22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 12:42

Le terme « borderline » fascine, inspire et agite les esprits.


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Employé ici et là dans quel domaine que ce soit, et source de nombreuses idées fausses, la personnalité borderline est un rayon de la psychologie encore mal compris...

Le caractère borderline est un trouble de la personnalité


Dans le langage des psys, on définit ce terme de 'trouble de la personnalité' comme une façon d’être (et de réagir) durable et source de mal être. La personnalité borderline est un trouble durable, quoiqu’ évolutif, parsemé de moments de crises et de périodes d’apparence saine.

Particulièrement fréquent chez les adolescents et les jeunes adultes, sa fréquence et ses conséquences ont tendance à baisser avec l’âge. Les chiffres, probablement sous-estimés, indiquent une proportion de 2% de personnes atteintes en population générale (OMS, 2000), et de près de 20% des personnes soignées en psychiatrie. La personnalité borderline touche préférentiellement les femmes.

De quoi s’agit-il vraiment ? Comment savoir si l’on est concerné ? Où s’adresser pour se faire aider ? Réponses à toutes les questions concernant la personnalité borderline, encore trop méconnue, et pourtant si répandue.

 

Un trouble de la personnalité, c’est quoi ?


Un trouble de la personnalité est le terme donné par les psys pour désigner une façon d’être ‘pathologique’ source de mal-être dans toutes les sphères de la vie quotidienne. Un trouble de la personnalité est une affection durable, plutôt stable dans les temps, qui correspond plus à un ‘tempérament’ qu’à une réaction pathologique momentanée. Il en existe plusieurs, chacun regroupant une série de traits de caractère spécifiques et un rapport à l'ego particulier.

En fonction de ces éléments, on peut classer le trouble de narcissique, d'obsessionnel-compulsif, d'évitant, ou encore de paranoïaque. La personnalité borderline en fait également partie.

Suis-je borderline ?


Emotive, impulsive, imprévisible, angoissée… la personne borderline lutte au quotidien contre une hyperémotivité parfois embarrassante, et un équilibre difficile à garder. Les aspects de la vie concernés par cette instabilité personnelle sont l’image de soi, les relations aux autres, la gestion des émotions, et de la vie quotidienne.

Une image de soi bien fragile


Peu confiante en elle-même, la personne borderline a un besoin quasi permanent d’être rassuré par autrui. Elle a une vision assez instable d’elle-même, tantôt enthousiasmante, tantôt insignifiante, qui peut parfois être la source d’une grande angoisse ("Je suis vide") et même de pensées suicidaires. Pour compenser cette ‘inconsistance identitaire’, elle utilise parfois l’extérieur, son entourage (en s’entourant au maximum) ou des objets (achats, toxiques, etc.), pour donner des contours à sa personne qu’elle a tant de mal à définir.

Des relations tourmentées


Il est difficile pour un individu à la personnalité borderline de maintenir une stabilité dans ses relations interpersonnelles. Le schéma habituel est une relation forte en intensité portée par des sentiments extrêmes évoluant entre amour et haine. Les relations peuvent connaître des moments de calme apparent, mais sont le plus souvent marquées de conflits. Ces derniers sont généralement provoqués par la crainte d’être abandonnée, une grande susceptibilité et une méfiance soudaine (voire des idées paranoïaques) vis-à-vis de l’autre.

En plus de colères incontrôlables, les angoisses du borderline sont parfois telles que le sujet en oublie les sentiments et le vécu de l’autre. "On se quitte puis on se remet ensemble" est un des scénarios typiques des relations de couple de la personne borderline, dont le "Je n’ai que des relations courtes" fait également partie.

Attention cependant à ne pas qualifier à outrance de borderline ce type de relations. Seul leur caractère durable est signe de souffrance, et doit mettre la puce à l’oreille.

Une hyperémotivité


La vie d’une personne borderline est un jeu de bascule entre sentiment de vide et émotions fortes. En adepte de la loi du tout ou rien, elle peut passer du rire aux larmes, du profond mal-être à la jouissance.

Les émotions ressenties sont parfois telles que des pensées de suicide ou d’auto-violence peuvent lui passer l’esprit. Des envies d’agir qui prennent parfois forme sous le coup de l’impulsivité, et qui font la gravité de ce trouble. Pourquoi ? Parce que c'est parfois le seul moyen trouvé pour soulager l’angoisse et le mal-être, au moins temporairement.

La recherche de sensations fortes


L’ennui est difficilement gérable, parfois même insupportable. Pour compenser ce vide affectif ressenti, l’individu qui souffre d’une personnalité borderline a parfois recours à des conduites à risques : prise de toxiques, conduite alcoolisée, sexualité non protégée, dépenses inconsidérées (et découverts à la clé !), consommation excessive de médicaments, sports dangereux, etc.

Il n’est d’ailleurs pas rare que la personne borderline souffre d’addiction, c'est-à-dire d’une dépendance à une substance ou à un comportement (achats compulsifs, boulimie, jeux d’argent, etc.). L’impulsivité, très fréquente dans la personnalité borderline, facilite ce genre de comportement.

Pour simplifier, on peut dire que la personne borderline vit dans les excès. Rebelle, la personnalité borderline aime dépasser les limites que son milieu lui impose. Une façon de pondérer les angoisses existentielles en s’emparant de sensations fortes...


Comment cela évolue ?


L’évolution est très variable, avec une tendance générale à la résolution spontanée des symptômes, une fois passé l’âge adulte. En effet, même si la personnalité borderline est un trouble durable, elle peut évoluer positivement au fur et à mesure du travail psychique et des expériences positives de vie.

Les maladies associées


Même si le trouble est propice à s'arranger avec le temps, la fragilité identitaire de ces personnes favorise le développement d’autres maladies psychiques comme les troubles de l’humeur (trouble bipolaire, dépression, etc.), les troubles du comportement alimentaire (surtout la boulimie), les troubles anxieux, ou encore les addictions. A titre d'exemple, on a estimé dans une étude qu'environ 3/4 des patients borderline suivis présentaient un trouble de l'humeur.

La mise en danger


La gravité de cette pathologie réside dans les conduites à risque dont l’issue peut être fatale. Outre les conséquences financières, sociales (difficulté à s’adapter au monde professionnel, etc.) et sanitaires (risque de grossesse non désirée, de MST, d’accidents de la route, etc.) fréquentes, le risque suicidaire représente la pire menace de cette maladie, d’autant plus qu'il est associé à une forte impulsivité.

La fréquence du suicide chez les sujets souffrant d'une personnalité borderline, est estimée à 10%. Néanmoins, ces cas les plus graves ne sont pas majoritaires. Une grande proportion de personnes borderline parvient à vivre ‘normalement’ avec une bonne adaptation socioprofessionnelle, malgré le trouble.

Un suivi parfois difficile


Si le suivi psychothérapique est essentiel pour l’amélioration du vécu de la personne et de son adaptation sociale, il est parfois difficile à mettre en place et à maintenir. Tout comme la personne borderline a du mal à entretenir une stabilité relationnelle et personnelle, elle peut être très réticente à amorcer et à poursuivre la relation thérapeutique.

Les ruptures de suivi et les changements de thérapeute ne sont pas rares. Le cadre, voire le contrat de soins, établi avec le psy, est essentiel pour éviter cet écueil.

 

Quand on est un proche…


Qu’on soit le frère, la meilleure amie ou le compagnon d’une personne borderline, il n’est pas toujours aisé de comprendre, ni de supporter, ses mouvements affectifs fluctuants. D'abord, il est important de prendre conscience que la personnalité borderline est un réel trouble psychiatrique, et non un simple défaut caractériel, qui nécessite des soins psychiques. Le soutien que vous apporterez à la personne borderline est essentiel, mais sachez garder la juste distance dans votre mode relationnel, et ne tentez pas de vous substituer au rôle du thérapeute.

  • Dans les moments difficiles « en crise », la personne borderline a avant tout besoin d’être rassurée. Alors ne jugez pas, mais rassurez-la comme vous pouvez !
  • Encouragez-la dans ses projets (qu’elle a parfois du mal à maintenir), complimentez-la sur ses qualités et ses valeurs personnelles.
  • Restez ferme lorsque cela est nécessaire, en particulier lorsqu'elle dépasse les limites.
  • Soyez vigilant dans les moments ‘dépressifs’ de votre proche, en particulier lorsqu’il exprime des idées suicidaires. N’hésitez pas dans ces moments-là à contacter son entourage, son psychiatre ou à le conduire aux urgences si vous ne parvenez plus à gérer la situation seul. Bref, sachez déléguer tout en vous montrant présent.
  • Sachez relativiser les reproches qu’il/elle vous fait. Gardez à l’esprit que le mobile de sa colère est bien souvent la peur profonde d’être abandonnée.
  • Sachez préserver votre espace personnel afin d’éviter de rentrer dans une relation trop fusionnelle.


Source : Zanarini et coll., 2004.

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20 mars 2013 3 20 /03 /mars /2013 12:01

L’anorexie est une maladie qui touche le plus souvent les adolescents et principalement les jeunes filles. Mais depuis quelques années les médecins doivent prendre en charge des patients de plus en plus jeunes !

 

 
Les personnes anorexiques vivent avec l’impression que leur corps est trop gros, mal fait... Elles s’astreignent à des conduites qui les font perdre du poids. Elles ne s’alimentent pratiquement plus mais ne se voient pas maigrir. L'anorexie est considérée comme une addiction sans substance, l'anorexie correspond à un trouble du comportement alimentaire.

 

Quand manger est une source d’angoisse


L’anorexie est bien plus qu’une simple perte d’appétit. La jeune fille, le plus souvent, a une perception fausse de son corps, elle se juge trop corpulente, mal faite et souhaite maigrir au-delà du raisonnable. Au début, l’adolescente peut commencer par un régime pour corriger des rondeurs, réelles ou imaginaires. Mais au lieu de s’arrêter, une fois les quelques kilos superflus perdus, elle poursuit son régime qui devient de plus en plus contraignant, jusqu’à la fin où elle refuse pratiquement toute alimentation. Les repas deviennent alors une véritable source d’angoisse et de conflits au sein de la famille, où toute l’attention est focalisée sur l’assiette, toujours pleine... ou qui ne se vide pas. Parfois, loin des regards, celle-ci « craque » et avale d’un coup une grande quantité de nourriture : c’est un épisode de boulimie. Cet accès de voracité est vécu comme un échec, la personne pour se déculpabiliser, peut ensuite se forcer à vomir.

Ces privations entraînent un amaigrissement très important pouvant atteindre, dans les cas les plus critiques, la moitié du poids normal. La maigreur est, d’ailleurs, l’une des premières raisons qui amènent les parents à consulter un médecin, souvent contre le gré du malade qui prétend aller bien. Outre l’amaigrissement, l’anorexie s’accompagne souvent chez les jeunes filles de l’arrêt des règles, ou aménorrhées.


La dictature de la minceur


Autrefois, l’anorexie ne touchait que les sociétés occidentales. Aujourd’hui on assiste à une apparition de la maladie dans les pays émergents, surtout chez les personnes qui ont adopté notre mode de vie. L’idéal de beauté représentée par la « taille mannequin », la pression sociale avec la guerre contre « les gros » et la mode vestimentaire du nombril à l’air sont autant d’arguments avancés par les spécialistes pour expliquer la progression, de la maladie et le rajeunissement des patients. Malgré tout, les causes de l’anorexie restent encore mystérieuses. Il semble que des perturbations de la structure familiale soient liées au déclenchement de la maladie. Il s'agit en général d'enfants surprotégés qui ont eu des difficultés à affirmer leur indépendance par rapport à la mère. Ces jeunes sont généralement très exigeants envers eux-mêmes et obtiennent de brillants résultats scolaires. Très actifs, ils pratiquent souvent plusieurs sports, toujours dans le but de perdre du poids. Mais, même dans les activités de groupe ils restent plutôt en retrait.

 

Se priver et être en danger


L’anorexie est une maladie grave qui - dans les cas extrêmes, peut aller jusqu'au décès. Les premiers troubles apparaissent quand la perte de poids devient trop importante. En pleine période de changement, l’adolescente va souffrir de carences en vitamines, en minéraux (calcium), en fer apportés normalement par l’alimentation.

Si l’anorexie touche l’enfant plus jeune, elle provoque un ralentissement de la croissance. Ces carences vont fragiliser l’organisme, le rendre plus sensible aux infections, les ongles et les cheveux vont être secs, cassants. A la longue, la dénutrition peut entraîner des troubles cardiaques et hormonaux. En plus de son refus de s’alimenter, le jeune peut avoir d’autres conduites dangereuses comme se faire vomir ou abuser de laxatifs qui peuvent entraîner une perte de potassium, toujours dangereuse. La perte de poids, quand elle devient critique, nécessite l’hospitalisation, parfois en réanimation.


Une guérison souvent incomplète


Le traitement de l’anorexie est très complexe et fait intervenir différents spécialistes. Le but est de redonner à l’adolescente une image juste de son corps et de lui faire retrouver un comportement alimentaire normal. Seulement un tiers des anorexiques guérissent complètement, les autres conservent des troubles pouvant aller de simples désordres alimentaires à des troubles du comportement plus important.

