25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 14:54

 « Nous participons tous à la création. Nous sommes tous, rois, poètes, musiciens ; il n’est que de nous de nous ouvrir comme des lotus, pour découvrir ce qui était en nous ! ». Henry Miller.

 


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-Vers l'homme accompli et affranchi:

 


"La condition humaine est une condition d’élite. Si vous croyez ne pas en être, c’est que vous l’avez mal cherchée, ou que vous ne l’avez pas cherchée !"

 

     

Il paraît, à l'entendre dire, que les hommes désirent la paix, le bonheur, l'équilibre et la beauté. Ce serait un beau programme... si on ne faisait souvent exactement le contraire du nécessaire !!  Comment alors, concevoir la vie lorsque l'on constate que les trois quarts des gens sont appeurés, agressifs, nerveux et épuisés ?! Depuis que la vie moderne nous ôte notre bon sens et nos évidences, on se rend compte qu'il est grand temps de revoir certaines de nos conceptions:

 

Les grandes choses de la vie sont toujours simples, les grands concepts et les grandes vérités le sont également. On ne concevrait pas que la création soit compliquée ! Ne serait-ce pas alors l'homme qui compliquerait sa vision de ce qui l'entoure ?... De plus, les grandes choses doivent être accessibles à tous. Sinon, ce ne sont pas de grandes choses... Pour les trouver, il suffit de partir du commencement, de son propre centre, et de « se comprendre ».

   

La marche des étoiles est simple, Mozart est simple, la vie est simple…malgré cette apparente complexité ! Il suffit de voir le monde dans un enchainement lucide, au-delà du bruit et du chaos générés par les crises d’aujourd’hui. Il n’y a de compliqué que ce qui n’est pas dans « l’ordre » et dans le rythme universel. 

 

Les gens compliqués ne sont pas dans l’ordre, parce qu’un désordre intérieur et névrotique les empêche de voir et de participer à ce fameux rythme qui unit toutes choses. Les déviations intérieures ne sont pas dans l’ordre ; le déni, le refoulement, l’orgueil, l’agression et l’impudence ne sont pas dans l’ordre !!

 

La simplification (et non pas la réification) intérieure et authentique fait la grandeur de l’homme. Et si on me demandait : « Au nom de quoi prônez-vous cette grandeur humaine, l’équilibre et l’énergie vraie ? », Je répondrais ceci : « Au nom de l’Ordre, et par conséquent du bien commun ».

 

Beaucoup de gens courent au cinéma voir de l’aventure, du suspens ou des thrillers. Beaucoup de gens rêvent d’une autre vie, se gavant de récits philosophiques ; ou alors inertes, devant leurs écrans d’ordinateurs. Ils se pressent et se ruent, mais ils n’étudient que rarement l’homme qui a accomplit cette aventure. Ils ne cherchent pas à savoir le pourquoi de cette aventure… Et ainsi, ils ne voient que l’aspect extérieur, et tout demeure lettre morte !

 

Il est bon de s’ajouter quelque chose un jour, une valeur ou une idée, peut-être ! Puis une autre chose, le jour suivant. Il est bon de pouvoir se dire : « Aujourd’hui, j’ai appris ceci, c’est en moi désormais… Et cela s’est dégagé de moi, j’en suis libéré… Aujourd’hui, j’ai changé !! ». C’est ainsi que l’homme devient un ensemble harmonieux, dans une montée vers la simplicité et l’authenticité.

 

Si les gens étaient dégagés de leurs freins intérieurs et de leurs boues, de leurs peurs et de leurs replis dans des vies bien rangées, ils changeraient. Et si les gens se mettaient à changer, tout changerait !! La solution est simple : « c’est la cohésion », avec soi-même et avec autrui. C’est pourquoi elle est difficilement applicable, car elle demande de l’intelligence et de l’ouverture ; elle demande de voir ses propres problèmes…en bref : tout le contraire de notre mode de vie moderne fondé sur la peur.

 

Beaucoup de gens sont comme ils sont…mais dans dix ans ? Ils seront encore les mêmes !  Rien ne se sera ajouté, rien ne se sera retranché…ne valent-ils pas mieux que cela ?

 

On peut tirer enseignement de chaque événement ; mais on ne peut rien tirer des adeptes de l’inertie humaine, qui suivent béatement des guides plus que douteux, sans jamais comprendre ni ouvrir les yeux !!  Rien ne sort de l’inertie, sinon que des choses inertes. Rien ne sort de l’inconscience, sinon que des actes inconscients.

 

On dit que le bonheur est d’être à sa place : c’est très vrai ! Mais demandons-nous si nous sommes vraiment à notre place, dans notre rôle d’homme, ou de femme, qui doit penser par lui-même, éduquer les autres et agir sur le monde ??

 

On dit aussi, malgré toutes les tentatives désespérées, les longs discours et les recherches diverses à ce sujet: que l’Art d’être un « Homme » ou une « Femme » véritable est perdu !!

 

Pourquoi voudrait-on qu’il en soit ainsi ? Les possibilités humaines sont tout aussi présentes aujourd’hui qu’il y a cinq ou dix mille ans ! L’homme possède toujours le même clavier ou le même violon, mais combien de fois lui apprend-on vraiment à bien jouer ?

 

On me dira surement : « Mais tout le monde ne peut pas devenir surdiplômé, érudit ou savant ! ». Mais qui parle de devenir savant ? Et pourquoi le devenir ? Si nous nous instruisons pour devenir spécialiste dans un seul domaine, nous contribuons à la misère et au cloisonnement du monde ! Etre homme de science, et rien que ça, ne vaut rien et ne compte pas. L’intelligence lucide, étendue en tous sens, a seule de l’importance !

 

« En cela, le vagabond qui parcourt le monde synthétise beaucoup plus de connaissances et de richesses que le spécialiste enfermé dans son laboratoire… »

 

L’instruction seule n’a aucune importance en soi. Tant que l’éducation n’enseignera pas une synthèse de la vie, elle restera sèche et sans valeur !!  Toutes les instructions du monde empêchent-elles les hommes d’être déchiré, plein de contradictions et de peurs ? Non ! Au lieu d’encourager les différences entre individus, l’éducation doit montrer les rapprochements. Sinon, la vie continuera d’être une série de conflits, de guerres et de douleurs.

 

L’homme ne doit pas rechercher la seule instruction, mais la plénitude. La connaissance vraie est toujours porteuse de plénitude !!  Il doit chercher à connaitre ses possibilités, et à les réaliser, dans l’harmonie de sa personne.

 

Nous comprenons la vie à travers nos sens et nos prismes intérieurs. La première chose à faire devant un événement est de nous demander si nous l’avons bien vu, avec objectivité et non avec les émotions du moment. L’avons-nous vu en entier ? Et comment la verrons-nous demain ? Car beaucoup de personnes (parfois connues) jugent ! Ils jugent les autres, la morale, la religion, etc.  Ils entament alors des débats sur laquelle il y a souvent incompréhension automatique ! Pourquoi ? Parce qu’ils sont subjectifs, et voient les circonstances à travers un « moi » encombrés de tout un fatras inutile. « Ils sont pourtant convaincus d’avoir observé le plus correctement du monde ».

 

Atteindre l’objectivité est un des buts les plus nobles qui soient… Sans objectivité, on croit comprendre, alors qu’on ne fait que ressentir à travers un soi pétrifié ! L’objectivité n’est possible que par le dégagement de soi et la résolution des problèmes profonds et inconscients.

 

Dans l’objectivité lucide, l’homme atteint le rayonnement !  Il est alors une force calme, qui donne avec cœur et authenticité. Le rayonnement ne se trouve jamais dans la peur, la défense ou la faiblesse. Il se crée uniquement à partir de l’aisance mentale, ou l’homme n’a plus besoin de fuir ses problèmes. Devenus conscients, ceux-ci n’ont plus le moindre pouvoir de destruction !

 

Il ne faut pas admirer ce qu’il y a de grand chez certains. Cette grandeur n’est que le résultat de possibilités dégagées. Mais il faut déplorer ce qui manque chez d’autres, en regard de ce qui pourrait être… (Pour peu que le travail sur soi puisse s’effectuer).

 

 Ainsi, par la psychanalyse, l’homme lucide et courageux peut prendre pied dans la grande lignée des humanistes actifs. Son anxiété et ses angoisses se résorbent, par la grâce d’une joie retrouvée ; son équilibre devient un tremplin de départ, il monte alors vers de hauts sommets, avec des capacités accrues et résolument tourné vers les autres.

   

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7 septembre 2012 5 07 /09 /septembre /2012 12:28

Marie Bonnafé est psychiatre et psychanalyste, membre de la société psychanalytique de Paris, présidente d’ACCES (Actions Culturelles Contre les Exclusions et les Ségrégations). Auteur de « Les livres, c'est bon pour les bébés « éditions Hachette Littérature, Calmann Lévy, Paris.

 

Livres et bébés ne feraient pas bon ménage ! Ils sont trop petits, ils ne comprennent rien", entend-on souvent. Pourtant, les bébés, avant même de savoir parler, sont friands d'albums illustrés. Regardez-les: ils les feuillettent, les explorent en tous sens et écoutent avec passion leurs premiers récits.

  

France-Culture

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En plus de soins maternels, le bébé a besoin de jeux avec l'imaginaire, sans quoi il ne saurait accéder au langage ni à la vie de l'esprit. A contre-courant de l'apprentissage précoce forcé, Marie Bonnafé fait l'éloge de la "lecture pour rien", de la gratuité, du plaisir qui sont les meilleures conditions pour accéder à la langue écrite. Lire des histoires aux tout-petits est ainsi un enjeu culturel et social parmi les plus importants de notre civilisation.

 

 En 1979, un colloque portant sur l’apprentissage et la pratique de la lecture à l’école a réuni pour la première fois, à côté d’enseignants et spécialistes de la pédagogie, des personnalités connues pour leurs travaux sur le développement de l’enfant, dont le psychanalyste René Diatkine.

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Ce colloque a contribué à faire sortir l’apprentissage et la pratique de la lecture du champ des techniques et des méthodes pour l’introduire dans celui du développement humain, de l’arrière-plan social économique et politique d’une société démocratique.

 
Un an après, à l’initiative de Marie Bonnafé, René Diatkine et Tony Lainé, trois psychiatres-psychanalystes, A.C.C.E.S. est né, s’appuyant d’office sur les services du livre et de la petite enfance, réunissant les professionnels qui s’occupent de transmission culturelle dès la petite enfance.

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6 septembre 2012 4 06 /09 /septembre /2012 18:12

" Toutes les nuits, trois ou quatre fois par nuit, un rythme aussi régulier qu’une marée montante nous adresse des images que nous ne comprenons pas. Pascal Quignard. La barque silencieuse."

 

Interprétation, récit et description du rêve selon les peuples et les grands auteurs, dont Freud ! . France Inter: sur les épaules de Darwin.

 

france inter

Cliquez sur le logo pour écouter l'émission

 

 

 Bibliographie de référence:

Petits traités d'histoire naturelle
Petits traités d'histoire naturelle
de Aristote
éditeur : Garnier Flammarion
parution : 1999
Winter Journal
Winter Journal
de Paul Auster
éditeur : Henry Holt & Company
parution : 2012
Sur le rêve
Sur le rêve
de Sigmund Freud
éditeur : Point Seuil
parution : 2011
L'interprétation du rêve
L'interprétation du rêve
de Sigmund Freud
éditeur : Puf Quadrige
parution : 2010
La Femme qui tremble
La Femme qui tremble
de Siri Hustvedt
éditeur : Actes sud
parution : 2010
Living, thinking, looking. Essays
Living, thinking, looking. Essays
de Siri Hustvedt
éditeur : Picador
parution : 2012
Le sommeil et le rêve
Le sommeil et le rêve
de Michel Jouvet
éditeur : Odile Jacob
parution : 2000
Home
Home
de Toni Morrison
éditeur : Christian Bourgois
parution : 2012
Infinite Riches
Infinite Riches
de Ben Okri
éditeur : Orion
parution : 1999
Oeuvres complètes
Oeuvres complètes
de Platon
éditeur : Editions Flammarion
parution : 2011
La barque silencieuse
La barque silencieuse
de Pascal Quignard
éditeur : Editions Le Seuil
parution : 2003
La tempête (oeuvre bilingue)
La tempête (oeuvre bilingue)
de William Shakespeare
éditeur : Folio théâtre
parution : 1997
Les pères du système taoïste
Les pères du système taoïste
de Léon Wieger
éditeur : Les Belles Lettres
parution : 1993
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28 juillet 2012 6 28 /07 /juillet /2012 16:37

Ce terme sibyllin émeut les biologistes, les médecins, les physiciens, les psychanalystes, informaticiens, philosophes, autant que les éducateurs. C’est le principe impitoyable régissant chaque individu à chaque instant de son existence. Ce mystérieux second principe est une loi de mort ! Il est semblable à un courant glacé qui emporte les hommes vers une dégradation irréversible. Il conduit l’univers vers l’équilibre thermique, autrement dit vers la mort. Et, par ce « second principe », la notion de « mort » est entrée dans les concepts scientifiques.

  

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Rappel des lois fondamentales et transposition à l’analyse :


La Thermodynamique 

 

La thermodynamique est représentative des découvertes arrivant trop tôt, et bien avant que l’humanité en puisse concevoir la portée affective et éducative. Ses lois sont implacables. Rien ne semble leur échapper. Toute machine, tout organisme physique, toute entreprise humaine ou autre, toute société, toute famille, sont soumis à ces lois.

