21 décembre 2011 3 21 /12 /décembre /2011 11:13

La pratique musicale développe l'intelligence verbale et la compréhension des émotions.


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Einstein était – aussi – un bon violoniste !

 

Selon une étude de l'Université de Toronto au Canada, la pratique de la musique augmenterait l'intelligence verbale des enfants, c'est-à-dire leur capacité de compréhension du discours d'autrui et leur propre expression. D'autres travaux de l'Université de Porto, au Portugal, montrent que la pratique régulière d'un instrument par un adulte améliore la compréhension des émotions d'autrui, car ces personnes sont plus sensibles aux intonations de la voix.

   

La première étude a consisté à faire participer des enfants âgés de quatre à cinq ans à des programmes d'initiation à la musique, où ils écoutaient des mélodies, apprenaient à les reconnaître, à identifier le timbre des instruments, etc. Les enfants devaient ensuite passer des tests d'intelligence verbale (compréhension de l'oral, raisonnement à partir de situations exposées verbalement, etc.). Comparativement à des petits n'ayant suivi aucun programme préalable, ou ayant suivi un programme d'introduction aux arts graphiques, les enfants initiés à la musique ont déployé des capacités supérieures d'intelligence verbale. Les psychologues y voient le signe d'un transfert de capacités cognitives musicales (mémorisation, repérage de structures temporelles et sonores) vers le domaine du raisonnement et du langage.

  

Dans la seconde étude, les psychologues ont fait écouter à des adultes âgés de 18 à 30 ans ou de 40 à 60 ans des phrases enregistrées, dont le ton exprimait six émotions différentes : la peur, la colère, le dégoût, la joie, la tristesse ou la surprise. Les résultats ont montré que les adultes ayant un bon niveau de pratique musicale identifient mieux, quel que soit leur âge, la plupart des émotions exprimées à travers la voix. Les personnes sans pratique musicale se trompent plus souvent.

  

La musique exerce l'oreille à déceler les variations dans la hauteur des sons, et familiarise en outre au monde émotionnel, qu'il s'agisse d'exprimer des émotions par des sons, d'identifier ses propres émotions, ou d'affûter sa sensibilité aux inflexions des phrases musicales et aux nuances associées aux différentes interprétations. L'avantage acquis en société est alors notable, étant donné que l'identification des émotions dans les voix fait partie de l'intelligence émotionnelle, liée au succès social et professionnel.

 

Sébastien Bohler pour www.pourlascience.fr

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17 décembre 2011 6 17 /12 /décembre /2011 19:30

« La guerre n’est pour moi que le symbole ultime de l'ignorance, de la cruauté et de la bêtise humaine déchaînées dans une folie collective... sans limites. Une partie de mon existence a été au service de la destruction ; elle a été consacrée à l’hostilité, à la haine, à la mort. Mais la vie m’est restée, et il s’agit désormais de travailler et de remettre au jour ce qu’ont enterré les années d’obus et de mitrailleuses... alors, les morts finiront par se taire. »  

 

Carine Trevisan, Les fables du deuil, PUF, 2002.


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Un monde sans limite. Essai pour une clinique psychanalytique du social

De Jean-Pierre Lebrun

 
 

 

Le psychanalyste peut-il contribuer à éclairer la crise qui affecte le social et la famille en cette fin de siècle ? En s'inspirant de Jacques Lacan, Jean-Pierre Lebrun décrit un monde dans lequel le développement de la technoscience a discrédité l'autorité paternelle jusqu'au sein même de la famille et ne lui permet plus d'équilibrer le pouvoir maternel. En effet, la psychanalyse souligne l'importance de la fonction paternelle dans la constitution de la réalité psychique du sujet. Or, le discours et les pratiques sociales d'aujourd'hui tendraient, selon J.-P. Lebrun, à disqualifier le père. En remplaçant, par exemple, la notion d'autorité paternelle par celle d'autorité parentale, elles tendent à substituer une paternité génétique à la paternité symbolique. Par ailleurs, affirme l'auteur, le discours de la science privilégie les énoncés (la description « objective »), au détriment de l'énonciation (le scientifique qui parle), véhiculant une illusion de toute-puissance, voire totalitaire.

 

Entre un discours scientifique tout- puissant et une famille qui met en congé le père, le champ est libre pour l'évitement de la frustration, elle-même engendrée par un encadrement viril. La rencontre d'un sujet toujours tenté de s'épargner le travail psychique nécessaire pour assumer l'insatisfaction fondamentale de notre condition humaine et d'un discours social qui lui laisse croire que l'ordre symbolique ne porte plus en lui cette inéluctable déception favorise l'apparition de pathologies nouvelles : toxicomanies, délinquance, état limites. Il revient au psychanalyste de faire reconnaître que la rationalité scientifique n'est pas toute-puissante, que l'ensemble de ses énoncés est marqué par la dimension de l'énonciation et que cette dernière, même s'il n'y a plus de père pour la garantir, est néanmoins garantie par le langage, et en cela irréductible.

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11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 08:22

Première émission:

Maladies neurodégénératives et environnement !

 

-Cliquez sur les logos France Culture pour écouter les podcasts-

 

France-Culture-copie-1

 

Avec : Marie Grosman, biologiste, spécialiste de santé publique et Roger Lenglet, philosophe et journaliste, auteurs de "Menace sur nos neurones" (Actes Sud, 2011).

 

Deuxième émission:

Causes et origines de l'explosion des maladies neurodégénératives ?

 

France-Culture-copie-1

 

Synopsis des émissions:

02.12.2011 - 14:00

     

Evolution de la maladie d'Alzheimer dans le monde Lamiot©Creative Commons.

   

« Près de 350 000 personnes bénéficient d’une prise en charge pour affection de longue durée de type maladie d’Alzheimer et maladies apparentées. Etroitement liée au vieillissement de la population et à l’allongement de la durée moyenne de vie, cette affection devrait continuer à progresser dans les prochaines années ». Ces phrases sont issues du site consacré au Plan Alzheimer 2008-2012 qui précise que 800 000 personnes sont aujourd’hui atteintes par cette maladie. En 2005, le rapport du député Jean-Michel Dubernard à l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, indiquait un chiffre plus élevé de 855 000 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et des syndromes apparentés avec 225 000 nouveaux cas chaque année. En 2020, ces pathologies pourraient ainsi concerner 1,3 million de personnes en France.

