23 avril 2013 2 23 /04 /avril /2013 12:54
Stanley Milgram est certainement le plus connu de tous les psychosociologues. Son nom reste en effet attaché à ce qui constitue, depuis cinquante ans, l’une des plus célèbres expériences de psychologie sociale sur la soumission à l’autorité !
 
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Au début des années 1960, Stanley Milgram élabore une expérience qui fera date dans l’histoire de la psychologie, et dont les enjeux théoriques et sociétaux n’ont rien perdu de leur valeur aujourd’hui encore. Des individus ordinaires sont recrutés par voie de presse pour participer à ce qu’ils croient être une simple recherche sur la mémoire. En réalité, ils se retrouvent en situation de faire apprendre une liste de mots à une autre personne, d’apparence ordinaire également, et qu’ils ne connaissent pas. Cette personne, qui est en fait un complice de S. Milgram, se tient dans une autre pièce, sanglée sur une chaise et bardée d’électrodes, et commet des erreurs volontaires lors de l’apprentissage de mots. Pour chaque erreur commise, celui qui tient le rôle du professeur doit expédier un choc électrique à son élève. La décharge augmente au fil des erreurs pour atteindre 450 volts au final. Tout est fait pour susciter une angoisse terrifiante, palpable dans les enregistrements de cette époque : la victime pousse des cris de douleur, et l’expérimentateur reste derrière le professeur, figure d’autorité, en l’exhortant invariablement à continuer jusqu’à ce que l’élève sache parfaitement la liste. Bien entendu, tout cela est factice puisqu’aucun choc n’est reçu par l’élève, et que ses protestations et cris de douleur proviennent d’une bande-son. Alors que S. Milgram s’attendait à obtenir de la désobéissance, les résultats sont totalement contre-intuitifs : 65 % des sujets de l’expérience vont jusqu’au bout, en administrant un choc de 450 volts à l’élève. C’est là l’autre raison de la célébrité et de la portée de cette expérience : deux personnes sur trois ont été capables de produire un comportement aussi grave, pour une justification aussi futile. Des sujets ordinaires peuvent donc se comporter en bourreau, dès lors qu’ils sont soumis à une autorité.

 

De l’état autonome à celui d’agent exécutif

 

De tels résultats bouleversent la communauté scientifique et la société civile. Le premier réflexe est d’essayer d’identifier les biais expérimentaux possibles, mais les multiples réplications de cette expérience, dans de nombreux autres pays, montreront que cette capacité à obéir à une autorité légitime semble se retrouver dans de multiples cultures, et dans des proportions sensiblement identiques. Le second réflexe est d’invoquer la responsabilité des acteurs eux-mêmes, en invoquant la personnalité des sujets de l’expérience : des sanguinaires, des pervers, des abrutis seuls capables de commettre un tel acte. Or, S. Milgram montrera que ce n’était pas le cas, ce qui constituera le troisième grand enseignement de son paradigme. En effet, à l’aide de variantes expérimentales d’une ingéniosité simple mais implacable, S. Milgram prouve qu’un tel comportement d’obéissance provient du contexte dans lequel l’individu se retrouve placé.

 

-LE JEU DE LA MORT (2009) documentaire complet-

 

En effet, lorsque l’autorité se retrouve à distance ou lorsqu’elle perd de sa légitimité, le taux d’obéissance diminue. A contrario, lorsque la légitimité de l’autorité est forte, lorsque la victime est faiblement identifiable ou que le sujet se retrouve simple exécutant dans un groupe docile, ce taux d’obéissance augmente. Pour S. Milgram, la capacité à obéir de l’être humain moderne résulterait du fait que le contexte le placerait en situation d’état « agentique » : celui qui incarne le tortionnaire ne se percevrait plus comme quelqu’un agissant de manière autonome, mais comme un simple agent de l’autorité, par laquelle il accepterait d’être contrôlé. Il agit en considérant que sa responsabilité individuelle n’est pas engagée. Ce passage de l’état autonome, où l’individu se perçoit comme l’auteur, le responsable de ses actes, à celui d’état agentique, où la personne ne se perçoit plus que comme l’agent exécutif d’une autorité, serait obtenu par le contexte expérimental.

 

Une question actuelle

 

Là encore, les résultats de S. Milgram donneront une validité à cette théorie dans la mesure où les variables contextuelles qui ont eu le plus d’impact sur ce comportement d’obéissance, étaient celles manipulant la légitimité de l’autorité, et le degré de proximité physique entre cette dernière et le sujet.

Ce travail de recherche et les résultats qui en résultent sont l’œuvre majeure de S. Milgram, décédé prématurément à l’âge de 51 ans. Ce paradigme, vieux maintenant de cinquante ans, conserve toute sa valeur théorique. Jerry M. Burger, de l’université de Santa Clara en Californie, a obtenu les mêmes résultats en répliquant l’expérience en… décembre 2006. La capacité d’obéissance à l’autorité chez l’homme moderne n’a, semble-t-il, rien perdu de son actualité.

 

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 07:03

Confrontés à l'exclusion, certains tombent malades, sont rongés de tristesse, deviennent agressifs...Voici quelques résultats d'une étude cognitive:

 

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D'après les psychologues américains Jean M. Twenge, Kathleen R. Catanese et Roy F. Baumeister, il n'existerait qu'un seul et unique mécanisme psychique à l'origine de ces comportements. De précédentes études s'étaient arrêtées sur une intuition plutôt simple : nos réactions (colère, tristesse...) face au rejet seraient la conséquence d'un « stress émotionnel ».

 

Mais ces premiers coups de serpe ne satisfaisaient pas l'équipe de J.M. Twenge. Les formes d'ostracisme que suscite l'exclusion plongent au contraire leurs victimes dans une sorte de stupeur ou « neutralité émotionnelle ». Or cette neutralité n'est pas inconnue en psychologie. Elle caractérise l'état dit de « déconstruction cognitive », qui précède le suicide. Les trois psychologues ont comparé le comportement de personnes victimes d'exclusion sociale à celui des personnes suicidaires. Le parallèle est saisissant. L'exclusion sociale induirait le même type de défenses psychologiques, parmi celles-ci : une perception allongée du temps, signe d'ennui ; l'absence de projection dans le futur, et une perte de sens pouvant aller jusqu'au désespoir ; une préférence pour les plaisirs faciles et immédiats (alimentation « gadget » et jeux vidéo) ; une certaine léthargie, une faible réactivité et un ralentissement psychomoteur (trahis par de moindres efforts et un moindre succès aux épreuves cognitives) ; un usage réduit de termes relatifs à l'émotion, une aversion pour les miroirs...

 

Ces moyens sont mis en oeuvre dans la déconstruction cognitive, pour ne plus penser et oublier une image de soi que la confrontation aux autres a rendue insupportable, humiliante. D'ailleurs, le sociologue Emile Durkheim n'attribuait-il pas déjà le suicide à des formes d'exclusion sociale ? Alors agissons contre l'ostracisme et le rejet d'autrui, chacun selon ses possibilités... au travail comme dans sa sphère privée.

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22 février 2013 5 22 /02 /février /2013 12:16

Environ 35 % des parents, en majorité des mères, souffrent de ce qu'on appelle "le syndrome du nid vide". Une forme de dépression qui se traduit par un sentiment d'abandon et de vacuité quand les enfants quittent le domicile familial. Leur départ est en effet un mélange de joie, de bonheur, de fierté, mais aussi de tristesse. C’est également une forme de déchirement et de renoncement. Comment appréhender cette période délicate ?

 

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En quoi le départ des enfants du domicile familial est-il une étape clé de notre vie de parents ?

 

C’est une page qui se tourne, et un nouveau chapitre qui s’ouvre. Ce n’est pas rien ! C’est un moment fort car la fonction parentale, notamment maternelle, prend un coup dans l’aile. La mission de protection des enfants s’arrête. C’est un renoncement qu’il ne faut pas minimiser. Le sentiment de vide que l’on ressent après leur envol du nid n’a sans doute jamais été aussi fort car les enfants sont au centre de la famille dans nos sociétés contemporaines. Ce moment est aussi une source de stress et d’angoisses car il faut apprendre à les lâcher pour de bon, à ne plus contrôler leur vie. Et cela s’anticipe.

 

Comment ?

 

Il faut avoir très tôt en tête que nos enfants auront un jour une vie sans nous. Ils ne nous appartiennent pas. Nous avons pour mission de les construire afin qu’ils réussissent à vivre loin de nous. Anticiper leur départ, c’est maintenir, quand ils sont encore à la maison, une vie en dehors d’eux, ne pas mettre sa propre vie en veilleuse. C’est avoir une vie affective et/ou professionnelle épanouie ou encore des activités personnelles car, à un moment donné, les enfants ne rempliront plus le quotidien.

 

Anticiper, n’est-ce pas aussi responsabiliser ses enfants pour préparer leur départ ?

 

Oui, mais pas trop tôt. A la fin des études secondaires, quand votre enfant devient étudiant tout en vivant encore au domicile familial, vous pouvez par exemple commencer à le laisser gérer ses rendez-vous médicaux ou encore ses démarches administratives. Il est aussi judicieux de lui montrer l’intérêt d’avoir son permis de conduire, en ne jouant plus au chauffeur dès qu’il en exprime le désir… Cela va le rendre progressivement autonome.

 

La culpabilité des enfants de quitter leurs parents est-elle fréquente ?

 

Les enfants se sentent souvent coupables de partir quand leur parent est célibataire. La culpabilité est aussi plus forte pour le petit dernier de la famille ou encore pour l’enfant unique sur qui il y a eu un investissement massif des parents.

 

Vit-on le départ de ses enfants à la lumière de notre propre enfance ?
 
Notre réaction et notre manière de vivre ce déchirement dépendent en effet en grande partie de la manière dont nous avons nous-mêmes vécu notre propre histoire avec nos parents. Quand notre départ a été douloureux ou conflictuel, cela va forcément résonner en nous et réactiver nos souvenirs lorsque nos enfants vont partir de la maison. Il faut alors faire un travail sur soi pour comprendre ce qui est en jeu.
 

Ce départ est-il plus difficile à vivre pour les mères ?

 

Oui, en général, mais cela dépend des situations personnelles et de quelle femme est la mère. Si elle a par exemple bien investi sa vie affective, ce sera évidemment moins dur que si elle est seule. Si la relation mère/fille est très fusionnelle, c’est généralement très compliqué à gérer. Plus les enfants sont un refuge affectif fort, plus leur départ est douloureux et complexe.