 

La thermodynamique est (si l’on peut dire) fille de la machine à vapeur. Elle est ce que Carnot appelait « la puissance motrice du feu ». Son origine fut purement utilitaire, mais son aboutissement déborde largement verts la philosophie et la métaphysique.

 

La thermodynamique étudie les rapports entre les phénomènes de chaleur et ceux de mouvement. L’idée fondamentale est que le travail ne se perd pas. Si ce travail semble disparaître, il est restitué sous forme de chaleur. S’il n’est pas restitué de cette manière, la fraction restante de travail nous sera rendue si nous sommes capable de la solliciter.

 

L’étude des machines thermiques montre une « hiérarchie » entre les diverses formes d’énergie. Par exemple : l’énergie mécanique peut devenir chaleur. Mais la transformation inverse demande un apport extérieur. De plus, il y a perte d’énergie : une partie de la chaleur est irrécupérable (mais elle n’est pas détruite). Cette partie d’énergie est de plus en plus indisponible, et de façon irréversible, tel le carbone dans l’atmosphère. « L’entropie » est la mesure de cette « non disponibilité ».

 

Si on applique à l’univers les principes de la thermodynamique, on déduit qu’il possède une quantité d’énergie qui demeure constante ; mais la qualité de cette énergie se dégrade, de façon irréversible ! L’univers tout entier va ainsi vers sa mort, du moins l’univers physique. Car un système fermé n’échange aucune énergie, aucune matière, avec l’environnement. Il utilise sa propre réserve, dont la dégradation augmente, sans espoir de retour…

 

  • Notons que les principes de la thermodynamique s’appliquent à des systèmes « fermés ». Notre univers peut-être assimilé à un circuit fermés… La névrose également : la névrose est une sorte de « circuit fermé ». Le névrosé se coupe du monde extérieur ; il échange de moins en moins avec l’environnement. Son organisme utilise sa propre réserve d’énergie, et son entropie va vers un maximum !

 

L’entropie et le genre humain

 

Cette notion de destruction inexorable de toutes choses a paralysé la plupart des disciplines humaines. Elle a fortement marqué les esprits et les inconscients humains.

 

L’entropie est généralement considérée comme « mesurant l’état de dégradation irréversible d’un système physique ». On pourrait le traduire par : Rien ne dure, tout s’use, tout casse, tout lasse, tout est promis à la destruction et à l’annihilation !

 

L’entropie représente une course contre la montre et contre la mort. Jamais on ne peut retourner en arrière. Ainsi, toute chose accomplie, toutes les réalisations et tous les rêves, toutes les amours et les haines, se dégradent sans que jamais on ne puisse faire quoi que ce soit pour en assurer la pérennité.

 

« Le second principe » est une loi terrible et vérifiable ! Il a toujours le dernier mot dans l’univers et dans l’humanité. Il enrobe le monde d’un immense « A quoi bon lutter ou exister ? ».

 

La notion d’entropie a bloqué la culture. Pensez ! Mort et dégradation sont les seules perspectives finales… Citons ici Brillouin :

-Comment est-il possible de comprendre la vie quand le monde entier est dirigé par une loi de fer telle que « le second principe » de la thermodynamique, qui pointe vers la mort et l’annihilation ??

 

Encore l’entropie

 

N’y aurait-il pas une autre face de cette médaille sinistre ? Tout se dégrade, c’est pour nous « un fait ». La machine la mieux entretenue s’use. L’usure est le dénominateur commun de tout ce qui existe. Du moins, selon nos critères.

 

En fait, ce que nous appelons usure correspond à « une transformation ». Si une maison abandonnée tombe en ruine puis en poussières, nos critères concluent à l’usure. En réalité, cette maison s’est transformée ; elle a progressivement passée de l’état de maison à l’état de poussière. Elle a ainsi suivi une courbe de lois parfaitement naturelles !

 

Et rappelons ici que nous appelons « désordre et destruction » ce qui ne correspond pas à nos notions « d’ordre et de structuration ». Oui, vraiment : n’y aurait-il pas une face cachée de l’entropie ? Nous pouvons constater que si le corps physique d’un homme vieillit dès sa naissance, ses connaissances et sa conscience augmentent (ou sont censées augmenter) avec l’âge. Les pessimistes diront que « connaissance ou pas, sa machinerie physique retournera au néant, y entraînant sa conscience ! ». Les optimistes diront simplement : « Voire ! ».

 

Notre vie et La Vie

 

On constate que si les individus meurent, La Vie dans son ensemble ne diminue pas dans l’univers. Bergson faisait remarquer que : « la mort des individus n’apparaît pas du tout comme une diminution de la vie en général. La vie n’a jamais fait un effort pour prolonger l’existence d’un individu ».

 

On pourrait rétorquer ici que chacun fait désespérément le maximum pour échapper à la notion d’entropie ? C’est possible. Mais ceci est important : on remarque la mort des individus, on remarque des faits particuliers, on remarque des choses séparées, mais on est incapable d’avoir une vue d’ensemble de la vie et de l’univers. On manque d’informations généralisées.

 

On pourrait se demander : ce qu’un individu perd par l’âge et la dégradation physique, ne se retrouve t-il pas sous forme de conscience ? Car jusqu’à présent, et malgré de nombreux essais, l’affirmation « rien ne se crée, rien ne se perd » reste indétrônable !

 

Si l’univers entier provient d’une source unique, ne peut-on croire qu’il y retourne après un détour de quelques milliards d’années durant lesquelles la conscience se libérera progressivement de « la matière » ? (Voire l’article : La longue veille ou l’art des maîtres). Et tout cela fait songer aux dictons populaires, tel que : « qui gagne ici perd là-bas, après la pluie le beau temps, rien ne se perd et rien ne se gagne », dictons qui traduisent ce permanent "équilibrage" des choses, dont nous ne voyons que les apparences.

 

Et la maladie ?

 

Dans cette optique, que devient la maladie ? Si tout instant, dans l’univers, représente un état d’équilibre maintenu par « des lois » ; si l’univers est « en ordre » à chaque moment, tout instant d’une vie se trouve, lui aussi, dans cet état.

 

Alors pourquoi intervenons-nous en cas de maladie, par exemple, ou d’accident ? Car si la maladie est un état d’équilibre de « l’ensemble de la personnalité », nous risquons de déséquilibrer le tout en intervenant ? C’est, à nouveau, n’envisager que l’individuel en négligeant l’ensemble !

 

Voici une personne malade : A travers quoi la ressentons-nous, sinon à travers nous-mêmes ? Nous avons pitié d’elle parce que nous avons pitié de nous ; car la même souffrance pourrait nous atteindre. L’autre devient la projection de nous-mêmes (c’est d’ailleurs toujours le cas). L’autre devient le miroir de notre maladie possible. La maladie nous apparaît également comme une « cassure » dans un ensemble harmonieux. Nous appelons cela « désordre ou injustice », etc. Ces états d’âme provoquent en nous une angoisse, consciente ou inconsciente ! Cette angoisse, à son tour, provoque une perte d’énergie. Nous devons récupérer cette énergie en éliminant l’angoisse et, par conséquent, en soignant l’autre…

 

En soignant l’autre, nous nous soignons nous-mêmes ! Nous soignons notre déséquilibre provoqué par la maladie de l’autre. [et il n’est pas exclu que l’autre soit tombé malade pour des raisons identiques, ce qui ferme le cercle vicieux des perturbations. Cette hypothèse prouverait donc que les maladies de tous sont les maladies de l’un, et que la thérapie de l’un doit passer par la thérapie de tous ! Une société saine engendre donc des individus sains, et vice-versa.]

 

En soignant l’autre, nous tentons donc d’éliminer notre propre perturbation. Il n’existe aucune exception. Nous rétablissons ainsi un équilibre en nous, sous des termes de « solidarité, justice, droit, devoir, altruisme, bonté » etc.

 

Croire à une intervention individuelle est "une illusion" ! Notre action personnelle ne fait que s’inscrire dans un ensemble d’échanges d’énergie, faisant partie des échanges énergétiques de l’univers entier, tel une immense équation. Ainsi, toute entraide est une aide envers soi-même, par un gigantesque jeu de miroir !

 

Et l’éducation ?

 

C’est la même chose. L’éducation que nous donnons découle de notre façon d’envisager les choses. Elle se fait selon nos critères ! Mais les critères de l’autre bousculent les nôtres. Ils nous placent en état de déséquilibre et de perte d’énergie (soucis, tracas, colères, hésitations, anxiétés, réflexions profondes, etc.) En éduquant l’autre, nous tentons de le placer dans notre critère, et de rétablir ainsi notre équilibre. En éduquant l’autre, nous nous éduquons nous-même. Ici encore, c’est le jeu des miroirs et des échanges permanents d’énergie.

 

Il faut bien comprendre que ces échanges et ces rétablissements d’équilibre ont lieu « à chaque micro-instants de la vie ! », et quelles que soient les circonstances. Comme un navire dont l’assiette se rétablit à chaque seconde à l'aide d'un gyroscope automatique…

 

Il n’existe rien qui soit séparé ou individuel. Toute action, toute circonstance, tout instant font partie d’un ensemble continu…

 

Ainsi donc…

 

Ainsi donc, tout semble "en Ordre", partout et toujours, par un perpétuel rétablissement des forces contraires. Tout n’est « qu’équilibrage » et cohérence, si l’on considère l’univers dans son ensemble, nous compris, bien entendu ; le tout formant une trame mathématique extrémement rigoureuse !

 

Je cite ici un texte du physicien Costa de Beauregard :

« …s’affirmera notre conviction que l’univers matériel étudié par la physique n’est pas le tout de l’univers, mais qu’il masque, démontre, et laisse entrevoir l’existence d’un autre cosmos bien plus primordial, de nature psychique, dont il serait comme une doublure passive et partielle… ».

 

Et peut-être l’entropie et la destruction de la matière libèreront-elles des savoirs et une conscience qu’elles enferment, et dont cette matière n’est qu’un « phénomène » temporaire ?

Plus que jamais, l’homme doit donc « jouer le jeu » et continuer d’apprendre et d’évoluer.

  

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24 juillet 2012 2 24 /07 /juillet /2012 14:30

Je vous invite à découvrir un article fort intéressant rédigé par la consultante Julie Horn, qui traite de la haine. Fléau grandissant dans notre société livrée aux tourments du déclin. " Partout ou l'espoir se meurt, il ne reste que les ressentiments !"

 

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Il n’est pas toujours évident d’expliquer pourquoi les gens agissent comme ils agissent…Souvent, on s’aperçoit qu’il n’existe pas d’explication simple. Si nous devions examiner en détail la vie de chaque individu, il serait très ardu de comprendre ce qui s’y passe, de saisir exactement ce qui a lieu : l’esprit humain est si complexe. 

  

Le Dalaï-Lama.

          

Prélude à la haine

  

J’ai longtemps cherché l’inspiration afin d’écrire sur ce concept, mais rien ne venait. Pour la première fois de ma vie, j’avais ce que l’on nomme «l’angoisse de la page blanche». En fait, c’était simplement l’angoisse des images que me supposait ce mot. Un mélange de frissons, d’effroi et de fascination me transperçant la peau chaque fois que je tentais de le décrire. Mais, en même temps, ces sensations me poussaient à en savoir davantage afin de mieux comprendre cette émotion. C’est ainsi que j’ai commencé mes recherches en regardant la définition du dictionnaire. On y décrit la haine comme étant «une vive hostilité qui porte à souhaiter ou à faire du mal à quelqu’un [ou bien d’avoir] une vive répugnance, une aversion pour quelque chose».

 

En jetant un coup d’œil au-delà du mot même, j'aperçus d’autres expressions similaires : haineux, haineusement, haïssable et haïr. Je me suis demandée pourquoi ces mots existaient, pourquoi ils faisaient partie de notre vocabulaire ? Et même, pourquoi cette émotion propre aux humains existait ? Si l’Homme a senti le besoin de mettre sur papier la définition de cette émotion, c’est parce qu’elle a dû être présente plus d’une fois dans l’histoire. Je ne peux dire à quel époque exactement la haine a été définie et écrite sur papier, mais je peux dire qu’en 2010, cette émotion est encore très présente et comporte une certaine «immensité». Les actes de génocide, le terrorisme, le racisme, la discrimination, les violences courantes à l’intérieur de notre société sont souvent exécutés à travers ce sentiment de haine. Certains auteurs affirment que la haine est la maladie, le grand problème du 21e siècle. Jusqu’à maintenant, je le crois aussi…

La violence de l’homme envers l’homme nous scandalise, mais continue de sévir aujourd’hui. Les avancées technologiques éblouissantes de notre ère ont lieu parallèlement à un retour à la sauvagerie des temps sombres : les horreurs inimaginables de la guerre et de l’annihilation gratuite des groupes ethniques, religieux et politiques. Nous avons réussi à conquérir de nombreuses maladies mortelles, mais nous sommes encore témoins des horreurs du meurtre de milliers de personnes flottant à la surface des rivières du Rwanda, des civils innocents fuyant leur maison et massacrés au Kosovo et le sang coulant dans les champs meurtriers du Cambodge. Quel que soit le côté où nous regardons, à l’Est ou à l’Ouest, au Nord ou au Sud, nous voyons la persécution, la violence, le génocide. 

La haine, oui, elle existe. Mais, pourquoi? D’où vient-elle? La retrouve-t-on dans les médias sociaux? Et pouvons-nous la contrer? Voilà les grandes questions qui se posent aujourd'hui, à la croisée des chemins...

 

La haine selon la psychanalyse

 

La haine existe en tout être humain. Certains la vivent et lui font face, d’autres, la laissent les envahir ou ne l’écoutent pas  On la retrouve sous plusieurs formes, selon les différents champs d’analyse : haine de soi, haine de l’autre, haine des autres, etc.