La prise en charge de l’anorexique doit être fait par un psy spécialisé dans les troubles des conduites alimentaires mais il fait aussi intervenir des nutritionnistes et le médecin de famille. Les approches du traitement psychiatrique diffèrent d’une équipe à l’autre. Pendant longtemps on a pratiqué l’isolement thérapeutique qui consistait à interdire à la famille tout contact avec le malade jusqu’à un signe d’amélioration. Maintenant de nombreuses équipes soignantes intègrent au contraire la famille dans la psychothérapie. Les moments forts de ce traitement étant les repas thérapeutiques où toute la famille est réunie. Les critères de guérison sont la reprise d’un comportement alimentaire normal, le retour des règles et l’aiguille de la balance recommençant à grimper.

 

Sources : Doyen C. et al. Anorexie, boulimie : vous pouvez aider votre enfant. Des moyens d'agir dès l'âge de 8 ans. Dunod (2004). Anorexie et boulimie à l'adolescence - Actualité et devenir. Abstracts de la journée d'Amphis en Pédiatrie, Fondation Wyeth pour la santé de l'enfant et de l'adolescent. 19 mars 2004, Medec 2004.

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7 juillet 2012 6 07 /07 /juillet /2012 11:31

"Parce qu’elle touche surtout les femmes (mais aussi les hommes) et qu’elle fleure la passion amoureuse, l’érotomanie est une maladie psychiatrique pas tout à fait comme les autres !"

 

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 Toile de Grégory Huck - Artiste peintre.

 

Mise au rang des ‘délires passionnels’ par le Dr Clérambault en 1921, ou des ‘troubles délirants chroniques’ dans les manuels de psychiatrie plus récents, l’érotomanie est un trouble rare qui se fonde sur l’illusion délirante d’être aimé par un autre.

Mise en image dans de nombreux films, évoquée de nombreuses fois dans les émissions de télé, l’érotomanie fascine autant qu’elle interroge.

Qui n’a pas quelque part dans son esprit une vision propre, un regard personnel sur cette maladie? Qui n’a jamais craint de se trouver à la frontière de cette folle passion destructrice ?

Pour démystifier les idées reçues, et clarifier le mystère de l’érotomanie, Santé AZ fait le point sur cette passion vertigineuse par sa véhémence, et troublante par son intensité.
 

Qu’est-ce-que l’érotomanie ?

 
L’érotomanie est un trouble délirant chronique dominé par la conviction illusoire d’être aimé par un personnage connu ou de rang social plus élevé. Un regard, une parole, un geste venu de l’autre… et c’est la révélation. Cet autre devient celui qui aime, qui se passionne pour l’érotomane, sans oser se l’avouer.

Le délire se base sur une série d’interprétations de faits et gestes réellement générés par la personne choisie, et plus rarement sur des hallucinations olfactives (odeurs) et tactiles tournant autour de la même thématique.

On dit de ce trouble qu’il est chronique, car il est durable dans le temps. Le pronostic est très variable et peu prévisible. Il évolue par phases et peut traverser des périodes de rémission où aucun symptôme n’est visible. Même s’il a tendance à récidiver, certains cas peuvent évoluer vers la guérison.

Bien que l’érotomanie ne soit de nos jours que rarement observée, cette maladie reste bel et bien réelle et continue à envahir la vie de celles qui en souffrent, et des objets d'amour de ces dernières.

Si la certitude passionnée d’être aimée est complètement illusoire, les arguments avancés gardent le plus souvent une certaine logique. Il n’est d’ailleurs pas rare que l’érotomane ait un train de vie en apparence normal et des comportements appropriés dans quelqu’autre domaine que ce soit.

Dans certains cas, l’érotomanie peut être secondaire à un autre trouble psychiatrique (schizophrénie, trouble bipolaire, etc.) ou à une maladie du cerveau. Dans ces cas, la présence d’autres symptômes aidera à faire la part entre une érotomanie primaire (pas de cause retrouvée), ou secondaire.

 

Les 3 phases

 
Typiquement, l’épisode d’érotomanie se déroule en trois phases, d’expressions et de durée variables d’une situation à l’autre : les phases d'espoir, de dépit, puis de rancune.

La phase d’espoir


Une fois que l’amour de l’autre vis-à-vis de la malade est devenu une évidence indéfectible, celle-ci se lance dans une dévotion mue par un espoir fou. Le tout à la mesure des signes d’amour qu’elle croit déceler chez cet amoureux improbable.

Qu’il s’agisse de son médecin, d’un professeur, ou d’un homme haut placé, l’érotomane n’hésitera pas à placer une énergie forcenée pour le voir, pour se faire voir, l’entendre et lui parler. Le moindre ‘signe’ pourra être interprété en sa faveur comme une preuve d’amour infaillible. Il ne veut pas me parler ? C'est qu'il craint de montrer son amour en public. Son regard s’est tourné vers moi ? J'ai lu un « je t’aime » dans ses yeux.

L’érotomane continuera à voguer sur son nuage imaginaire, jusqu’au jour où sa proie ne supportera plus ses espionnages intempestifs, ses coups de téléphones répétitifs, et ses allusions malsaines.

Au-delà de l’indifférence puis de la réprimande, il arrive que la personne 'visée' par l'érotomane porte plainte, faute de n’avoir pu freiner les ardeurs de l’érotomane. Confrontée de force aux faits, cette dernière passe d’une attitude pleine d’espoir à une phase d’intense désappointement.

La phase de dépit... puis de rancune


Très vite, la déception éclate et l’obsession tourne à la dépression.
L’espoir a laissé place à une tristesse et un vide profond, plus ou moins ponctués de nouvelles tentatives de rentrer en contact avec l’objet du délire. Puis, de douleur en incompréhension, le dépit peut très vite se muer en rancune.

C’est alors que l’énergie employée pour son amour imaginaire se renverse finalement contre lui. L’érotomane explose et peut, pour se venger, devenir violente, menaçante. De coups de fils quérulents, en lettre menaçantes, en passant par des dégâts matériels, la rancune n’a parfois pas de prix. En tout cas, pas celui de la dignité. C’est pendant cette phase-là que l’agressivité, et donc la dangerosité, est la plus haute. Et c’est aussi pendant cette phase que les soins psychiatriques sont le plus souvent entrepris.

  

Qui est touché ?

  
La cause du trouble n’est pas encore très bien comprise. Il est possible que des anomalies neurobiologiques, voire génétiques, puissent être en partie responsables, mais les études en cours ne les ont à ce jour pas identifié précisément.

D’autres hypothèses, d’ordre psychanalytique, attribuent l’origine de l’érotomanie à une carence affective vécue dans l’enfance. Cependant, cet élément ne peut, à lui seul, provoquer une érotomanie, et ne peut donc être qu’un facteur parmi d’autres favorisants l’éclosion de ce trouble.
 

Ne pas confondre avec...

 
L’érotomanie ne doit pas être confondue avec la nymphomanie qui est plutôt liée à une exagération pathologique des désirs sexuels. L’érotomanie n’y ressemble pas puisque l’histoire vécue (imaginée), plus attachée à la passion amoureuse fantasmée qu’à la sexualité, est le plus souvent platonique.

D’autre part, certaines ‘fixations passionnelles’ temporaires peuvent s'apparenter à l’érotomanie, notamment dans la phase d’espoir et de dépit. Cependant, l’acceptation du refus de l’autre est beaucoup plus rapide et ne laisse que rarement place à une phase de rancune. De même, les fixations amoureuses d’adolescents fans de tel prof ou de telle star sont très fréquentes et ne relèvent aucunement de l’érotomanie. C’est seulement leur caractère prolongé, et clairement inadapté qui doit inquiéter.

 

Les traitements

 
La consultation psychiatrique est indispensable. Elle débutera en cabinet lorsque la situation reste stable et gérable, ou en hôpital, si le cas est critique. Si la personne malade refuse les soins, il sera parfois nécessaire de l’hospitaliser d’office ou à la demande d’un tiers. Certaines techniques de réadaptation sociale peuvent être utiles, comme le soutien à la recherche d'une profession, ou l'encouragement à une activité créative.

Par la suite, une psychothérapie, ou une psychanalyse, devra être entreprise pour tenter de soigner le trouble en profondeur. Un traitement médicamenteux, à base d’antipsychotique, est le plus souvent nécessaire pour juguler le délire, ou pour atténuer l’agressivité.

 

www.santé a-z.com

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9 avril 2012 1 09 /04 /avril /2012 17:57

Les relations amoureuses entre hommes et femmes ont ceci de particulier (entre autres choses !) qu’elles sont les seules relations de domination sociale où le dominant et le dominé sont supposés s’aimer, et de fait s’aiment souvent, quoi que signifie ce terme d’amour pour tel ou tel sujet singulier.

 

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Rien de surprenant, dans ces conditions, si la recherche sur cette relation particulière réunit, mais aussi oppose souvent, des sociologues et des psychologues. Parmi les premiers, nombreux et surtout nombreuses sont ceux qui insistent sur la dynamique du pouvoir dans les relations de genre, que ce soit dans la sphère privée ou dans la sphère publique. Les seconds, en revanche, insistent plutôt sur les aspects subjectifs de la relation d’objet, où la prise en compte de la différence des sexes joue un rôle crucial. Comme on peut s’y attendre, le débat entre ces deux approches est souvent très conflictuel. Et c’est bien le défi que relève notre équipe, réunir une sociologue (mais versée en connaissances psychologiques) et deux psychologues (mais spécialistes de cette psychologie évanescente qu’on nomme parfois « sociale-clinique », c’est-à-dire bien entraînées à l’art de se tenir entre deux chaises…). Nous tenterons ici de rendre compte de la manière dont ce débat nous traverse.

  

 Le corpus de notre recherche a été constitué à partir d’un dépouillement systématique de deux quotidiens régionaux, Le Progrès de 1986 à 1991 et Le Dauphiné Libéré de 1990 à 1993. Pour les affaires relatées dans Le Progrès, les articles postérieurs à 1991 ont été recherchés pour connaître leur issue en justice. Cette base de données a été complétée par la prise en compte d’articles parus dans la presse nationale, notamment Le Monde et Libération. L’intérêt de cette source d’information complémentaire est d’apporter un éclairage sur des affaires ayant reçu un écho national en raison de leur exemplarité, de la qualité des protagonistes concernés, de leur spécificité ou encore de la nature des passions à l’œuvre. Dès le début de ce recueil de données, il nous est apparu tout à fait impossible de sélectionner des « crimes passionnels » : sur quel critère nous serions-nous fondées pour ce faire, alors qu’il devenait à chaque nouveau fait divers lu plus évident que ce terme ne désigne qu’une interprétation journalistique, sans assise quelconque sur la réalité des relations ou des situations ? Nous avons donc plutôt choisi de retenir les affaires de crime organisées autour d’une relation conjugale, amoureuse ou sexuelle, sans présumer de la « passion » qui pouvait ou non être en jeu dans l’histoire. Au total, 558 articles se rapportant à 337 crimes ont ainsi été collectés. Ce large corpus a fait l’objet d’une analyse sociologique quantitative dans laquelle nous étudions notamment la proportion d’hommes et de femmes chez les criminels passionnels, le nombre et la qualité des victimes, les mobiles, la position sociale des protagonistes, leurs écarts d’âge et statuts matrimoniaux ainsi que le modus operandi. Secondairement, nous avons extrait une centaine d’articles du Progrès – quotidien à grand tirage de la région lyonnaise (500 000 exemplaires), et qui, comme tel, nous semblait particulièrement représentatif de l’état des représentations sociales populaires aujourd’hui – pour une analyse de contenu qui a porté sur les représentations de l’amour, du couple, de la famille, représentations associées au crime dit passionnel. Cette analyse a cherché à repérer les alliances, connivences ou divergences qui se tissent entre l’accusé, la victime, la presse, l’institution judiciaire ou policière (Houel, Mercader, Sobota, 2003). À partir d’un sous-ensemble constitué d’articles ayant trait à des affaires jugées en Rhône-Alpes et à des crimes rhône-alpins suivis du suicide du meurtrier, nous avons identifié une cinquantaine d’affaires ayant fait l’objet d’un procès à la Cour d’Assises de Lyon. L’étude de leurs dossiers d’instruction archivés au Tribunal nous a permis de compléter notre travail en analysant les procès-verbaux d’auditions, enquêtes et diverses expertises afin de de soumettre ces cas à une étude socioclinique approfondie. Le resserrement progressif de notre échantillon allié à l’élargissement des sources d’information et surtout des outils d’analyse nous permet d’interroger, à travers le crime passionnel, la « réalité » socialement construite du couple, dans la perspective d’une interaction entre d’une part, une offre sociale tendue entre modernité et archaïsme, et d’autre part, les processus constitutifs de l’individu au fil de parcours personnels traversés par des crises d’identité qui témoignent des contradictions à l’œuvre dans le quotidien et l’histoire familiale.


 Avant d’entrer dans le vif du débat, et pour l’illustrer en quelque sorte à l’avance, nous commencerons par raconter une histoire exemplaire.