 

Leur départ signifie aussi souvent un retour à la vie de couple pour les parents…

 

Oui, et cela change complètement la donne au quotidien. Le bat blesse si la vie des parents ne tournait qu’autour des enfants car une fois qu’ils sont partis, le couple parental n’a plus lieu d’être. Leur départ oblige à se poser des questions sur soi, à faire le point sur sa propre vie pour savoir où l’on en est. Beaucoup de choses se jouent : peur de la solitude, angoisse du vieillissement, etc. Nous devons à nouveau faire connaissance avec nous-mêmes, car souvent nous nous étions un peu perdus de vue. Il va falloir se regarder et regarder l’autre en face, s’écouter dans ce silence assourdissant laissé par le départ des enfants. Et ce n’est pas facile.

 

 

N’y a-t-il pas tout de même aussi des bons côtés ?

 

Si, bien sûr, le départ des enfants n’est pas seulement une perte. Les parents gagnent tout d’abord en liberté et en temps. Voilà que s’achève le temps des cours, des rendez-vous pris pour eux, des repas pensés et préparés en fonction d’eux… Il serait dommage de ne pas profiter de cette nouvelle liberté de mouvement ! Les parents n’ont plus qu’à s’occuper d’eux-mêmes, c’est une sensation oubliée. Par ailleurs, une nouvelle relation va se tisser avec les enfants devenus de jeunes adultes. Et c’est très enrichissant.

 

Certains parents, à l’image du fameux film "Tanguy", sont soulagés de voir leurs enfants partir. Sont-ils de plus en plus nombreux ?

 

Ce n’est pas très fréquent, mais en effet cela arrive de plus en plus. Les enfants partent plus tard aujourd’hui à cause du contexte économique, cela peut expliquer cette réaction. Aux parents de faire passer régulièrement le message qu’ils souhaiteraient les voir prendre leur indépendance, assez en amont, avant que la cohabitation ne devienne trop compliquée.


Avec la crise économique justement, certains enfants ayant pris leur indépendance retournent vivre chez leurs parents. Comment gérer ce retour ?

 

C’est une situation difficile pour tout le monde, autant pour les enfants que pour les parents qui ne sont plus faits pour cohabiter ensemble. Cette cohabitation n’a plus de sens, mais parfois on n’a pas d’autre choix. Il faut laisser aux jeunes adultes le maximum d’autonomie possible, ne pas les faire régresser en réendossant son rôle de parent d’adolescent. On leur apporte juste un toit, et un peu de réconfort si besoin.
 

Avec les téléphones portables et Internet, il est tentant pour les parents de maintenir un lien étroit avec leurs enfants après leur départ. Qu’en pensez-vous ?

 

Il ne faut pas en abuser. Certaines mères ont pris l’habitude d’appeler leurs enfants tous les jours du bureau pour savoir comment s’est passée leur journée à l’école, et cette habitude est parfois difficile à perdre. Elle n’a plus lieu d’être quand l’enfant a quitté le domicile familial, même s’il est au bout du monde. Il ne faut pas se priver de ces nouvelles technologies mais savoir être raisonnable et résister à la tentation des SMS ou des appels quotidiens. Comment leur demander sinon de prendre une vraie distance psychique et une autonomie de jeune adulte ? Si l’on n’y prend pas garde, nos messages risquent de devenir rapidement envahissants en maintenant un contact étroit avec les enfants.

 

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17 février 2013 7 17 /02 /février /2013 10:42

"Les crimes de sang sont-ils aujourd’hui aussi nombreux qu’autrefois ? 
La réponse ne va pas sans fausses pistes et tâtonnements."

 

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L’histoire de la justice et de la criminalité en général, donc celle de l’homicide en particulier, se sont profondément renouvelées pendant les trois dernières décennies. L’utilisation par les historiens des méthodes et des outils de diverses sciences humaines (sociologie, criminologie, anthropologie, philosophie, psychologie…) a joué un rôle important dans ce bouleversement. Réciproquement, les travaux des historiens ont parfois permis de relativiser, voire de contester, des théories venues des mêmes sciences humaines.


 

Quand l’histoire découvre la criminalité



L’intérêt porté par les historiens à l’histoire du crime en général, et de l’homicide en particulier, est relativement récent. Il date de la fin des années 1960 et des années 1970, et il est fils de son temps. Dans la foulée des événements de 1968 et de toute l’effervescence intellectuelle qui caractérise cette époque, des philosophes et des sociologues se mettent à s’intéresser aux marginaux, aux déviants, aux délinquants, à tous ceux qui s’éloignent peu ou prou des normes. On songe évidemment, parmi ces chercheurs, à Michel Foucault , philosophe de formation, et à son livre Surveiller et Punir (1975), ainsi qu’à tout ce qui se fait alors à propos des prisons et de leurs occupants (en particulier au sein du GIP : Groupe d’information sur les prisons). Les historiens prennent, en quelque sorte, le train en marche : ils découvrent qu’il existe, sur ces questions, des masses considérables de documents, les archives judiciaires, qui n’ont jamais encore été utilisées dans cette optique. L’idée est donc là, venue d’autres sciences humaines, avec des sources surabondantes et quasiment vierges de toute recherche. Les historiens « modernistes » (spécialistes des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles), suivis, quelques années plus tard, par les « médiévistes » et par les « contemporanéistes », leur appliquent alors les méthodes qui ont permis, pendant les décennies précédentes, de renouveler complètement plusieurs domaines de la recherche (histoire économique, histoire sociale, histoire démographique…) : les méthodes « quantitatives », dites aussi « sérielles », qui consistent en l’établissement de séries statistiques fondées sur des dépouillements massifs et systématiques centrés sur la population tout entière, au lieu d’être limités à une élite sociale.


 

Crime loyal, crime déloyal


 

On se met donc à dépouiller les archives judiciaires, à commencer par celles du XVIIIe siècle, qui offrent de belles listes de condamnés, en particulier celles des juridictions d’appel (les parlements). Les élèves de Pierre Chaunu établissent ainsi de belles séries statistiques, et dressent des courbes éloquentes qui montrent une évolution très nette, du moins en pourcentages : au cours du XVIIIe siècle, surtout dans sa seconde moitié, une criminalité où l’emportent les crimes contre les personnes, notamment les homicides, laisse place à une criminalité différente, dominée par les crimes contre les biens, en particulier les vols (les chiffres absolus des homicides restent à peu près stables, mais ceux des vols augmentent considérablement). En Basse-Normandie, dans le bailliage de Mamers, en 1695-1750, les proportions des infractions jugées étaient de 16 % contre les biens, 75 % contre les personnes et 7 % contre les mœurs, alors qu’au Châtelet de Paris, en 1755, 1765, 1775 et 1785, leur répartition passait à 92 % contre les biens, 5 % contre les personnes et 1,6 % contre les mœurs. Complet renversement, du moins en apparence, qu’on explique par des mutations mentales (les individus, auparavant frustes et spontanés, seraient devenus de plus en plus rationnels et dominant leurs passions, grâce à une éducation plus poussée et à des contraintes sociales plus pesantes), et accessoirement économiques (la naissance d’une société de consommation, où les biens matériels, beaucoup plus abondants, suscitaient l’envie, donc le vol). Cette théorie, dite du « passage de la violence au vol », rencontre d’abord un grand succès ; elle est adoptée sans réserve.


 

Dans les années 1980, cette interprétation commence à être critiquée. Certains historiens reviennent quelque peu des illusions de l’histoire strictement quantitative, trop systématique et déshumanisée, et portent un intérêt nouveau aux trajectoires individuelles, avec la naissance et le développement d’une histoire plus « qualitative » (en particulier avec l’« histoire des mentalités »). S’inspirant aussi des travaux des sociologues et des criminologues, ils examinent les archives judiciaires avec un œil nouveau, beaucoup plus critique que celui de leurs prédécesseurs. Ils s’aperçoivent alors (les criminologues le savent, eux, depuis longtemps…) que l’interprétation d’une courbe d’activité judiciaire en termes de tendances de criminalité n’est possible que lorsque les conditions d’observations permettent la prise en charge d’un maximum de facteurs, ce qui n’est pas le cas. En particulier, une donnée, pourtant évidente, n’a pas été considérée : les archives judiciaires renseignent, certes, sur l’activité de la justice et sur ses priorités répressives, mais ce contentieux n’est pas représentatif de la réalité criminelle.


 

Une partie importante des déviances, en effet, homicides compris, était traitée par d’autres instances de régulation, notamment l’infrajustice (à côté du procès, existent de multiples formes, privées ou publiques, de composition, d’arbitrage et de conciliation), où elle restait dissimulée. Les affaires d’homicide n’étaient pas portées en justice lorsque le geste n’était pas prémédité, ni, a fortiori, lorsque ses motifs étaient considérés comme honorables (affaires d’honneur, surtout, mais aussi d’intérêts, ou encore réactions à des injustices…), et quand ils étaient commis « loyalement ». Ainsi, un combat à visage découvert et à armes égales, entre deux antagonistes dont l’un avait publiquement et gravement mis en cause l’honneur de l’autre (par exemple en émettant des doutes sur son honnêteté ou en suspectant la virginité de sa fille ou la fidélité de sa femme), était-il non seulement admis, mais encouragé : pas question, dans ces conditions, de livrer à la justice celui qui avait su défendre et rétablir son honneur outragé, fût-ce au prix d’un homicide ! À l’inverse, les homicides « déloyaux » (préméditation, guet-apens, empoisonnement, utilisation d’hommes de main…) donnaient lieu à réprobation : on pouvait alors, soit régler l’affaire au sein même de la communauté, sans en référer à la justice (en faisant subir au coupable un châtiment, qui pouvait aller jusqu’à la mort), soit la porter devant les tribunaux, en particulier si le coupable n’était pas bien intégré ou s’il constituait un danger pour les habitants : en 1728, à Toulon-sur-Arroux, en Charolais, Madeleine Boiveau, qui a fait assassiner traîtreusement son mari par un tueur à gages, est dénoncée, accablée par les dépositions des témoins, et finalement condamnée par le parlement de Bourgogne à la décapitation. Ces traitements différenciés des homicides ont déjà été observés par les anthropologues et les criminologues ; l’adoption de leur approche critique permet alors aux historiens de passer d’une observation inexacte, fondée sur des données quantitatives biaisées, à une approche qualitative beaucoup plus fine et révélatrice. La théorie du « passage de la violence au vol » a vécu.