 

J’essaie de comprendre ce quelle est par l’entremise de la psychanalyse: Une pulsion qui peut devenir pathologie. En général, pour les psychanalystes, la haine est, grosso modo, une pulsion comme l’amour en est une. Toutefois, il ne faut pas se méprendre, la haine n’est pas une réaction à l’amour. Elles sont deux pulsions distinctes régulées différemment par l’appareil psychique, c’est-à-dire que l’appareil ou le système tente de trouver des solutions d’évacuation à ces pulsions. Dans ce sens, la genèse de la haine est différente selon l’expérience propre de chaque individu. Elle vient du milieu familial qui est la base de notre développement psychique, c’est là que tout se met en place : notre premier désir (complexe d’oedipe), notre premier refus (castration), notre premier rapport à l’autre, etc. Ainsi, les psychanalystes diront qu’il faut retourner au début de sa vie, dans le milieu familial de l’individu, pour expliquer les différentes pulsions de haine qui viennent de soi. Ils diront qu’une pulsion, c’est une partie des forces qui nous gouvernent. Dans cet ordre, les pulsions de haine doivent être transformées par l’appareil psychique afin d’être subjuguées, pour sortir positivement de l’individu, par une création tangible telle que la peinture, l’écriture, etc.

 

Si ces pulsions ne sont pas subjuguées positivement ou si elles sont refoulées, elles deviendront pathologiques et entraîneront des conséquences néfastes pour l’individu et/ou la société en général. Par exemple, elles peuvent se manifester par des maladies, de la violence envers soi et/ou envers autrui. Ces pathologies sont considérées comme une véritable défaillance de l’appareil psychique. Dans ce sens, la haine est une pulsion, mais la violence engendrée par la haine : une pathologie. Selon Daniel Sibony, psychanalyste et écrivain, la haine serait une pulsion de défoulement par le«jouir» comme lest le fantasme sexuel par le désir qu’il provoque. Cette haine serait donc créée par un sentiment de castration lorsque les désirs ne sont pas satisfaits et elle se transmettrait en pulsion de violence.

 

Pour expliquer sa thèse, l’auteur utilise l’exemple du racisme. Le racisme serait une généralisation abusive de l’«Autre» par le refus de lui reconnaître sa place dans sa propre gêne. Ce refus, qui ne cesserait de revenir, pousserait l’individu à se sentir harcelé. Dans ce sens, l’auteur explique que le racisme est une méthode de généralisation abusive en se convainquant d’un savoir qui échappe même à l’individu raciste. Bref, il aimerait être comme ce que les autres lui semblent être. Celui qui haït se sent castré, alors que dans le fond il voudrait se donner le droit d’être semblable. Vers une régulation humaine de la pulsion par la société ? Certains psychanalystes mettront l’accent sur le rôle de la société pour stimuler le surmoi de chaque individu afin que des règles, des principes et des valeurs soient inculqués à l’individu comme morale et qu’il puisse vivre en société d’une manière constructive. Ce qui laisse sous-entendre que l’être humain peut sublimer le «non du père» dans son effet de castration par le «non de la société» qui est également une forme d’autorité.

 

Par la suite, ce sera à l’individu de réagir dans son rapport à«l’Autre» où il sera confronté à l’ambiguïté des différences et des ressemblances avec cet «Autre».  Au contraire, d’autres psychanalystes tels que Nicole Jeammet, psychanalyste et enseignante à l’Université René-Descartes,  affirment que la haine peut être stimulée par certains types de société. Mme Jeammet affirme que la logique de la consommation peut devenir un obstacle à celle de l’amour. Ce texte dévoile un autre aspect intéressant de la haine et du débat concernant notre propre société d’aujourd’hui. Elle suscite une interrogation sur la place de la société comme stimulation de la haine et de la poursuite du narcissisme des parents par l’individualisation prônée par la société.

 

Ainsi, le narcissique n’entre plus en contradiction avec les valeurs véhiculées de la consommation exagérée des choses et des personnes. L’insensibilité fait place au besoin d’aimer et d’être aimé, l’être désire son indépendance en décidant par lui-même de ce qui est bon ou mauvais pour lui, les modèles de réussite sont liés à la consommation, etc. Bref, l’Homme revendique son droit d’être différent : «Après que la pensée eut été confisquée par des normes collectives, elle est maintenant confisquée par l’individu». L’auteur prend l’exemple de l’amour pour expliquer son propos : l’amour n’est plus un échange mutuel, mais une façon d’obtenir une réponse à son propre besoin. Ces relations sont le reflet du narcissisme des individus qui se développe à l’intérieur de la société contemporaine. Encore une fois, cet état tend à confondre, selon l’auteur, autonomie avec égoïsme.

 

Ce qui peut accentuer les pulsions de toutes sortes, dont la haine, puisque l’être recherche uniquement le soulagement de ses pulsions d’une manière aisée, sans contraintes. Cet aspect psychanalytique nous renvoie aux questionnements de la stimulation de l’extérieur sur la haine et de la réaction de l’appareil psychique des êtres humains. La réaction sur le politique (c’est-à-dire sur le vouloir vivre ensemble) par les constatations psychanalytiques pousse la réflexion vers la confrontation entre l’être humain et son environnement.

 

Est-ce que la haine serait générée par l’apport même de l’être humain et son héritage de valeurs et de principes? Un peu comme certaines théories «scientifiques» où la haine serait générée par une transmission biologique, la psychanalyse nous offre-t-elle une succession pulsionnelle créée par notre éducation? En fait, la réponse est «non», car les psychanalystes diront que l’appareil psychique se reconstruit à travers l’éducation de chacun !

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22 juillet 2012 7 22 /07 /juillet /2012 08:54
 Les voies de la sublimation sont elles impénétrables ? 
  
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Auteur: Pierre Decourt - psychiatre et psychanalyste - www.psychiatriemed.com

 

L’abord du thème de la sublimation  impose une double approche. Il  existe en effet une double entrée, selon que l'on privilégie les conditions de son avènement au sein de l’économie psychique d'un sujet, ou que l’on centre la réflexion sur ce qu’est la culture et le processus de civilisation. De fait, toute réflexion sur la sublimation suppose un va et vient entre ces deux polarités qui constituent son essence. C’est notre partie pris.

 

civilisation...

 

Pour certains, nous serions entrés dans une ère post-culturelle, pour d'autres, dans une période post-humaine, eu égard aux progrès modernes de reproduction artificielle qui bouleversent l 'univers fantasmatique touchant aux origines de l 'humanité. Période marquée par un vacillement sans précèdent des  paradigmes qui ont depuis la renaissance construits les modèles culturels qui nous furent transmis et dont la sublimation, est, et fut, un des moteurs. Y aurait- il une crise du processus sublimatoire lui-même, un malaise dans la sublimation, dont nous serions les témoins et les acteurs face à ce mouvement d'acculturation, de deculturation généralisée? Accordons-nous à constater que le cycle séculaire qui faisait de la culture le cadre de notre vie et de nos aspirations, ciment de la civilisation occidentale est en train de se fermer. Le cycle, dont l’épicentre trouve ses appuis les plus solides dans le siècle des lumières, et dont notre civilisation en crise porte un  héritage mourant.  Aujourd'hui, les échos du passé deviennent presque imperceptibles. Ils se dissolvent, le sentiment de continuité culturel, qui jusque là, permettait de contempler dans notre imaginaire les traces de ce qui avait fait l 'objet de cet héritage, paraissent effacées; les conséquences sont doubles:

 

-  menace de l 'identité culturelle avec le retour des fanatismes et de ses formes les plus barbares!

 

-  fascination pour " la supériorité du fait" , l'impérialisme de la preuve, inlassablement requise face aux incertitudes de la pensée et de la réflexion, s'emparent du pouvoir sans grande résistance. Ils animent un positivisme simplificateur et imparable dont le pragmatisme pourrait conduire la culture vers un abîme sans fond, en attendant l' hypothétique jaillissement de nouveaux éclats.

 

-------------

 

Du point de vue psychanalytique, la question de la sublimation oblige, à la fois a interroger la complexité de sa nature telle que Freud en a esquissé les contours, mais aussi à ne pas se défiler devant les limites de sa propre conceptualisation, et ses contradictions; Vouloir déceler une cohérence interne au concept qu’il ne contient pas, en appauvri la richesse.

 

Or, ainsi  que le propose  Baldacci , Freud «  lie sur le mode antithétique sublimation et sexualisation, puisque tantôt la sublimation évite la sexualisation ( Leonard) tantôt la sexualisation défait les sublimations ( Schreber)  ; il y a là une contradiction qui n’est pas levée loin sans faut par le commentaire de Baldacci qui considère «  qu’ il semble que la désexualisation soit à entendre dans son opposition à la sexualisation, ce qui n’est pas une opposition au sexuel  »  Comment  le sexuel et la désexualisation ne seraient pas en opposition ?! Vouloir à l’excès réduire les tensions internes propres au développement freudien nuit à la richesse dont elles sont porteuses.

 

 N’est-il  pas plus stimulant de faire le constat comme le fait Christian David que la sublimation conjugue " l’inachèvement et l’incertitude théorique" , plutôt que de s’efforcer de gommer les apories. Malgré son incomplétude et c'est un premier paradoxe, la sublimation est une des pièces maîtresses de la métapsychologie.

 

Rappelons de quelles critiques la sublimation dans la théorie freudienne a, par le passé, fait l’objet. Que retrouve t-on chez les grands mystiques si l’opération sublimatoire recèle les mêmes incertitudes ?

 

Rappelons brièvement quels sont les points d'achoppement de la théorie freudienne et ses apories. Ils sont répertoriés avec rigueur par Laplanche, trop connues pour être rappelées en détail ici. Je me référerai plutôt à la lecture que fait François Roustang, du travail de Laplanche.

Laplanche considère que la sublimation est certainement une des croix (dans tous les sens du terme, à la fois un point de recoupement, de croisement, mais aussi ce qui met à la croix) de la psychanalyse et une des croix de Freud.

 

La sublimation étant définie comme le passage du sexuel vers des buts non sexuels d'ordre culturels, ou pourrait-on dire supérieurs, destinés nous dit Freud, à fournir les forces d'une grande part des "œuvres de la civilisation".

 

Le passage du sexuel au non-sexuel constitue au regard de la théorie des pulsions un point de difficulté peut être irréductible, assurément un deuxième paradoxe!

La question centrale posée est celle là:

  y a t'il un destin non-sexuel à la pulsion sexuelle qui ne soit pas de l 'ordre du symptôme, de la formation réactionnelle?

 

 La réponse suggérée par Roustang  serait: "ou bien le non sexuel est interprétable en sexuel, alors la sublimation n’existe pas, ou bien la sublimation existe, et il y a du non sexuel qui échappe à l'analyse  et s'écarte de la théorie des pulsions, menaçant du coup sa cohérence". La difficulté revient à imaginer comment le sexuel peut il, en se développant, produire du non-sexuel ? ( tout en restant du pulsionnel)

 

Freud contourne la difficulté et propose avec le " Léonard" une hypothèse qui évacuerait la question, en développant l’idée qu’il y aurait une sublimation dès l’origine, idée qui ne le convaincra que peu de temps, puisque son travail sur le narcissisme offrira l’occasion d'une nouvelle conception de la sublimation. La transformation d'une activité sexuelle en une activité sublimée nécessiterait un temps intermédiaire; le retrait de la libido sur le moi, qui rend possible la désexualisation. A partir de ce constat, Freud suggère que l 'énergie du moi s’affirme comme une" énergie désexualisée et sublimée" !

 

Les commentaires sont appelés à être sans fin, inépuisables pour éclairer ce mystérieux passage ! A t’il pressenti la fragilité conceptuelle de ses hypothèses? Probablement! Le chapitre sur la sublimation destiné à la contribution de l’ouvrage  métapsychologique n' y survivra pas!  Sublimation ratée, peut être ou exercice impossible?

 

La question de la sublimation sera néanmoins toujours présente, touchant plus précisément les rapports entre sublimation et désintrication pulsionnelle... ce que je voudrais illustrer:

Claire est peintre et sculpteur, née dans un milieu d’artistes qui occupa et occupe encore le devant de la scène depuis la guerre. Violemment dénigrée par son père quant à ses dons artistiques, car elle est une femme, elle ne cessa de trouver dans la réalisation d'œuvres monumentales, une reconnaissance réparatrice. Mais l’intéressant dans le rapport de Claire avec la création concerne ce bouleversement interne qu’elle éprouve lorsqu' elle peint.

 

Voici le contenu d'une séance au cours de laquelle ce bouleversement est évoqué.

Dès que je peins, j’ai envie de faire l'amour. Quand je fais de la sculpture je n’éprouve pas le même désir. C'est physique au niveau du ventre. Le relâchement de ma sexualité me permet de peindre, alors je me masturbe pour pouvoir continuer.


 L’excitation ressentie, et la violence de son activité créatrice l’entraînent vers des états proches de la dépersonnalisation. Elle se réfugie alors dans une masturbation, sorte de procédé auto-calmant, qui contrecarre l’hémorragie narcissique, liée à l’investissement de l 'œuvre en gestation. L'activité sublimatoire est ici à son acmé. La brutalité de l'oscillation des investissements narcissiques et objectaux est une menace pour son intégrité. Elle dépossède furtivement l’artiste de son sentiment d’existence. L’œuvre attire à elle, dans une violence créatrice, toute la libido narcissique exacerbant le risque de désintrication pulsionnelle.