 

Les plans Alzheimer se succèdent mais la maladie, dont le nom englobe désormais souvent l’ensemble des pathologies neurodégénératives, semble loin de régresser. Et les familles touchées restent largement démunies face à une affection à l’évolution lente qui, plus qu’une invalidité physique, rend très problématique les relations entre le patient et leurs proches. L’association France-Alzheimer note que 40% des aidants décèdent avant le malade, ce qui démontre à quel point l’impact des maladies neurodégénératives dépasse le nombre des personnes atteintes. Ces pathologies constituent désormais une véritable épidémie et un problème de santé publique majeur. Leur coût pour la société française pourrait passer de 10 milliards d’euros en 2005 à 20 milliards d’euros en 2020. Face à la détresse des familles et des patients, la médecine semble largement désarmée, qu’il s’agisse du diagnostic ou du traitement.  

 

Comparaison d'un cerveau sain et d'un cerveau atteint par Alzheimer-ADEAR©Creative Commons.

 

Dans une telle situation, une vive polémique s’est développée autour des « médicaments », entre guillemets, anti-Alzheimer, certains allant jusqu’à considérer qu’ils ont plus tendance à écourter la vie des patients qu’à l’améliorer.

Une étude controversée car non publiée dans une revue scientifique a fait l’objet de la couverture et du dossier du magazine Science et Avenir du mois d’octobre 2011. Cette étude indique que la consommation chronique d’anxiolytiques et de somnifères augmenterait le risque d’entrée dans la maladie d’Alzheimer. L’étude pointe particulièrement la famille des benzodiazépines responsable d’une forte dépendance.

Un livre publié en septembre chez Actes Sud sous le titre  Menace sur nos neurones, Alzheimer, Parkinson et ceux qui en profitent…  soutient la thèse que les maladies du cerveau sont dues à de nombreux neurotoxiques, dont certains médicaments.

Que peut-on dire aujourd’hui sur ce vaste et douloureux problème qui touche tant de familles en les laissant dans un profond désarroi ?

 

Invités:

  

Marie Grosman, biologiste, spécialiste de santé publique, agrégée en sciences de la vie, diplômée en épidémiologie et en santé environnementale, coauteur avec Roger Lenglet de l'essai Menace sur nos neurones (Actes Sud, 2011),  

Philippe Masquelier,  médecin généraliste, vice-président de l’association Formindep,

Elena Pasca qui anime le blog Phamacritique , 

Jacques Selmès ancien interne des hôpitaux de Paris, a participé à la création et au développement d’Alzheimer Europeauteur de La maladie d'Alzheimer. Accompagnez votre proche au quotidien (John Libbey, 2011).

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3 décembre 2011 6 03 /12 /décembre /2011 12:14

Questions à la psychanalyste Gisèle Harrus-Révidi:

 

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Beaucoup de parents n’assument plus leur rôle affectif. Et l’enfant, pour compenser sa souffrance, se sacrifie en mûrissant trop vite. La psychanalyste Gisèle Harrus-Révidi consacre un ouvrage, Parents immatures et enfants adultes (Payot, 2004), à ce drame familial.

 

Ce phénomène concerne-t-il beaucoup de gens ?
 

Gisèle Harrus-Révidi : Je crois qu’actuellement, il touche une part non négligeable de la population. Et, curieusement, il n’a jamais été traité par les psychanalystes. Mûrir à son rythme, soutenu par des parents qui apportent un espace psychique pour penser et aimer, fait actuellement figure de luxe. Or, c’est une nécessité.

Le cinéma, la télévision montrent, sous l’angle de la comédie, des parents infantiles pris en charge par leurs enfants. On en rit, mais dans la réalité, c’est tragique : l’enfant est obligé d’endosser le rôle de parents de ses propres parents. Et se sent coupable de ne pas y arriver. Le pire est que cette hypermaturité est le destin le plus enviable quand on a ce type de parents. Seul l’individu qui a pu trouver un soutien, des modèles en dehors de sa famille y accède. La norme serait plutôt la répétition de l’immaturité parentale.

 

Qu’est-ce qu’un parent immature ? Un parent qui se veut “cool” ?
 

Il est très difficile de dresser un tableau clinique complet de l’immaturité – ou de l’hypermaturité. En effet, certains parents – ou enfants – présenteront tels traits caractéristiques et pas tels autres. Néanmoins, des constantes apparaissent. En premier lieu, l’immaturité affective décrite ici est très différente de l’immaturité bien visible du « parent copain ». Les parents dont je parle ont pour particularité première de nier la spécificité de l’enfance : ils sont indifférents à la leur, qu’ils évoquent sans la moindre émotion. Ils ont, très clairement, un problème important avec le temps et les souvenirs. C’est comme s’ils évoluaient dans une temporalité immobile. D’ailleurs, ils ont la particularité de paraître nettement plus jeunes que leur âge. On a l’impression que les événements n’ont nulle prise sur eux.

Ces parents sont également très centrés sur eux-mêmes, au point d’être totalement sourds aux besoins de réassurance, de soutien et d’affection de leur enfant. Ils ne le protègent pas, n’éprouvent aucun sentiment de devoir vis-à-vis de lui. Leur fille rêve de faire de la danse ? Si le professeur habite trop loin à leur goût, ces parents ne vont pas sacrifier leur bien-être, et la fillette devra renoncer à sa passion. De plus, l’adulte immature manque d’esprit pratique. Les gestes de la vie courante sont exécutés en dépit du bon sens : un marteau servira de casse-noisettes, ou bien les assiettes seront entreposées dans la salle de bains. Il est fréquent que les patients ayant eu de tels parents se plaignent d’attitudes à la limite du sadisme. L’un d’eux me confiait que ses parents s’étaient amusés à lui laisser croire qu’il était possible d’épouser son père ou sa mère !

 

Pourquoi les individus immatures fondent-ils des familles ?

 

Pour faire comme tout le monde et, parfois même, dans le secret espoir que, plus tard, leurs enfants s’occuperont d’eux. Ce ne sont pas de "vrais" parents, mais d’éternels enfants.

 

En quoi est-ce problématique d’être hypermature ?
 

Une de mes patientes me racontait qu’elle avait toujours restreint ses envies et ses besoins, parce que ses parents n’étaient jamais disponibles. Elle voulait qu’ils l’aiment, aussi faisait-elle ce qu’ils attendaient : elle essayait de se rendre inexistante, et devenait une petite souris dans son coin. Malgré ça, elle avait tout le temps conscience qu’elle les dérangeait. Elle ne faisait jamais de caprices, parce qu’elle n’avait pas suffisamment confiance en eux pour en faire. Pour elle, faire des caprices, c’était se savoir aimée. L’hypermature doit donc lutter contre ces deux lieux communs : que toute mère est dotée d’un instinct maternel, et que les parents veulent forcément le bonheur de leurs enfants. Il a vécu exactement l’inverse.