 

Le triomphe de 
la civilisation des mœurs


 

Les historiens ont donc compris qu’en matière de justice, les données quantitatives doivent être utilisées avec la plus grande prudence. Pour autant, elles ne peuvent pas être totalement rejetées. Une fois passées à une critique attentive, elles montrent que des évolutions importantes se sont bien produites au cours des cinq ou six derniers siècles en matière d’homicide : la précision apparente des chiffres est illusoire, certes, mais la tendance générale est indéniable.


 

La violence homicide, surtout exercée par les jeunes hommes (mais aussi, dans une moindre mesure, les infanticides commis par des jeunes femmes), semble reculer assez fortement à la charnière des XVIe et XVIIe siècles (donc bien avant le XVIIIe siècle) ; aux Grands Jours d’Auvergne, en 1665-1666, les condamnations pour homicide volontaire représentent encore près de 17 % du total des peines prononcées, mais ce sont là des proportions bien inférieures à celles que l’on aurait pu trouver auparavant. 
Ce tournant apparent a d’abord été attribué au triomphe de la « civilisation des mœurs », telle que l’avait définie le sociologue allemand Norbert Elias . L’interprétation a été récemment renouvelée, dans deux directions différentes, voire contradictoires : pour Robert Muchembled, c’est l’action coercitive de l’État qui a joué le rôle principal dans ce changement, en criminalisant fortement l’homicide (notamment les duels), alors que Michel Nassiet l’explique par le délitement contemporain des solidarités familiales, à l’origine de la disparition des crimes d’honneur qui leur étaient liés (au-delà de 1620, on ne trouve plus de mari trompé « homicidant » sa femme prise en flagrant délit).


 

Un nouveau déclin de la violence homicide semble attesté au XIXe siècle : si 3 066 homicides sont comptabilisés en 1888 dans l’ensemble du pays, on n’en recense plus que 1 608 en 1907. Au tournant des années 1880-1885, tous les administrateurs et observateurs sociaux considèrent qu’une mutation s’est accomplie ; dans le champ des conduites individuelles, comme dans celui des mouvements collectifs, la grande violence semble abandonnée, sauf dans des terroirs enclavés ou méridionaux (ou les deux à la fois : les départements de Corse, Pyrénées-Orientales, Lozère, Ardèche et Bouches-du-Rhône). L’encadrement policier et judiciaire certes, mais surtout les autocontraintes générées par l’éducation et l’environnement culturel semblent expliquer cette évolution. Elle s’est ensuite poursuivie, malgré des rechutes ponctuelles (notamment à la suite des périodes de guerre).


  

À la fin du XXe siècle, le risque de mort par homicide serait tombé à 0,7 pour 100 000 (précision illusoire, évidemment, qu’il ne faut prendre que comme un ordre d’idée), tandis que la mortalité par accidents de la route et par suicides est devenue infiniment plus importante : de nos jours, le suicide prélève vingt-cinq fois plus de vies, et la route dix-huit fois plus, que l’assassinat. En accord avec de nombreux sociologues (à commencer par Émile Durkheim lui-même), et avec la plupart des psychiatres et des psychanalystes (Sigmund Freud en tête), l’historien doit raisonnablement supposer qu’il existe un étroit rapport entre l’importance relative de ces trois réalités : la baisse spectaculaire de la violence homicide peut être corrélée à la hausse des suicides et des accidents. Ils représentent une autre manière de concrétiser la violence latente des jeunes hommes, qui ne peut plus souvent se réaliser, comme avant, par la suppression d’autrui ; les manifestations de l’instinct de mort sont polymorphes, et l’homicide a changé de nature.


 

L’homicide de tout temps ultraminoritaire


 

Pour autant, même à l’époque où il était plus fréquent qu’aujourd’hui, l’homicide d’autrui a toujours été une pratique ultraminoritaire. Tributaire des documents, l’historien voit surtout l’exceptionnel, qui a laissé des traces écrites : il a parfois tendance à en surestimer l’importance. L’apport de l’anthropologie a permis de relativiser l’importance réelle de la violence, en général, et de l’homicide, en particulier, en n’y voyant que l’une des composantes, parmi d’autres, des rapports sociaux, alors que les historiens ont longtemps eu tendance à en faire le moteur principal. L’étude plus attentive des documents a conforté cette approche. Pour l’Ancien Régime, par exemple, les archives judiciaires auparavant étudiées, celles des parlements (cours d’appel) et des bailliages-sénéchaussées (tribunaux intermédiaires), fournissaient, en effet, d’assez nombreuses affaires de sang, parce qu’on y portait les affaires les plus graves… qui n’étaient pas forcément les plus nombreuses. En revanche, les archives des tribunaux seigneuriaux et municipaux (tribunaux de base), étudiées depuis peu, sont beaucoup plus révélatrices de la vie quotidienne : la violence homicide y est rare, voire absente. Dans un village « moyen » (au moins 80 % des Français étaient alors des ruraux), on ne rencontrait pas, en un siècle, plus de deux ou trois assassinats, alors que les petits délits (en premier lieu les contestations foncières, mais aussi les querelles de voisinage) étaient légion. L’importance réelle de l’homicide s’est trouvée ainsi largement dévaluée…


 

La violence homicide a fait partie, à toute époque, des rapports humains, mais elle n’en constituait qu’un stade paroxystique et éphémère, et surtout très minoritaire, inséré dans un cadre général le plus souvent pacifique. On était bien loin d’un monde déchiré en permanence par les bagarres et les règlements de comptes, exercés par des individus frustes et impulsifs. C’est en faisant appel à diverses sciences humaines (mais aussi au simple bon sens) que les historiens, d’abord partis vers des idées fausses, ont pu, dans un passé récent, reconsidérer l’histoire de l’homicide et en modifier profondément les perspectives.

 

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9 février 2013 6 09 /02 /février /2013 09:57

Que vivent les patients qui ont connu une trop grande intimité avec leurs psys ? Et pourquoi doit-on absolument s’abstenir de passer à l’acte ?

 

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<< Thérapeutes hommes ou femmes, d'origines et de cursus divers: il arrive parfois que certains d'entre eux cachent derrière leurs statuts des refoulements, des perversions ou des manques affectifs qui provoquent des "passages aux limites" profondément destructeurs lors des thérapies ! >>

 

Certains le font...


Après une séance où je lui avais parlé de ma peur des hommes, il m’a pris la main, m’a caressé les cheveux et m’a demandé de me déshabiller, se souvient Sylvie. Devant mes réticences, il m’a assuré que cela faisait partie de la thérapie. J’ai été incapable de lui résister. Ne pas savoir dire non était l’un de mes principaux symptômes et, forcément, mon psy le savait. Au bout de quelques mois, j’étais si abattue que c’est lui qui m’a mise à la porte.


Dès les débuts de la psychanalyse, Freud instaure l’interdit des relations sexuelles entre psy et patient comme règle de base. Non par souci de moralisme ou pour ménager la sensibilité des conjoints respectifs du thérapeute et du patient. Mais pour avoir constaté que le psy doit s’effacer, s’oublier en tant qu’individu, afin de permettre au patient d’explorer son inconscient et ses fantasmes.


Malheureusement, certains thérapeutes confondent parfois leur cabinet et leur chambre à coucher.

Susan Bauer, psychiatre et psychothérapeute américaine, a enquêté sur ce thème délicat et publie ses observations dans Relations intimes (Payot). Si elle y étudie surtout la situation anglo-saxonne, ses constatations s’appliquent également à la France, où les abus existent. Que vivent les individus qui ont connu une trop grande intimité avec leur thérapeute ? Pourquoi ce dernier doit-il absolument s’abstenir de " jouir " de ses patients ? Enquête auprès de patients et de psys dont les pratiques diffèrent. Et curieusement, qu’ils utilisent la psychanalyse classique, les TCC, ou les thérapies incluant un travail corporel, tous s’accordent pour dénoncer les passages à l’acte sexuel.

   

Sexe et thérapie : "totalement incompatibles"

   

Depuis trois ans, le psy d’Anna la reçoit une fois par semaine dans son cabinet et s’allonge avec elle sur le divan. Elle était allée le consulter car, à 28 ans, sa vie affective était un désert. "Toujours le même scénario : j’arrive, je me déshabille, je m’allonge… L’affaire terminée, il m’embrasse sur la joue. Je le paye, je pars. Il est ma seule relation affective." Anna ne se plaint pas d’être abusée. Pourtant…

 

"Il y a toujours abus en pareil cas, explique Bernard Auriol, psychiatre et psychothérapeute, qui utilise des techniques psychocorporelles. Car, même si de nombreuses patientes cherchent à séduire leur psy, leur véritable demande n’est pas de nature sexuelle : elles aspirent à un changement, à se déprendre des conflits et dépendances qui les emprisonnent. Or ce type de relation a l’effet inverse : elle enferme le patient dans un univers dont le thérapeute est le maître. Bien sûr, on note des exceptions, mais…"

 

D’ailleurs, insiste Bernard Duperier, psychanalyste et psychiatre, "impossible de continuer à être thérapeute dans une telle situation ! Si le patient est trop amoureux, le travail n’avance pas : obsédé par son psy, il ne pense qu’à lui et cesse de s’interroger sur ses propres problèmes. Et si, en outre, il y a passage à l’acte sexuel, le patient sera définitivement enkysté dans sa passion. En fait, je ne vois pas comment on peut tomber amoureux d’un patient. Les vérités crues qui se révèlent sur le divan me semblent incompatibles avec le mystère nécessaire à l’éclosion de l’amour."


Qui passe à l’acte ?

 

Susan Bauer distingue trois cas de psys qui passent à l’acte. D’abord le thérapeute naïf et sincère, persuadé d’aider son patient : le plus souvent, c’est un psy de sexe féminin, telle cette psychologue de 57 ans, qui, en toute bonne foi, a "voulu offrir une seconde chance à un malade schizophrène". Ensuite arrive le thérapeute incompétent. "Il y en a comme dans toute profession, commente Bernard Duperier. Mal formés, ils ne savent pas où s’arrêter." Enfin, minoritaire, le psy "prédateur" : "Il profite de sa position, explique Christophe André, psychiatre et psychothérapeute. Sentant ses patients prêts à se laisser séduire, il propose, sous prétexte de thérapie, des jeux sexuels. Pour ne pas être inquiété par la justice ou les organisations professionnelles, il interrompt le plus souvent la thérapie en racontant à sa proie qu’elle n’en a plus besoin. Et quand il a fini de s’amuser, il l’abandonne. Généralement, c’est un récidiviste."