1. MARC ET JOCELYNE : QUI TUE QUI ?

 Marc et Jocelyne M. ont une fille de neuf ans et sont mariés depuis six lorsque, en septembre 1987, Jocelyne M. prend en amant, amant rencontré sur son lieu de travail, mais quitté assez rapidement. Son mari, soupçonnant cette liaison, et l’ayant surprise à la sortie d’un hôtel, s’est en effet mis à gravement déprimer, jusqu’à perdre de dix à quinze kilos et faire plusieurs tentatives de suicide. Il la menace, la met dehors avec leur fille, et Jocelyne arrête de voir son amant qui, par ailleurs, vient de se marier avec sa fiancée, enceinte. Marc continue néanmoins de menacer sa femme, dort avec un couteau en permanence, et le 5 décembre 1987, tente de la tuer : la veille, Jocelyne avait en effet pris rendez-vous pour entamer une procédure de divorce et une dispute éclate au cours de laquelle Marc se met très en colère ; ils montent en voiture pour aller faire des courses, mais après avoir fait monter Jocelyne et sorti la voiture du garage, il retourne ouvrir la porte qu’il vient de fermer. Jocelyne, trouvant cela anormal, descend et s’approche. Il la saisit violemment, elle hurle, il la lâche en lui disant : « Mais arrête, je ne te fais rien », et tous deux remontent en voiture. Marc passe la marche arrière et rentre la voiture dans le garage, la porte passager étant coincée contre le mur ; Jocelyne ouvre la portière mais ne peut descendre. Marc baisse le siège passager, renversant Jocelyne, pour attraper, posés contre le mur, des bidons d’essence avec lesquels il arrose l’intérieur de la voiture. Il donne deux coups de poing dans le ventre de sa femme et la bascule vers l’arrière, dont elle ne peut échapper, la voiture n’ayant que deux portes. Il redémarre et sort la voiture, qui percute le portique et s’immobilise. Jocelyne tente de sortir, il réussit à la maintenir en lui arrachant son pull-over et en la ceinturant sur le siège avant et tente, avec un briquet, de mettre le feu à l’essence mais n’y parvient pas. Cette fois-ci, Jocelyne réussit à se dégager et se réfugie chez sa tante, toute voisine, où elles se verrouillent, appellent le médecin, parlementent avec Marc qui finit par se calmer et qu’elles laissent alors entrer. Il dit qu’il recommencera si elle n’arrête pas la procédure de divorce, et que par contre il se calmera si elle l’arrête.

 

 Le médecin que Jocelyne a appelé est un médecin qui le soigne « pour les nerfs » depuis novembre et qui, après lui avoir administré des calmants, le fait hospitaliser. Marc se rend compte qu’ils auraient pu brûler tous les deux et explique son acte par un coup de colère et un coup de cafard plus fort que d’habitude. Il affirme ne pas avoir prémédité son acte. Néanmoins, Jocelyne porte plainte sur les conseils du médecin et de la police : il est donc inculpé de tentative d’assassinat et placé en hôpital psychiatrique, où il reste trois mois. Pendant cette période, il pense se séparer de sa femme, et envisage d’aller vivre à Nice. Peu à peu, Jocelyne regrette d’avoir déposé plainte et, écrivant souvent à son mari, dit être prête, après un temps de séparation, à le rejoindre à Nice. Ils décident de quitter leur villa et en concluent la vente.

 

 Marc quitte l’hôpital le 5 mars 1988, n’étant pas à l’abri, selon son psychiatre, d’une récidive. À la suite de cet épisode, un projet de thérapie ambulatoire est instauré pour le couple, mais Jocelyne ne vient qu’à la première séance et Marc continue la thérapie seul. Le couple reprend une vie normale pendant un mois environ. Jocelyne a revu son amant pendant l’hospitalisation de Marc mais cesse dès la sortie de son mari, elle a décidé de rompre.

  

Puis le cycle des violences reprend, surtout la nuit, Marc insulte sa femme, lui donne des coups de poing dans l’estomac, et la menace fréquemment du couteau avec lequel il dort en permanence : « Tu finiras par l’avoir dans le bide. » Le couple déménage pour un appartement en étage et Marc menace sa femme de défenestration : « Je ne te passerai pas par le balcon mais par la petite fenêtre derrière, comme ça on ne te trouvera pas tout de suite. » Jocelyne a peur, dort avec sa fille – témoin des scènes –, prend tous les couteaux qu’elle emporte à son travail, et en garde un dans la voiture pour se défendre de Marc. Elle prévient le psychiatre, son avocat et le juge d’instruction de cette violence permanente, dit désirer qu’une enquête soit ouverte au cas où elle décéderait.

 

Le 16 juin, elle va acheter un fusil de chasse, en principe pour l’offrir à son cousin qui fête son départ en retraite. Elle est calme, tout à fait normale, d’après l’armurier, qui ne souvient pas qu’elle ait mentionné que c’était un cadeau, d’autant plus qu’elle n’a pas demandé de paquet cadeau, déclarant qu’elle voulait acheter plus tard une housse. Elle place le tout dans le coffre de sa voiture. Le même jour, Marc s’est rendu chez le juge qui l’a convoqué au sujet des violences commises sur sa femme, et l’a menacé de retirer leur fille de la famille étant donné le climat familial. Il rentre chez lui très en colère et déclare à Jocelyne : « Tu n’en as plus pour longtemps. »

 

Le lendemain, 17 juin 1988, au matin, Marc M., qui exerce le métier de colleur d’affiches, quitte le domicile conjugal vers sept heures pour se rendre à son travail. Mais après avoir préparé ses affiches, au lieu d’aller les poser, il rentre chez lui. Son contremaître en prévient immédiatement Jocelyne, à son bureau où elle est secrétaire ; elle essaye alors de joindre son mari au téléphone, mais en vain puisqu’il a décroché. Elle quitte alors, vers 11h45, son lieu de travail pour rentrer à son domicile où elle trouve son mari dans un état de grande excitation : il la poursuit et la menace avec un couteau, voulant lui faire avouer le nom de son amant. Elle cherche un rouleau à pâtisserie pour se défendre et prend la décision à ce moment-là de tuer son mari car, explique-t-elle plus tard, elle a pensé : « Je n’avais pas le choix, si je me débarrassais pas de lui, c’est lui qui me tuerait ». Il est treize heures environ, elle fait semblant de repartir travailler mais va chercher dans sa voiture un fusil de chasse acheté la veille, ainsi que quatre cartouches cachées dans la cavité de l’autoradio. Après avoir chargé le fusil de deux cartouches, elle remonte à l’appartement, ouvre discrètement la porte, pose les deux autres cartouches sur un petit meuble de l’entrée et, de la porte du salon, tire un premier coup de fusil sur Marc couché sur le canapé, en train de regarder la télévision. Il se redresse, elle tire un second coup de fusil, il retombe sur le sol, elle recharge et fait feu à nouveau à deux reprises. Elle fait une crise de nerfs, puis frappe son mari au visage et sur la tête avec le fusil jusqu’à ce que la crosse se brise. La boîte crânienne a éclaté et de nombreux coups de talon et griffures sont relevés sur le reste du corps.

 

Elle absorbe une boîte de Lexomil et un flacon de Nozinan, doses qu’elle a pu croire mortelles. Puis elle téléphone au médecin qui avait prescrit ces tranquillisants, à une collègue de travail et à ses parents. Elle dit à sa mère : « Maman, j’ai fait une bêtise, j’ai tué Marc. Arrivez vite, je me suicide, j’ai avalé des cachets. »

 

Trouvée dans un état semi comateux, Jocelyne passe une semaine à l’hôpital, puis est incarcérée. Sa fille Noémie, âgée de dix ans, est prise en charge par ses parents. Son amant, Jean-Marie X., obtient le droit de lui rendre visite en prison. Jocelyne M. est condamnée à cinq ans d’emprisonnement le 11 mai 1990.


2. CRIME DIT PASSIONNEL ET APPROPRIATION DES FEMMES

Ainsi racontée, l’histoire de Marc et Jocelyne constitue un exemple paradigmatique de l’analyse proposée par les sociologues féministes, pour qui l’homicide conjugal est essentiellement un cas extrême de ce qu’on nomme les violences conjugales, terme quelque peu trompeur qui désigne presque toujours les violences exercées par un homme sur celle qu’il considère comme « sa femme ». Ces sociologues insistent sur le fait que dans de nombreux contextes socioculturels, battre sa femme est une pratique « normale », c’est-à-dire à la fois fréquente et, dans une certaine mesure au moins, légitime, voire recommandée dans bien des cas. Bien sûr, tel n’est pas la situation, en principe, dans les démocraties libérales occidentales. Et pourtant, même dans ces sociétés qui prônent l’égalité des sexes, la pratique en est si répandue qu’on peut se poser la question d’une certaine forme de légitimité, là aussi : par exemple, en France, la dernière étude nationale a montré qu’en 2001,10 % des femmes sont victimes de violences dans le cadre de leur couple, dont le quart d’agressions physiques répétées et pratiquement une sur dix (0,9 % exactement) de violences sexuelles (Jaspard, 2003). On soulignera encore que cette pratique est trop souvent occultée, ce qui suggère un certain consentement implicite, une forme de légitimité souterraine.

2.1. CRIME DIT PASSIONNEL ET VIOLENCES CONJUGALES

On peut dire la même chose à propos des violences létales subies par les femmes dans des relations intimes ou des situations domestiques. Selon les statistiques du FBI aux États-Unis, un tiers des femmes victimes d’homicide ont été tuées par leur partenaire, et entre 1976 et 1996, plus de 30 000 femmes ont été victimes d’homicide conjugal. En Europe, chaque semaine, une femme est tuée par son conjoint, et en France, tous les 15 jours, trois femmes sont tuées par leur conjoint (Henrion, 2001). On estime également qu’en Europe, pour les femmes de 15 à 44 ans, la violence familiale est la première cause de mort et d’invalidité, plus encore que le cancer, les accidents de la route, les guerres (Keltoková, 2002).

 

L’idée que l’homicide conjugal a plus à voir avec une certaine « normalité » qu’avec la marginalité est renforcée par le fait que les prédicteurs traditionnels de l’homicide (désorganisation sociale, pauvreté, etc.) sont dans l’ensemble réputés peu pertinents pour ce type particulier d’homicide, comme d’ailleurs pour la violence conjugale. C’est surtout vrai pour les crimes commis par des hommes, moins pour les crimes commis par les femmes : les hommes qui tuent dans la sphère privée ne présentent pas de caractéristiques sociologiques particulières, alors que les femmes qui tuent dans cette même sphère sont sociologiquement plus proches des délinquantes et des criminelles en général.

 

Cependant, les analyses féministes les plus récentes tendent à explorer le croisement de systèmes multiples de domination, et à montrer comment la culture, la « race », la classe, l’orientation sexuelle se combinent avec le genre pour organiser la violence faite aux femmes et sa signification (Bograd, 1999). Par ailleurs, les hommes qui battent leur femme, ceux qui les tuent, de même que les « femmes battues », qu’elles en viennent au meurtre ou non, ont généralement une histoire de violence dans leur famille (Johnson, 1996), et les hommes au moins font preuve de tendances à l’emprise qui peuvent provenir d’un environnement où le sexisme est plus prononcé qu’à l’ordinaire.

 

Par conséquent, les féministes analysent, d’une part, l’homicide conjugal comme un phénomène asymétrique, causé par la domination que les hommes exercent sur les femmes, et, d’autre part, considèrent que les explications psychopathologiques, ou simplement psychologiques (en référence à la passion, à la jalousie, par exemple), ne font que masquer la dynamique sociale du phénomène, et plus précisément la réalité de la domination, la psychologie étant, comme c’est assez souvent le cas, considérée ici comme un instrument de renforcement de l’ordre établi. L’expression même de « crime passionnel » fait l’objet d’une telle analyse, et une étude même rapide des articles consacrés durant l’été 2003 en France à l’affaire Trintignant-Cantat l’illustre amplement : ainsi, le journal Le Monde (parmi bien d’autres) présente tour à tour cette même affaire comme un cas de violences conjugales ou comme un crime passionnel. Dans l’hypothèse « violences conjugales », le couple TrintignantCantat est un couple parmi d’autres, les articles précisent plusieurs fois qu’en France, plusieurs femmes chaque mois meurent tuées par leur conjoint ; au contraire, dans l’hypothèse « crime passionnel », le caractère exceptionnel de ce couple particulier est souligné de plusieurs façons : ils n’avaient jamais tant aimé, cet amour les avait transformé tous les deux, etc. Pourtant, les deux interprétations portent exactement sur le même univers : dans les deux discours, on nous présente un homme qui cherche à faire de son couple un monde clos, et une femme qui cède à cette pression. Cette situation est interprétée, dans le cadre du discours « violences conjugales », comme un système de contrôle, une volonté de domination masculine, à laquelle répond, chez la femme, une certaine soumission. Le fait que les femmes aient du mal à se dégager de telles relations est interprété comme effet de l’enfermement, d’abord (elles perdent leur autonomie, deviennent de moins en moins sûres d’elles dans le monde extérieur) et aussi dans le sens d’une intériorisation d’une certaine infériorité. Au contraire, dans le discours « crime passionnel », la même situation est tout entière interprétée comme manifestation d’un amour réciproque, même si la polarité asymétrique (c’est l’homme qui est à l’initiative de l’enfermement) reste bien présente : au nom de l’amour, Bertrand Cantat cherche à contrôler Marie Trintignant, et c’est au nom de l’amour qu’elle éprouve, semble-t-il, que Marie Trintignant, à la fin des séances de tournage, se précipite pour le rejoindre. En fait, la référence à la passion et à l’amour indique l’idéalisation de la relation violente. Ces deux interprétations sont aussi des prises de parti : dans la perspective « violences conjugales », l’accent est mis sur la souffrance de Marie Trintignant, dans le discours « crime passionnel », il est mis sur celle éprouvée par Bertrand Cantat (pour l’ensemble de ce paragraphe, on pourra se reporter aux articles parus dans Le Monde, et plus particulièrement à ceux des 9 août et 7 septembre 2003, qui développent le plus complètement les deux hypothèses en présence).