De plus, il constate que ses choix, sa vision du monde sont sans rapport avec ceux de son entourage. D’où un sentiment de différence très inconfortable. Vu de l’extérieur, l’ancien enfant hypermature est souvent quelqu’un qui réussit professionnellement, notamment dans les métiers de soin, car, depuis son plus jeune âge, il a pris les autres en charge. Mais derrière la façade, quelle souffrance ! Profondément, l’hypermature ne s’aime pas et ne se trouve pas aimable. Généralement, c’est un grand angoissé, qui se sent en permanence le dos au mur et qui tend à tout intellectualiser pour se protéger. Ses failles affectives peuvent cependant être comblées, dans une certaine mesure, par un travail sur soi.

Comment agir avec des parents qui ont gâché votre vie ?

 

Les haïr, s’acharner violemment sur eux, reviendrait à reprocher à un myope sa myopie. Il faut se protéger, en leur disant par exemple : « Je t’interdis de me parler comme ça, c’est inacceptable. » Impossible de leur en demander plus. Ils ne deviendront jamais de gentils parents.

 

Que faire si l’on se reconnaît dans le portrait de l’immature ?
 

Les immatures ne se reconnaissent pas du tout dans les descriptions qui sont faites d’eux, car ils ont l’impression de faire énormément pour leur entourage.


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Parents immatures et enfants adultes (Payot, 2004) - Gisèle Harrus-Révidi - psychologie.com

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2 décembre 2011 5 02 /12 /décembre /2011 10:55

Quelques rappels qui aident efficacement à comprendre les syndromes de sevrage:

 

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Le syndrome de sevrage à l'arrêt des benzodiazépines comprend des signes d'anxiété, un rebond de l'insomnie mais aussi diverses perturbations des perceptions telles que hallucinations, distorsion de l'image corporelle, confusion mentale. À l'arrêt des benzodiazépines prises à dose élevée, surviennent parfois des troubles neurologiques tels que convulsions ou confusions.

 

Quand le sommeil est de retour, la durée du sommeil paradoxal augmente, d'où la survenue de nombreux cauchemars. Ces symptômes font croire à tort que le médicament était efficace, et sont parfois la cause d'un usage prolongé de benzodiazépine.

 

La sévérité du syndrome de sevrage semble liée à la durée du traitement, à l'utilisation de doses élevées de benzodiazépine, ou d'une benzodiazépine à demi-vie courte. Les patients âgés semblent particulièrement sensibles au syndrome de sevrage.

 

Chez les adultes, il est démontré qu'un syndrome de sevrage est moins fréquent quand l'arrêt des benzodiazépines est progressif et associé à une information sur les problèmes liés aux benzodiazépines et à une thérapie comportementale.

 

Certains essais ont montré que des interventions ponctuelles amènent environ 25 % des patients à diminuer voire à arrêter complètement le médicament, alors qu'ils étaient satisfaits de leur traitement médicamenteux et qu'ils ne demandaient qu'à le poursuivre. Les interventions testées consistaient à informer les patients sur les effets indésirables des benzodiazépines et sur les signes de sevrage, sur les principes physiologiques du sommeil et à proposer un aménagement de la stratégie d'endormissement du type "contrôle par le stimulus", lors de consultations spécifiques hebdomadaires.

 

Chez un patient qui est sous benzodiazépine depuis un certain temps et qui dort mal, il est fréquent que le médicament ne soit plus efficace sur le sommeil alors que les effets indésirables persistent, notamment sur la mémoire et la vigilance. Mieux vaut alors amener le patient à prendre conscience de ce problème, et envisager un sevrage très progressif du médicament.

    

Revue Prescrire ; 28 (292) : 115.

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2 décembre 2011 5 02 /12 /décembre /2011 10:52

Serge Tisseron, Psychiatre et Psychanalyste, auteur de Nos secrets de famille, explique les conséquences des secrets et tabous familiaux.

 

secret de famille

  

Les secrets de famille sont la cause de troubles affectifs qui se transmettent de parents à enfants. Ils peuvent faire obstacle, à leur tour, au bon déroulement des acquisitions scolaires.

 

La transmission trouve évidemment son terrain de choix dans la famille et dans l'école. L'importance de l'une et de l'autre rend d'autant plus essentielle leur complémentarité. Or les processus de transmission à l'oeuvre dans la famille et dans l'école peuvent s'étayer, mais ils peuvent aussi s'annuler. Une telle situation peut porter sur un contenu - par exemple en cas de désaccord d'une famille sur certaines valeurs transmises à l'école, comme la laïcité -, mais elle peut aussi porter sur la capacité de l'enfant à bénéficier des transmissions scolaires. Pour que l'enfant puisse bénéficier de la situation de transmission, il faut en effet qu'il accepte que l'adulte soit en situation de lui transmettre et être capable d'intégrer ses expériences nouvelles à l'ensemble de sa personnalité. Or, ces deux processus peuvent être gravement gênés par l'existence de secrets.

 

Les enfants qui grandissent dans des familles où il existe des secrets graves présentent souvent des troubles de leurs apprentissages scolaires. Ils sont, par exemple, rêveurs, dissipés, ou concentrent leur intérêt sur une seule matière aux dépens de toutes les autres.

 

Pour comprendre ce processus, nous devons, il est vrai, rompre avec un certain nombre d'erreurs qui entourent la notion de secret de famille. Tout d'abord, un secret de famille n'est pas seulement quelque chose que l'on ne dit pas, puisque nous ne disons bien entendu pas tout et à tout moment. Il porte à la fois sur un contenu qui est caché et sur un interdit de dire et même de comprendre qu'il puisse y avoir, dans une famille, quelque chose qui fasse l'objet d'un secret. En outre, dans leur grande majorité, les secrets ne sont pas organisés autour d'événements coupables ou honteux comme on le croit souvent. Les fameuses « fautes de nos ancêtres » ne sont qu'une source très minime de secrets de famille. La plupart d'entre eux sont en fait organisés autour de traumatismes vécus par une génération et incomplètement symbolisés par elle. Il peut s'agir de traumatismes privés, comme un deuil, mais aussi collectifs comme une guerre ou une catastrophe naturelle.

 

Ces événements n'ont pas reçu de mise en forme verbale, mais ils ont toujours été partiellement symbolisés sous la forme de gestes et d'attitudes et, parfois aussi, d'images montrées ou racontées en famille. En effet, la symbolisation n'est pas seulement verbale. Elle est aussi sensori-motrice, à travers les gestes, attitudes, mimiques, et elle est également imagée à travers les images construites ou seulement imaginées. Ces symbolisations partielles peuvent, dans le cas d'événements douloureux, se traduire chez les parents par des silences ou des propos énigmatiques, des pleurs ou des colères sans motif apparent, totalement incompréhensibles pour leurs enfants.