Selon lui, les psys qui passent à l’acte se recrutent essentiellement chez les médecins, les sexologues et les praticiens de thérapies à médiation corporelle. Sous prétexte de rechercher un prétendu trouble hormonal, il leur est facile de demander à la patiente de se dévêtir ou de lui caresser les seins en lui faisant croire qu’il s’agit d’un exercice de relaxation. Mais, dans les faits, tous les thérapeutes, toutes écoles confondues, peuvent être concernés.

 

Toutefois, dans la grande majorité des idylles de divan, le psy éprouve de vrais sentiments amoureux, insiste Susan Bauer. Reste que cet amour n’empêche en rien les dégâts. "La communauté thérapeutique connaît quelques individus qui ont même plaqué femme et enfants pour épouser une patiente, renchérit Christophe André. Et les choses se passent rarement bien. Presque toujours, ces thérapeutes traversent une période difficile de leur vie. Presque toujours aussi, la patiente est beaucoup plus jeune qu’eux et les idéalise, ce qui n’est guère propice à l’épanouissement du couple."

 

Raymonde Hazan, aujourd’hui thérapeute, créatrice de l’analyse intensive, a vécu l’expérience de la transgression avec son premier thérapeute. Si elle témoigne, c’est qu’à ses yeux elle fait dorénavant partie de son expérience professionnelle" : "Grâce à cela, je connais la limite. Je sais ce qu’un psy peut ou non s’autoriser." Ainsi a-t-elle mis au point un cadre thérapeutique flexible, qui inclut des séances en dehors du cabinet –dans un café, etc.– et autorise le patient à téléphoner quand il en éprouve le besoin. D’ailleurs, de plus en plus de psys n’hésitent plus à travailler dans un cadre plus souple que le classique divan/fauteuil.


Comme un inceste


En revanche, le passage à l’acte sexuel est toujours nocif, car "vécu comme un inceste", insiste Raymonde Hazan. En effet, le psy symbolise le père tout-puissant et omniscient, qui ne saurait se tromper. Le patient étant "sous influence", il lui est difficile de dire non.

 
" Mon psychologue est passé à l’acte après douze ans de thérapie, explique Raymonde Hazan, mais l’“encerclement” a été progressif. Il était fasciné par moi, par les textes que j’écrivais. N’arrivant pas à venir à bout de certains de mes symptômes, il m’a proposé un “travail par le toucher”. Résultat : nous nous sommes retrouvés au lit. Voir le psy – ce héros – en caleçon, bedonnant, c’est terrible. Démystification totale, brutale ! Et simultanément, terreur absolue : je me sentais coupable, j’avais l’impression d’avoir commis un acte interdit. Je ne savais plus où j’en étais. Si je demandais de l’aide au psy, l’homme répondait. Quand, à l’inverse, j’interpellais l’homme, c’était le psy qui parlait. Je lui ai expliqué que j’avais besoin de poursuivre mon analyse avec quelqu’un d’autre, il s’y est opposé violemment. Craignant pour sa réputation, il avait peur que je confie nos “secrets” à l’un de ses confrères. Il a maintenu nos quatre séances hebdomadaires, dont une “d’amour” qu’il me faisait aussi payer. Comme j’allais de plus en plus mal, il a déclaré que j’étais “complètement folle” et m’a conseillé un séjour en hôpital psychiatrique. Depuis, j’ai rencontré d’autres femmes qui ont connu cette épreuve. Je peux témoigner que les patientes abusées, comme les enfants victimes d’inceste, se sentent coupables, ne parviennent pas à incriminer le véritable responsable, ont envie de mourir."

 

Selon une récente étude helvétique, 95 % des patientes ayant eu une relation amoureuse avec leur thérapeute présentent effectivement ces symptômes. Les patientes les plus exposées sont celles qui ont été victimes d’abus pervers dans leur enfance et sont restées fragilisées, peu sûres d’elles-mêmes. Or "il faut avoir suffisamment d’estime de soi pour s’opposer aux manœuvres d’un psy trop insistant", remarque Christophe André.

 

Sortir de l’engrenage

 

Pour guérir de ce drame et faire le deuil de l’expérience traumatisante, les thérapeutes préconisent une thérapie avec un nouveau psy. Malheureusement, ce n’est pas simple. Sur le plan affectif, les patients ont de grandes difficultés à couper le lien qui les étouffe : pris dans un conflit entre haine et amour, peur et honte, ils n’arrivent pas à lâcher prise. Et au niveau social – notamment si le psy est médecin-psychiatre – ils ont du mal à se faire entendre. "Face à ces transgressions, la communauté thérapeutique est mal à l’aise", explique Bernard Duperier.

 

"Quand j’ai appelé des psys à l’aide – j’en ai contacté plus de quinze – aucun n’a accepté de me recevoir, confirme Raymonde Hazan. D’emblée, j’étais prise pour une hystérique, une emmerdeuse ne songeant qu’à faire du scandale. L’un m’a dit : “Puisque vous avez su coucher avec votre psychologue, vous saurez aussi fort bien vous sortir de tout cela."

 

En dépit de ces obstacles, Christophe André conseille aux patientes d’envoyer, dans ce cas-là, des courriers au conseil de l’ordre des médecins et aux organisations professionnelles de psys, pour qu’une trace existe. "Comme pour le viol ou l’inceste, il faut briser la loi du silence."

 

"De leur côté, les psys de toutes catégories sont appelés à se protéger juridiquement pour éviter toutes accusations douteuses ou tentatives de diffamation. L'enregistrement à la CNIL doit-être envisagé."

 

Recourir à la loi ?

 

Faut-il, comme aux Etats-Unis, pénaliser les relations affectives de divan ? La majorité des thérapeutes français s’y oppose. Leurs arguments : pour exercer convenablement son métier, le psy ne doit pas craindre une convocation au tribunal parce qu’il aurait pris la main d’une patiente dépressive. Christophe André ne partage pas ce point de vue : "C’est vrai, on peut craindre la menace de l’hypercontrôle, mais les patients doivent pouvoir se défendre. Le problème mériterait d’être débattu sur la place publique. Cela touche à la dignité de notre profession. Vis-à-vis de ce problème, nous sommes dans une situation similaire à celle de l’inceste voilà trente ans : on n’en parlait pas et on avait tendance à ne pas croire les victimes." 

 

A l’heure actuelle, la seule garantie pour le patient est l’éthique du thérapeute. "Au bout de deux séances, Emmanuelle, qui était ma patiente, et moi avons constaté que nous nous plaisions trop pour travailler ensemble, se souvient Jacques S., psychanalyste. Je l’ai envoyée chez un collègue et nous avons eu une histoire amoureuse."Quant à Sonia, c’est en allant consulter pour la première fois qu’elle a rencontré son futur mari : " Il m’a serré la main et ç’a été le coup de foudre. Deux semaines plus tard, je m’installais chez lui et j’entamais mon analyse avec un de ses confrères."

 

La faute au transfert ?

 

Dans toute thérapie s’instaure automatiquement un lien affectif du patient vers l’analyste : le transfert. Indispensable, il permet de revivre – pour s’en détacher – les conflits névrotiques infantiles. Mais, dans la foulée, il ressuscite les amours œdipiennes pour papa et maman, à la base de ces conflits. Par conséquent, tout individu en thérapie va aimer son psy et vouloir être aimé de lui, comme il a souhaité l’être autrefois de son père ou de sa mère. D’où l’admiration qu’il lui porte et le poids particulier donné à ses paroles. C’est dire que l’amour pour le psy s’adresse à un autre du passé.

 

Un principe, dans sa formation, le thérapeute a eu l’occasion d’éprouver lui-même l’amour de transfert et de réaliser qu’en aimant son psy il se trompait sur la personne. Cependant, les psys sont des êtres humains et éprouvent des sentiments divers pour leurs patients. La situation se complique vraiment quand, mal formé, le psy se comporte comme s’il était le véritable destinataire de l’amour transférentiel et y répond physiquement. Ou que, pervers, il s’appuie sur son pouvoir pour s’allonger lui aussi sur le divan.


Célèbres idylles

 

La psychologie naissante a été marquée par de nombreuses histoires d’amour sur le divan, rappelle Susan Bauer dans Relations intimes:

  

Sandor Ferenczi autorisait ses patientes à l’embrasser et finit par épouser l’une d’elles. 

Le grand Jung fut, pendant plus de dix ans, l’amant de sa patiente Sabina Spielrein. Elle n’échappa à cette relation fusionnelle, qui l’entraînait de la satisfaction extrême à la tentation du suicide, qu’en devenant elle-même analyste. Cette romance a permis à Jung d’inventer ses notions clés d’anima (la part féminine de l’homme) et d’animus (la part masculine de l’homme) mais, en même temps, elle le terrifiait. Marié, il avait peur que Sabina révèle leur liaison au grand jour.


Erich Fromm, psychanalyste auteur du classique “L’Art d’aimer”, épousa sa thérapeute Frieda Fromm Reichman.

 

La romancière Anaïs Nin eut une liaison avec ses deux analystes, Robert Allendy, président de la Société psychanalytique de Paris, et Otto Rank, un des élèves préférés de Freud. Follement amoureux, ils souffrirent beaucoup. En contrepartie, elle eut le désagrément de ne pouvoir effectuer un authentique travail sur elle-même !

 

Dans les années 30, Wilhelm Reich, spécialiste des blocages sexuels, inventeur de la bio-énergie, caressait les fesses de ses patients dans un but thérapeutique. Dans les années 50-60, les cercles de développement personnel californiens élevaient les relations intimes avec les patients au rang de technique de révélation de soi – au même titre que le LSD.

 

William Schultz, inventeur d’une technique psychocorporelle, le training autogène, avait de fréquentes aventures avec ses patients. Par souci d’honnêteté, il rendait publique chacune de ses conquêtes. Et si une femme, une fois l’histoire terminée, se sentait abusée et abandonnée, il lui rappelait qu’elle avait choisi cette expérience et ne devait s’en prendre qu’à elle.

 

A 65 ans, Fritz Perls, créateur de la Gestalt thérapie, rencontra la belle Marty Fromm, 32 ans. Elle était sa patiente et, simultanément, faisait sa cuisine et lavait son linge. En retour, il l’initiait au sexe, y compris à plusieurs. " Il voulait me manipuler comme un marionnettiste tire les ficelles de ses poupées, écrit-elle dans son journal intime. Il affirmait faire tout cela pour moi, mais il le faisait pour lui. ". Sous l’influence de Perls, malgré tout, elle retourna à l’école, se lança dans une maîtrise de psychologie, et finit par enseigner cette discipline. L’une de ses premières initiatives fut de critiquer Perls et sa théorie.

