au cabinet TEN, spécialisé dans les questions de développement technologique et urbain.
En 1984, il est élu pour six ans directeur de programme de recherche au Collège international de philosophie puis, en 1985, chargé par le ministère de la Recherche d'une étude sur les enjeux des technologies d'information et de communication.
En 1987, il conçoit l'exposition « Mémoires du futur » et en assure le commissariat au Centre Georges Pompidou.
Enseignant chercheur à l'Université de technologie de Compiègne en 1988, il est chargé de séminaire à l'école d'architecture de Marseille-Luminy, sur les instruments de CAO et sur l'image numérique.
En 1989, il est chargé de constituer et présider un groupe de recherche auprès de la Bibliothèque nationale de France pour la conception de postes de lecture assistée par ordinateur. Ce travail donnera lieu à de nombreuses publications, et à la réalisation d'un prototype industriel par la société AIS Berger-Levrault. Un changement de gouvernement et un changement de direction à la BNF, en 1993, interrompront le projet.
En 1990, il est chargé d'écrire le scénario de l'exposition du pavillon français à l'Exposition universelle de Séville.
Sous la direction de Jacques Derrida, Bernard Stiegler soutient sa thèse à l'École des hautes études en sciences sociales en 1993 et obtient un doctorat de philosophie.
Professeur associé, et directeur de l'unité de recherche qu'il a fondée en 1993, « Connaissances, organisations et systèmes techniques » à l'Université de technologie de Compiègne (UTC), Bernard Stiegler a été directeur général adjoint de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), puis directeur de l'Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam) jusqu'à la fin 2005.
Il a lancé le projet LECAO (« lecture et écriture critiques assistées par ordinateur ») avec le soutien du ministère de la Recherche ; créé et lancé le séminaire de sciences et technologies cognitives de Compiègne, qui se poursuit depuis chaque année au cours de la dernière semaine de janvier, et qui aura reçu plus de mille doctorants et chercheurs français et étrangers ; lancé le programme OPEN (« outil personnalisable d'édition numérique », logiciel réalisé sur la base du logiciel 4D).