 

Les recherches menées dans cette perspective depuis une vingtaine d’années se partagent en deux thèmes bien distincts : certaines étudient le « fémicide », et d’autres, les plus nombreuses, se centrent sur le cas de « la femme battue qui tue ». Cette « préférence » s’explique sans doute par un effet de saillance, les femmes criminelles étant plus rares que les hommes, et moins conformes au stéréotype habituel de la féminité.

 

La notion de fémicide désigne spécifiquement le meurtre de femmes par des hommes, ou, dans certaines situations, par des femmes, parce que ce sont des femmes. Elle inclut les crimes dits d’honneur endémiques dans de nombreux pays arabomusulmans (5 000 par an…), la « dowry death » ou mort pour cause de dot en Inde (7 000 par an…), mais aussi les avortements préférentiels de fœtus féminins (en Chine, 135 naissances de garçons pour 100 de filles…), les mutilations génitales féminines (130 millions de femmes concernées dans 28 pays d’Afrique et du Proche-Orient…), le viol (50 000 par an en France…), etc. (Russel et Harmes, 2001). Jusqu’à un certain point, cette définition permet de contrer le préjugé tenace selon lequel le meurtre d’une femme est une affaire privée ou une aberration pathologique. De plus, elle met en évidence le fait que, lorsque des hommes tuent des femmes, cet acte procède d’une stratégie de la domination qui sous-tend la misogynie et le sexisme. Le meurtre d’une femme par son partenaire est vu comme un fémicide dans la mesure où la dynamique du pouvoir y est toujours prédominante : les hommes violents tuent, non pas parce qu’ils perdent le contrôle d’eux-mêmes, mais parce qu’ils cherchent à exercer un contrôle sur leur partenaire. À cet égard, il est symptomatique que les femmes courent le plus grand risque d’être tuées dans les semaines qui suivent leur départ. Ceci peut être analysé comme une manifestation extrême des tentatives que font les hommes pour affirmer que les femmes leur appartiennent et pour contrôler leur sexualité et leurs possibilités reproductives (Wilson et Daly, 1992,1993, Héritier, 1996,2001, Tabet, 1979,1985).

 

Les études qui portent sur les « femmes battues qui tuent » soulignent que les homicides conjugaux commis par des femmes se produisent généralement dans le contexte de relations violentes. Par exemple, les chercheurs s’accordent généralement pour estimer qu’un peu plus de la moitié des femmes qui tuent leur partenaire le font alors qu’elles sont attaquées par lui et se sentent en danger (ce qui laisse tout de même une petite moitié de ces meurtres inexpliqués…).

 

Selon Walker (1979,1984,1989) les violences conjugales se produisent selon un cycle en trois phases : la première (« la tension monte ») comporte de la part de l’homme surtout des violences verbales, ainsi que quelques violences physiques modérées, tandis que la femme tente de lui plaire et de l’apaiser afin de prévenir des violences plus graves ; la seconde (la crise paroxystique) voit survenir une sévère explosion de violence ; enfin, pendant quelque temps après la crise, le couple traverse une période calme, voire de « lune de miel », où l’homme exprime sa contrition et son amour, et la femme son attachement et son pardon. Plus précisément, pendant cette troisième phase, l’homme explique que la crise ne se reproduira plus, et que d’ailleurs elle ne se serait pas produite du tout, si seulement la femme avait fait un effort pour ne pas le pousser à bout… En fait, comme il est de règle pour toutes les lunes de miel dans tous les couples, qu’ils soient violents ou non, cette phase a nécessairement un terme. Dès lors, la tension recommence à monter, et le cycle recommence, plus court et plus violent à chaque tour de la spirale. C’est à partir de ce cycle que Walker définit le « syndrome de la femme battue » : chaque femme, dit-elle, peut se trouver une fois prise dans une interaction violente avec un partenaire, mais si elle est exposée deux fois de suite à la violence d’un homme sans rompre la relation, c’est qu’elle souffre d’impuissance acquise ( learned helplessness ) ; en d’autres termes, exposée depuis son enfance à des situations douloureuses qu’elle ne contrôle pas et auxquelles elle ne voit pas d’issue (situations que sa relation de couple ne fait que répéter), cette femme a cessé de reconnaître les possibilités réelles qu’elle pourrait avoir de transformer sa situation. Cette attitude tend, de plus, à réduire les possibilités qui s’offrent effectivement à elle, puisque, dans l’espoir d’apaiser son partenaire jaloux et possessif, elle s’isole de plus en plus, et devient donc de plus en plus dépendante et vulnérable. Il est important de souligner que dans ce type de relation, la femme tente de satisfaire l’homme, posture qui dément absolument les interprétations plus ou moins populaires fondées sur l’excuse de provocation féminine, et impliquant que le comportement des femmes est la cause directe de la violence des hommes (« si seulement elle n’avait pas une fois de plus oublié de saler la soupe… critiqué ses performances sexuelles… souri au voisin de palier en lui disant bonjour… », les exemples ne manquent pas !).

 

La théorie de l’impuissance acquise vise à expliquer pourquoi les femmes battues restent dans une relation abusive, et de fait, dans une certaine mesure, elle décrit adéquatement leurs sentiments d’impuissance, de détresse, de dépendance (« Où pourrais-je aller ? Comment vais-je nourrir mes enfants ?… »). Cependant, en se centrant sur l’impuissance des femmes, cette théorisation peut être l’une des façons, assez traditionnelle, dont les femmes sont victimisées ; d’ailleurs, d’autres chercheuses féministes ont critiqué cette théorie (Gondolf et Fisher, 1988 ; Browne, 1987 ; Busch, 1999). Les femmes battues sont actuellement vues moins comme des victimes résignées que comme d’actives survivantes, contrecarrées dans leurs tentatives de partir par des obstacles sociaux, voire légaux, bien réels (essentiellement l’indifférence, ou même une hostilité active de la part du corps médical, de la police, de la justice, ou même, parfois, de leurs amis et parentèle). Leur état psychologique est donc plutôt comparé à celui des victimes de la torture ou de la guerre, et leur symptomatologie assimilée à un désordre post-traumatique. Dans cette perspective, il devient possible d’étudier les stratégies que ces femmes mettent en œuvre, soit pour survivre dans le contexte de la relation abusive, soit pour s’en dégager (Hoff, 1990, Kirkwood, 1993, Baker, 1997). Cet ensemble de recherches souligne également que partir ne suffit pas toujours pour mettre fin à la violence, et de fait occasionne souvent encore plus de violence (comme nous l’avons indiqué plus haut, de nombreux homicides conjugaux sont perpétrés dans les premiers temps de la séparation).

2.2. JUSTICE ET DEFENSE PLUS OU MOINS LEGITIME

Plusieurs chercheuses et militantes féministes ont soutenu que les femmes battues qui tuent sont dans une situation de légitime défense, même dans le cas (pas si rare) où, après un épisode de violence où leur partenaire s’est montré particulièrement menaçant, elles le tuent alors qu’il est endormi (Gillespie, 1989). Cette conception exige qu’on étende la notion de légitime défense, qui repose traditionnellement sur une idée de défense « raisonnable », c’est-à-dire l’usage d’une force proportionnée à celle de l’attaque (on ne peut utiliser une arme que contre un attaquant armé) et implique le devoir de chercher à s’enfuir avant d’utiliser la violence pour se défendre… Celles qui souhaitent cette extension soulignent que l’idée de défense raisonnable est adaptée à un combat entre deux hommes, mais pas du tout à la situation de violences conjugales, dans laquelle la menace est plutôt chronique qu’occasionnelle (l’histoire de Marc et Jocelyne l’illustre remarquablement), et dans laquelle la fuite est trop souvent inefficace.

 

Même parmi les chercheuses et militantes féministes, certaines s’opposent à cette proposition, qui conduit à un traitement différencié des hommes et des femmes, puisque la légitimité de l’action est définie différemment en fonction du genre de la personne concernée. Cependant, ses tenantes rétorquent que dans une société globalement inégale, cette différenciation ne fait que rétablir un équilibre : la socialisation des femmes comme passives, douces, etc. fait qu’elles répondent nécessairement d’une façon particulière à la violence. C’est un exemple du débat, plus large, entre égalité et équité, universalisme et différentialisme.

 

Le fait que le système judiciaire, situation sociale inéluctablement soumise aux rapports de force existants, est influencé par des biais de genre, a été largement démontré (Resnik, 1996, Frohmann, 1997, Elkins et Phillips, 1999). Plus précisément, ce qui est juste, raisonnable, normal, est défini en termes masculins. Par exemple, en admettant que le flagrant délit d’adultère est une raison suffisante pour expliquer le crime commis par un mari trompé, la jurisprudence anglaise s’appuie sur la façon dont un homme raisonnable est supposé réagir ; la seule provocation qui atténue autant sa culpabilité serait une attaque directe contre lui ou un de ses proches (Daly et Wilson, 1988). La nouvelle définition de la légitime défense tente de renverser cette tendance à prendre le seul masculin comme référence, et faisant une place à la façon dont une femme raisonnable pourrait réagir.

 

Comme le jury, la presse (notamment à travers le fait divers) distingue avant tout « conjoint loyal » et « conjoint déloyal », et l’affaire est évaluée tout à fait différemment selon que l’un ou l’autre est victime ou coupable (Gruel, 1991) ; si les sexes sont pris en compte, c’est en arrière-plan, au sens où, comme nous le développerons plus longuement, la définition de la loyauté conjugale n’est pas tout à fait identique pour un homme et pour une femme. Cette congruence entre notre corpus et celui de Gruel ne doit pas surprendre, car le fait divers et le jury ont en commun leur caractère populaire, c’est-à-dire leur ancrage dans les représentations sociales les plus communes.

 

Ewing (1990) a soutenu que, dans le cas d’une femme battue qui tue, il faudrait admettre l’idée d’une légitime défense psychologique : la violence conjugale serait une attaque qui vise à tuer son être psychologique. Cette position a été largement récusée, même et surtout par des féministes : comprendre ce qui conduit au meurtre ne signifie pas l’excuser, et cet argument en définitive paternaliste pourrait conduire à pathologiser encore davantage les femmes victimes de violences.

2.3. L’INFLUENCE DE L’EVOLUTION SOCIALE

Dans une analyse qu’elle définit comme écologique, Stout (1992) examine l’homicide conjugal dans plusieurs états des États-Unis, et note qu’il tend à se faire plus rare dans certaines conditions : 1) quand la situation économique des femmes est « moyenne » (ni trop favorable, ni trop défavorable), 2) dans les états qui promeuvent l’égalité des sexes et la justice sociale à l’égard des femmes, et 3) dans les états où il y a des refuges pour femmes victimes de violence. De plus, elle observe qu’après une période (années 1970-1980) où les services pour aider les femmes victimes de violences se sont considérablement développés, le risque pour un homme d’être tué par sa partenaire a chuté de façon significative… davantage, en fait, que le risque pour une femme d’être tuée par son partenaire. En somme, l’expansion de ces services pourrait avoir protégé les hommes violents d’une riposte défensive de la part de leur compagne, sans parvenir à protéger les femmes de la violence de leur compagnon (Gartner, Dawson & Crawford, 2001).


Comme nous l’avons noté plus haut, les indicateurs traditionnels de l’homicide sont de façon générale de meilleurs prédicteurs de l’homicide conjugal commis par une femme que de celui commis par un homme. Cette généralité n’admet qu’une exception, tout à fait parlante : la densité de la population est corrélée négativement au taux d’homicide conjugal féminin (mais positivement à toutes les autres formes de criminalité), probablement parce qu’une faible densité de population empêche les femmes victimes de violence de trouver une aide qui leur éviterait d’en venir à la violence létale (Jensen, 2001).