 

Progressivement, au cours des années 70, à la demande des mouvements féministes, les organisations professionnelles se mirent à sévir. En 1973, l’Association américaine de psychiatrie adoptait un code de déontologie établissant que les rapports sexuels avec les patients sont contraires à l’éthique. En 1977, l’Association américaine de psychologie la suivait. Peu avant 1990, la France suivra avec un code pour les différentes disciplines.


"Officiellement, la fin de soixante-dix ans d’expérimentation, de confort personnel et d’amours occasionnelles", note Susan Bauer. En réalité, uniquement la fin des idylles vécues au grand jour.

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4 février 2013 1 04 /02 /février /2013 12:14

"La doxa est l'ensemble – plus ou moins homogène – d'opinions (confuses ou non), de préjugés populaires ou singuliers, de présuppositions généralement admises et évaluées positivement ou négativement, sur lesquelles se fonde toute forme de communication, sauf par principe celles qui tentent précisément à s'en éloigner telles que les communications scientifiques et tout particulièrement le langage mathématique."

   

tiraillement-contradiction-paradoxe.jpgParadoxes, tiraillements et contradictions !

  

Origine du concept


La doxa (du grec δόξα, doxa, « opinion », « conjecture ») est, dans la philosophie de Parménide, l'opinion confuse que l'on se fait sur quelqu'un ou sur un aspect de la réalité, par opposition au vrai chemin d'accès à la vérité : l'Être qui est. La doxa est donc un concept qui remonte aux origines mêmes de la philosophie.

 

-Excellent petit document sur "la doxa", influencée par les médias et la télévision-

 

Concept moderne : quelques définitions


La compréhension du monde n'est évidemment pas un phénomène simple, non médiatisé. Le savoir est toujours une construction et, qui plus est, une préconstruction et une reconstruction. Tout ce que l'homme conçoit et rencontre est une reprise (ou du moins une variante) du savoir qu'il possède déjà, d'une signification et d'une évaluation auxquelles il a préalablement consenti.


Connaissance et communication supposent le passage à travers, et donc le partage d'un système de compréhension. Selon Charles Grivel (1980 : d1) ce filtrage entre l'homme et le monde est double : à côté du filtrage sémantico-logique de la langue, il existe une précompréhension qui est sociale, fondée sur le goût, le comportement, c'est-à-dire sur « les slogans du bien-penser ». Nous retrouvons la même idée chez Itamar Even-Zohar (1980 : 65) : tout code sémiotique transmet des renseignements sur « le monde réel » suivant des conventions culturelles. Il existe un « répertoire », un système structuré, de « réalèmes » (des « realia », des éléments provenant du « monde réel »), qui entre dans des relations intra- et inter-systémiques.

Pour qu'un message soit acceptable (ou du moins vraisemblable), il doit être conforme à ces « impératifs de transmission » de compréhensibilité, d'utilité et de persuasivité (Grivel 1981 : 74). Cela suppose le partage d'un même discours, des mêmes « créances » (Grivel 1980 : d5), c'est-à-dire une « communauté de foi » entre les participants de la communication. Toute cette entente de base est implicite : « on ne parle pas de ce que tout le monde sait ». D'ailleurs, cela pourrait semer la confusion et causer la mise en question de ces présupposés mêmes : « toute vérité n'est pas bonne à dire » (Grivel 1980 : d5,10).


Ce qui vaut pour toute forme de communication, vaut a fortiori pour le texte : tout texte est dominé par des puissances distributives, des mécanismes d'insertion.


Les « réalèmes » de Even-Zohar n'impliquent pas de jugement de valeur. Toutefois il signale que, précisément par les contraintes conventionnelles imposées aux réalèmes, il devient possible de leur assigner des « fonctions secondaires », à côté de celle d'informer sur le monde. Even-Zohar donne des exemples d'ordre esthétique et littéraire, mais il est clair que ces fonctions secondaires peuvent être également, et surtout, d'ordre idéologique. Ceci est déjà suggéré par Pierre Bourdieu : « À chaque position correspondent des présuppositions, une doxa, et l'homologie des positions occupées par les producteurs et leurs clients est la condition de cette complicité qui est d'autant plus fortement exigée que […] ce qui se trouve engagé est plus essentiel, plus proche des investissements ultimes. » (Bourdieu 1979 : 267)


En effet, le concept de « doxa » ne reçoit sa valeur pleine que lorsqu'on accepte l'idée que les réalèmes sont soumis à un jugement de valeur. Ils deviennent alors des « idéologèmes » (des « universaux » dans la terminologie de Grivel 1978 : 40), qui constituent un réseau de valeurs : la doxa. La doxa constitue donc un ensemble (un « réseau », un système) de valeurs, de maximes autour de certains (tous, mais certains plus que d'autres) aspects et éléments de la réalité signifiée. Elle se situe au-delà de la langue, mais en deçà du discours dont elle fonde, tacitement, l'intercompréhension.


Fonction sociétale


La doxa facilite la communication - mais en la fondant. (L'homonyme est ironique : fonder implique fondre.) Cela signifie que sa fonction première est son service à l'idéologie dominante. Plus en particulier, sa fonction est d'inscrire progressivement l'ordre social dans l'individu. La doxa convertit les structures sociales en principes de structuration, en manière d'organiser le monde social : « (…) l'expérience première du monde est celle de la doxa, adhésion aux relations d'ordre qui (…) sont acceptées comme allant de soi. » (Bourdieu 1979: 549)


Bourdieu reprend un terme de Durkheim, « conformisme logique », pour indiquer ce processus décisif pour la conservation de l'ordre social: « l'orchestration des catégories de perception du monde social qui, étant ajustées aux divisions de l'ordre établi (et par là, aux intérêts de ceux qui le dominent) et communes à tous les esprits structurés conformément à ces structures, s'imposent avec toutes les apparences de la nécessité objective. » (Bourdieu 1979: 549-550)


Au fond, ce que fait le discours doxique, c'est convertir l'histoire, la culture, en essence, nature. Plusieurs auteurs signalent ce phénomène: Bourdieu (1979: 73) le présente comme l'agencement fondamental de l'idéologie, Barthes s'en est tellement énervé qu'il a commencé à écrire ses Mythologies: « (…) je souffrais de voir à tout moment confondues dans le récit de notre actualité, Nature et Histoire, et je voulais ressaisir dans l'exposition décorative de ce-qui-va-de-soi, l'abus idéologique qui, à mon sens, s'y trouve caché. » (Barthes 1957: 7)


Cette transformation de l'histoire en nature, de l'existence en essence, est propagé au niveau du discours par le mythe. L'image mythique, qui est à la vérité le masque du concept, se présente comme raison du concept. Un système de valeurs est propagé comme une série de faits (Barthes 1957: 237-239). « Le monde entre dans le langage comme un rapport dialectique d'activités, d'actes humains: il sort du mythe comme un tableau harmonieux d'essences. » (Barthes 1957: 251)


Comme le font remarquer Amossy et Rosen (1982: 47), le cliché, qui n'a aucune « qualité naturelle » fait exactement la même chose: il se réclame du « naturel » pour voiler sa conventionnalité.


Il est clair que la conversion de l'histoire en nature sert à prolonger l'ordre actuel des choses: L'état actuel est proclamé nature, c'est-à-dire réalisation de l'essence de l'être humain, donc moralement bien. Histoire devient Nature qui devient Morale: ainsi toute atteinte aux structures sociétales devient l'immoralité même. (Cf. Barthes 1957: 151.) En dernière analyse, la doxa, pour Barthes, est l'image que la bourgeoisie se fait du monde et impose au monde. La stratégie bourgeoise est de remplir le monde entier de sa culture et de sa morale, en faisant oublier son propre statut de classe historique: « Le statut de la bourgeoisie est particulier, historique: l'homme qu'elle représente sera universel, éternel; (…) Enfin, l'idée première du monde perfectible, mobile, produira l'image renversée d'une humanité immuable, définie par une identité infiniment recommencée. » (Barthes 1957: 250-251)

 

http://fr.wikipedia.org/

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22 janvier 2013 2 22 /01 /janvier /2013 12:04
"De quoi parle-t-on lorsqu’on évoque la violence juvénile ? D’agressivité, d’incivilités, de transgressions, de vols, de crimes ? L’amalgame est révélateur d’une sensibilité croissante à des comportements dont l’explication reste toujours énigmatique…"
   
enfant-violent.jpg
 

La violence fascine autant qu’elle angoisse. C’est peut-être même là que réside toute son ambiguïté et la difficulté à la penser, a fortiori chez les enfants et les adolescents. Ces jeunes qualifiés de « violents » sont-ils des petits criminels en puissance qui nous menacent et menacent l’ordre social ? Y a-t-il un chemin inéluctable qui conduirait certains bambins agités à la délinquance violente, du berceau à la prison ? Des hordes sauvages risquent-elles de s’attaquer aux populations d’adultes bien tranquilles ? Les jeunes seraient-ils plus violents aujourd’hui que par le passé ? Et si le spectre de la violence plane sur les sociétés contemporaines, existe-t-il des moyens de la prédire et de la prévenir ?

 

Sur toutes ces questions et bien d’autres que sous-tendent peurs et fantasmes, les psychologues, psychanalystes, sociologues, anthropologues, historiens et philosophes se querellent. La violence des débats, issus de la confrontation et de la contradiction entre différentes recherches qui se veulent toutes scientifiques – tout en déniant souvent cette caractéristique au camp adverse – est même à l’image du sujet qu’elles brassent. Leurs auteurs n’échappent pas aux caractéristiques de leur objet d’étude, même lorsqu’ils tentent de le désamorcer !

 

Mais en fait, qu’entend-on par « violence de la petite enfance », « violence scolaire », « violence adolescente », « violences urbaines » ? Que recouvrent ces vocables passés dans le langage courant et sans cesse ressassés dans les discours médiatiques et politiques ? Parle-t-on d’un bambin de maternelle qui a mordu son voisin ou de celui qui manifeste une agressivité incessante envers son entourage ? D’une bagarre de cour de récréation ou d’un collégien qui a sorti un couteau de son sac pour agresser son prof ? D’insultes ou de crachats à l’encontre d’un adulte, d’un vol de téléphone portable ou de viol organisé, d’activités maffieuses ou de guerre de bandes ?