 

Cette violence, pour Freud est liée, je cite, à " la transposition de la libido d'objet en libido narcissique (qui) comporte nécessairement l’abandon des buts sexuels, une désexualisation, donc une espèce de sublimation. En s'emparant ainsi de la libido des investissements d’objet, en s'exposant comme seul et  unique objet d'amour, en désexualisant et en sublimant la libido du ça, le moi travaille à l'encontre des destins d'éros et se met au service de motions pulsionnelles adverses.

 

Pour Julia Kristeva, " Le tressage habituel qui rassemble pulsion de vie et pulsion de mort se défait. Dans l’activité sublimatoire, la pulsion érotique ne vise plus un objet sexuel de satisfaction, mais un médium qui est soit un pole d'idéalisation amoureuse (la beauté, d'un autre ou de soi), soit une production verbale, musicale ou picturale, elle même hautement idéalisée. Quant à la pulsion thanatique qui s'en trouve ainsi libérée, elle a le choix: soit de se diriger vers le dehors ( objet, autre) et de l'attaquer avec un maximum de violence, de destructivité, de cruauté; soit de s'infléchir vers le moi sous l 'aspect d'une dépréciation, d'une sévérité critique, d 'une dépressivité, voire d'une mélancolie suicidaire… l'aventure sublimatoire expose en réalité le sujet qui s' y engage aux risques d'une catastrophe psychique dont seul peut le sauver… la continuation de la créativité sublimatoire elle- même.


Apparaît très nettement enfin toute la dimension violente, tragique, traumatique et douloureuse inhérente à toute aventure sublimatoire. Il est curieux de constater que l’idée de violence est quasi absente des travaux portant sur ce thème. Elle est largement contre investie, comme si l'attente du meilleur qui côtoie implicitement l 'idée de sublimation, était en soi suffisante, pour oublier la rupture profonde qui la précède. Il n'y a pas de sublimation sans crise préalable, sans effacement de la cohérence, sans deuil préalable. Il n'y a pas de sublimation sans oubli. Cet oubli est l’œuvre d'un renoncement, d'une séparation d'avec soi-même, dont le deuil de soi, et souvent de l’autre, s'imposent.

 

Les points d'achoppement de la théorie psychanalytique de la sublimation sont nombreux. Si la sublimation problématise la théorie des pulsions, l’énigme de la transformation d’une pulsion sexuelle en un but (procurant un plaisir) autre que sexuel laisse dubitatif. (Elle constitue un paradoxe majeur de la métapsychologie. ( L'intérêt de ce paradoxe est qu'il laisse ouvert le débat en soulevant non seulement la question de la dérive des buts pulsionnels, mais aussi celle de l'origine de cette transformation qui conduirait la satisfaction pulsionnelle vers des buts non sexuels.)

 

La sublimation n’a jamais été considérée par Freud comme une finalité de la cure. " Aimer et travailler" sont des buts bien en deçà des aspirations sublimatoires que  l’on imaginerait. Reste absent de la réflexion freudienne un point essentiel: Les rapports entre sublimation et temporalité. La sublimation s’installe t-elle de manière durable? Porteuse d’une dynamique dont on percevrait durablement les manifestations... N’est elle pas souvent la manifestation d'un mouvement interne frappé par son " éphemerité" ? S'agirait-il alors non pas de sublimation, mais d'une banale idéalisation?

 

Elargissons à d’autres champs notre réflexion. Celui propre au  mystique et celui du rêveur...

 

 Sublimation et religion


Les incertitudes, les impasses de la théorie freudienne touchant à la sublimation nous autorisent à parcourir les champs ou les manifestations de la sublimation fleurissent. Je veux parler de la place centrale que la sublimation occupe au sein de la religion et de ses formes mystiques.

Peuvent-elles constituer des modèles au sein desquels nous pourrions puiser des éléments d'une réflexion? Pointer cette proximité peut-il enrichir le débat? C' est le pari proposé, qui vise à prolonger les interrogations freudiennes concernant la religion, telles qu 'elles figurent dans l'Avenir d' une Illusion.

 

Le choix du titre de cette contribution, est une paraphrase un peu provocatrice d'une référence biblique généralement galvaudée, puisque on a coutume de dire ou d'entendre, " les voies du seigneur sont impénétrables!"

 

Je cite la traduction telle qu 'elle figure dans le texte " L'épître aux Romains" , traduit du grec, tiré de " l 'Hymne à la sagesse miséricordieuse":

 

" O abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de dieu! Que ses décrets sont insondables et ses voies incompréhensibles! ". " L' impénétrabilité" n'est pas forcement incompréhensible; elle peut être un symptôme. Les hystériques peuvent en attester!

 

Je n'insisterai pas! Cette référence trouve ici sa place, car  la psychanalyse, de mon point de vue, est une formation de compromis entre science et religion.

 

Comme les trois monothéismes, la théorie psychanalytique repose sur la référence axiologique au meurtre, ou au sacrifice, du père primitif. La psychanalyse se nourrit sans cesse de ce double référentiel, que constituent la religion d'un coté, la science de l 'autre, qu'elle enrichit d'une découverte majeure, celle de l'inconscient! Ainsi toute tentative de formalisation de la sublimation va se nourrir de ce double référentiel, pas seulement au regard de l 'exploration de cette puissante volonté et curiosité de savoir, mais en donnant à la passion d'investigation, dès quelle aboutit, une coloration nouvelle, c'est à dire non- sexuelle. Ce positionnement singulier de la psychanalyse entre science et religion nous permet d' opérer un changement de perspective, afin d'examiner le processus sublimatoire sous un angle nouveau?

 

Sublimation, Sublimations? La métamorphose intérieure.

 

Tout réexamen de la théorie de la sublimation, du fait même de la richesse de ses modalités d' expression permet de soulever trois hypothèses:

La première  hypothèse: l 'expérience des mystiques, si on admet que la vocation qui les anime procède d'un processus sublimatoire, peut elle enrichir notre réflexion?

Deuxième hypothèse: existe t-il des invariants propres à toutes les expériences sublimatoires quelques soient leurs champs d'expression?

 

Troisième hypothèse: les psychanalystes, en vertu de leur pratique mais aussi de leur analyse personnelle, peuvent-ils, comme observateurs privilégiés de ce que sont les processus de changement, apporter leur contribution dans le prolongement ou au-delà du témoignage freudien?

Ce qui réunit les différentes modalités de la sublimation, c'est la transformation du moi soumis à la violence d'une métamorphose intérieure.

 

Aux frontières du théologique, la sublimation est, pour les mystiques, l' épreuve qu 'affronte le sujet dans la rencontre avec l' idéal. Cette étape est  la " Conversion" même ; Conversion prise ici, comme action de tourner, comme passage ou changement. Pour Plotin, c'est ce mouvement par lequel les êtres se retournent vers l 'être originel dont ils procèdent. Quel est cet idéal, dont les effets animent ce mouvement conversif, et déterminent ce " saut" ,  non pas dans le somatique, mais dans l'esprit ? ( même si les processus qui relient les diverses formes de conversion s'entrecroisent). Cet univers se construit-il paradoxalement à partir de l 'expérience du vide, de la  vacuité interne, propice à l' accueil de l'être noétique?

 

Pour maître Eckhart et d'autres à sa suite, c'est le détachement, l' abandon de soi qui est la voie vers le rien. Se faire " comme guenille dans la gueule du chien"; S'épurer jusqu' à s'abolir!

"L 'âme affranchie de toute image temporaire, accomplit l 'anéantissement de son être matériel, par où elle rejoint son essence" .

 

Les cathares considéraient que l 'âme d'essence divine habitait un corps d'essence diabolique. C'est par le baptême dit " de feu et d'eau" que le consolamentum apportait la pureté souhaitée. Cet idéal, on le sait, n'était pas partagé par Rome fustigeant le manichéisme. L 'attachement à cet idéal soulève une question toujours actuelle, concernant les processus à l 'œuvre dans la conversion spirituelle. Quelle  force psychique a pu conduire en 1244 les hérétiques sur le bûcher à quelques pas d'ici? Un seul mot eut suffit à leur grâce. S'agit il encore dans ce sacrifice, de sublimation, portée ici à son extrême, d'une sublimation outrepassée, d' une de ses formes ultimes? L' idéalisation de la promesse d 'être libéré de la tyrannie du corps et de ses impuretés côtoie la poussée pulsionnelle. Il n' y a pas de sublimation à l'état pur, elle contient toujours une partie de d 'idéalisation de l 'objet, et forme un mixte indissociable!

 

Si l'intensité des forces sublimatoires est variable, les formes de l'idéal qui les animent sont innombrables. Elles sont toujours le fait d'une rencontre, a commencer par la rencontre avec cette figure paternelle internalisée, qu'est le surmoi. Freud avait bien saisi les rapports de la sublimation et de l'identification. Mais la rencontre avec d' autres idéaux peut avoir les mêmes conséquences. La rencontre avec les textes sacrés en atteste. Le processus d'intériorisation de l'objet idéalisé produira les mêmes effets. Le processus d'intériorisation rappelle Jeanine Chasseguet-Smirgel n' est il pas lié au remplacement des objets externes par des symboles?

 

Cette rencontre consacre un changement radical dans l' existence du  sujet; elle donne naissance à une métamorphose intérieure profonde, durable. Désormais, rien ne sera plus comme avant! Cette expérience de la rencontre se déploie aux limites de la raison, du savoir et du pouvoir, aux limites même de soi, en un mot aux limites de l 'identité. Cette expérience est hors-langage. Elle mobilise des charges émotionnelles melancoliformes, qui côtoient une sorte de dépouillement imaginaire, cousin de la déréalisation.

 

Pourtant là encore, cette expérience s'effectue sous le signe du paradoxe. La sublimation, se caractérise  à la fois par sa fragilité, à la fois par sa capacité irréductible à nourrir une profonde conviction quant au choix qui se sont imposés au sujet. La lucidité qui accompagne cette certitude est singulière, irritante parfois, arrogante même ; le doute, pour qui a fait l 'expérience de la rencontre avec l 'idéal, est absent. L' autre n' existe plus! Il s'est passé quelque chose! Le regard est ailleurs! L 'émotion est à son apogée.

 

C' est peut-être à ce point précis que la sublimation comme expérience ultime des mystiques, se démarque de la sublimation supposée avoir déterminée nos choix professionnels de psychanalystes. Notre choix, et c'est assez spécifique de la  condition d' analyste et de sa posture, maintient et anime un double courant. La croyance en l' inconscient est indéfectible, absolue, mais sans cesse à renouveler (croyance qui se fonde sur l' expérience d' un élargissement de nos capacités auto-perceptives avec l 'analyse personnelle) mais le doute méthodologique institué comme outil de connaissance est tout aussi présent! cette posture si singulière structurellement " clivante" , folle à certains égards, nous démarque du credo sans faille des mystiques et illustre l' hypothèse formulée plus haut, indiquant ce cheminement original de la pensée et de la pratique psychanalytique sur ce sentier bordé d'un coté par la science et sa rigueur à la recherche de la validation d'  hypothèses, et de l 'autre par la religion, nourrie par une inspiration divine qu 'il convient de célébrer "ad vitam aeternam" .

 

Une question, quelque peu hors de propos, en tout cas impertinente trouve pourtant ici sa place. Embrasser la carrière d’analyste, reposerait  sur une sublimation? Ce choix professionnel, engage l’essentiel de la personne de l 'analyste dans une certaine ascèse, y compris dans ses choix existentiels. Pourtant un certain degré de perplexité s 'impose quand on observe la vie des analystes, l'activité de certaines formes de clivages résistants bien aux effets de la sublimations.

 

 Peut-on ainsi, en différenciant sublimation telle que l' élation des mystiques en atteste, et sublimation dont les créateurs et les analystes peuvent temoigner, concevoir plusieurs formes de sublimations? Je ne le croix pas. Il existe un processus sublimatoire . En revanche les occurrences de la sublimation dépendent du degré de clivage du moi toujours actif, même dans le silence et le retrait, parfois même dans les formes d'engagement les plus irréductibles. Aussi , il n'y a pas d' état pur de la sublimation!

 

Une constante, un point de convergence entre les diverses modalités d'expression du fait sublimatoire se dessine: C' est  la découverte que le véritable sujet c'est l 'Autre; le moi se dépouille de ses certitudes au profit de la naissance d'une croyance ;" je crois en dieu ou encore, je crois en l' Inconscient ; je l 'ai rencontré!"

 

 Lacan ne disait t'il pas:" l 'inconscient c'est dieu! '' formule oh combien séductrice, (qu'il aurait plus ou moins récusé) qui, si elle touche quelque chose de profond, possède un pouvoir attractif redoutable. A un glissement prés on pourrait considérer que la tentation oraculaire des mystiques prompt à interpréter les rêves, serait concurrentielle de l 'interprétation psychanalytique, qui ne l 'oublions pas, confère au rêve une intelligibilité potentielle, au prix d'un travail auto-reflexif. Cette " compétition" dont le terrain de jeu serait l' interprétation du  rêve est toute relative, car dans l 'ancien testament, c 'est Dieu qui donne l 'interpretation. N' observe t' on pas à nouveau, combien est incertaine la ligne de crête empruntée par la psychanalyse qui serpente entre religion et psychanalyse. Dès l' instant ou on postule l 'existence d'un contenu latent déguisé en contenu manifeste, la tentation mystique rode. Freud dans " les Nouvelles conférences" constate que le sujet mystique est lui même en quête des profondeurs de l 'âme et le je le cite; " nous voulons ajouter que les efforts thérapeutiques de la psychanalyse se sont attaqués au même point ( que celui des mystiques) avec le même objectif ; élargir le champ perceptif: le devenir conscient; le wo es war…comme finalité commune?