 

Ceux-ci vont se trouver, de ce fait, confrontés à de grandes difficultés. Un parent leur manifeste des émotions, des sensations et des états du corps en relation avec une expérience forte, mais sans pouvoir leur confirmer la nature de ce qu'il éprouve et encore moins leur en expliquer la raison. Ses attitudes et ses gestes peuvent notamment entrer en contradiction avec les mots qu'il prononce, mais aussi entre eux, et être même parfois totalement déplacés par rapport à la situation.

 

C'est, par exemple, le cas de la mère qui regarde son enfant en souriant puis cesse brusquement de sourire et s'assombrit. Ou bien, c'est le cas du père qui tient son enfant sur ses genoux en regardant la télévision, et se raidit soudain en écartant l'enfant. Ces changements brutaux d'attitude, de mimique, de comportement ou d'intonation ont toujours une cause précise. Par exemple, la mère a cru soudain voir dans le regard de son enfant, ou même dans la seule forme de son visage, quelque chose qui lui a rappelé le visage de son propre frère à un moment où elle a eu très peur de lui. Le père qui regardait tranquillement la télévision a soudain été bouleversé parce qu'un mot ou une image a réveillé un souvenir terrible de son histoire passée. A travers ces « suintements » du secret - qui peuvent être aussi bien des mots répétés, des lapsus ou des comportements -, l'enfant pressent une souffrance chez son parent.

 

Considérés d'un point de vue extérieur, les secrets de famille consistent donc en événements gardés cachés sur plusieurs générations. Mais, pour les enfants qui grandissent en y étant confrontés, l'important ne réside pas dans l'événement initial qu'il leur est de toute façon le plus souvent impossible à connaître. Il consiste dans leurs questions et leurs doutes à son sujet, et, plus encore, dans les choix qui en découlent.

Face à cette souffrance dissimulée, l'enfant peut en effet réagir de trois manières différentes, qui peuvent chacune porter ombrage à ses apprentissages.

 

D'abord, il peut imaginer qu'il est lui-même le responsable de la souffrance qu'il pressent chez son parent et s'engager dans la voie de la culpabilité. Cette manière de réagir est plutôt caractéristique de la petite enfance. Dans les premières années de la vie, en effet, l'enfant se sent volontiers l'origine et la cause de ce qu'il perçoit chez les adultes qui l'entourent.

 

Perte de confiance envers les autres et soi-même

L'enfant plus grand imagine volontiers que ses parents sont coupables de quelques actes terribles qu'ils voudraient lui cacher. Il n'est pas tant sujet à la culpabilité qu'à la perte de confiance en ses parents. Cette perte de confiance peut s'étendre aux adultes auxquels ces derniers sont appelés à déléguer une partie de leur pouvoir, en particulier les enseignants. Enfin, il est également possible que l'enfant perde confiance en ses propres capacités. C'est le cas lorsqu'il est confronté à des parents qui lui affirment que les choses ne sont pas telles qu'il les a vues ou entendues. L'enfant a alors l'impression de ne plus pouvoir faire confiance en ses propres capacités. Il perd confiance en lui, et il peut finir par douter de la réalité de ce qu'il voit et entend, et même de l'ensemble de ses capacités psychiques. Par ailleurs, les enfants qui grandissent dans une famille à secrets deviennent souvent à leur tour des adultes qui créent de nouvelles situations de secrets. Comme ils ne peuvent pas maîtriser les secrets dont ils sont victimes, ils tentent d'en créer d'autres qu'ils puissent contrôler. Mais leurs enfants risquent bien d'en être perturbés à leur tour. En tous cas, un secret de famille anodin - ou que tout le monde connaît et fait semblant d'ignorer - en cache bien souvent un autre, qui peut être très grave, dans les générations précédentes. Heureusement, tous les traumatismes n'engendrent pas forcément un secret, car il est toujours possible d'évaluer et de surmonter leurs effets.

 

La transmission d'un secret collectif

La plupart des secrets sont liés à un traumatisme non-surmonté, qui peut être individuel, comme un deuil ou une fausse couche, ou collectif : les catastrophes naturelles, les attentats et les guerres sont des sources importantes de secrets dans lesquelles le silence familial est redoublé par le silence social. La transmission peut alors être malade au niveau d'un pays entier, comme le montre le cas de l'Allemagne de l'Ouest après la guerre. Ce pays, à partir de 1950 et encore plus après 1980, s'est en effet si bien engagé dans un effort d'explication du national-socialisme que certains historiens l'ont pris comme modèle de nation authentiquement désireuse de tourner la page d'un passé tragique.

 

Les enfants d'âge scolaire ont bénéficié de films, d'émissions de télévision, d'expositions photographiques et d'interventions scolaires sur les crimes du nazisme. Pourtant, certains historiens nient qu'il y ait eu dans l'Allemagne d'après-guerre une véritable volonté d'expliquer cette période. Comment rendre compte de cet apparente contradiction ?

 

En fait, il n'y a pas eu deux consignes opposées données aux mêmes institutions qui auraient été : « Parlons du national-socialisme » et « Ne parlons pas du national-socialisme ». Si tel avait été le cas, il aurait été possible de dénoncer la duplicité officielle beaucoup plus tôt, et les historiens ne se seraient pas privés de le faire. En réalité, les deux messages différents ont été délivrés à deux instances distinctes. D'un côté, l'Etat a encouragé indirectement ses institutions et notamment l'école, à évoquer les crimes du national-socialisme. D'un autre côté, le même Etat a encouragé le silence familial sur cette période de l'histoire allemande. Un propos couramment tenu par les politiques allemands, toutes tendances confondues, était alors que la gravité de ces événements justifiait que l'on respecte le silence sur eux. Ils ne conseillaient pas aux parents de se taire, mais le résultat était le même. Les parents réticents à parler de ce qu'ils avaient vécu entre 1933 et 1945 se sentaient justifiés de se taire et leurs enfants culpabilisaient de vouloir insister. En pratique, cela signifiait qu'un enfant qui entendait parler longuement de la guerre à l'école, puis qui rentrait chez lui et tentait de parler avec ses parents, se heurtait à leur silence. Il intériorisait vite l'idée que poser des questions était incorrect.

 

Cette politique a produit une génération née après-guerre qui s'est trouvée prise entre les deux feux de la mémoire officielle et du silence familial. Cette situation permet de comprendre le refus manifesté aujourd'hui par certains Allemands d'une « culpabilisation excessive » de leur pays. En fait, quand un Allemand né après la guerre déclare : « Je ne me laisserai pas culpabiliser par des événements auxquels je n'ai pas participé puisque je suis né après la guerre », il faut entendre aussi qu'il dit d'abord : « Je ne vous laisserai pas culpabiliser mes parents. »

 

A partir de cet exemple, on comprend que la question de la mémoire ne se laisse pas ramener seulement aux deux pôles de l'individu et du collectif. Il faut y ajouter celui de la mémoire familiale, et comparer la transmission réalisée par les institutions officielles, comme l'école, à celle qui s'effectue dans les familles.