Peut-on regrouper dans la même catégorie des manifestations enfantines d’agressivité, des incivilités et des petites transgressions de l’adolescence, avec des actes plus graves qui s’apparentent à des pratiques criminelles ? Même si, aux yeux de certains, il existerait un continuum entre ces diverses manifestations, entre la violence verbale, sexuelle, criminelle, de l’enfance à l’âge adulte, c’est plutôt un bel amalgame qui se retrouve réuni sous un terme générique.

 

Une sensibilité accrue

 

Historiens et anthropologues nous rappellent combien la perception de la violence peut varier selon les lieux et les époques. Ainsi Robert Muchembled, dans son Histoire de la violence (1), montre que la violence juvénile, les rixes entre bandes rivales étaient monnaie courante du Moyen Âge au XVIIIe siècle.

 

Réunis dans ce que l’on appelait « les royaumes de jeunesse », les jeunes garçons, dès l’âge de la puberté, se regroupaient les jours de fête et après le travail pour se livrer à des rixes entre groupes rivaux : bagarres au poignard ou à l’épée pouvant aboutir à des meurtres, viols collectifs étaient, aux yeux des autorités de l’époque, des activités banales des jeunes hommes à marier. C’est à partir du siècle des Lumières que se sont mis en place des mécanismes visant à encadrer les pulsions violentes (chez les jeunes gens notamment avec l’armée) jusqu’à ce que la violence sanguinaire entre individus, après les deux guerres mondiales du XXe siècle, devienne un tabou absolu. À l’échelon historique, donc, nous assistons à un recul spectaculaire des violences dans les sociétés occidentales. « Fait inouï depuis des siècles, l’écrasante majorité des jeunes Européens de la seconde moitié du XXe siècle n’a jamais supprimé ni blessé un être humain, d’autant que la guerre a disparu du cœur du continent », signale encore l’historien. Les accidents de la route et les suicides éliminent bien davantage d’adolescents…

 

De son côté, note le philosophe Yves Michaud, « il y a des situations de violence qui semblent presque normales pour les Irakiens ou en Afghanistan alors que pour nous, elles seraient intolérables », soulignant ainsi combien la sensibilité à ce qui est perçu comme acte violent peut être variable (2). Il est certain que dans les démocraties contemporaines, si « la violence physique est devenue résiduelle affirme encore R. Muchembled, les dernières décennies ont vu se développer une sensibilité sécuritaire, une peur collective croissante des atteintes aux personnes, dramatisée par des médias avides de sensationnel ».

 

Les sociologues spécialistes de la délinquance, tels Gérard Mauger ou Laurent Mucchielli (3), rappellent que les « Apaches » du début du XXe siècle, ou même les « blousons noirs » des années 1950 et 1960, se livraient à des pratiques autrement plus violentes que les jeunes des cités d’aujourd’hui. Et comme le montre Bertrand Rothé, le jeune Aubrac, héros de La Guerre des boutons, serait aujourd’hui passible d’emprisonnement… 

 

Extension du domaine de la violence

 

Paradoxe de nos sociétés pacifiées, alors que la violence est à ses taux les plus bas à l’échelle du temps long, la sensibilité à la violence n’a cessé de croître, faisant qu’aujourd’hui on la traque dès la petite enfance ; la « violence scolaire » est une expression forgée depuis deux décennies qui englobe tout autant les incivilités et les manifestations d’indiscipline que des actes plus brutaux ; quant à ce que l’on nomme aujourd’hui les « violences urbaines », certains sociologues vont jusqu’à refuser l’emploi d’une sorte de mot-valise, englobant des réalités par trop diverses.

 

Ainsi pour le sociologue L. Mucchielli, qui ferraille sur tous les fronts contre ces usages abusifs d’une terminologie stigmatisante, propre à nourrir un discours raciste et sécuritaire dirigé contre les jeunes des banlieues majoritairement issus de l’immigration, la « violence des mineurs » n’est rien d’autre qu’une « construction sociale, médiatique et politique » (4).

 

Mais les explications d’ordre culturel sont-elles suffisantes ? Certes, tous les sociologues et de nombreux psychologues mettent en avant la responsabilité des inégalités économiques et sociales, le rôle de l’échec scolaire et de l’exclusion, des injustices, des carences éducatives et parentales, pour expliquer les phénomènes de violence. R. Muchembled voit dans la délinquance des adolescents, qui ressurgit par vagues, un « dérèglement du pacte entre les générations », lorsque l’entrée dans la vie active, notamment dans les périodes de crise économique et de chômage, devient trop difficile pour les jeunes. Et toutes les études montrent que les programmes éducatifs menés contre la violence juvénile peuvent la faire reculer.

 

Néanmoins, certains criminologues, comme en France le très controversé Alain Bauer (5), n’hésitent pas à évoquer « la dimension biologique » de la délinquance, produit de « jeunes mâles » dont le taux de testostérone dû à la puberté expliquerait les comportements violents. « L’être humain n’est pas un animal tendre », affirme de son côté Yves Michaud qui parle « d’apprivoiser la violence ». Le psychologue canadien Richard Tremblay affirme quant à lui que « tous les enfants utilisent l’agression physique au début de leur vie ». Tout en montrant l’importance de la socialisation et de l’environnement dans la diminution des conduites violentes, «  il suffit qu’on se retrouve dans un environnement qui permet la violence, qui la sollicite, la soutient ou l’exige, et notre réflexe d’agression physique réapparaît. Les comportements d’agression sont des conduites extrêmement résilientes », ajoute-t-il.

 

Alors, l’être humain – et particulièrement les mâles - serait-il animé de pulsions prédatrices qui en feraient par nature un animal violent ? La violence est-elle une affaire d’instinct ou de culture (6) ? La voilà, la question qui sous-tend les controverses passionnées. La violence est au cœur du vieux débat nature-culture et a suscité, depuis l’Antiquité, des théories nombreuses et contradictoires .


Et même si aujourd’hui, de nombreux modèles explicatifs proposent de combiner les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux pour prédire et faire reculer la violence, ces modèles relèvent plus du compromis et laissent souvent un parfum d’insatisfaction, d’incertitude et d’inquiétude. La violence demeure, selon l’expression de R. Muchembled, une «insondable énigme».

 

NOTES :

(1) Robert Muchembled, Une histoire de la violence du Moyen Âge à nos jours, Seuil, 2008.
(2) Rencontre avec Yves Michaud, « L’Être humain n’est pas un animal tendre », Sciences Humaines, Hors-série n° 47 « Violences », décembre 2004.
(3) Gérard Mauger, La Sociologie de la délinquance juvénile, La Découverte, 2009 ;
Marwan Mohammed et Laurent Mucchielli (dir.), Les Bandes de jeunes, des « blousons noirs » à nos jours, La Découverte, 2007.
(4) Laurent Mucchielli, Véronique Le Goaziou, La Violence des jeunes en question, Champ social, 2009.
(5) Alain Bauer et Xavier Raufer, Violences et insécurité urbaines, Puf, « Que sais-je ? », 2005.
(6) Voir Jean-François Dortier, « Sommes-nous des brutes ? Violence et nature humaine », in Les Mécanismes de la violence, éditions Sciences Humaines, 2006.

 

Martine Fournier pour www.scienceshumaines.com

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11 décembre 2012 2 11 /12 /décembre /2012 16:12

L’adultère, cette trahison sans pardon ? Pas si sûr. Certains couples affrontent l’épreuve en essayant d’y trouver du sens. Selon la psychothérapeute Esther Perel, il existe trois scénarios de sortie de crise : rancoeur, déni ou renaissance.

 

trahison.jpg    

C’était un samedi après-midi, il y a deux ans. Ce jour-là, Camille, jeune mère de famille de 33 ans, entend vibrer le téléphone de son mari oublié sur la table du jardin. Le SMS qu’elle ne peut s’empêcher de lire est sans équivoque : « Tu me manques, mon amour. » « Plus que la colère, j’ai ressenti une douleur violente, comme si j’avais été rouée de coups », témoigne-t-elle. Après une nuit à pleurer, elle décide pourtant de se battre : « Notre petite dernière avait à peine 1 an et je croyais à mon couple. » Romain, son mari, n’a pas essayé de démentir : « Oui, il avait une liaison depuis peu avec cette nouvelle collègue, mais oui, il m’aimait toujours. Moi, je ne comprenais pas : comment pouvait-il me tromper s’il m’aimait ? »

 

Une question que s’est aussi posée Gilles, 35 ans, lorsque Marion, sa compagne depuis cinq ans, lui a confié, rongée par la culpabilité, qu’elle avait cédé aux avances d’un inconnu lors d’une fête. « Elle avait beau me répéter que c’était une erreur qui lui avait montré à quel point elle tenait à moi, je ne pouvais rien entendre, elle m’avait trahi, donc elle ne m’aimait pas. »

 

« L’amour n’est pas toujours en jeu », commente le psychanalyste Pascal Neveu, auteur de Mentir, pour mieux vivre ensemble ? (L’Archipel, 2012). « L’infidélité de certains hommes provient parfois d’une incapacité à considérer leur compagne comme une femme dès lors qu’elle devient mère. Ils l’aiment, mais ne peuvent plus la désirer. » « L’adultère peut également être vu comme une tentative inconsciente de faire évoluer le couple, de dire à l’autre que la situation actuelle n’est plus tenable, mais que l’on aimerait retrouver un nouvel élan amoureux », intervient Myriam Beaugendre, psychologue clinicienne et psychothérapeute, qui distingue toutefois l’aventure ponctuelle de la double vie, « dont la découverte est beaucoup plus violente ». « Il peut arriver que quelqu’un aille voir ailleurs parce qu’il cherche un autre moi, qu’il n’arrive plus à se reconnecter au sein de son couple », analyse quant à elle Esther Perel, psychothérapeute belge installée à New York et auteure de L’Intelligence érotique (Robert Laffont, 2007).