 

Freud en appelle à la pratique herméneutique pour déjouer et circonvenir la tentation mystique qui ne cesse de le hanter, même s'il considère, dans un lettre à Jung,  je le cite; " la mystique m' est aussi fermée que la musique" .

 

Le souci de conférer le statut de science à la psychanalyse, définie elle- même comme nouvelle discipline scientifique, résonne t 'il comme formation réactionnelle face à cette trop grande proximité entre psychanalyse et religion? Les conséquences de cette proximité ne seront pas explorée par Freud. Elles seront evitées! Ni les positions de Jung, ou  l'enthousiasme messianique de Romain Rolland ne troubleront durablement l'  esprit de Freud. L'ancrage dans le champ de la science de la nouvelle discipline est une priorité.

 

Sublimation et rêve...

 

Il existe une fonction  commune au travail du rêve et à la sublimation; celle de transformer la pulsion en un contenu acceptable pour le moi. L' un et l 'autre travaillent à contenir, transformer l 'énergie sexuelle, soit dans la sublimation en la déviant de son but, orientant alors l' énergie au dehors vers une réalisation artistique ou un dépassement de soi; soit dans le rêve en transformant celle ci  au dedans du moi, en un matériau énigmatique. Ainsi, sublimation et rêve imposent un travail au moi. La sublimation dépossède le moi de ses prétentions. Le moi du mystique s'est vidé, dans la rencontre initiatique, de toute consistance; Thérèse d' Avilla résume son sentiment;" je vis, mais sans vivre en moi -même" . C'est le prix à payer pour l 'accueil du divin. Le sujet y perdra son identité, son histoire.

 

le rêve quant à lui, profite de la régression induite par le retrait sensori-moteur physiologique du sommeil, pour  mettre en scène le désir inconscient. Au moi de  subvertir, de détourner ce désir en le transformant pour apaiser l' excitation qu'il contient. Le moi du rêveur laisse un chance au sujet d'étendre son territoire; son champ d'investigation s'ouvre. Ses propres perceptions endo-psychiques le conduisent vers une conquête incertaine et difficile, vers l 'exploration de l'univers inconscient animé par la poussée pulsionnelle.

 

 L 'analogie entre sublimation et rêve s'arrête t' elle là?

On pourrait le croire. Si la sublimation et le rêve procèdent d'un travail de transformation de la pulsion sexuelle, la finalité de cette transformation les opposent en apparence; dépossession d'un coté, conquête de l 'autre!

 

Nombreux sont les exemples ou le rêve apparaît comme médiateur d' une création et trouve son ressort dans la sublimation du courant pulsionnel.

 

En voici quelques exemples célèbres: Ainsi, Borges rapporte dans son texte le rêve de Coolridge, cette étrange aptitude de Kubilay Khan, empereur mogol, à composer pendant son sommeil 300 vers, dont seuls 54 resteront mémorisés au réveil, aptitude doublée de ce pouvoir d' imaginer le plan dans tous ses détails du palais qu 'il fera construire. Mozart dit- on aurait écrit " la flûte" à la faveur d' un rêve. Wagner, le prélude à l'0r du Rhin. Einstein, on le sait, aurait découvert la théorie de la relativité en puisant son inspiration dans un rêve. Freud enfin, n 'a t' il pas avec l' interprétation du rêve de l'injection faite à Irma et de celui de la Monographie, esquissé les grandes lignes de traumdetung! La substitution passagère de son plaisir addictif, dans une période  de forte consommation de cocaïne, par l' étude de l 'activité onirique induite par les phénomènes narcotiques, constitue assurément un bel exemple de sublimation réussie, même si ses propres composantes addictives resteront intactes.

 

Plus proche, Mick Jagger, au cours d'une tournée en Californie, aurait pendant un rêve composé les premières notes de " Satisfaction" , enregistré dés son réveil sur le petit magnétophone qu'il ne quittait jamais. Rêve et sublimation concourent à la réalisation d'une création ; le rêve a une fonction de médiateur sur la voie de la sublimation d'un courant pulsionnel.

 

Pour conclure:

 

La sublimation comme l 'art est une aventure, pour le moi, et pour le narcissisme.

Pour le moi, nous l 'avons évoqué, elle transforme et transcende parfois le destin de l'individu. Le prix à payer est celui d' un renoncement, d'une perte de ses particularités défensives. Pour le narcissisme, l 'aventure est contradictoire ; d' abord, œuvre de mort, elle annihile toute considération positive de soi, afin de " s'épurer jusqu' à s'abolir" . L e sacrifice de soi serait la forme la plus aboutie du renoncement; être pour autrui, tel serait le credo des mystiques, imprimant au narcissisme une portée illimitée. De ce point de vue, on pourrait affirmer que la sublimation œuvre pour l 'auto-conservation, de l' individu, de la culture, voire de l ' espèce.

Comment  mieux illustrer la complexité de ce double mouvement, ses effets de rupture et de changement, si ce n 'est en évoquant, après les deux rêves de Freud fondateurs de la science des rêves, la célèbre première phrase du " Moise" ? auquel il s'est largement identifié. Elle a ceci d'intéressant car elle condense, un renoncement et une profonde métamorphose, appelant Freud- Moise, vers son propre destin sublimé.

 

" Déposséder un peuple de l ' homme qu 'il célèbre comme le plus grand  de ses fils est une tache sans agreement, que l 'on accomplit pas d 'un cœur léger. Toutefois aucune considération ne saurait m 'induire à négliger la vérité au nom d'un prétendu intérêt national."

 

Dr Pierre DECOURT

Psychiatre psychanalyste - www.psychiatriemed.com

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1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 12:24

Analyse de l'analyste et questionnement sur ses capacités... lorsque celui-ci est confronté au vieillissement, à la maladie et à la mort !

 

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“ Le total des jours de Mathusalem fut de neuf cent soixante-neuf ans et il mourut. (...) Quand les hommes commencèrent à se multiplier à la surface du sol et que des filles leur naquirent, il advint que les fils d’Élohim s’aperçurent que les filles des hommes étaient belles. (...) Alors Iahvé dit : “Mon esprit ne restera pas toujours dans l’homme, car il est encore chair.” Ses jours seront de cent vingt ans. ”La Genèse.

 

À ses collègues qui s’inquiétaient de l’âge croissant des candidats à une formation psychanalytique, un psychanalyste d’expérience répétait volontiers : « La psychanalyse est un métier de vieux. » Sans doute l’a-t-elle toujours été – au sens où l’on disait « mes vieux » en parlant de ses parents – et il est peu probable que l’on puisse devenir psychanalyste à 20 ans. Mais Lœwenstein n’avait pas 30 ans lorsqu’il s’est fixé à Paris pour contribuer à fonder la Société psychanalytique de Paris, et nombreux sont ceux de ses membres qui ont eu des responsabilités institutionnelles de formation autour de 35 ans ; leur dynamisme a été considérable et leur production remarquable. Faut-il rappeler que Maurice Bouvet n’avait pas 49 ans lorsqu’il est mort ? Alors « métier de jeune », « métier de vieux » ? L’expérience clinique et la simple expérience des difficultés de l’existence ne peuvent que favoriser l’exercice de la psychanalyse mais la jeunesse d’un analyste n’a-t-elle pas quelques avantages, et peut-on rester psychanalyste indéfiniment et quelles que soient les circonstances ?

 

 Des souvenirs cliniques me reviennent, trop nombreux. D’abord celui d’un patient dont le psychanalyste était devenu dément du fait de la sénilité. Il a vécu des mois de cauchemars avant de comprendre ce qui se passait, avant de prendre réellement conscience de l’état de son analyste, état qu’il ne voulait pas plus voir que l’entourage de celui-ci, entourage qui finit cependant par faire cesser d’autorité l’activité du praticien devenu incapable. Et puis cet autre exemple, presque inverse, puisqu’il s’agissait d’un analyste jeune, sans atteinte intellectuelle apparente, dont la patiente faisait état en séances de douleurs situées là où le stigmate d’une intervention grave marquait le visage de l’analyste : « Ma tête à gauche... », disait-elle, ce que l’analyste n’arrivait pas à rapporter à lui-même, car il lui fallait, dans son héro ïsme à résister à une affection létale, penser que le maquillage des séquelles de son intervention chirurgicale était imperceptible.

 

 Telle de nos collègues se rappelle comme d’un traumatisme dont elle eut du mal à se dégager la chronique des hémoptysies que son analyste, John Leuba, atteint d’un cancer du poumon, lui faisait lorsqu’elle lui rendait visite pour prendre de ses nouvelles.

   

Pris dans une autre forme de malheur médical, d’évolution lente mais fatale, un psychanalyste très estimé, se sachant perdu à moyen terme, s’efforçait de hâter la terminaison des cures de ses patients, induisant tels d’entre eux à demander une formation de psychanalyste, avec sans doute le fantasme de se prolonger dans une descendance analytique. Je puis mourir, mais ma façon de pratiquer l’analyse ne mourra pas si mes patients deviennent psychanalystes ; une part de moi au moins échappera à la mort. Le fantasme inconscient organisateur d’une telle conduite pourrait être : mon âme psychanalytique immortelle sera portée par mes anciens patients devenus psychanalystes. Le fantasme de « filiations analytiques » est puissant et organise bien des comportements.


Qu’il s’agisse du grand âge, du trop grand âge, ou de la maladie, la question est évidemment celle du rapport à la mort, du rapport des psychanalystes à l’éventualité – c’est-à-dire à la certitude niée – de leur propre mort.

 

On ne voit pas bien pourquoi les psychanalystes seraient différents des autres hommes dont Freud nous a montré que leur inconscient méconnaît en fait leur caractère mortel : « L’inconscient en nous ne croit pas à notre propre mort. Il est contraint de se comporter comme s’il était immortel. Peut-être est-ce là même le secret de l’héroïsme. » De l’héroïsme du psychanalyste qui se sait porteur d’une maladie létale à relativement court terme et continue de recevoir ses patients ? Il est trop évident en tout cas que les exemples évoqués ci-dessus, et bien d’autres, nous obligent à constater que bien des psychanalystes en fin de vie se conduisent comme s’ils étaient immortels.

  

L’idée inconsciente que la psychanalyse confère une sorte d’immortalité serait finalement assez répandue. Paul A. Dewald (1982) l’exprime, non sans humour : « Je considérerais volontiers que beaucoup d’analystes nourrissent le fantasme selon lequel leur analyse personnelle les a “immunisés” contre quelques-unes des maladies qui affectent les autres. Bien que je ne dispose pas de statistiques, l’expérience montre que les analystes peuvent avoir et souffrent de maladies et d’accidents sérieux qui menacent leur vie. » Cette idée est parfois sous-tendue par une considération consciente issue de l’expérience des psychosomaticiens : parce qu’elle développe l’élaboration psychique de l’analysé-analyste, la psychanalyse protégerait contre somatisations et somatoses, donnerait une forme d’immunité psychosomatique, une « psycho-immunité » qui nous rendrait invulnérables. La maladie grave de l’analyste lui infligerait donc une double blessure narcissique, l’une touchant banalement son intégrité corporelle et l’autre touchant ses illusions sur la valeur protectrice de son analyse sur le plan psychosomatique.

  

La rareté des articles se rapportant de près ou de loin à la mort possible, imminente ou accomplie, de l’analyste est frappante. Il faut citer essentiellement un article ancien de Gregory Zylboorg (1938) qui traite du fantasme d’immortalité d’une façon qui s’accorde bien avec la question des pulsions au milieu (ou à la fin...) de la vie ; un texte de K. R. Eissler de 1976, « Des effets possibles du vieillissement sur la pratique de la psychanalyse », qui est le seul de son espèce sur ce sujet précis.

   

LE VIEILLISSEMENT DE L’ANALYSTE

   

Attardons-nous d’abord sur le contenu de l’article de K. R. Eissler: Pour lui, et schématiquement, le vieillissement provoque un accroissement des investissements narcissiques. Si le narcissisme de l’analyste s’appuie sur son Surmoi, l’analyste devient plus rigide, plus obsessionnel et intolérant dans sa pratique. (C’est un cas de figure qu’il nous est loisible d’observer assez souvent.) Si cet accroissement du narcissisme se porte sur le Moi, l’analyste attendra du patient admiration, révérence et respect. À l’évidence, ces deux attitudes ont une influence – négative, même si l’auteur ne le précise pas – sur le travail analytique du patient et sur l’analysabilité de son transfert. Mais une note d’optimisme s’exprime dans un cas de figure plus favorable : si l’accroissement du narcissisme se distribue finalement de façon bien répartie (ce que favoriserait la diminution de la pression du Ça et donc du conflit), le Surmoi et le Moi seront plus harmonieux.

 

Il en résulterait une plus grande tolérance de l’analyste à la maladie du patient, une réduction de l’ambition thérapeutique et une plus grande acceptation du caractère ordinairement humain du patient. Il y aurait donc là un privilège de l’âge, de même que, du fait de la diminution de la tendance à l’activité laquelle accompagnerait le vieillissement, et du plus grand intérêt pour le savoir et l’insight, qui augmenterait avec l’âge, une meilleure attitude par rapport aux résistances du patient se développerait... Vieillir augmente aussi l’intérêt pour les souvenirs d’enfance et l’analyste vieillissant pourrait avoir une empathie plus grande par rapport à l’enfant qu’a été le patient lorsqu’il réapparaît dans l’analyse. Jusqu’ici, en somme, les avantages et les inconvénients se compenseraient, une forme de sagesse apportée par l’âge pouvant améliorer le fonctionnement analytique. Mais pour Eissler, au-delà d’un certain temps, le vieillissement fait que la mort devient une question qui affecte l’existence avec son cortège de conséquences possibles. Cependant, pour lui, si l’analyste a intégré que la mort est une nécessité, il sera capable de traiter l’inévitable comme facteur de la vie du patient et sera aussi mieux à même de l’aider à analyser ses peurs et vœux de mort. Pourtant non sans sagesse, il nous avise que nous devons nous garder d’apparaître héroïques aux yeux du patient. Penser qu’il a un analyste héro ïque serait de nature à réduire l’estime qu’il a de lui-même et de susciter chez lui des réactions de culpabilité. Les analystes femmes s’en sortiraient mieux du fait de leur meilleure intégration de la passivité.