Jensen construit une définition de l’égalité des sexes plus élaborée que celle de Stout. Pour elle, l’égalité des sexes signifie une situation où hommes et femmes ont un égal accès à des ressources socialement valorisées. Plus précisément, écrit-elle, le concept d’égalité des sexes comprend trois catégories : l’égalité économique (en termes de revenus, de choix possibles, d’éducation, etc.), l’égalité politique et légale (en termes de représentation dans la sphère politique, de traitement équitable par la loi et la justice, etc.), et l’égalité sociale (en termes d’interaction sociale, de rôles et comportements attendus, de degré d’acceptation des rôles et comportements déviants, etc.). Elle utilise des indices existants pour évaluer dans chaque état des États-Unis les aspects économiques et politiques ou légaux, mais construit ses propres indices pour mesurer l’égalité sociale (c’est l’originalité majeure de sa recherche), notamment le divorce et le fait que des hommes élèvent seuls des enfants. Elle fait l’hypothèse que ces variables reflètent le degré de prégnance des valeurs traditionnelles et donc le degré de liberté dont les femmes bénéficient. Sur cette base, elle montre que la déconstruction des normes traditionnelles concernant la vie conjugale contribue davantage à faire décroître le nombre d’homicides conjugaux commis par des femmes que l’égalité économique entre les sexes – que ce soit parce cette déconstruction restreint moins les possibilités pour les femmes de sortir de situations violentes, ou parce qu’une vision non-traditionnelle de la conjugalité fait décroître la probabilité de ces situations violentes.

 

Tous les chercheurs dans ce domaine estiment d’ailleurs que, dans des conditions sociales de meilleure égalité des sexes, les divisions traditionnelles du pouvoir dans les relations privées peuvent se transformer, ce qui aurait une influence sur le degré de violence, notamment létale. Ils divergent cependant quant aux prévisions qu’ils croient pouvoir faire. On pourrait tout à fait soutenir, par exemple (Dupong, 1999), que dans une situation de meilleure égalité des sexes : 1) les crimes dits passionnels commis par des hommes seraient plus fréquents, dans une tentative de reconquérir le contrôle sur « leur » femme (c’est la théorie du backlash, ou retour de bâton, cf. Faludi, 1993) ; 2) les crimes dits passionnels commis par des hommes seraient plus rares, car les femmes auraient davantage de ressources pour fuir la relation violente (théorie des ressources) ; 3) les crimes dits passionnels commis par des femmes seraient plus fréquents, car les femmes auraient davantage de moyens d’affirmer un pouvoir social (théorie selon laquelle le pouvoir corrompt) ; et enfin, 4) les crimes dits passionnels commis par des femmes seraient plus rares, car elles pourraient mettre fin à la violence qu’elles subissent sans en arriver là (de nouveau la théorie des ressources).


3. LE CRIME DIT PASSIONNEL EN FRANCE, QUELQUES ASPECTS PHENOMENOLOGIQUES

3.1. CRIMINELS ET CRIMINELLES

Dans notre corpus, les hommes recourent au crime dit passionnel beaucoup plus souvent que les femmes. Nous avons, en effet, repéré et analysé 263 affaires où l’auteur du crime est un homme (78 %) et 74 où l’auteur du crime est une femme (22 %). Ces proportions présentent une remarquable stabilité historique : l’étude des crimes dits passionnels conduite par Joëlle Guillais (1986) sur une décennie du XIXe siècle relève que la criminalité privée est dans 82 % une affaire d’hommes.

 

Néanmoins, on pourrait dire aussi que le crime dit passionnel est davantage pratiqué par les femmes que les autres formes de criminalité : si l’on prend en compte la criminalité en général, on trouve de 1968 à 1978 huit hommes criminels pour une femme (Cario, 1997) et d’après l’enquête réalisée par le Ministère de la Justice de 1986 à 1990 sur les homicides volontaires ayant donné lieu à des poursuites du Parquet, les femmes ne représentent que 13 % des mises en cause connues (Laroche, 1994). La proportion plus forte de criminelles mise en valeur par notre étude s’explique par le fait que notre champ d’observation porte précisément sur l’une des formes particulièrement caractéristiques de la délinquance féminine, car les meurtres et assassinats commis par les femmes sont le plus souvent accomplis dans le cercle familial ou le cadre de relations conjugales. L’accroissement de la part prise par les femmes pour ces deux types d’homicides est l’une des spécificités de la participation des femmes observée en France et à l’étranger (Holmes et Holmes, 1994).

 

Comme toujours lorsqu’on se fonde sur une étude de presse, néanmoins, il n’est pas certain que notre corpus reflète exactement la réalité : dans l’une de nos sources, par exemple, ( Le Progrès ), on constate une sur-représentation des affaires où une femme est l’auteur du crime par rapport aux autres journaux. La presse parle peut-être préférentiellement des crimes dits passionnels commis par des femmes parce que, par un effet de saillance, ces affaires suscitent davantage d’intérêt dans le public. D’ailleurs, Le Progrès est, parmi les journaux que nous avons utilisés, le plus attaché au spectaculaire et au sensationnel.

 

La proportion d’hommes auteurs de crimes dits passionnels est encore plus importante si l’on prend en compte les complices de crimes : quand il y a complices, en effet, ce sont presque toujours des hommes. De plus, ce sont surtout les femmes qui s’adjoignent des complices : près d’un quart (17 sur 74) opèrent avec des collaborateurs, contre 6 % des hommes seulement (15 sur 263).

 

On peut se demander, quand il y a des complices, et à part le cas où il s’agit de complices mercenaires, qui est le véritable instigateur du crime. Lorsque par exemple, une femme et son amant tuent le mari, d’après la presse, la femme est toujours à l’initiative du crime, mais ce n’est peut-être qu’une interprétation.

 

À travers une analyse comparée des principales caractéristiques socio-démogra-phiques des auteurs de crimes dits passionnels, nous nous attachons à discuter l’hypothèse communément admise qui tend à considérer le crime dit passionnel comme un phénomène susceptible de concerner tout un chacun et à le différencier sous ce rapport de la criminalité en général.

 

Hommes et femmes de notre échantillon sont plus âgés que les auteurs d’homicides volontaires en général : leur âge moyen est respectivement de 40,4 ans et de 38,7 ans pour les premiers contre 34 ans pour les seconds. Leur activité criminelle qui concerne tous les âges de la vie et reste particulièrement forte après cinquante ans ne coïncide pas avec la courbe par âge dessinée par les statistiques judiciaires (Cario, 1997, Laroche, 1994).

 

Globalement, des « problèmes sociaux » au sens très large (climat de violences entre homme et femme, alcoolisme, toxicomanie au moins médicamenteuse, inceste, misère, condamnations antérieures…) sont mentionnés deux fois plus souvent quand l’auteur est une femme que quand l’auteur est un homme. Contrairement à ce qui se passe pour les hommes, on retrouve pour les femmes les facteurs sociaux habituellement corrélés à la délinquance féminine.

 

Si l’on examine l’écart d’âge moyen, on constate qu’il est de six ans dans notre étude entre les victimes et les auteurs qui formaient un couple. Dans la population française en général, cette différence n’est que de deux ans. Le déséquilibre des âges dans le couple est de même nature que le crime ait été commis par un homme ou par une femme. Dans notre corpus, 42 % des épouses et conjointes sont au moins de cinq ans plus jeunes que l’époux ou conjoint qu’elles ont tué ou par qui elles ont été tuées, et 9 % ont au moins cinq ans de plus. Dans la population en général, ces taux ne s’élèvent respectivement qu’à 12 % et 3 %. Alors qu’historiquement la réduction progressive de l’écart d’âge a accompagné une transformation profonde des rapports de sexe au sein du couple, le déséquilibre des âges entre conjoints relevé dans notre étude témoigne d’une forme de mise en couple bien particulière.

 

Le profil socioprofessionnel de notre corpus présente quant à lui d’importantes ressemblances avec celui de la population générale. Avec une proportion de chômeurs ou de personnes sans activité parfaitement comparable, notre échantillon n’est pas exemplaire des inégalités sociales et économiques qui sont généralement associées à une plus forte criminalité. Seuls méritent d’être remarquées une surreprésentation des auteurs de crimes dits passionnels appartenant aux catégories « artisans » et « ouvriers » et une sous-représentation des retraités. Pour les couples d’artisans-commerçants, les liens d’argent qui les unissent seraient-ils un facteur favorisant le crime ? Ou bien la nécessité de travailler ensemble, l’absence d’un territoire personnel, favoriserait-elle la violence ? Du côté des ouvriers, la plus grande fréquence du crime dit passionnel peut sans doute être liée au poids relativement plus fort dans les milieux populaires de valeurs conjugales qui perpétuent une conception inégalitaire du couple. Quant à la sous-représentation des retraités, elle semble assez logique : peut-être en fonction de ce stéréotype selon lequel les passions s’apaiseraient avec l’âge, on est plutôt surpris d’avoir encore dix-sept criminels retraités. Il faut dire aussi qu’un veuvage naturel rend à partir d’un certain âge le recours au crime plus rarement nécessaire…

3.2. LES CHAINES CONJUGALES

Les trois-quarts des crimes se produisent dans le cadre de liaisons de plus de deux ans, et près de la moitié dans le cadre de liaisons de plus de dix ans, ce qui confirme la complexité de la notion de passionnel. La passion, en effet, se définit par son caractère fusionnel : le Moi de chacun d’eux s’absorbe dans le Moi de l’autre, chacun court le risque de se confondre avec l’autre, si l’autre lui échappe, le sujet perd une partie de lui-même. La majorité des couples qui divorcent le font précisément parce qu’ils n’arrivent pas à négocier ce passage de l’illusion fusionnelle à un amour plus réaliste : ces divorces qu’on pourrait dire passionnels ont lieu quand le couple est encore jeune, dès trois ou quatre ans de mariage. D’autres couples néanmoins semblent vivre une fusion qui défie le temps ; pour eux, tout se passe comme si l’étape d’accès à l’autonomie et d’engagement des partenaires dans des processus d’individualisation avait été indéfiniment repoussée. Ceux-ci divorceront plus tard, ou en viendront au crime : ces deux formes de « rupture », si l’on peut dire, ont en commun de se produire après des liaisons longues, puisqu’en moyenne, le divorce est prononcé après quatorze années de mariage.

 

En revanche, divorce et crime dit passionnel situent les hommes et les femmes dans des problématiques radicalement opposées : alors que la criminalité dite passionnelle est essentiellement une pratique masculine, l’initiative du divorce est très majoritairement, comme on le sait bien aujourd’hui, prise par les femmes. Cette différence doit s’interpréter en analysant les mobiles de ces crimes.

 

Établir les raisons de ces crimes en nous fondant sur des données journalistiques est évidemment très difficile. Nous avons dû créer notre propre typologie après avoir analysé toutes les informations disponibles, et avons dû renoncer à définir les mobiles dans un cinquième des cas. Par ailleurs, la nature même de la source implique une limite : ce que les journalistes interprètent comme mobile du crime ne peut en tout état de cause que traduire ce que les criminels invoquent, c’est-à-dire ce dont ils se plaignent, ce qui les fait souffrir… Ce n’est qu’un niveau assez superficiel d’explication, qui n’atteint pas les raisons profondes du crime : celles-ci résident en effet nécessairement dans la structure même de la relation (par exemple, tel homme qui tue une femme qui le quitte se plaint d’être abandonné, pas d’être dépendant ou pris dans un lien fusionnel ; pourtant, c’est bien la dépendance ou la fusion qui expliquent son incapacité à supporter la rupture, et constituent donc les vraies raisons du crime).

   

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La problématique de la perte d’objet est présente dans près des trois-quarts des crimes commis par les hommes. L’idée d’abandon, présente dans les mêmes proportions que la jalousie, renvoie à une représentation du couple fondée sur l’indissolubilité du mariage et sur un contrôle des femmes qui s’exerce par-delà la rupture du couple. Marie-Thérèse K. est partie depuis plus d’un an et a engagé une procédure de divorce. « Si tu pars, je te tue », avait menacé son mari. L’installation chez ses parents puis dans un appartement dont l’adresse n’était connue que de ses proches, le téléphone sur liste rouge, le soutien de ses collègues, seront des précautions insuffisantes pour la protéger. Marc K., armé, fait irruption sur son lieu de travail, ce qui, au-delà de la traque infligée à la femme, symbolise clairement l’attaque portée à son indépendance économique.

 

Au deuxième rang après la perte d’objet, la jalousie est présente dans plus de la moitié des crimes masculins (53 %) contre 16 % dans les crimes féminins. C’est ce mobile qui conduit Raymond C. « un homme simple, qui ne peut vivre que dans un monde simple », à devenir un « piètre Othello ». Il interprète le « petit coup d’amour » que lui refuse son épouse comme une preuve de l’existence d’un amant, même si le « prétendu rival restera aussi discret que l’Arlésienne ». La jalousie entre en jeu comme paravent : dans ce genre de cas, l’homme se demande plutôt « pour qui » sa femme est partie que « pourquoi », alors que pour les femmes, précisément, les raisons sont à chercher à l’intérieur du couple.

 

Les femmes ont en revanche des mobiles plus divers, où dominent la mésentente et le désir de se débarrasser de ce qui apparaît comme une tyrannie (55 % des cas). Liliane L., après vingt-quatre ans de vie conjugale marquée par la violence « tue son tyran et celui de ses deux filles ». C’est aussi le cas de Myriam F. : elle a deux enfants lorsqu’elle rencontre son compagnon ; quelque temps plus tard elle en a de lui un troisième, mais à partir de ce moment, il devient brutal et violent avec les deux autres. Elle le tue, dit-elle, pour faire cesser cette situation.