 

Deux ans après sa douloureuse découverte, Camille admet pour sa part « comprendre » l’infidélité de Romain. « Nous ne nous parlions presque plus depuis quelques mois, raconte-t-elle. J’étais angoissée par la fin imminente de mon congé parental, lui avait du mal à trouver sa place de père. Si je n’avais pas lu ce SMS, je ne suis pas certaine de ce que nous serions devenus, tant nous étions dans le déni. »

 

En trouvant du sens à ce qui s’était passé, Camille et Romain sont sortis du schéma « victime-bourreau » dans lequel il est assez facile de s’enfermer. « Il y a un premier temps de douleur, où la personne trahie se sent blessée. Mais, dans un second temps, elle peut s’interroger sur les raisons qui ont amené son conjoint à la tromper. Et c’est là où l’aide d’un thérapeute peut être d’un grand soutien », estime Myriam Beaugendre. De son côté, celui ou celle qui a trompé doit se remettre en cause et rassurer l’autre quant à l’amour qu’il lui porte. « Il ne s’agit pas d’excuser, mais de digérer ce qu’a fait subir l’un des deux à l’autre et de tenter de le comprendre », rebondit Pascal Neveu. « L’enjeu, finalement consiste à remettre le désir au coeur du couple et à accepter que l’autre ne nous appartient pas », conclut Myriam Beaugendre. Si, aujourd’hui, Camille et Romain ont recréé un lien avec l’aide d’un thérapeute, Gilles et Marion peinent à recoller les morceaux : « Je lui en veux et ça prend toute la place », confie Gilles.

 

Parce qu’elle souhaitait savoir ce qu’étaient devenus les couples qu’elle avait reçus en thérapie, Esther Perel a repris contact avec quelques-uns d’entre eux. Un suivi qui lui permet aujourd’hui d’identifier trois façons de gérer « l’après » : certains ne parviennent jamais réellement à dépasser cet épisode, d’autres en font abstraction sans vraiment le transcender, tandis que d’autres couples en ressortent transformés.

 

Le couple traumatisé

 

Marie a trompé Julien il y a deux ans avec un de ses ex. Après un an de thérapie, ils ont cru qu’ils s’en étaient sortis. En réalité, Marie a l’impression « de payer tous les jours » pour ce qu’elle a fait. « Le moindre de mes retards l’angoisse, je sais qu’il fouille mes poches et, à la première dispute, il remet le sujet sur la table, ce qui clôt la conversation, puisqu’il est évident que rien ne peut être plus grave que ça. C’est l’enfer un jour sur deux. » Malgré tout, Marie et Julien restent ensemble, sans être en mesure d’en expliquer la raison.

 

« C’est le cercle infernal », pour Esther Perel. Ces personnes coincées dans le passé ont pour seul ressort le ressentiment. Souvent, explique-t- elle, ce sont des couples qui viennent la consulter à l’initiative de la personne trompée, celle-ci voyant dans le thérapeute un témoin, voire une caution de son calvaire. L’idée est alors moins d’oeuvrer en faveur d’une réconciliation que de se voir confirmer son statut de victime. Le pardon semble impossible puisque, pour la personne trompée, il reviendrait à donner un quitus à l’autre.

 

Marc et Debbie, qu’elle a longuement suivis, illustrent parfaitement ce modèle : « Trois ans après la découverte de la liaison de Marc, Debbie dit toujours non au moindre rapport sexuel, estimant qu’accepter une étreinte signifierait qu’elle passe l’éponge. Or, elle s’y refuse, tout en admettant avoir envie de faire l’amour avec lui. »

 

Souvent, le partenaire trahi se transforme en détective, décortiquant les factures téléphoniques ou inspectant les boîtes mail de l’autre. Si demander des explications à celui ou à celle qui est allé(e) voir ailleurs est compréhensible dans un premier temps, il faut prendre garde à ce que cela ne devienne pas une obsession dans laquelle la personne trahie finit par se complaire, « voire par éprouver une certaine jouissance », prévient encore Esther Perel.

 

« Il est facile, pour la personne trompée, de rester dans un rôle de victime, souvent légitimé par l’entourage en raison d’une sacralisation de la fidélité, remarque Myriam Beaugendre. Être trompé renvoie à la douleur de ne pas avoir su se rendre assez aimable. Mais rester dans cet état ne permet pas d’évoluer au sein du couple. Admettre sa part de responsabilités, c’est aussi se réapproprier sa vie, ne plus subir ce qui nous arrive, mais au contraire faire en sorte que ça ne se reproduise pas. »

 

Les couples ne parvenant pas à faire ce travail, qui repose souvent davantage sur la personne trompée mais qui suppose une réelle empathie de celui qui a été infidèle, peuvent difficilement avancer. « Rester ensemble n’est pas forcément synonyme de succès, et encore moins de résilience ! » avertit Pascal Neveu. « Quand la trahison est devenue le centre d’une union, ce qui la définit, le mariage peut techniquement survivre, mais la vie de couple se meurt », conclut Esther Perel, qui ajoute que, dans ces cas-là, « quelque chose a été brisé et ne peut être réparé ».


Le couple survivant


Maëlla vivait avec son compagnon depuis un an quand elle a rencontré, lors d’un voyage d’affaires en Autriche, un homme avec qui le courant est immédiatement passé. « Je savais que cela ne durerait pas, trop de distance entre nous, et puis j’aimais mon compagnon, et plus que tout ce que nous avions construit », raconte-t-elle. Quelques mois plus tard, elle décide de tout lui avouer. « Il ne m’a pas parlé pendant deux jours. Mais nous étions invités à un événement familial et il m’a demandé de venir pour faire bonne figure. Nous avons pu échanger, j’ai pu lui dire que si j’avais voulu le quitter, je l’aurais déjà fait. Apparemment, ça l’a rassuré et je n’ai jamais ressenti une jalousie excessive de sa part quand je fréquentais d’autres hommes de façon amicale. Mais le sujet est devenu tabou. »

 

Maëlla et son conjoint font partie de ceux qu’Esther Perel appelle les « survivants ». « Ces personnes croient à la continuité du couple. Ils sont opposés au divorce, parfois pour des raisons religieuses ou parce qu’ils ont été élevés dans le respect du mariage. Ils veulent préserver un cadre familial avant tout et sont prêts pour cela à sacrifier un amour passionné », explique-t-elle. Un modèle qui évoque le choix que fait Meryl Streep à la fin de Sur la route de Madison, lorsqu’elle renonce à Clint Eastwood après trois jours d’une relation torride, pour retrouver mari et enfants.

 

« Contrairement au premier modèle qui me semble voué à l’échec ou à la souffrance, c’est une posture qui est tenable, estime Esther Perel. Souvent, ces couples sont heureux d’avoir retrouvé leur place et leur tranquillité, et ne nourrissent pas d’amertume. Ils sont dans une sorte de résignation, c’est la raison qui l’a emporté. Ils restent ensemble parce qu’ils aiment leur vie. »

 

« Pour certains, maintenir un cadre familial, social, voire assurer une sécurité financière en demeurant unis malgré l’infidélité de l’un ou l’autre est plus important que de vivre son désir pleinement dans son couple, ce qui est tout à fait respectable », observe Myriam Beaugendre, qui rappelle que la seule chose qui compte, c’est que cette décision « soit prise par désir et non par obligation morale, pour répondre à un surmoi parental ou collectif ».

 

Rester ensemble par respect de valeurs que l’on partage et pour ne pas détruire une union dans laquelle ils croient permet à ces couples de se retrouver en accord avec eux-mêmes. Ce qui n’exclut pas d’avoir le coeur brisé, d’avoir tourné le dos à un amour certes extraconjugal mais réel, précise Esther Perel. Avec ces couples-là, elle tente d’identifier ce que cette liaison a pu leur apprendre sur eux et prend en compte la souffrance : celle éprouvée par la personne trompée, mais aussi celle du partenaire qui a renoncé à ce nouvel amour.

 

Tout l’enjeu étant de les aider à lutter l’un et l’autre contre l’amertume et, parfois, à retrouver petit à petit ce qui les a unis au départ. Progressivement, celui qui a été trompé peut, si l’autre l’accompagne et le soutient dans son cheminement, réapprendre à lui faire confiance. Sachant que « faire confiance », d’après Esther Perel, revient finalement à accepter de « vivre avec tout ce que l’on ne saura jamais de l’autre ».


Le couple explorateur


Annie avait toujours juré que si elle apprenait un jour que Clément la trompait, elle ferait ses bagages dans la minute. Finalement, lorsque cela s’est produit, elle est non seulement restée, mais s’est efforcée de pardonner, tant elle s’est rendu compte qu’elle tenait à lui. « On a décortiqué pendant des mois les raisons de cette aventure très brève qu’il a eue avec une amie commune. C’était difficile pour lui et pour moi, mais ces échanges nous ont permis de retrouver les raisons pour lesquelles nous étions tombés amoureux l’un de l’autre et celles pour lesquelles nous nous étions éloignés. Aujourd’hui, je me sens plus forte. Après tout, j’ai failli passer à la trappe en étant un modèle de consensus, alors dorénavant, je m’affirme bien davantage ! »

 

Se saisir de l’infidélité pour transformer, voire faire renaître de ses cendres une relation en souffrance, c’est possible, affirme Esther Perel. Un cheminement qui n’est pas sans heurts : « Dans cette tempête émotionnelle qu’ils essuient, les couples ont un peu de mal à tenir le cap, enchaînant les “va te faire foutre”, “baise-moi”, “va-t’en d’ici”, “ne me quitte jamais”, etc. » Mais en acceptant de partager la responsabilité de la détérioration de la relation, ils tendent à identifier la liaison comme un catalyseur de changement et non comme un seul acte de trahison. D’autant que l’on peut trahir de différentes façons, l’infidélité n’étant que l’une d’entre elles. « J’essaie toujours d’expliquer à mes patients qu’il ne faut pas commencer l’histoire là où le mal a été fait, mais bien remonter aux origines de ce mal. De même qu’ils ne doivent pas penser que l’infidélité remet en cause toute leur histoire, et ce, même s’ils en viennent à se séparer. »

 

« Les couples qui parviennent à “transcender” l’infidélité et qui peuvent en ressortir plus forts sont ceux capables d’une certaine maturité, assure Pascal Neveu. Ils acceptent l’idée qu’il peut y avoir une infidélité du corps coexistant avec une fidélité du coeur, et tentent de trouver des réponses à l’usure souvent inévitable d’une union en acceptant aussi de mettre sur la table leurs frustrations, leurs désirs sexuels inassouvis, etc. »

 

Se parler et se comprendre n’implique toutefois pas de chercher à connaître tous les détails de la liaison. Pascal Neveu met souvent en garde ses patients sur ce point, soulignant qu’en savoir trop peut être dévastateur et trop blessant pour pouvoir envisager une réconciliation. Esther Perel, quant à elle, suggère aux conjoints trompés de se poser en « chercheurs » plutôt qu’en « détectives » : « Demander ce qu’il ou elle a découvert durant son infidélité, quel sens il ou elle a donné à cet épisode n’a pas la même portée que d’exiger un compte rendu clinique et forcément sordide de la façon dont cela s’est passé. »

 

Ce processus peut prendre du temps, mais se révéler profondément bénéfique. À ses patients qui parfois doutent de parvenir à reconstruire ce qui a volé en éclats, Esther Perel a pour habitude de dire ceci : « La plupart des gens vivent deux ou trois histoires d’amour dans leur existence. Pour certains, ce sera avec la même personne. » Une phrase qui, paraît-il, a le don de les rassurer.