  

En plus de la diminution de la mémoire qui ne peut être que très imparfaitement compensée par la prise de notes, un autre facteur perturbateur pour l’analyste qui prend de l’âge – affectif, celui-là – est qu’il commence à voir mourir ses contemporains, ce qui le conduit à un investissement plus important de ses patients, surinvestissement qui peut avoir des effets bénéfiques ou néfastes sur la qualité de leur analyse.

  

Globalement, Eissler considère que vieillir diminue le pouvoir thérapeutique de l’analyste, alors que les analystes, en tant que groupe, préfèrent considérer que ce pouvoir est meilleur faute d’être plus grand. L’essentiel pour lui est qu’il découle avant tout du vieillissement de l’analyste deux occurrences qui posent chacune leurs problèmes techniques spécifiques :

   

Tout d’abord la probabilité que l’analyste meure inopinément pendant l’analyse de ses patients augmente avec l’âge, ce qui, en ce cas, entraîne un cortège de conséquences pratiques : comment faire avec les patients de l’analyste disparu...

 

L’autre éventualité qu’il envisage – laquelle est sans doute finalement plus difficile à traiter – est que l’analyste puisse mourir peu à peu au cours de l’analyse du patient. Dans cette circonstance, une position héro ïque de l’analyste n’est guère profitable au patient, dit-il... Il recommande d’aborder la question avec lui, de continuer quelque temps l’analyse pour que celui-ci puisse exprimer ses sentiments et ses fantasmes par rapport à ce qui se produit, puis de l’envoyer à un collègue. Selon son expérience, il est très important que le patient poursuive son traitement avec ce nouvel analyste alors que le premier est encore en vie. Le bien-fondé de cette dernière disposition, qui fait peser une sorte de dernière volonté de l’analyste sur son patient, a été discutée par quelques auteurs qui pensent qu’elle ne peut avoir de valeur générale et qu’une politique impliquant un temps d’arrêt, laissant une place au deuil et à une possibilité de reprise ultérieure d’une analyse, a sa cohérence. Un conseil sage, et sur lequel un consensus se rassemble, d’où émerge en tout cas, la nécessité de fixer assez tôt un terme. Rachelle Dattner, dans la revue qu’elle consacre à la mort de l’analyste, cite un article de Kaplan et Rothman (1986) fondé sur les notes cliniques du thérapeute décédé, et aussi sur les entretiens menés une année et demie après la mort de Rothman, article que Kaplan conclut ainsi : « Malgré les meilleures intentions du monde, informer le patient d’une maladie mortelle de l’analyste reste vague tant qu’un terme n’a pas été fixé à l’analyse. Sans cela le thérapeute dénie sa propre maladie et le patient ne peut pas non plus en accepter la réalité. »

 

En dépit de l’intérêt de sa position de sagesse, l’article de Eissler reste limité dans ses considérations, en particulier parce qu’il n’évoque pas le monde fantasmatique de l’analyste et ses implications dans le traitement de la situation.

 

MALADIE GRAVE DE L’ANALYSTE ET CONTRE-TRANSFERT

 

Ce qui apparaît chez l’analyste obligé d’arrêter son activité pour une maladie grave peut nous éclairer par analogie, sur certains mouvements psychiques susceptibles d’apparaître chez un analyste confronté à l’éventualité de sa mort du fait de l’âge. Une telle expérience a été rapportée, dans deux articles distincts, par deux psychanalystes, Paul A. Dewald et Sander M. Abend, en 1982. Tous deux, lors d’une grave maladie qui les avait frappés l’un et l’autre, ont noté leurs réactions contre-transférentielles et constaté leurs difficultés à traiter la réalité de la situation d’interruption de l’analyse de leurs patients.

 

Abend écrit, par exemple : « Nous ne demanderions pas délibérément à nos patients d’être attentifs, soucieux de nous, de tout cœur avec nous, mais leur parler de nos maux peut constituer une voie détournée pour justement obtenir tout cela. L’impact régressif de la douleur, de la maladie, de la blessure et du danger peut nous amener inconsciemment à susciter de telles réponses. »

 

Dewald décrit ainsi un aspect des conséquences des informations transmises à ses patients sur la réalité de sa situation : « Lorsque mes patients connurent la sévérité de ma maladie et où j’étais hospitalisé, quelques-uns d’entre eux envoyèrent des cartes, des fleurs, ou d’autres témoignages d’intérêt, de souci et de sympathie. Un patient par exemple écrivit plusieurs lettres circonstanciées donnant avis et suggestions sur mon traitement médical et ma maladie infectieuse. Plusieurs autres allèrent jusqu’à ma chambre d’hôpital pour chercher à me voir, et d’autres posèrent des questions à mes amis et collègues sur mon état. Ces comportements produisirent des effets contre-transférentiels centrés sur la question du renversement des rôles... »

 

Soulignons ici cette question du renversement des rôles provoqué par la maladie. Le trop grand âge de l’analyste peut induire le même mouvement. Alors même qu’il avait pris la décision de ne donner à ses patients aucun élément de réalité justifiant son absence, Abend a constaté qu’il n’avait pas été en mesure de maintenir sa politique et qu’il s’était senti contre-transférentiellement poussé à transgresser la règle qu’il s’était fixée : « Lorsque j’eus retrouvé un état d’esprit plus ordinaire, je fus profondément impressionné par le fait qu’il s’était avéré impossible pour moi de faire ce que j’avais décidé avec la plupart de mes patients d’analyse. J’avais finalement fait exactement comme Dewald et beaucoup de collègues ont fait, c’est-à-dire que j’avais tenté de m’ajuster aux besoins de chaque patient, de façon individuelle. Rétrospectivement je pense cependant que mes ajustements n’étaient ni justes ni objectifs. Je me suis finalement rendu compte que mon propre contre-transfert, bien plus qu’une juste évaluation de ce qui pouvait être le mieux pour chaque patient, m’avait décidé à donner des informations factuelles. »

 

Les témoignages de Abend et Dewald confortent ce que des exemples moins rigoureusement observés laissent penser : la situation est en fait impossible. L’analyste est confronté malgré lui à une double contrainte, puisque, d’un côté, il veut « rester analyste », et qu’il est incapable d’y parvenir précisément puisqu’il est blessé dans son fonctionnement, et que, de l’autre, il introduit un corps étranger – psychanalytiquement étranger – dans l’esprit du patient du seul fait de l’interruption inopinée, que celle-ci soit accompagnée ou non d’informations factuelles. Quant au patient, il est également soumis à une situation de double bind puisque ses fantasmes rencontrent une réalité qui le prive de la situation où ils auraient pu être élaborés.

  

Abend souligne fort bien le caractère contradictoire des explications données au nom de la réalité : « (...) il est artificiel de chercher à séparer les perceptions, pensées, inquiétudes et jugements “réalistes” de l’analysant par rapport à l’analyste et à la situation analytique, des réactions de transfert inconsciemment déterminées. Il ne s’agit pas de nier qu’il existe des événements réels qui ont un impact sur la situation analytique, ni que les analysants, comme les analystes, ont la capacité de percevoir et de penser les choses dans leur réalité. Je veux simplement souligner que ce qui est réel pour chaque patient c’est ce qu’il observe, ressent, pense, souhaite, redoute, imagine à ce propos et résout au moyen des opérations d’un appareil psychique dont la composante inconsciente constitue invariablement une part significative, ce qui est également vrai pour chaque analyste. » Ce que l’analyste transmet de la « réalité » est contaminé par ses propres fantasmes et angoisses personnels mais aussi par des besoins régressifs inconscients : « À certains moments il semble plus facile à l’analyste de mettre ses patients dans le secret de son sort personnel plutôt que d’affronter la pleine expression de leurs fantasmes et de leurs sentiments. »

  

Comme l’écrit Dewald : « Le problème thérapeutique réside dans la nécessité d’explorer de façon adéquate toute la gamme des réponses du patient, affects et associations à la maladie et dans le fait qu’il faut y parvenir tout en étant confronté à des tentations contre-transférentielles qui conduisent soit à provoquer un arrêt prématuré et une fuite devant les affects les plus menaçants, soit à utiliser ce qui se passe pour des satisfactions exhibitionnistes, masochistes, narcissiques ou névrotiques d’autres sortes. » Ne pourrait-on pas évoquer le sadisme qu’il peut y avoir à se présenter quasi mourant en face d’un patient ? Et dans l’exhibitionnisme qu’il y a à mourir en public comme Molière en scène ?

  

La recherche inconsciente de compensations à la maladie grave ou à la vieillesse intervient forcément de façon importante dès que l’analyste a pris conscience de son état et les écueils de la situation analytique sont alors nombreux. Citons ici, à nouveau, Abend : « Il semble indiqué de prendre en considération les motifs contre-transférentiels potentiels qui iraient dans le sens d’une modification du principe d’abstinence dans de telles situations. (...) Quel est l’effet bénéfique de la révélation de quoi que ce soit de plus que le fait de l’interruption et de la prévision de la reprise des séances ? Sur quelle base décider que telle information spécifique est de nature à soulager une angoisse insupportable ? (...) « La transmission d’informations factuelles sur la maladie de l’analyste est subordonnée à des besoins inconscients chez l’analyste lesquels ne sont pas toujours reconnus ni admis. Il en est ainsi même si l’analyste est convaincu qu’il est techniquement correct de donner telle information... »

 

C’est d’une modification du principe d’abstinence que parle Abend, expression dont il faut souligner la force : sans employer directement le terme, Abend désigne finalement comme séduction la rupture de la réserve analytique qui devrait laisser au patient la liberté de tout imaginer. Les patients de Dewald avec leurs fleurs et leurs lettres avaient aussi interprété comme séduction ce qui leur avait été donné comme information, ils s’étaient sentis non seulement autorisés mais invités à se manifester. Renversement des rôles et rupture de la règle d’abstinence, c’est-à-dire séduction, sont ainsi les risques que peut faire courir à ses patients l’analyste qui tombe malade... ou celui dont l’évident excès de vieillesse est à lui seul une information, sinon une confidence.

 

Et que dire de la paralysie à toute forme de sadisme qu’impose au patient la perception de l’état de son analyste ? Si on ne tire pas sur une ambulance, on ne s’attaque pas non plus à un médecin blessé.

  

LE FANTASME D’IMMORTALITÉ
    
« (...) tous les immortels étaient capables d’une quiétude parfaite ; je me souviens de l’un d’eux, que je n’ai jamais vu debout : un oiseau avait fait son nid sur sa poitrine. »Jorge Luis Borges.
  

Le courage de Freud devant la maladie, la douleur et devant la mort nous a donné un exemple difficile à élaborer pour chacun de nous. Il a vécu et travaillé dix-sept ans avec sa tumeur de la mâchoire et presque jusqu’à la fin. Mais n’a-t-il pas, au bout du chemin, pris, lui le premier, ses patients comme soutien, en complément de celui d’Anna ? L’élaboration de la « pulsion de mort » alors qu’il avait sa propre fille sur son divan n’a-t-elle pas été l’une des formations réactionnelles nécessaires pour refouler les fantasmes incestueux qui ne pouvaient pas ne pas l’assaillir ? La place, de moins en moins hypothétique et de plus en plus grande, assignée à la pulsion de mort dans ses écrits au fur et à mesure que sa santé déclinait, ne témoignerait-elle pas d’un effort contre le renforcement de ses fantasmes incestueux par rapport à l’amour que lui portaient ses patients ? L’inversion du sens de la relation thérapeutique et la rupture de la règle d’abstinence liée à la maladie de l’analyste dans les exemples que nous avons cités n’ont-ils pas eu leurs équivalents dans le cas du père de la psychanalyse ?

  

L’obscure perception des risques encourus par l’analyste et le patient lorsque l’analyste approche d’une mort trop possible, perception qui serait l’effet du principe de réalité, devrait conduire les praticiens de la psychanalyse à s’arrêter « assez tôt » ; certains y parviennent. Chez d’autres, une forme de déni s’instaure qui les installe dans un statut psychique d’immortels.

  

« Je sais bien que je suis trop vieux, en danger de mourir inopinément – ou frappé d’une maladie telle que je serai mort dans quelques mois –, mais quand même je continue à recevoir mes patients comme avant. » Je sais bien mais quand même... Le clivage installé de cette façon vise à éviter le « deuil de soi-même », pour reprendre ici l’expression de Christian David, perte identitaire, deuil de soi-même que déclencherait chez le psychanalyste le renoncement à son activité, à l’investissement de ses patients. Mais il s’agit aussi de la perte de la provocation à élaborer que lui impose la stimulation des séances, de la perte du plaisir au fonctionnement analytique.