Dans le cas de l'Allemagne de l'Ouest, un secret collectif non-élaboré a produit des déficits dans les transmissions familiales, et celles-ci ont à leur tour perturbé la transmission du message sur le nazisme délivré par l'école.

 

Les parents contre l'école ?

Ce qui précède peut laisser imaginer que l'école et la famille devraient absolument tenir le même discours et transmettre les mêmes attitudes. Il semble important, cependant, de maintenir certaines séparations entre les deux. Le désir que manifestent aujourd'hui certains parents de contrôler tout ce qui se fait dans l'école peut en effet avoir des conséquences catastrophiques. On se souvient que la question du foulard islamique a été considérée par certains comme une tentative menée par des parents intégristes pour imposer leur loi à leur fille jusque dans l'école laïque.

 

Mais il n'y a pas que les parents intégristes à vouloir imposer leur regard et leur contrôle sur l'école. Certains parents ayant des enfants en crèche, par exemple, demandent l'installation de webcaméras à l'intérieur de ces établissements. La première crèche ainsi équipée se trouve à Issy-les-Moulineaux. Les parents peuvent ainsi avoir accès, via un numéro de code personnel, à un site Internet sur lequel ils surveillent leur bambin à son insu ainsi que le personnel chargé de s'en occuper. Derrière cette affaire de caméras, on trouve le désir inconscient de la part des parents d'empêcher le nécessaire travail de séparation des enfants et aussi de retarder le leur. La période de la crèche est celle qui permet aux uns et aux autres d'en aborder la première étape. Du côté des parents, elle exige qu'ils acceptent de déléguer le pouvoir de rassurer leur enfant à des tiers « maternants », comme ils accepteront plus tard de déléguer le pouvoir de l'éduquer à des tiers « paternants ». Dans les deux cas, il s'agit pour eux d'accepter de perdre une partie de leur toute-puissance, et de considérer l'enfant comme un sujet à part entière.

 

C'est un droit que les lieux de vie collectifs existant actuellement garantissent. Mais il y a un risque que le cordon ombilical virtuel établi via Internet fasse obstacle à l'apprentissage en collectivité loin du regard des parents. Certains parents, et notamment certaines mères, seront ravies d'en faire l'économie. On peut imaginer les propos ambigus qu'un parent ayant vu son enfant la journée, par caméra interposée, pourra lui tenir le soir à son retour de la crèche : « Tu ne m'as pas vu, mais moi je t'ai vu, tu as fait ceci ou cela ! » Ou même : « Si tu le désires, tu peux me faire coucou pendant la journée, où que je sois, je te verrai ! ».

 

Tous les enfants ont aujourd'hui la possibilité d'échapper à leur milieu familial le temps de leur intégration dans une collectivité, qu'il s'agisse d'une crèche, d'une école ou d'un club. Ils y gagnent d'être confrontés à d'autres regards sur eux que ceux de leurs parents, et donc à un autre point de vue sur leurs apprentissages et leurs possibilités. La loi Guizot (1833) a tenté de garantir l'indépendance des écoles par rapport aux autorités locales. Il est peut-être important de réfléchir à leur indépendance par rapport à l'autorité familiale. Les spécialistes de l'enfance savent combien il est important de respecter l'hétérogénéité des apprentissages en fonction des lieux et des interlocuteurs avec lesquels ceux-ci sont mis en jeu : certaines acquisitions sont d'abord faites à la maison et d'autres en collectivité, et il est essentiel de ne pas pousser l'enfant à se développer forcément au même rythme et de la même façon dans ces deux lieux. A travers cette hétérogénéité des apprentissages et la manière dont l'enfant les traduit et les manifeste, c'est la découverte de sa liberté qui est en jeu.

 

Dans les années 1960, le couple école-famille semblait valoir à la mesure de leurs ressemblances ou de leurs différences. Les travaux du sociologue Pierre Bourdieu, en particulier, affirmaient qu'en dépit de sa vocation démocratique, l'école publique travaillait à reproduire les inégalités sociales en place. L'enfant n'était censé bénéficier d'une véritable potentialisation de ses capacités que lorsque les connaissances et les manières de faire véhiculées par l'école étaient identiques à celles de la famille. La synergie des informations et des « habitus » véhiculés par l'école et la famille constituait une sorte de « turbo » qui propulsait l'enfant bien né vers le succès. Au contraire, lorsque le décalage entre la culture familiale et celle de l'école était important, comme c'est souvent le cas dans les familles défavorisées, l'enfant développait un handicap qui se traduisait notamment par l'échec scolaire. Ce système diabolique méritait bien le nom sous lequel P. Bourdieu l'a rendu célèbre, la « reproduction ».

 

L'illusion du déterminisme social

On est bien obligé de constater que les choses ne sont pas si simples. Certains enfants issus de milieux particulièrement défavorisés s'élèvent très haut dans la hiérarchie sociale, et P. Bourdieu en est un exemple. D'autres enfants, issus de milieux aisés, auxquels le « capital culturel » ne manque pas, échouent pourtant lamentablement, à la fois scolairement et socialement, et ceci indépendamment de leurs capacités intellectuelles.

 

En fait, les performances scolaires d'un enfant ne sont pas seulement fonction de son intelligence et de l'aide que lui apporte son milieu familial, ne serait-ce que par imprégnation. Elles dépendent aussi de sa capacité à se donner des représentations personnelles, intégrées à sa personnalité, de ce que l'école vise à lui transmettre. Or certains enfants se heurtent sur ce chemin à un blocage de leurs capacités de symbolisation, parce que certaines de leurs expériences faites en famille sont pour eux interdites de symbolisation. Il peut s'agir d'expériences vécues une seule fois, comme des sévices sexuels ponctuels. Mais ce sont plus souvent des expériences faites un peu chaque jour, comme c'est le cas lorsqu'il existe un secret de famille.

 

Le résultat est le même dans tous les cas. Le blocage des processus de symbolisation autour de cette expérience capitale pour l'enfant porte ombrage à l'ensemble de ses performances d'apprentissage. Autrement dit, même lorsque le capital culturel ne manque pas à de tels enfants, il est difficilement utilisable. Pire encore, parfois, ces enfants issus de milieux privilégiés « jettent le bébé avec l'eau du bain » : ils « vomissent » en quelque sorte leur capital culturel. Celui-ci leur apparaît en effet comme une forme grave d'hypocrisie : c'est à leurs yeux le masque derrière lequel leur famille dissimule des secrets inavouables.

 

On comprend ainsi comment des enfants issus de familles aisées et cultivées en viennent à refuser les facilités que leur milieu leur offre et s'engagent dans une carrière d'échecs scolaires, voire de délinquance ou de toxicomanie. Accepter l'héritage social serait pour eux accepter l'hypocrisie familiale. D'autres « jettent leur gourme » et essayent de tout reprendre à zéro, avec plus ou moins de succès.