 

Les mobiles allégués pour expliquer le crime dit passionnel sont donc très différenciés selon les sexes. Les hommes tueraient plutôt pour « garder » les femmes, pour s’opposer à une rupture qui leur est imposée, qu’elle soit effective, annoncée ou seulement pressentie, tandis que les femmes seraient souvent amenées à tuer pour entériner une séparation dont elles ont pris l’initiative ou pour se dégager d’une relation de couple qui leur apparaît insupportable, en somme plutôt pour se débarrasser de leur conjoint.

 

Dans son étude sur le crime dit passionnel au XIXe siècle, Joëlle Guillais avait déjà constaté que les femmes tuaient souvent pour résister à la pression que les hommes exercent sur elles. À l’heure actuelle, le divorce peut représenter une issue à cette pression : on peut analyser en ce sens le fait que 75 % des divorces sont demandés par des femmes. Malheureusement, le divorce ne les empêche pas d’être tuées, parfois il est même au contraire l’élément déclencheur du processus meurtrier.

3.3. PATRIARCAT, VIRIARCAT

Lorsque le crime dit passionnel concerne directement le couple de référence, il est commis dans une affaire sur trois alors que le couple ne cohabite pas ou plus. L’examen des situations selon le sexe montre que 85 % des femmes tuent dans le contexte d’une relation en cours, contre 67 % des hommes, et que 80 % des femmes et seulement 60 % des hommes agissent dans le cadre d’une résidence partagée. En situation de résidence séparée, le risque d’être tué par un partenaire est bien plus fort pour les femmes que pour les hommes : ce risque s’explique par la tendance nettement plus forte des hommes à s’attaquer à un objet d’amour qui appartient à une liaison passée (21 % des cas, contre 10 % côté femmes).

 

Il semble que les hommes supportent moins la rupture, comme si la rupture pour eux ne mettait pas fin à leur sentiment d’appropriation de l’objet, ou comme s’ils avaient plus de mal à accepter la perte de l’objet : le crime peut survenir de nombreux mois après le départ de la femme. Le sentiment de posséder l’autre est donc profondément dissymétrique, ce que nous pouvons considérer comme la conséquence d’une situation de viriarcat. L’aspect légal, institutionnel, du lien a également moins d’influence dans les crimes d’hommes : lorsque le crime est commis par une femmes, il est plus fréquemment associé à un cadre marital (81 % des cas contre 65 % quand le meurtrier est un homme). Côté hommes, nombre de crimes sont même effectués alors qu’aucun lien n’était engagé : la pathologie individuelle rencontre alors l’idée, socialement inscrite, qu’une femme, à partir du moment où un homme la désire, lui appartient. Dans un monde structuré par l’appropriation collective des femmes (Gillaumin, 1992), une femme peut aussi en valoir une autre : « Je voulais me venger de ma maîtresse en forçant cette inconnue », déclare Eric B., condamné pour viol aggravé.

 

Dans cette étude, nous avons également relevé que les hommes tuent davantage de personnes pour des raisons supposées passionnelles : 73 femmes n’ont fait qu’une victime, et une seule en a fait trois, alors que 23 % des hommes ont tué de deux à sept personnes ; en d’autres termes, 263 hommes ont tué 382 personnes, parmi lesquelles leurs partenaires, leurs enfants, leurs rivaux, la famille de leurs partenaires ou rivaux ou encore des inconnu-e-s.


Si les hommes peuvent tuer plus d’une personne, c’est qu’ils s’attaquent à différentes sortes de victimes, ce qui est beaucoup plus rare chez les femmes. Du côté des hommes en tout cas, et assez paradoxalement, le crime dit passionnel ne s’inscrit pas nécessairement dans un « tête-à-tête » amoureux. Un ensemble de personnages sont concernés par la rupture de la liaison, et parfois peuvent en être tenus pour responsables, aux yeux de l’auteur du crime. Un exemple, l’affaire D., que Le Monde désigne comme « le crime dit passionnel par excellence » : repoussé par la jeune fille qu’il fréquentait depuis plus d’un an et pensait épouser, un jeune homme de vingt-trois ans décide d’enlever sa belle. La jeune fille habite chez ses parents, et sa famille intervient : Pascal D. tue son ex amie, ses parents et ses grands-parents, l’un de ses frères, et il blesse l’autre frère qui parvient à s’échapper.

 

Seconde catégorie parmi les victimes des hommes : les enfants. La courbe des âges des victimes montre qu’une sur six a moins de 16 ans. La figure de Médée, abandonnée par Jason, et qui tue sa rivale, le père de sa rivale, et ses enfants, serait en fait aujourd’hui, d’après notre corpus, plutôt une figure masculine, puisque aucune des femmes que nous avons répertoriées ne tue ses enfants. Cependant, remarquons que les mobiles des femmes infanticides et filicides sont parfois les mêmes que ceux de nos criminels dits passionnels ; certaines tuent leurs enfants parce qu’elles ne supportent pas d’être abandonnées ou trompées. On peut avancer l’hypothèse que lorsque un homme tue ses enfants par jalousie ou dépit amoureux, la presse le classe comme un criminel passionnel ; quand une femme agit de même pour les mêmes raisons, son geste est classé comme infanticide sans référence à la passion. La presse, d’ailleurs, comme sidérée, ne propose généralement aucune explication à l’infanticide.

 

Le crime masculin est donc largement autant une affaire de famille qu’une affaire de couple, ce qui doit nous inciter à élargir la problématique de l’appropriation des femmes, du viriarcat, en la liant à ses dimensions patriarcales (domination des hommes, en tant que pères, sur les femmes, les enfants et certains membres de leur parentèle).

 

Enfin, il arrive assez fréquemment que les hommes soient aussi leur propre victime : 19 % d’entre eux se suicident immédiatement après l’acte meurtrier. La moitié de ces suicides se passe après le meurtre de plusieurs victimes, et 20 suicides suivent des meurtres d’enfants. Une remarque incidente à propos de l’interprétation parfois donnée par la presse à ces suicides. Libération, le 21 mai 1993, a titré « Une famille se suicide » pour rendre compte du fait qu’un homme, dont on ne connaît pas les raisons, avait tué sa femme et ses enfants, puis s’était donné la mort. Faut-il comprendre, dans cette représentation de la famille comme une unité proprement fusionnelle, que la volonté du pater familias est par essence la volonté de tous les membres de la famille, auxquels est ici déniée leur qualité de sujets ? La notion de « suicide élargi » employée par certains psychiatres québécois ne dirait pas autre chose, sauf quand elle est employée pour décrire la situation subjective du meurtrier, dont, comme le notent C. Cherki-Nikles et M. Dubec (1992), le geste peut viser, à travers l’enfant, une partie du meurtrier lui-même. Du côté des femmes, les suicides sont beaucoup plus rares, et nettement plus tardifs : trois femmes seulement dont deux se suicident en cellule.


4. EN ATTENDANT DE CONCLURE : RETOUR SUR L’HISTOIRE DE MARC ET JOCELYNE

L’ensemble de ces données nous conduit à envisager le crime dit passionnel essentiellement comme un crime sexiste et confirme l’hypothèse du fémicide, ainsi que, dans une moindre mesure, celle que suggère l’expression un peu simpliste de « la femme battue qui tue ». Pourtant, parce que nous sommes aussi des psychologues, il nous semble extrêmement difficile d’en rester là. Lorsque nous dépassons le niveau des tendances globales pour atteindre celui des histoires subjectives, avec l’étude des dossiers d’instruction, le tableau se complexifie sensiblement. Nul doute que les logiques psychologiques s’inscrivent bien dans les modèles socialement construits autour d’une vision archaïque du rôle masculin dans le couple et l’appropriation des femmes. Néanmoins, la nette dissymétrie des mobiles invoqués selon le genre se dissout lorsque nous recherchons les raisons profondes de ces crimes, en étudiant la structure même des relations en cause. Dans cette perspective, on doit souligner le fait qu’hommes et femmes partagent le même modèle sous-jacent de relations amoureuses, de vie de couple : un modèle qui se présente soit comme fusionnel, impliquant que l’amour annihile toutes les différences inter-individuelles, soit comme un mécanisme d’appropriation, c’est-à-dire qu’aimer est vu comme un équivalent de posséder l’autre ou lui appartenir. S’il existe bien une polarisation selon le genre (les hommes ont plutôt tendance à posséder leur objet e

t les femmes à lui appartenir), il n’empêche que le modèle est le même, et que par conséquent les fonctionnements dissymétriques correspondent essentiellement aux deux faces d’une même médaille… C’est sur ce modèle que les criminel-le-s dit-e-s passionnel-le-s – et leurs partenaires – construisent toute leur vie affective.

  

Cette remarque implique une conséquence importante : les crimes dits passionnels ne peuvent pas être, si l’hypothèse est exacte, le crime de « Monsieur ou Madame Tout-le-Monde ». Et de fait, ils s’en distinguent à plusieurs niveaux. Premièrement, le mode de formation des couples ne s’inscrit pas dans les grandes tendances observées aujourd’hui et s’apparente plutôt à des caractéristiques propres à des sociétés traditionnelles. Ensuite, les effets des lois sociales sur le divorce et la séparation, qui émancipent les femmes de la tutelle maritale et paternelle, ne semblent pas pleinement intégrés par ces couples. Enfin, ces crimes dits passionnels surviennent le plus souvent dans des familles qui présentent des caractéristiques proches de celles où l’on constate des carences affectives et éducatives graves, des violences sur les enfants, des abus sexuels, c’est-à-dire des familles où la reconnaissance de l’altérité n’est pas clairement établie. Le drame s’élabore sur plusieurs générations, des grands-parents aux petits-enfants, à travers la répétition d’une dysparentalité. Les identifications parentales apparaissent floues et lacunaires (filiation incertaine, troubles identitaires, expérience de l’abandon ou de la séparation, deuils, carences, etc.) et sont constituées à partir de modèles violents et rigides (vision archaïque du rôle paternel et du mariage conçu comme indissoluble, exercice d’une tyrannie domestique, etc.) La loi intérieure de la famille fonctionne sur un mode persécutif où chacun des membres est objet de contrôle et d’appropriation lui interdisant toute recherche d’autonomie. Un mécanisme d’adhésion à la toute-puissance de la loi interne empêche une reconnaissance de la loi sociale comme s’imposant à tous les membres de la famille. La cellule familiale, contrainte à une forme de huis-clos, tend à s’organiser sur un mode fusionnel. La représentation des liens familiaux est notamment fusionnelle chez le parent criminel, qui tue en son enfant une part de lui-même ou de son partenaire, ou chez le criminel dit passionnel qui détruit toute sa famille ne pouvant en assumer la dissolution.

 

Le cadre de cet article ne nous permet pas de développer ce point en apportant suffisamment de cas cliniques analysés en profondeur pour administrer complètement la preuve de ces assertions. Nous nous bornerons donc, pour en terminer provisoirement, à proposer un exemple, en revenant à l’histoire de Marc et Jocelyne : que leur est-il donc arrivé, pour qu’ils en arrivent à la situation infernale où nous les avons trouvés entre septembre 1987 et juin 1988 ?

  

Jocelyne est fille unique et semble sans histoire, une enfant facile, adulée par ses parents, mais à qui on parle peu et qui se décrit comme à la fois « calme et nerveuse » : l’expert psychiatre parle de manque de parole, de « tension interne avec explosion », et décrit une petite fille narcissique, objet du narcissisme parental peut-être plus que narcissique, qui n’existe que par l’image qu’elle donne et que donne sa famille. Elle a présenté une bronchite asthmatique ainsi que des crises d’asthme nocturnes pendant de nombreuses années, suite, semble-t-il, à une séparation de six mois, vécue douloureusement, pour un séjour dans une maison de repos dû à une primo-infection. Cette difficulté à la séparation, cette tonalité psychosomatique, évoquent un manque d’étayage, une forte dépendance à l’objet externe, une recherche fusionnelle difficile à élaborer. On voit combien il lui est difficile de se séparer avec Marc, et l’on peut aussi noter qu’il lui faut toujours un homme : elle revoit son amant pendant le temps d’hospitalisation de son mari....

 

Derrière le tableau familial apparemment idyllique de son enfance, certains comportements posent néanmoins question. Par exemple, le fait que Marc et Jocelyne vivent pendant huit ans dans la même maison que les parents de Jocelyne, qui élevaient la petite Noémie « car ses deux parents travaillaient », dit la mère ; ou encore, l’étonnante remarque de cette mère qui, après avoir dit combien l’ambiance était bonne avec son gendre, puisqu’il les considérait comme sa seule famille, raconte comment il enfermait Jocelyne, et dit de lui : « Il était impulsif mais non violent. De temps en temps une claque partait. Il ne touchait pas sa fille mais claquait sa femme. » La tolérance des parents de Jocelyne à la violence de Marc ne peut que sidérer : le père de Jocelyne, quant à lui, raconte comment ni Marc ni Jocelyne ne partaient jamais en vacances, ni en week-end, comment Marc surveillait les déplacements de Jocelyne, comment Marc a tenté d’étrangler sa belle-mère parce qu’ils avaient été invités chez des amis (depuis cet « incident », les parents de Jocelyne se cachent pour sortir ou pour recevoir…).