 

Dans la nouvelle intitulée « L’Immortel », Borges décrit l’étrange destin d’un homme devenu immortel par contagion lorsqu’il eut atteint le pays des Immortels : « L’histoire que j’ai racontée paraît irréelle parce qu’en elle s’entrelacent les événements arrivés à deux individus distincts. » Ici les deux individus distincts sont le psychanalyste en pleine santé et le psychanalyste transformé par la maladie ou la vieillesse. Le clivage s’établit entre le psychanalyste, homme de l’intemporel et donc immortel – la psychanalyse, comme les cellules germinales, serait immortelle pourvu qu’elle soit transmise –, et l’homme mortel et périssable qui lui sert de support. Il arrive un jour où l’un ne veut pas reconnaître l’autre. Ce serait donc idéalement le rôle de « la horde sauvage », du groupe des psychanalystes d’intervenir – mais comment ? – pour lever chez l’immortel ce clivage qui risque d’être dommageable à ses patients. Mais, à supposer que le vieillissement des analystes soit tel que le nombre des « immortels » devienne majoritaire, n’entrerions-nous pas dans un monde étrangement clivé où l’idée de l’immortalité serait implicitement admise ? « Exercée par un entraînement séculaire, la république des Immortels était parvenue à une certaine perfection de tolérance et presque de dédain. Elle savait qu’en un temps infini toute chose arrive à tout homme », écrit Borges. Si tout peut naître ici-bas d’une attente infinie, toute attente est permise et tout sursis favorable.

   

Mais cette idée du « deuil de soi-même » ne serait-elle pas trop globale ? Quel monde fantasmatique suscité par le risque de mourir faut-il réprimer ou refouler par sa négation ? L’attaque du corps par la maladie, par la douleur, par l’excès du vieillissement induit la révolte, la contre-attaque, la tentation de la soumission et son refus. Maintenir ce mouvement dans les limites du Moi risquerait d’aboutir à une forme de mélancolie : le nier en soi et le défléchir sur l’extérieur, sur les autres est une solution possible. Les patients ne peuvent que devenir la cible des motions sadomasochistes soulevées, ou des contre-investissements mis en place pour les préserver.

   

Zylboorg, dans son étude sur les fantasmes d’immortalité, note que « (...) tous les investissements prégénitaux, en particulier ceux du sadisme, qui sont repris par le Surmoi pour être utilisés comme des munitions contre la liberté instinctuelle de l’homme lui sont restitués, à partir du moment où il accepte l’immortalité en échange de toute sa génitalité. Il serait fascinant de travailler à la comparaison de l’idéal d’immortalité sans vie qui domine la conversion mystique de l’individu et les idées développées dans les différentes Utopies sociales, ou les idéaux nés des revendications sociales ». Le lien entre « immortalité » et reviviscence des motions prégénitales et sadiques est ainsi souligné.

  

Une autre façon de considérer le fantasme d’immortalité sous l’angle pulsionnel est donnée par Tauber qui associe un mouvement nécrophilique à « une obscure mais persistante préoccupation d’immortalité ». Pour lui, le terme « nécrophilique » recouvre un investissement préférentiel des choses inanimées, une hostilité au changement qui vise à suspendre le temps. L’analogie avec l’idée de Bertram Lewin selon laquelle le patient idéal du médecin est celui sur lequel on a tout pouvoir comme sur le cadavre que l’on dissèque, suggère une association entre emprise et immortalité certes mais aussi le fait que la régression sadomasochiste induite par la maladie ou la vieillesse renforce de tels fantasmes dont le sort dans le contre-transfert est soumis à une activité de refoulement ou de répression intense. Derrière la nécrophilie l’inceste...

   

Une forme de vampirisme se développe : le surinvestissement des patients, nécessaire pour rester en vie psychique malgré la menace de la mort, est analogue au surinvestissement dépressif de l’ombre de l’objet que l’on a perdu ; les patients que l’on ne pourra plus suivre sont des patients que l’on va perdre comme objets d’amour. L’analyste mourant s’y attache d’autant plus comme à une source de vie où puiser. Les ressources psychiques des patients s’y épuisent et leur analyste devient pour eux un objet vampirisant analogue à ceux qu’a décrit Pérel Wilgowicz. L’analyste, sous le voile de la bonne conscience professionnelle, recherche en fait l’expression de l’émotion ou de la douleur de ses patients, gage qu’il est aimé et cure de jouvence ; les sueurs d’angoisse des patients tiennent alors lieu de « (...) ces bains de sang qui des Romains nous viennent / Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent...

  

La négation des sentiments d'antipathie à l’égard des patients qui vont nous survivre est une nécessité pour pouvoir continuer à les recevoir sans qu’ils s’enfuient. Le contenu latent : « Ils continueront à vivre, eux, ils me laissent tomber alors que j’ai besoin d’eux pour nier que je vais mourir, pour m’affirmer immortel », s’inverse ainsi : « Je ne vais pas les laisser tomber alors qu’ils ont encore besoin de moi. » Le sadisme refoulé s’exprime dans l’agir exhibitionniste de la maladie ou du trop grand âge. Chronos dévore ses enfants. En effet pour ne pas se laisser dévorer par le temps, pour refuser le destin, il faut s’identifier au temps lui-même, se nourrir de ses patients, s’identifier à l’agresseur Chronos, immortel par essence.

  

Ne pourrait-on considérer, chez l’analyste qui va mourir, une forme psychanalytique du « travail du trépas » tel que l’a décrit Michel de M’Uzan ? La poussée libidinale qui l’accompagne conduirait l’analyste promis à la mort à un comportement de prise de possession de ses patients par l’exhibition de sa mort même, mise en acte d’une séduction sexuelle enfin permise par le sort qui le touche, ultime inceste sous le manteau de la nuit qui s’approche...

 

Article de Paul Denis, psychanalyste à Paris. Pour cairn.info.

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Published by Trommenschlager.f-psychanalyste.over-blog.com - dans Dossier Psychanalyse
9 juin 2012 6 09 /06 /juin /2012 15:54

A 2 ans, à 10 ans, à 20 ans, l’autonomie s’apprend, explique Claude Halmos, Psychanalyste. A travers l’éducation que lui donnent ses parents, l’enfant acquiert, pas à pas, la confiance nécessaire pour affronter seul le monde.

   

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Il arrive que l’on plaigne les parents, et les spectateurs du film Tanguy n’ont sans doute pas manqué de le faire. Comment, en effet, ne pas s’apitoyer sur le sort de ce couple dont la vie est gâchée par un grand benêt de fils qui refuse, malgré un âge avancé, de quitter le cocon familial ?

 

On aurait tort, cependant, de s’en tenir à la compassion, car plaindre ces pauvres parents conduit à désigner Tanguy comme le seul responsable de la situation et à n’expliquer cette dernière que par son "caractère", sa mauvaise volonté ou quelque pathologie particulière. Or, il ne s’agit en rien de tout cela car – un psychanalyste peut l’affirmer – l’impossibilité de quitter ses parents à l’âge adulte n’est jamais affaire de "constitution" mais d’éducation. Ce symptôme est toujours le signe que son histoire n’a pas permis à l’intéressé d’accéder aux deux choses qui rendent possible, à l’âge requis, l’envol hors du nid familial. Elle ne lui a pas appris à supporter les séparations et elle ne l’a pas suffisamment armé pour qu’il se sente capable d’affronter, seul, la vie adulte.

 

Une peur profonde

 

Les jeunes gens qui interrogent en analyse leur peur de quitter leurs parents lui découvrent souvent des racines plus profondes qu’ils ne l’imaginaient. Il n’est pas rare qu’ils réalisent qu’elle est en fait une des variantes de l’angoisse qu’ils éprouvent (et ont toujours éprouvée) chaque fois qu’ils ont (et ont eu) à affronter une séparation.

Cette découverte les surprend, car le départ vers la vie adulte est rarement parlé en terme de séparation. Notamment par les parents qui s’évertuent au contraire, pour rassurer, à mettre l’accent sur ce qui restera "pareil" : « On n’est pas loin », « Tu viendras souvent dîner », etc.

 

Elle constitue pourtant une véritable séparation (d’avec la famille, l’enfance, etc.) et renvoie donc, en tant que telle, l’intéressé à toutes celles qui lui ont, auparavant, posé problème. Or, elles sont nombreuses, car le développement d’un enfant n’est qu’une longue suite de séparations, et même de doubles séparations. A chaque étape, en effet, il doit pour grandir se séparer non seulement de ce qu’il était auparavant – quitter sa "peau d’avant" – mais s’éloigner un peu plus de ses parents en se construisant comme être à part entière, autonome et distinct de chacun d’entre eux.
Tâche difficile, car elle suppose que les parents supportent sans trop d’angoisse ce changement et que lui-même puisse, malgré les bouleversements qui surviennent en lui, garder la conscience claire qu’il est bien toujours le même.

 

Un long cheminement

 

La route commence à la naissance. Véritable épreuve pour le petit d’homme qui doit à la fois quitter le corps de sa mère, et passer d’un espace aquatique au milieu aérien où nulle survie n’est possible sans le travail éprouvant de la respiration. S’il est accueilli par des parents qui l’aident à franchir le pas, la tendresse et la chaleur de leurs gestes, de leurs voix, les mots qu’ils disent pour nommer sa personne et le monde lui fabriquent un "contenant" nouveau mais aussi rassurant que l’était le ventre maternel. Le changement se fait dans la continuité et la sécurité. Il peut "se retrouver", tisser un lien entre ce qu’il était avant – in utero – et ce qu’il est désormais. Si, à l’inverse, il arrive dans un monde vide de présences et de mots, si son corps est violenté, cette première séparation devient pour lui synonyme de souffrance et d’insécurité. Et si nul par la suite ne l’aide, elle peut, prenant valeur de modèle, l’amener à aborder avec angoisse toutes celles qui suivront.

 

La route se poursuit avec le sevrage, qui contraint le bébé à renoncer au corps à corps avec sa mère. Bien des pathologies de la séparation renvoient à cette étape qui ne peut se passer bien qu’à trois conditions. Si, dans la période qui précède, la relation a été "suffisamment bonne" : on ne peut séparer que ce qui a été uni. Si le moment choisi est, pour les deux protagonistes, le bon : ni trop tôt, ni trop tard. Et si le passage s’effectue sans douleur : si la mère peut, telle un alchimiste, transmuer en mots la chaleur et le bonheur du corps à corps, faire de la parole un lieu de rencontre riche et joyeux. Si ce n’est pas le cas, la séparation devient pour l’enfant synonyme de perte irrémédiable de l’autre, mais aussi de lui-même que cette "rupture" laisse sans repères.

 

Ensuite vient la station debout, la marche, et ce vertige enivrant – ou paralysant – à s’éprouver, dans l’espace, corps autonome. Puis le moment où, les mains ayant appris à faire seules les gestes de la vie, l’enfant devient capable, pour reprendre les mots de Françoise Dolto, de "s’auto-materner" et de "s’auto-paterner" (en s’appropriant le rôle rassurant et soutenant de ses parents, l’enfant devient une “bonne mère” et un “bon père” pour lui-même), etc. La vie d’un enfant ressemble donc à une course d’obstacles. Les occasions de chute ne manquent pas. D’autant qu’il faut leur ajouter les séparations et les abandons traumatiques que peut imposer la vie : décès d’un parent, départ inexpliqué d’une nourrice… C’est toujours avec le poids – inconscient – de ces multiples dérapages que les jeunes adultes abordent le départ du domicile parental, qui signe la fin de leur enfance.

 

Les armer pour la vie

 

Mais un tel départ implique aussi que les voyageurs en partance se sentent capables d’affronter l’extérieur. Or, cette confiance en eux-mêmes manque à certains. Soit parce que, ayant vécu coupés du dehors dans une famille trop protectrice, ils ne peuvent se le représenter que comme une jungle inconnue et hostile. Soit parce que, leur éducation ne leur ayant pas donné l’occasion de s’affronter aux difficultés, ils n’ont pas pu se prouver qu’ils pouvaient les résoudre et acquérir de ce fait une représentation positive de leurs capacités. Une éducation ne peut permettre à un enfant de se sentir armé pour la vie qu’à deux conditions.

 

1) Si la porte de la famille est en permanence ouverte sur la vie :

  • si les repères éducatifs donnés par les parents sont les mêmes que ceux qui ont cours dans la société. Permettre dans la famille des choses interdites dehors – frapper, voler, etc. – creuse entre l’intérieur et l’extérieur un fossé qui peut à terme devenir infranchissable.
  • si l’interdit de l’inceste est clairement posé et respecté. La croyance, inconsciente, en la possibilité de se marier avec papa ou maman constitue, même à un âge avancé, l’un des freins essentiels à l’envol de nombreux jeunes gens.
  • si la succession des générations est comprise et acceptée, car c’est elle qui donne un sens au départ : « Je quitte mes parents comme eux ont quitté les leurs. » Les parents "copains" qui jouent à être aussi jeunes que leurs enfants sont un frein à leur émancipation.
  • et si les parents n’ont pas un besoin, inconscient, trop grand de garder leurs enfants.

2) Si la marche arrière est interdite :

  
Il faut également que l’enfant soit encouragé, voir poussé, à franchir cette porte. Pour cela, les parents doivent, dans l’éducation qu’ils lui donnent, ne pas se contenter de le suivre mais le précéder : évaluer à chaque étape ce dont il est capable et l’inviter à le faire. C’est la seule solution pour que l’enfant comprenne que l’on croit en ses capacités, et surtout pour lutter contre la tendance qu’il peut avoir à "faire du surplace". Il faut aussi qu’ils favorisent son autonomie. Sur le plan psychologique, en respectant ses désirs et ses opinions. Et sur le plan de la réalité, c’est-à-dire la possibilité qu’il a :

  • de faire les choses seul dès qu’il en a l’âge (à 6 ans, ne pas savoir lacer ses chaussures est dévalorisant).
  • de les penser seul (bien des jeunes gens terrifiés à l’idée d’avoir à organiser seuls leur vie matérielle, sont en fait d’anciens enfants à qui l’on a dit trop longtemps : « Va te laver les dents », « Pense à ton cartable », etc.).
  • de régler seul ses problèmes avec les autres. Apprendre à un enfant à se défendre dans la cour de récréation est formateur. Aller voir la maîtresse pour qu’elle le prenne sous son aile est invalidant.
  • d’assurer seul le financement de certaines choses qu’il désire (d’où l’intérêt de l’argent de poche), etc.