 

A l'inverse, il arrive que des enfants issus de milieux particulièrement défavorisés, à la fois sur les plans des capitaux matériel, culturel et relationnel, réussissent brillamment dans leurs études. Quand on connaît de tels enfants, on s'aperçoit toujours que leur milieu familial encourage leur travail psychique de symbolisation. Lorsqu'il s'agit de familles d'immigrés, notamment, les conditions de l'immigration et la période qui l'a précédée font l'objet de récits, et il existe souvent des photographies qui en témoignent. Enfin, de façon générale, aucun événement vécu par l'enfant n'est interdit de parole. Ce travail d'assimilation psychique des expériences du monde familial se prolonge alors naturellement dans un travail d'assimilation psychique des expériences du monde scolaire.

Dans la transmission, ce qui importe, ce n'est pas le contenu, c'est la capacité de pouvoir se construire des représentations personnelles de ses expériences du monde, autrement dit la capacité de symbolisation.

 

Lorsqu'elle est mise en défaut par un secret, privé ou social, l'aptitude des enfants à bénéficier de toutes les formes de transmission, aussi bien familiales que scolaires, peut être gravement perturbée. C'est pourquoi les parents ont avantage à évoquer avec leurs enfants les questions douloureuses qui les travaillent. Il ne s'agit pas de « tout leur expliquer », mais de les rassurer sur le fait qu'ils ne sont pas responsables des souffrances de leurs parents. En outre, en parlant tôt de ces questions, les parents se familiarisent eux-mêmes avec les mots pour les dire. Quand l'enfant devient assez grand pour tout comprendre, les mots viennent facilement sur leurs lèvres, et ils établissent ainsi une communication qui permet à l'enfant de se construire et de bénéficier de tous les nouveaux apprentissages auxquels il peut être confronté, scolaires ou non.

 

www.scienceshumaines.com

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29 novembre 2011 2 29 /11 /novembre /2011 16:10

La dignité de penser de Roland Gori – Editions LLL - "Les Liens qui Libèrent".


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Voici un livre qui démontre magistralement combien notre société est vampirisée par les chiffres, la norme et l’obsession de la performance. Relations sociales, économie, santé mentale, jamais nous nous sommes autant affranchis de l’humain – cette aptitude à accepter et sublimer sa vulnérabilité -, du psychisme, du respect de soi et des autres. Un essai remarquable qui déconstruit notre monde et pose la question de l’urgence de retrouver le sens du récit, c’est-à-dire notre capacité à penser et imaginer hors de la soumission à l’ordre dominant de la technique et de la marchandise.

 

Introduction de l'ouvrage:


Au nom d’un « rationalisme économique morbide » une

nouvelle colonisation des esprits envahit la planète. Avec ses

agences d’évaluation et ses hommes de main, cette « religion

du marché » interdit de penser le monde, notre monde,

autrement que comme un stock de marchandises ou de

produits financiers.

 

Pour réaliser cette nouvelle manière de civiliser les

moeurs il fallait faire chuter la valeur de l’expérience et celle

du récit – de la parole – qui la transmet. En faisant baisser

le cours de la parole au profit de l’information, de sa part

la plus technique et mesurable, nous perdons le monde

commun, nous perdons notre monde. Et plus encore en

Occident, nous nous habituons à lâcher la démocratie pour

l’ombre d’une technocratie qui organise insidieusement

nos servitudes volontaires.

 

Cet ouvrage invite au retour du politique pour retrouver

les conditions sociales et culturelles permettant de penser,

de juger et de décider. Cela exige que soit d’abord interrogé

le statut du savoir dans la culture, son rapport à l’expérience

et aux pratiques sociales. Mais comment retrouver aujourd’hui

la dignité de penser dans une culture qui ignore la

légitimité du savoir du conte, du rêve, du jeu et de leurs

récits ? La France qui se lève tôt a-t-elle encore le temps de

raconter sa vie, son histoire et ses rêves ?

 

                                        --------------------

 

Roland Gori est professeur émérite de psychopathologie clinique à

l’université d’Aix-Marseille et psychanalyste. Il a été en 2009 l’initiateur

de l’Appel des appels. Il a récemment publié:  

Logique des passions (2002), La Santé totalitaire (avec M.-J. Del Volgo, 2005),

Exilés de l’intime (avec M.-J. Del Volgo, 2008), La Preuve par la parole (2008),

L’Appel des appels Pour une insurrection des consciences (avec B. Cassin et Ch. Laval,

2009), De quoi la psychanalyse est-elle le nom ? Démocratie et subjectivité

(2010), La folie évaluation (avec A. Abelhauser et M.-J. Sauret, 2011).

 

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29 novembre 2011 2 29 /11 /novembre /2011 16:06

France-Culture

 

-Une pétition de "l'appel des appels"-

 

Premiers signataires:

Vincent de Gaulejac, Université Paris Diderot, sociologie

Roland Gori, Université d’Aix-Marseille, psychopathologie

Jean Philippe Bouilloud, ESCP-EAP, Gestion

Marie-José Del Volgo, Faculté de médecine d’Aix-Marseille

Christian Laval, Université de Nanterre, sociologie

Christine Delory Monberger, Université Paris XIII, Sciences de l’éducation

Danièle Linhart, CNRS, Sociologie

Florence Giust Desprairies, Université Paris Diderot, psychosociologie sociale

Danilo Martuccelli, Université Paris Descartes, sociologie

Yves Polack, CHU Bicat-Beaujon, Médecine

Jean Pol Tassin, Collège de France – Paris 6 Pierre et Marie Curie, neurobiologie

Barbara Cassin, CNRS, philosophie

Ingrid France Université Pierre Mendès-France Grenoble, économie

Michel Chauvière, CNRS, sociologie

Fabrice Leroy, Université Lille 3, psychopathologie

 

Aujourd’hui, il devient chaque jour plus évident que la mise en place des réformes récentes au sein de l’Université, de l’Education Nationale et des organismes de recherche (Loi de Réforme des Universités, Révision Générale des Politiques Publiques, Evaluations AERES) heurte de front les valeurs qui nous animent et nos missions premières : produire de la connaissance et partager le savoir.

 

Les paradigmes qui la sous-tendent sont ceux qui inspiraient, en son temps, les politiques de Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Le New Public Management est né aux mêmes sources que les théories néo-libérales. Conçu dans les multinationales, il a servi de modèle pour « moderniser » les entreprises publiques et réformer les institutions publiques. Les réformes actuelles mettent en œuvre les mêmes principes : la rentabilité plutôt que l’intérêt général, la compétition plutôt que la coopération, la concurrence plutôt que la solidarité, l’utilité productiviste plutôt que l’amélioration du bien être collectif.