 

Pour ses collègues de travail, Jocelyne est secrète, renfermée, repliée sur elle-même, elle porte des traces de coups… À dix-neuf ans, elle s’est mariée une première fois avec un homme qu’elle connaissait depuis trois ans, et dont elle s’est séparée peu après : leur couple, dit-elle, était « amical », malgré une « incompatibilité d’humeur » qui l’a conduit à la rupture, à moins que la rencontre de Jocelyne avec Marc n’ait précipité les choses.

 

C’est en effet après avoir rencontré Marc que Jocelyne divorce. Elle tombe enceinte, alors que lui, qui est marié également, est pris de « scrupules » et retourne auprès de sa femme. Jocelyne se retrouve seule, période très difficile pour elle. Marc divorce quand leur fille Noémie a un an, et ils se marient deux ans plus tard.

 

Au début de leur mariage, ils ont des difficultés financières, doivent beaucoup travailler, et leur couple fonctionne dans le calme. Leur relation se dégrade quand la situation matérielle s’améliore ; le cycle de la violence s’enclenche.

 

L’expert souligne encore combien Jocelyne est « cimentée » à son mari, pour qui elle est, grâce à l’isolement qui s’impose au couple, « l’unique » comme elle a été l’unique pour ses parents. Il la décrit comme dépendante, trop centrée sur son image, et prise avec Marc dans une problématique de mort.

 

Il est remarquable que lorsqu’elle prend un amant, Jocelyne revit une situation comparable, puisque cet homme, fiancé, met sa fiancée enceinte en parallèle de son histoire avec Jocelyne.

 

Quant à Marc, il est né en Algérie, d’une liaison adultère. Sa mère, mariée avec Monsieur R. dont elle a déjà deux enfants, conçoit Marc avec Monsieur M., qui le reconnaît, tout en déclarant l’enfant de « mère inconnue », pour préserver la réputation de Madame M. Peu après, la famille quitte l’Algérie pour la France et sa mère aura encore un autre enfant avec son mari, puis deux autres avec le père de Marc. Apparemment, aucun de ces deux hommes ne vit avec elle, et Marc semble être l’aîné de la fratrie vivant avec sa mère. Il vit avec elle dans des conditions socio-économiques précaires, elle est d’abord femme de ménage dans une école puis aide cuisinière et enfin chef cuisinier, et il s’occupe beaucoup de ses petits frères. Il n’a jamais vraiment su qui était son père (Jocelyne ne sait même pas si cet homme est vivant ou mort) et s’interroge beaucoup, dit-il, sur ses origines dont personne n’ose parler.

 

En 1987, alors qu’il a trente-sept ans, et apparemment pour une raison de succession, la mère de Marc le reconnaît enfin. Peu de temps après, il devient encore plus jaloux, interdit à Jocelyne même de voir ses parents. Et bientôt, on l’a vu, il passe à l’acte, dans un mouvement de décompensation tragique : difficile de penser qu’il n’y a pas de lien…

 

Peut-être est-il bien tard pour intégrer une différence des générations mal instituée jusqu’à présent : la mère brise son possible fantasme incestueux d’être son unique mari, le renvoie à son statut d’enfant, à trente-sept ans. La volonté obstinée de Marc de protéger sa mère est notée : les experts psychiatres qui le voient en janvier 1988, juste après son acte, notent ses problèmes de filiation et les réticences de Marc à donner des informations biographiques, en particulier quand cela concerne sa mère, comme si cela devait lui faire du tort.

 

Cependant, Marc a cessé de voir sa famille, même sa mère, dès qu’il s’en est trouvé une nouvelle avec celle, extrêmement fusionnelle, de Jocelyne, où il est le seul garçon. Quoiqu’il en soit, avec cette toute nouvelle identité, Marc gagne une mère mais perd une femme, en tout cas telle qu’il se l’était contruite sur le plan imaginaire dans un fantasme à tonalité incestueuse, il n’a plus qu’une seule femme, sa femme qui quant à elle se met à ressembler de plus en plus à cette mère avec ses « tromperies » : il la traite de « pute », de « trainée », et lui dit qu’elle l’a trahi. Lui-même est bien l’auteur de ces répétitions bien sûr, son choix d’objet en la personne de Jocelyne et la dynamique de leur relation, entièrement saturée par l’identification projective, le démontrent : Jocelyne vit la même histoire adultérine que la mère de Marc, et il fait vivre à sa fille sa propre histoire ; même l’amant de Jocelyne est pris dans le même schéma puisqu’il épouse sa fiancée enceinte au moment même où il s’engage dans une relation extra-conjugale… Par ailleurs, dans son premier mariage, Marc est père d’un garçon qu’il ne verra plus à partir de 1984 ; on voit que dans son organisation psychique le père ne peut être qu’absent, ou forclos.

 

On peut remarquer aussi une caractéristique bien propre à nous désillusionner : contrairement à ce que nous espérons tous dans nos amours, le couple, d’après notre étude, tend à se structurer au niveau de celui des deux qui va le plus mal. Ainsi, Jocelyne, personnalité essentiellement dépendante et psychosomatique, vit un premier mariage assez nettement anaclitique (le couple « amical » évoque un pacte d’étayage réciproque), et s’engage avec Marc dans une relation de type fusionnel, c’est-à-dire psychotique, comme lui avec sa filiation « inconnue »…

 

Impossible donc de nier que pour comprendre cette histoire deux niveaux d’analyse complémentaires sont possibles et même nécessaires, l’un social, nous l’avons développé, et l’autre clinique et psychopathologique (nous ne le détaillerons pas davantage ici). Reste encore à proposer des concepts pour les articuler… L’appropriation des femmes par les hommes et les fonctionnements de couple qu’elle détermine, la représentation de l’amour héritée d’une tradition monogame, de l’amour courtois, de l’idée plus récente de mariage d’amour, etc., nous semblent constituer ce qu’à la suite de Michèle Huguet (1986) nous nommerons une structure de sollicitation sociale. En d’autres termes, les fonctionnements communément acceptés et utilisés dans notre société (celles de hiérarchie entre les sexes, ou encore de couple fusionnel, en sont des exemples) constituent pour les individus une véritable offre sociale. Celle-ci, en retour, n’est efficace que dans la mesure où elle rencontre des demandes, ou plus précisément des problématiques, subjectives. Cette rencontre constitue une interaction complexe qui ne peut se réduire à une simple influence : les pratiques et les représentations sociales ne sont pas seulement intériorisées, mais aussi produites, par les individus. Le concept de structure de sollicitation exprime aussi la complexité des représentations sociales : Michèle Huguet le développe comme la « configuration des supports sociaux qui organisent les points d’ancrage à partir desquels le sujet se représente la réalité sociale, y réagit affectivement, y exprime son histoire propre, dans le même temps où il contribue à la fixer et à la faire évoluer » ; ces points d’ancrage structurent les « décalages » qui existent entre les différents éléments de la réalité sociale, décalages qui peuvent « se traduire comme incidences subjectives dans les différentes histoires singulières » (p. 512).

 

Cette définition est particulièrement bien adaptée aux relations entre les sexes. Celles-ci, d’une part, s’organisent bien autour de points d’ancrage, des repères relativement fixes, de niveaux divers ; parmi les plus importants, citons le dimorphisme sexuel humain, l’institution du mariage, la relation d’objet, la hiérarchie entre les sexes ou, pour adopter le terme que Françoise Héritier (1996) propose pour en souligner l’aspect universel, la valence différentielle des sexes… Mais, d’autre part, ces relations se caractérisent par de profondes tensions et même contradictions internes autorisant d’innombrables décalages ; entre autres, encore une fois : la bisexualité psychique (c’est-à-dire le fait pour chaque sujet humain d’être à la fois masculin et féminin, identifié à un père et à une mère), ou bien la coexistence dans notre société de différents modèles des rôles socio-sexués ou du couple, coexistence dont la complexité rend bien compte des mouvances de notre société « chaude », pour reprendre le terme de Levi-Strauss (1998, p. 67), qui oppose les sociétés en mouvement, qu’il appelle chaudes, aux sociétés froides plus statiques, c’est-à-dire, d’un point de vue classique, « sans histoire ». Plus précisément, les sociétés froides « caressent le rêve de rester telles qu’elles s’imaginent avoir été créées à l’origine des temps. Bien entendu, elles se trompent : ces sociétés n’échappent pas plus à l’histoire que celles – ainsi la nôtre – qui ne répugnent pas à se savoir historiques, et qui trouvent dans l’idée qu’elles se font de l’histoire le moteur de leur développement ». Le fonctionnement souple, complexe et relatif de la structure de sollicitation sociale rend donc bien compte du caractère à la fois cohérent et pluriel des rapports amoureux entre hommes et femmes. D’un certain point de vue, l’universalité de la valence différentielle des sexes confère une unité certaine à la structure même de ces relations intimes.

  

Mais on ne peut pas prétendre pour autant que la représentation de l’amour dans notre société est univoque, pas plus d’ailleurs que sa réalité vécue : les différentes formes – ou histoires – d’amour constituent autant de variations sur le thème de l’appropriation imaginaire de l’aimé, et singulièrement mais pas du tout exclusivement, sur celui de l’appropriation politique des femmes par les hommes. C’est à élucider ce point de jonction conflictuelle entre le thème commun et son interprétation singulière que notre approche interdisciplinaire s’attache spécifiquement.

 

Auteur: Patricia Mercader pour CAIRN.INFO

maître de conférences, psychologie sociale, Institut de Psychologie, Université Lumière-Lyon 2

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18 mars 2012 7 18 /03 /mars /2012 11:10

-Quand le Comportementalisme côtoie la Rentabilité !

Un reportage édifiant...

 

borrel  

En trente ans, la psychatrie publique a fermé 50 000 lits. Morts ou désocialisés, de nombreux patients ont fait les frais de cette politique. Ainsi, un tiers des sans-abri souffrirait aujourd'hui de pathologies mentales. «On a confondu la réforme de l'asile avec la destruction de l'asile», regrette le docteur Hervé Bokobza. Rue, foyer, hôpital et prison, les parcours se suivent, et se ressemblent. «On juge des gens et on s'aperçoit, une fois qu'ils sont arrivés en détention, qu'ils ont des maladies mentales», résume le vice-président du tribunal de grande instance de Paris.

 

 

 Voici donc la vidéo intégrale:

 

 

Le documentaire s'ouvre sur une tombe, celle d'un homme de 42 ans mort dans la rue, faute d'avoir trouvé un lieu où vivre sa schizophrénie. Une entrée violente pour parler de la folie et des failles de la prise en charge.

 

Comment en est-on arrivé là? Quelles politiques médicale, sociale, judiciaire et économique sont à l'œuvre dans cette exclusion? La psychiatrie est-elle une discipline normative ou humaniste? A l'heure du tout sécuritaire et du tout mesurable, c'est à ces questions que répondent les témoignages et les entretiens de ce documentaire. 

 

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A voir : Rencontre et aveux de Philippe Borrel à Paris.

 

                    
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17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 08:38

" Toutes les réponses sur l'instrumentalisation de l'opinion publique pour provoquer un mouvement de rejet ".

 

Cliquez sur le logo pour écouter le podcast:

 

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La Haute autorité de santé (HAS) publiera ce jeudi des recommandations au sujet de ce qui déclenche depuis quelques semaines de violents débats. Avec une fuite dans Libération selon laquellle la HAS retoquerait les pratiques psychanalytiques.

  
En cause : la prise en charge des enfants atteints de ces troubles envahissant du développement (TED). Un enfant sur 150 selon la HAS, via un rapport de 2010.

 

Décrété cette année grande cause nationale par François Fillon, l'autisme divise psychiatres et comportementalistes, "dans un contexte criant de manque de places d'accueil" engendré par un recul des budgets accordés par l'état.

 

Reportage de Christine Moncla.

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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 11:15

-Communiqué de presse du 12 février 2012, sur la réalité du suivi des autistes-

 

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"Cours de yoga pour ce garçonnet péruvien, avec des effets lumineux, des sons et de la musique à des fins de stimulation !!" Image Reuters/Pilar Olivares.


Mais que se passe t-il dans nos hôpitaux ?

Après avoir lancé sa proposition de loi « visant à interdire la psychanalyse pour l’accompagnement des personnes autistes », le député Daniel Fasquelle continue sa croisade et impose ses idées par la force...

Il vient de déclarer à l’AFP qu’il « va saisir le Conseil national des universités afin que l'enseignement et la recherche sur les causes et les prises en charge de l'autisme ne fassent pas référence à la psychanalyse ».

Ce député se fait donc le relai du puissant lobby de quelques associations et laboratoires pour  "interdire la psychanalyse et également la Psychothérapie Institutionnelle".  Certaines de ces associations, se sont illustrées par la violence et la virulence de leurs attaques personnelles contre des praticiens pourtant reconnus. 