La fonction paternelle

 

Par rapport à cette visée éducative, le père joue un rôle essentiel. Pour tous les enfants en effet, ne pas avancer est toujours peu ou prou synonyme de "rester encore un peu dans les jupes de maman". Non pas parce que les mères seraient a priori plus laxistes que les pères. Simplement parce que la "répétition" pousse à retourner en arrière, c’est-à-dire d’où l’on vient, or l’on vient toujours du ventre d’une mère. Le père peut donc être pour l’enfant, s’il joue son rôle, celui qui lui barre l’accès à ce retour mortifère.

 

L’éducation d’un enfant n’a donc rien d’un long fleuve tranquille. Les parents ne peuvent jamais remplir leur tâche sans angoisse, sans peur de se tromper ou d’infliger à l’enfant trop de souffrances. Mais c’est à ce prix qu’elle peut atteindre son but : lui permettre, le jour venu, de partir. Et de partir sans angoisse, c’est-à-dire en sachant que si partir rime parfois avec mourir, il ne s’agit là que de mourir, un peu, à son enfance. Pour pouvoir naître, enfin, à la vie d’homme ou de femme.

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8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 13:09

Diplômée de la Faculté de médecine de Paris VII, Valérie Cordonnier pense qu'un couple qui se crée a une perspective de durer, " On ne crée pas un couple pour se séparer dans dix ans ! ".

Vidéo suivie d'une analyse personnelle du couple:

  

      

  • Qu’est-ce qu’un couple ? De l’instant à la durée :

 

Imaginons un homme et une prostituée. Forment-ils un couple ? On dira peut-être qu’ils n’ont que des rapports « génitaux », purement mécaniques. Mais c’est là chose impossible, car toute action humaine, quelle qu’elle soit, prend sa source dans l’affectivité (émotions grossières ou raffinées, conscientes ou inconscientes ; sensations et sentiments, positifs ou négatifs).

 

Cet homme et cette prostituée ont donc des rapports affectifs, qu’ils le sachent ou non. D’ordinaire, l’homme cherche l’illusion d’une affection, et la femme éprouve une vague commisération maternelle. Leur affectivité peut tourner autour du sadisme et du masochisme, « de l’amour ou de la haine », etc. : donc autour du sentiment.

 

Cet homme et cette femme forment un couple, mais un couple marqué par la brièveté : presque toujours, il se défait aussi rapidement qu’il s’est formé. Un véritable couple suppose une durée : telle est la loi première. Il n’existe aucun couple réel dans l’instant !

 

Mais chez nombre de couples, combien de fois par jour la femme et l’homme ne perdent-ils pas contact, parce que tel ou tel personnage surgi de l’inconscient, s’est mis à conduire la danse ? Il suffit d’un souvenir, d’une rêverie solitaire, d’une nostalgie, d’une peur de l’autre. Il suffit que l’homme ressente sa femme comme une mère pour cesser d’être un mari et devenir « un fils ». Il est tant d’occasion ou chaque élément du couple peut devenir semblable à un opérateur radio, qui appelle en vain un confrère, branché sur une autre longueur d’onde !

 

A ces moments-là, le couple cesse d’exister, affectivement parlant. La durée cesse et le couple se replace dans l’instant. Il n’y a plus qu’une simple relation sociale entre deux individus séparés. Qu’elle est donc le ciment qui peut assurer « la permanence » du couple ? Est-ce l’habitude, cette durée insipide et pétrifiée ? Certes non. Alors serait-ce l’amour ? Mais que signifie ce mot ?

  

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  • L’union difficile de deux affectivités :

 

Un couple, disait le dictionnaire, « agit de concert ». Cela suppose que les partenaires aient un but commun. Et il est évident que d’innombrables couples tendent vers un même but : Peut-être l’homme et la femme ont-ils monté un magasin ensemble ; l’un est au comptoir et l’autre à la caisse. Certains travaillent de concert pour leurs vacances annuelles. D’autres, parce qu’ils ont le même idéal et considèrent la vie de la même façon, poursuivent ensemble la même recherche. Ici apparaît une dimension nouvelle et essentielle :

 

Couple = Durée + Affectivité !

 

Or, l’affectivité représente la quasi-totalité de notre vie psychologique. La psychanalyse et la psychologie ont fait ce qu’elles ont pu : elles ont loti l’affectivité en territoires que l’on  a dénommées, faute de mieux  « sensations, sentiments, intuitions ». Ces territoires ont leurs hôtes parasites : « complexes, angoisses, inhibitions », et autres grands prédateurs de l’énergie intérieure.

 

Un couple est la réunion, le mélange de deux affectivités. Aussi, pour définir ce qu’est un couple, faudrait-il étudier comment deux affectivités peuvent se rejoindre.

 

Mais qui pourra jamais décrire et analyser l’affectivité ? Notre cerveau reçoit quelques milliards d’informations par seconde. Comment décrire les fluctuations sans fin de nos sensations profondes et superficielles ? Quant aux sentiments, on ne peut en donner que de grossières approximations qui tournent autour de mots-clés tels que : « amour, haine, sympathie, antipathie, amitié ». Comment pourrait-on cerner un sentiment, puisqu’il est l’émanation d’une sensation que l’être humain tente de "traduire"  tant bien que mal… Essayant de rationaliser l’irrationnel, ou de chosifier chimiquement (par une démonstration hormonale) un ressenti profond de l’être ?

 

Or, c’est à partir de leurs sensations et de leurs sentiments qu’une femme et un homme tentent leurs approches mutuelles. C’est sur les sensations et les sentiments que le couple assure sa durée, sa permanence et sa pérennité. Et aussi, bien entendu, ses illusions, lesquelles émanent de sensations et de sentiments faussés...

 

C’est également par les sensations et les sentiments qu’un être parvient à se relier à tout ce qui l’entoure. Mais encore faut-il qu’il soit relié à lui-même !

 

De là, toutes les confusions qui entourent la notion de dialogue… Le « dialogue » est devenu un poncif au même titre que l’environnement, le respect de la nature, et les méfaits de la société de consommation. Jamais, plus qu’aujourd’hui, il n’y a eu tant de « débats » : notre monde semble ne plus pouvoir s’en passer... En réalité, c’est le monologue ronronnant qui est Roi ! Chacun « se » raconte à l’autre qui, pendant ce temps, « se » pense ! 

 

Un véritable échange, un dialogue réel, ne peuvent s’établir que si l’on est capable de dialoguer avec soi. Comment pourrait-on ressentir l’autre, si ce n’est à travers sa propre affectivité ?

  

A charge, pour la véritable psychanalyse, de restaurer ce dialogue intérieur ; au lieu de tournoyer dans un intellectualisme stérile sans affectivité !

 

C’est pourquoi un couple authentique se forme dans la mesure ou les zones inconscientes sont débarrassées peu à peu de leurs parasites, de leurs infantilismes qui dévient les sensations, déroutent les sentiments et transforment « l’autre » en un mirage que l’on prend pour la réalité.

 

  • « C’est pourquoi le couple réussi est le haut lieu du dialogue intérieur ! »

 

Le plus surprenant est qu’un dialogue affectif entre la femme et l’homme puisse se réaliser. Ce couple, ce mélange, forment la relation humaine la plus longue et la plus profonde (la plus difficile aussi). Car les femmes et les hommes habituels ressentent et envisagent l’existence de « façon si différentes » qu’il semble miraculeux qu’ils puissent, peu à peu, se rejoindre et se comprendre.

 

Pourtant, des milliards de couple ont foisonnés à la surface de la terre. On peut croire qu’un grand nombre furent « réussis », et on réalisé, dans la durée, le mélange profond de leurs affectivités, de leurs émotions, de leurs buts. Mais chaque couple accompli est une sorte de « miracle » ; c’est un défi contre la distance hautaine que tout être humain impose à un autre, par peur de perdre sa faible individualité !  « La peur qu’on a d’autrui est souvent l’angoisse de se perdre en l’autre ou d’être démasqué par lui ».  

  

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L’être humain est ainsi fait que la moindre menace contre sa flammèche de conscience réactive en lui la crainte d’être « détruit », et de retourner dans ce néant dont il eut tant de peine à sortir !

  

Néanmoins, il existe des couples solides, durables, profondément unis, sans orages destructeurs… Des ménages indestructibles, non pas par morale mais par amour, non pas par contrat mais par évidence intérieure ! Chacun est devenu l’autre, tout en restant soi-même. N’avez-vous pas rencontré de ces couples âgés ou les partenaires sont tellement fondus l’un en l’autre qu’ils semblent n’avoir qu’une seule âme ??...

  

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7 juin 2012 4 07 /06 /juin /2012 11:41

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La libido, nous dit Freud, est l’énergie qui constitue ce que l’on nomme plus communément l’eros ou l’amour, sexuel ou non : l’énergie de l’amour que l’on porte aux autres, l’amour de soi, mais aussi de l’attachement à un objet ou à une idée. C’est le concept clé de la théorie psychanalytique freudienne. La libido est la socialisation de l’énergie produite par la pulsion sexuelle et les pulsions afférentes, mais telles que, comme désir, ces pulsions sont transformées en objets sublimables : objets d’amour ou d’attention à l’autre – objets d’investissements. La libido est cependant toujours projetée, canalisée et médiatisée par des artefacts comme en témoigne la question freudienne du fétichisme, et c’est pourquoi elle peut elle-même faire l’objet de techniques et de technologies devenues industrielles (exemple: marketing et détournement du désir vers le "consommable").

   

L’économie libidinale est un concept freudien fondamental qui nomme l’énergie produite par une économie des investissements sexuels constituée par leur désexualisation. L’économie de cette énergie (la libido) transforme les pulsions (dont la pulsion sexuelle) en les mettant en réserve (comme investissement). Toute société repose sur une économie libidinale qui transforme la satisfaction des pulsions, par essence asociales, en un acte social. L’économie libidinale est en panne lorsqu’il y a faillite du « narcissisme primordial » (voir ci-dessous).

 

Capitalisme et libido. Le capitalisme du XXe siècle a fait de la libido sa principale énergie. Il ne suffit pas de disposer de pétrole pour « faire marcher » le capitalisme consumériste : il faut pouvoir exploiter aussi et surtout le désir et la libido. L’énergie libidinale doit être canalisée sur les objets de la consommation afin d’absorber les excédents de la production industrielle. Il s’agit de façonner des désirs selon les besoins de la rentabilité des investissements – c’est à dire aussi bien de rabattre les désirs sur les besoins. L’exploitation managériale illimitée de la libido est ce qui détruit notre désir. De même que l’exploitation du charbon et du pétrole nous force aujourd’hui à trouver des énergies renouvelables, de même, il faut trouver une énergie renouvelable de la libido – ce pourquoi nous disons que c’est un problème écologique.

  

Seule l’analyse en termes d’économie libidinale permet de comprendre pourquoi et comment la tendance pulsionnelle du système psychique et la tendance spéculative du système économique font précisément système commun. Une économie de marché saine est une économie où les tendances à l’investissement se combinent avec des tendances sublimatoires – ce qui n’est précisément plus le cas !

 

  « La Libido est un terme emprunté à la théorie de l’affectivité. Nous désignons ainsi l’énergie, considérée comme grandeur quantitative – quoique pour l’instant non mesurable –, de ces pulsions qui ont affaire avec tout ce que nous résumons sous le nom "d’amour". Le noyau que nous avons désigné sous ce nom d’amour est formé naturellement par ce qu’on appelle d’ordinaire "amour" et que chantent les poètes, l’amour entre les sexes, avec pour but l’union sexuelle. Mais nous n’en dissocions pas ce qui, outre cela, relève du mot amour, ni d’une par l’amour de soi, ni d’autre part l’amour filial et parental, l’amitié et l’amour des hommes en général, ni même l’attachement à des objets concrets et à des idées abstraites. Notre justification réside en ceci que la recherche psychanalytique nous a appris : toutes ces tendances sont l’expression des mêmes motions pulsionnelles qui dans les relations entre les sexes poussent à l’union sexuelle, et qui dans d’autres cas sont certes détournées de ce but sexuel ou empêchées de l’atteindre, mais qui n’en conservent pas moins assez de leur nature originelle pour garder une identité bien reconnaissable (sacrifice de soi, tendance à se rapprocher) » Freud, « Psychologie des foules et analyse du moi » (1921), in Essais de Psychanalyse, Payot, 2001, p. 167.

 

  « Le progrès théorique le plus important de la psychanalyse fut l’application de la doctrine de la libido au moi refoulant. On en vint à se représenter le moi lui-même comme un réservoir de libido appelé narcissique duquel s’écoulent les investissements libidinaux des objets et dans lequel ces investissements peuvent être réintroduits ».

 

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Note: Le narcissisme primordial désigne la part d’amour de soi qui peut devenir parfois pathologique, mais sans laquelle aucune capacité d’amour, quelle qu’elle soit, ne serait possible. Pour que le narcissisme du "je" puisse fonctionner il doit se projeter dans le narcissisme d’un "nous". Il y a faillite du narcissisme dans les sociétés de consommation lorsque les industries de programme tendent à synchroniser les "je" au point de nier leur différence. Le sujet consommateur est réduit au "on".

 

-Etude sur les causes de la chute du consumérisme-Ars-industrialis.org

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