La recherche de la haute performance devient le critère ultime pour exister. Cette conception utilitariste de l’excellence produit l’exclusion et intensifie la lutte des places dans tous les secteurs. Le management par projet nous conduit à passer plus de temps pour acquérir les moyens de travailler qu’à travailler vraiment. Il affecte les ressources à des projets incertains en les réduisant d’autant pour nos activités d’enseignement et de recherche. L’évaluation prescriptive et quantitative pervertit les fondements même de la recherche, fondés sur la discussion publique, l’argumentation et la controverse.

 

L’idéologie des ressources humaines instrumentalise l’humain pour le soumettre à des critères de productivité immédiate et de rentabilité. La culture de l’urgence nous entraîne dans une course permanente qui empêche de prendre le temps de la réflexion et de la critique. Les exigences opérationnelles envahissent l’institution au détriment de nos tâches premières. Les primes, les classements et la segmentation des statuts cassent nos collectifs de travail, renforcent le chacun pour soi, le découragement et la déception car « un gagnant » produit de fait une multitude de perdants. La reconnaissance n’est plus celle que confère le « travail bien fait » mais dépend de grilles et de critères d’évaluation importés de l’extérieur. Comme si  l’objectif de gagner des places au classement de Shanghai était l’alpha et l’oméga de la nouvelle gouvernance universitaire.

 

Nous avons aimé notre université. Nous l’avons servie avec passion. Aujourd’hui l’amour du métier se délite, nous assistons à la montée du découragement, du dépit et de la colère. L’institution ne cherche plus à nous donner les moyens d’assurer notre mission, elle nous délivre des injonctions contradictoires en multipliant les projets, les évaluations, les appels d’offre, les réorganisations, qui n’améliorent en rien nos conditions de travail, l’accueil des étudiants, le suivi de nos recherches.

 

Si certains projets sont porteurs de nouvelles possibilités et peuvent contribuer à une plus grande indépendance des chercheurs, nous récusons les logiques évaluatrices de l’AERES, du Ministère de l’Enseignement et la Recherche, des ANR, des pôles d’excellence (PRES), des projets de Labex et  d’Idex. Nous refusons une politique destinée à classer les établissements, les laboratoires, les chercheurs, les publications, les formations et à éliminer tout ce qui n’entre pas dans les normes prescriptives qu’elle met en œuvre. Nous contestons une forme de gestion qui distille une philosophie contraire à l’esprit de service public et aux valeurs qui fondent l’exercice de nos métiers : l’imagination, la curiosité, le non-conformisme et la coopération au service d’un monde commun.

 

Nous affirmons notre volonté de rebâtir une université de tous les savoirs et pour tous les publics et notre souhait de nous mobiliser sur le cœur de notre métier, l’enseignement et la recherche, plutôt que nous engager dans une organisation par projets qui nous oblige à investir dans l’aléatoire. Nous vous invitons à rejoindre l’Appel des Appels et tous les mouvements de résistance qui s’organisent dans toutes les institutions de la République confrontées à l’idéologie managériale et à la nouvelle gestion publique.

   

Signez la petition sur le site: www.appeldesappels.org/petition/

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26 novembre 2011 6 26 /11 /novembre /2011 14:35

Un mouvement de chercheurs milite pour stopper la course à la productivité et à l'« excellence » scientifiques. 

     

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Autrefois, les chercheurs n'existaient pas, il n'y avait que des savants. Le savant était en général âgé : il était devenu savant tout doucement. Il travaillait beaucoup, mais prenait aussi son temps. Il faisait d'ailleurs souvent des découvertes en dehors de ses moments de travail : dans son bain, comme Archimède, ou en faisant la sieste dans son jardin, comme Newton. Le savant laissait respirer son cerveau. À l'instar de Darwin, il aimait se retirer à la campagne, restant près du savoir et loin du pouvoir, laissant à d'autres le soin de défendre et vendre ses idées.

 

Le mouvement Slow Science pense que non. Ce collectif informel de chercheurs milite pour le ralentissement et la « désexcellence ». Il ne souhaite pas pour autant que nous renoncions à la vitesse et à l'excellence, mais demande qu'à leurs côtés, la lenteur et la gratuité (par exemple les recherches mues par la curiosité, face aux recherches mues par des objectifs) gardent toute leur place. Apparu il y a une vingtaine d'années, le concept de Slow Science fédère des chercheurs de toutes disciplines, issus au départ de la physique et de la chimie, puis rejoints par ceux des sciences humaines. Ses valeurs sont résumées dans un manifeste, des pétitions circulent en sa faveur (plus de 3 500 signatures francophones à ce jour), une Académie internationale informelle existe, etc.

 

Son nom évoque bien sûr un autre mouvement, le Slow Food, qui milite pour la résistance au fast-food et à la nourriture industrielle, vite préparée, avalée et oubliée, médiocre ou toxique pour la santé. Le mouvement Slow Food va encore au-delà : constatant les dégâts collatéraux de la nourriture industrielle sur l'agriculture, le tissu social, l'économie du monde agricole, il recommande des changements à tous les niveaux de la chaîne de l'industrie alimentaire.

 

De même, Slow Science fait le constat suivant : si nous ne régulons pas la course à la performance et à la productivité (toujours plus de recherches et de publications), non seulement les pseudorecherches stéréotypées prendront de plus en plus de place, mais c'est le processus même de la recherche qui sera affecté en son cœur. Car avant d'aboutir et de publier, il faut prendre le temps de réfléchir, de lire, de comprendre, de s'égarer, d'en tirer les conclusions, etc. : si ce temps est sacrifié, les malheureux chercheurs en batterie pondront à la chaîne des travaux insipides et peu nourrissants. Les progrès de la science ont toujours relevé de ce mécanisme : prendre connaissance de ce qui a été fait pour mieux comprendre ce qui reste à faire ou à refaire. Ces conditions sont aujourd'hui menacées.

 

Le constat de Slow Science rejoint tout à fait celui établi par nombre de chercheurs en psychologie, à propos des effets délétères des sociétés contemporaines qui mettent l'accent sur la productivité et la performance. Ces pressions sur le rendement provoquent des dégâts collatéraux : depuis quelques décennies, on observe une augmentation des maladies liées au stress ainsi que des troubles anxieux et dépressifs. Les chercheurs en souffrent en tant que personnes, comme leurs contemporains. Ils ont aussi leurs maux propres, liés par exemple à la nécessité de publier suffisamment (le fameux publish or perish, publier ou périr).