 

Caroline Desages pour Psychologies.com

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12 novembre 2012 1 12 /11 /novembre /2012 17:27

Qui n’a pas son petit porte-bonheur, son grigri auquel il croit dur comme fer… Mais d’où viennent nos superstitions ? Pourquoi certains n’y prêtent aucune attention alors que d’autres y accordent une importance extrême ? Cette dernière attitude peut-elle cacher un problème psy ?

   

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Trouver un peu plus d’assurance


Dans la plupart des cas, la superstition est un rituel, un soutien qui traduit simplement un manque de confiance en soi, un besoin de réassurance : peur de ne pas être à la hauteur à cet entretien d’embauche, ou ce rendez-vous galant… Rien de tel pour se rassurer qu’un petit gri-gri ! Il aura suffit que celui-ci, par une coïncidence, se retrouve investit d’un pouvoir particulier… Et souvent ça marche ! Car un rien suffit pour trouver les ressources nécessaires pour affronter le regard de l’autre ou s’affirmer. Si cette aide est généralement ponctuelle, ces gestes peuvent à la longue se transformer en rituel, et intégrer les milliers de gestes que nous faisons machinalement (lire à ce propos notre article Pourquoi sommes-nous superstitieux ?).

 

Et si c’était un toc ?


Si le fait de ne pas vouloir passer sous un escabeau ou que la vue d’un chat noir sont des superstitions sans conséquence, certaines attitudes peuvent parfois révéler un véritable trouble psy : refuser de marcher sur les lignes sur les trottoirs, faire trois fois le tour du salon avant de sortir… Lorsque l’on perd le contrôle sur ces petites manies, que l’on ne peut plus se passer de ces rituels, et qu’ils finissent par handicaper la vie sociale, il faut peut-être soupçonner un trouble obsessionnel compulsif. Ces "TOC" toucheraient 3 à 4 % de la population. Les victimes ne peuvent s’empêcher de réaliser les mêmes gestes plusieurs fois par jour, source d’anxiété : se laver les mains, vérifier les serrures… Il est alors important d’en parler à un spécialiste (psychologue, psychiatre…) car des thérapies associées à des médicaments peuvent chasser ces obsessions.


La superstition peut également être le signe d’une phobie : le fait de refuser de prendre l’ascenseur ou les transports en commun peut cacher une peur viscérale pour laquelle la superstition servira de prétexte. Anxiété ou déprime peuvent aussi favoriser l’apparition de superstitions : dans des situations de détresse, il est normal de rechercher un soutien sous toutes ses formes.


Superstitieux chroniques


Il existe des milieux où la "bonne étoile" est quasiment incontournable. Par exemple, le joueur est évidemment à l’affût de la moindre chance d’influencer le hasard. Consciemment ou non, il se focalise sur certains évènements qui ont pu se produire les fois où il a eu de la chance, pour essayer de les reproduire. Cela ira du choix de la main qui lance les dés au porte-bonheur dans la poche. Mais le plus intéressant, c’est que s’il ne gagne pas malgré la présence du gri-gri ou l’utilisation d’un rituel, cela ne remettra pas forcément en cause ce dernier. Alors que n’importe quelle victoire renforcera aussitôt la croyance…


Les sportifs ont paradoxalement les mêmes habitudes que les joueurs. Pourtant, le sport ne laisse théoriquement que peu de place au hasard, et beaucoup à l’entraînement et aux qualités de l’athlète. Mais à l’inverse du joueur, le sportif identifiera plutôt des porte-malheur que des porte-bonheur ! Car en résumé, si le joueur gagne, c’est parce qu’il est bon, s’il perd, c’est la faute à pas de chance… Difficile pour un athlète de remettre en cause ses performances. La superstition va alors prendre la forme d’un lieu "maudit" (le tennisman persuadé que tel tournoi lui porte toujours "la poisse"), ou va se focaliser sur un adversaire. Et le rituel avant le match ou la compétition est souvent une manière de se concentrer, même si les habitudes sont des plus loufoques (embrasser la pelouse, faire le tour des buts…).


Dans la grande famille des superstitieux, on compte aussi les acteurs. Il ne s’agit pas là de vaincre le hasard, mais bien d’assurer sa confiance en soi avant une prise ou l’entrée sur scène. Le rituel incontournable est alors plus proche d’une séance de relaxation que d’une véritable superstition…


En général, la plupart des superstitions ne peuvent pas faire de mal. Et si elles permettent de se rassurer et de prendre confiance en soi pourquoi pas ? Mais si l'on se met à perdre beaucoup d’argent, ou que l’on menace sa santé (en croyant que telle amulette va nous guérir), que la superstition devient aliénante, empiète sur notre vie ou nos relations, alors il y a danger, et il faut trouver une autre solution. En un mot : continuer à croire en sa bonne étoile et garder les pieds sur Terre !


Louis Asana pour doctissimo.fr

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 10:48

La culture américaine s’est structurée autour de quelques notions majeures, comme le self-made-man ou l'American way of fife. Passage en revue de ces idées fondatrices qui, pour certaines d'entre elles, ont probablement contribué à la forte dégradation de l'empire américain !

 

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L'individu : du self-made-man au self help


L’Amérique est une terre de pionniers. à la différence des États européens qui se sont construits par le haut, l’Amérique s’est construite par le bas. Les premiers colons qui se sont installés ne pouvaient attendre d’un État ni travail ni protection. L’initiative individuelle joue donc un rôle central dans l’esprit américain. Il s’exprime dans la figure héroïque du self-made-man et dans l’idée du « do it yourself ». L’individualisme se retrouve autant dans l’esprit des sciences sociales (la microéconomie) que dans la psychologie du « self help » (développement personnel - le parent pauvre de la psychologie).

 

La communauté : la race et l'ethnie


L’Amérique est une terre d’immigrants. Qu’ils aient été déplacés sous la contrainte (l’esclavage des Noirs) ou se soient embarqués pour des raisons économiques et dans l’espoir de changer de vie, les immigrants européens (Italiens, Irlandais, Grecs, Juifs d’Europe de l’Est) ou asiatiques (Chinois, Coréens) se sont regroupés en communautés. De là une composition particulière de la ville en communautés ethniquement homogènes. De là aussi l’importance des notions de race, d’ethnie et de communauté (« community ») dans la représentation de la société.

 

La religion : In God we trust


L’Amérique est terre de religion. Les premiers colons étaient des quakers (des protestants radicaux venus de Grande-Bretagne pour fonder une « nouvelle Jérusalem »). L’esprit religieux a toujours été l’un des fondements de la nation. Cette religion protestante est fondée sur la liberté pour chaque culte et est rétive à l’idée d’une l’Église monolithique. L’Amérique est la terre de la Bible (Bible belt), des Églises, des sectes, des prédicateurs, des born again et du goût pour les sermons et la rédemption. L’esprit religieux se retrouve dans la « religion civile » américaine (un esprit nationaliste imprégné de religiosité).

      

 

La liberté : du libéral au libertarien


L’Amérique s’est toujours voulue une terre de liberté : le libéralisme économique vante l’esprit d’entreprise et le rejet de l’intervention de l’État. L’esprit libéral n’a pas la même signification qu’en français : « libéral » signifie aussi « progressiste » en matière de mœurs et d’opinion. La liberté est aussi celle de voyager, de circuler associée au goût pour les grands espaces, au mythe du cow-boy solitaire, au vagabond mystique et jusqu’à l’anarchisme des libertariens.

 

Ces visages de la liberté imprègnent profondément toutes les sciences sociales, la philosophie et la littérature américaine.

 

L'esprit d'entreprise et le pragmatisme


L’Amérique est la terre des « business men ». En matière philosophique, cette tendance se traduit par un moindre goût pour l’esprit de système (à l’allemande) et l’esprit cartésien (à la française). Le savoir doit être tourné vers l’action pratique : cet esprit se retrouve dans le pragmatisme, brocardé par Bertrand Russell en son temps : « L’amour de la vérité est obscurci en Amérique par l’esprit du commerce dont le pragmatisme est l’expression philosophique ».


Le rêve américain


Le « rêve américain » a conduit des millions d’immigrants à voir l’Amérique comme une terre promise. Les ascensions d’hommes d’exception comme John Rockefeller, Arnold Schwartzenegger et même Barack Obama incarnent ce rêve d’une réussite personnelle par le travail et le mérite.


 

Le rêve américain prend aussi le visage plus démocratique de l’Americain way of life, promu par Hollywood : le modèle d’une famille unie vivant dans une jolie maison entourée d’une pelouse, avec une belle voiture et de beaux enfants qui iront à l’université et pourront accéder à leur tour à la « bonne vie ».


L'Amérique conquérante : la foi en la mission


Le mythe de la « destinée manifeste » (« manifest destiny ») attribue à l’Amérique un rôle d’exception : celui d’exporter la démocratie et la liberté dans le monde. La doctrine est apparue dans les années 1840 pour légitimer la conquête de l’Ouest, l’assimilation des Indiens et des peuples voisins.


 

Au cours du XXe siècle, le président Woodrow Wilson (de 1913 à 1924) attribue à l’Amérique une mission universelle : « Je crois que Dieu a présidé à la naissance de cette nation et que nous sommes choisis pour montrer la voie aux nations du monde !! » Les présidences de Bush père et fils ont aussi été inspirées par cette vision.


 

"L’expansionnisme américain a toujours été un mixte entre l’intérêt économique et l’idée de mission civilisatrice, teintée de paternalisme."

 

Rebelles : l'autre visage de l'Amérique


La contestation de l’ordre dominant a toujours existé en Amérique, sous deux formes différentes : individuelle et collective. La première est incarnée par des esprits rebelles et solitaires comme le philosophe David Thoreau ou l’écrivain Norman Mailer. La seconde est celle de communautés contre-culturelles underground qui préfèrent construire leur monde parallèle plutôt que de s’attaquer directement au système. Restent enfin les mouvements collectifs comme le Mouvement des droits civiques aux États-Unis (Civil Rights Movement), l’American Indian Movement, la Gay Liberation Movement, Mais étant de fait des minorités, ils furent toujours condamnés à rester minoritaires.

 

www.scienceshumaines.com

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