 

Mais ce n'est pas uniquement la santé des chercheurs qui en pâtit : on peut aussi se poser la question de l'altération de leurs capacités créatives. On sait que les périodes d'apparent repos cérébral (sommeil, rêveries diurnes, mais aussi tous les moments de la journée où on laisse son esprit en roue libre) représentent des états précieux, durant lesquels les contenus mentaux se réorganisent, se relient, se répartissent dans différentes zones de notre mémoire. Or ces capacités cérébrales sont aujourd'hui chahutées : nous dormons de moins en moins (en moyenne deux heures de sommeil perdues en un siècle), nous n'avons quasiment plus de temps de calme et de lenteur, durant lesquels nous ne faisons rien. La vogue actuelle de la méditation est un marqueur de cette carence. Tout comme le sport compense les carences liées à la sédentarité, les pratiques méditatives compensent celles liées aux agressions environnementales contemporaines (afflux d'informations, permanence de bruits de fond, manque de temps, de calme et de continuité). Faut-il inciter tous les chercheurs à méditer, comme un outil d'hygiène de vie ? Nous n'en sommes peut-être pas si loin...

 

En tout cas, les contributeurs du mouvement Slow Science se sont penchés sur la question des solutions et suggèrent que celles-ci devront être individuelles, communautaires et sociétales. Individuelles : préserver par exemple dans une semaine une ou plusieurs demi-journées de temps de recherche en continuité attentionnelle, sans téléphone ni courriel ni tâches administratives ou académiques. Du côté communautaire, pour diminuer la pression sur les rendements, la suggestion, qui avait déjà été faite par plusieurs universités nord-américaines, est de limiter le nombre de publications mentionnées sur les curriculi vitae : plus de listes interminables d'articles interchangeables, mais seulement les cinq publications les plus importantes. Du côté sociétal enfin, il va falloir expliquer aux bailleurs de fonds de la recherche scientifique que cette dernière est une activité qui nécessite du temps et de la lenteur, un peu comme la création artistique.

 

Ce sont d'ailleurs les littéraires qui ont tiré les premiers la sonnette d'alarme sur les dégâts de la culture du rendement, comme l'Américain Henry David Thoreau au xixe siècle : « Si un homme marche dans la forêt par amour pour elle pendant la moitié du jour, il risque fort d'être considéré comme un tire-au-flanc ; mais s'il passe toute sa journée à spéculer, à raser cette forêt et à rendre la terre chauve avant l'heure, on le tiendra pour un citoyen industrieux et entreprenant. » Que dirait-on aujourd'hui du chercheur qui demande du temps pour lire les recherches des autres et réfléchir un peu à ce que seront les siennes dans les prochaines années, au lieu de publier un nouvel article dans une revue renommée, à « facteur d'impact » élevé ?

 

L'auteur:

 

Christophe André est médecin psychiatre à l'Hôpital Sainte-Anne, à Paris.


Pour en savoir plus:

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26 novembre 2011 6 26 /11 /novembre /2011 14:33

Un stress soudain active un réseau cérébral constitué de différentes régions, impliquées notamment dans l'attention et l'éveil. Un neuromodulateur produit en cas de stress provoque cette réorganisation cérébrale.


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Le stress est une réaction physiologique naturelle qui permet à l'organisme de réagir rapidement face à une situation dangereuse : la tension artérielle et la fréquence cardiaque augmentent et la respiration s'amplifie pour mieux alimenter le cerveau et les muscles en oxygène et en nutriments, et d'autres paramètres physiologiques changent. Le corps se prépare ainsi à la fuite ou au combat. Le cerveau lui aussi voit son état modifié, passant en « mode survie » sous l'effet d'un stress soudain. Emo Hermans, de l'Université de Nimègue aux Pays-Bas, et ses collègues ont déterminé pour la première fois le réseau neuronal qui est alors actif… et l'élément déclencheur de ce mode de survie.

 

En cas de stress, l'hypothalamus, au centre du cerveau, envoie un signal à la médullosurrénale, la partie centrale de la glande surrénale (au-dessus des reins). Cette glande libère une hormone du stress, l'adrénaline, qui prépare l'organisme à une réaction rapide via une accélération du rythme cardiaque, de la respiration et une activation des plaquettes sanguines pour minimiser la perte de sang en cas de blessure. Puis l'hypothalamus et l'hypophyse (une glande cérébrale située en dessous de ce dernier) libèrent successivement d'autres hormones, ce qui aboutit à la sécrétion de cortisol par la corticosurrénale (la région périphérique de la surrénale). Cette hormone stimule à nouveau l'action de l'adrénaline et celle de la noradrénaline (un analogue de l'adrénaline dans le cerveau et un neuromodulateur), mais prépare aussi l'organisme à un retour à la normale en reconstituant par exemple les stocks d'énergie.

 

 

Ce déversement d'hormones dans l'organisme n'est pas sans conséquence pour le cerveau : on sait depuis longtemps que certaines fonctions cognitives sont modifiées en cas de stress. Par exemple, un peu de stress favorise la mémorisation, mais trop de stress diminue cette capacité. Les sens sont aiguisés, l'éveil est renforcé, mais les capacités de raisonnement sont altérées. En effet, les molécules produites en cas de stress renforcent ou affaiblissent les connexions entre neurones.

 

Et ce n'est pas tout : ces substances changeraient les propriétés de certains réseaux neuronaux, qui passeraient en « mode survie ». Pour le confirmer, E. Hermans et ses collègues ont étudié comment le cerveau réagit à un stress aigu sur des échelles de temps très courtes. Ils ont montré à 80 volontaires des extraits de films soit très violents soit non violents, en étudiant leur activité cérébrale au moyen de l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Le signal, d'autant plus intense que le niveau d'oxygénation des neurones est important et que le champ magnétique appliqué est élevé, reflète l'activité des neurones. Les scientifiques ont en outre quantifié les hormones de stress dans la salive des participants et mesuré leur rythme cardiaque.

Ainsi, quand les participants sont exposés à des scènes violentes, l'activité de certaines régions cérébrales, impliquées dans l'attention, l'éveil et le système neuro-endocrinien, et des connexions entre ces régions augmentent, et ce, d'autant plus que le stress est intense. Ces régions forment un vaste réseau qui comprend des aires corticales (par exemple temporales et pariétales) et sous-corticales (l'amygdale, le thalamus, l'hypothalamus et le mésencéphale).

 

Les chercheurs ont ensuite administré aux participants soit un inhibiteur des récepteurs de la noradrénaline, soit un bloquant de la synthèse de cortisol, soit un placebo. Seuls les deux derniers groupes présentaient alors une réponse cérébrale au stress et une réorganisation des réseaux neuronaux. La noradrénaline active certaines aires de ce réseau tout en en inhibant d'autres, preuve qu'elle provoque cette réorganisation. Elle serait en grande partie responsable du « mode cérébral de survie ».

 

Bénédicte Salthun-Lassalle est journaliste à www.Pour la Science.fr

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