Si des parents d’enfants autistes ont pu être malmenés, mal accueillis, maltraités par certains psychiatres-psychanalystes, il est tout à fait justifié qu’ils puissent faire entendre leur voix. De la même façon, les dérives sécuritaires comme les mises en chambre d’isolement abusives, les contentions punitives, et les « traitements de chocs »ne sont pas tolérables.


  • Marie Cathelineau, du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire - cliquez ci-dessous :

Les parents et les patients doivent pouvoir avoir le choix sur une pluralité de pratiques.

 

13/02/2012 par Anna Piekarec

Mais ce n’est pas une loi qui règlera les dérives des pratiques ou qui devrait décider des traitements à la place des praticiens.

 

Les familles et tous les citoyens doivent pouvoir garder le droit inaliénable d’une liberté de choix de leur praticien et de la façon dont ils souhaitent se soigner, en respectant  la nécessaire pluralité des approches.

Au nom de quel pouvoir, de quel supposé savoir un député peut-il refuser aux personnes autistes d’avoir un inconscient comme tout être humain et donc de bénéficier de soins relationnels pluralistes dans leur inspiration?

De telles initiatives n'en finissent pas d’interroger sur leurs buts:

-En effet depuis quand une loi devrait-elle venir s’immiscer dans le débat scientifique ?

-Allons-nous accepter sans réagir des lois interdisant la liberté de pensée et de recherche ?

"La psychanalyse est une méthode qui a fait ses preuves depuis plus d’un siècle et qui constitue un aspect crucial de la formation des praticiens. Bien au-delà elle fait aussi partie intégrante de la Culture au même titre que les autres avancées du savoir humain".

Aurons-nous bientôt une loi interdisant le darwinisme et niant l’existence des dinosaures comme certains fondamentalistes chrétiens le prônent aux USA en menaçant les enseignants?

Depuis le nazisme qui avait interdit la psychanalyse comme science juive et pratiqué des autodafés des œuvres de Freud, seules des dictatures comme celle des colonels grecs avaient osé interdire cette part du savoir de l’humanité !

 Ou encore le stalinisme qui, à la fin des années 40, avait interdit la psychanalyse en tant que « science bourgeoise ». 

Tout récemment, à l’automne 2011,une psychanalyste syrienne, Rafah Nached a été emprisonnée par la dictature syrienne parce qu’elle animait des groupes de parole pour des personnes traumatisées par la répression.

 Au-delà de la personne du député Fasquelle qui vient de se discréditer irrémédiablement et dont nous exigeons la démission de la présidence du Groupe d’études sur l’autisme à l’Assemblée Nationale, nous nous inquiétons de cette dérive inquiétante où "des propos tenus jusqu’alors uniquement par des sectes telles que l’église de scientologie" font leur retour depuis le sommet de l’Etat (On se demande qui est véritablement aux commandes du gouvernement ?).

Cette dérive au même titre que certains discours prônant l’inégalité des cultures est en train d’introduire un discours populiste fort inquiétant pour la démocratie française.

Nous appelons donc tous les professionnels du soin psychique, mais aussi  tous les citoyens à une vigilance républicaine pour refuser un tel tournant dangereux pour les libertés...

 

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7 février 2012 2 07 /02 /février /2012 12:42

Un jeune de moins de 25 ans tente de mettre fin à ses jours toutes les dix minutes en France ! Face à ce fléau grandissant, Psychomédia propose à tous les parents, probablement exposés au risque de perdre un enfant, un dossier complet afin de dépister des éventuels tempéraments suicidaires.

  

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LES FACTEURS DE RISQUE


La famille

Bien que plusieurs facteurs soient associés au suicide des adolescents, il demeure que les problèmes familiaux sont parmi les premières raisons évoquées par les adolescents suicidaires. Le climat familial est perturbé qu’il y ait séparation des parents ou non. On retrouve des caractéristiques telles que la présence de conflits parentaux et conjugaux, des abus physiques ou moraux des enfants, un climat de violence, l’alcoolisme d’un des parents, l’indifférence d’un des parents à l’égard du jeune, le manque de maturité de la mère, des difficultés ou une absence de communication, l’incompréhension, le manque de soutien, des difficultés dans la négociation des tâches reliées à leur individualité, des attitudes négatives ou négligeantes des parents envers le jeune, l’absence d’implication émotive, l’abandon ou le rejet du jeune, les placements fréquents en famille ou centre d’accueil.

 

Au niveau du contrôle parental, un contrôle excessif peut décourager l’indépendance et la réalisation de soi. L’adolescent dominé peut se sentir impuissant à changer ce qu’il ne peut tolérer. A l’inverse, l’inconsistance ou le manque de contrôle peut traduire l’indifférence des parents à l’égard de l’adolescent, avec ses conséquences de négligence, de carences affectives et éducatives qui constituent des caractéristiques fréquentes chez les adolescents suicidaires.

L’adolescent peut subir l’influence par le fait que des personnes dans son entourage ont fait des tentatives de suicide ou se sont suicidées. Il se produit alors une baisse du niveau d’inhibition face au geste suicidaire.

La vie sentimentale

Perdre la personne que l’on aime est un des événements le plus difficile à surmonter, peu importe l’âge. La plupart des adolescents vivent à un moment donné une peine d’amour. Par contre on observe que les jeunes suicidaires sont engagés plus intensément dans leur relation amoureuse et que la rupture laisse des traces très profondes. La douleur est intense, elle devient insupportable et le jeune a l’impression qu’il ne s’en remettra jamais, que sa souffrance n’aura pas de fin.

L’isolement social

Certains adolescents suicidaires sont seuls, ils ont l’impression d’être rejetés par leurs pairs. Cependant, tous les adolescents suicidaires ne sont pas nécessairement isolés socialement. Plusieurs possèdent un réseau d’amis, bien qu’ils vivent des difficultés relationnelles avec leurs pairs. Toutefois, ils ne sont pas réceptifs au soutien que peut leur offrir l’entourage. Ils préfèrent s’en sortir seul. Ils sont persuadés que personne ne peut les aider comme ils ont besoin de l’être. L’adolescent suicidaire vit donc un isolement qui est davantage affectif que physique.

L’ADOLESCENT À RISQUE

  • Fonctionnement familial perturbé
  • Vit des expériences émotionnelles difficiles, perte récente ou événement traumatisant
  • Déjà vécu un suicide dans leur famille ou leur cercle d’amis
  • S’identifie au défunt et voie en lui un modèle
  • Difficulté d’identification sexuelle, homosexualité
  • Adopte des comportements déviants tel que la délinquance, la prostitution
  • Problème de consommation de drogues, alcool, médicaments
  • Les fugues, les placements répétitifs en foyer ou centre d’accueil
  • Une ou plusieurs tentatives antérieures de suicide

LA PERTE

La crise suicidaire survient suite à une perte qui peut prendre différentes formes : besoins non satisfaits perçus comme une perte de support, d’amour. La perte peut aussi être dans des termes de perte d’identité et d’estime de soi. La charge émotive et affective liée à la perte est importante. Les réactions aux pertes sont intenses et l’adolescent possède un pauvre contrôle de la rage et de l’impulsivité. Quand les pertes et le stress s’accumulent, la réaction de l’adolescent peut aussi être désespérée et indifférente. Si l’adolescent continue de se détacher du support du système il y aura augmentation des sentiments de désespoir et perte de confiance que sa situation change.


Cliquez sur les liens suivants:

Le suicide à l'adolescence (1 ère partie)

Le processus suicidaire chez l'adolescent (3e partie)

Mythes et réalités sur le suicide (4e partie)

Intervention pour aider une personne suicidaire (5e partie)

 

de Ghislaine Bouchard,
M.Ps. Psychologue.

www.Psychomedia.qc

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 10:24

"Le téléphone sonne" sur la pédopsychiatrie, cliquez sur le logo:

 

france inter

 

L'hyperactivité touche plus de 3% des enfants de six à douze ans. Mais tous les petits qui "ne tiennent pas en place" ne sont pas des hyperactifs, et les troubles de l'attention ne sont pas toujours présents. Comment les aider en famille et à l'école ? Comment les soigner? Que penser des médicaments, sur lesquels certains médecins sont réservés ?

   

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Invités : - Professeur Manuel Bouvard, Responsable du Pôle de psychiatrie de

                 l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital Charles Perrens de Bordeaux

  

              - Christine Gétin, Présidente de l'Association TDAH (Troubles du

               déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité)

  

              - Maria Limongi, Psychologue

              - Avec Danielle Messager de France Inter. 

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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 07:49

1. Les risques des antidépresseurs

  

Les antidépresseurs sont un réel progrès dans le traitement de la dépression. Mais comme tout médicament, ils peuvent avoir des retentissements plus ou moins importants sur la santé. Tour d’horizon des risques et des inconvénients de ces pilules soi-disant miracles. 

   53292 medicament generique img

"Note: Pensez à consulter votre médecin ou psychiatre avant toute initiative hasardeuse, concernant l'usage des antidépresseurs. D'autres articles sont à disposition sur ce site concernant les risques plus graves provoqués par certains psychotropes."

 

Les effets secondaires des antidépresseurs dépendent énormément de leur nature. Ainsi, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ont des effets moins gênants que les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) et les antidépresseurs tricycliques (ou imipraminiques). De plus, certains entraînent une forme d’accoutumance et, dans ce cas, le traitement ne doit pas être interrompu brutalement.

 

  • Des risques pour l’estomac ?

 

La prise de certains antidépresseurs pourrait entraîner des hémorragies gastriques chez les personnes âgées. Telle est la conclusion d’une étude canadienne1 portant sur plus de 300 000 personnes de 75 ans de moyenne d’âge. Selon les résultats, la prise d’un antidépresseur de type inhibiteur de la recapture de la sérotonine augmentait de 10 % en moyenne le risque d’hémorragie gastrique. Ce danger augmenterait avec l’âge et en cas d’antécédents d’hémorragie digestive. Cette enquête confirme en fait une relation déjà soupçonnée et devrait favoriser la prise en compte de l’âge et des antécédents dans le traitement de la dépression chez les seniors…

 

  • Antidépresseurs et troubles érectiles

 

Les antidépresseurs sont responsables de troubles sexuels variés chez un certain nombre de patients (diminution de la libido, troubles de l’éjaculation ou de l’érection, etc.). Tous les antidépresseurs entraînent des effets secondaires différents et plus ou moins intenses d’une personne à l’autre. Tous les antidépresseurs concernés sont : antidépresseurs tricycliques, inhibiteurs sélectifs de la sérotonine et IMAO non sélectifs.

 

  • Zyban® sous surveillance

  

En janvier 2002, l'agence du médicament britannique (Medecine Control Agency ou MCA) a annoncé que 57 décès avaient été recensés Outre-manche chez des personnes prenant du Zyban®. Ce nouveau médicament d’aide au sevrage tabagique est en fait un antidépresseur. Il est d’ailleurs prescrit comme tel aux Etats-Unis. Selon l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), rien ne prouve qu’il y ait un lien de cause à effet entre le décès et la prise de Zyban®. En effet, la MCA affirme aussi que la plupart des patients concernés présentaient des états de santé qui à eux seuls peuvent vraisemblablement expliquer leur décès. De plus, sur ces 57 cas, 14 personnes ne prenaient plus le médicament suspecté au moment de leur mort. Il n'y a donc pas lieu de s'alarmer2 mais de surveiller…

 

  • Gare aux associations !

  

Selon certaines études, la combinaison de plusieurs médicaments affectant la production de sérotonine pourrait favoriser la survenue de céphalées et d’accidents vasculaires cérébraux. La sérotonine est un messager chimique particulièrement important au niveau cérébral. Certains antidépresseurs augmentent ainsi spécifiquement sa concentration. Or, la sérotonine possède une action vasoconstrictrice (réduisant le calibre des vaisseaux sanguins). Si cette propriété s’exprime au niveau de vaisseaux cérébraux, elle peut causer des céphalées ou des accidents vasculaires, selon les auteurs de l’étude parue dans la célèbre revue Neurology. Pour étayer leur propos, ils décrivent trois cas d’accidents ischémiques. Les produits mis en cause sont en premier lieu les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS). Mais sont également concernés certains antimigraineux appelés triptans ; certaines pilules amaigrissantes, les amphétamines, le millepertuis, certaines drogues comme l’ecstasy ou la méthamphétamine…

 

Les antidépresseurs sont vraiment efficaces pour traiter la dépression et seul un médecin peut juger du besoin d’employer ce type de médicament. Ils sont exclusivement sur prescription médicale et leur usage nécessite un suivi. Pas d’automédication donc… même pour un petit coup de blues mais il ne faut pas hésiter à consulter son médecin en cas de doute. La dépression est une vraie maladie.

 

Louis Asana

1 - BMJ, septembre 2001 ; vol. 323 : p. 1-6
2 - Communiqué de presse de l’Afssaps du 18 janvier 2002
3 - Neurology 2002 ; vol. 58 : p. 130-133


 

2. Antidépresseurs : des vertus insoupçonnées ?

  

Contrairement à ce que leur nom laisse penser, les antidépresseurs ne soignent pas uniquement la dépression ! Ils peuvent avoir un intérêt pour faire face à de nombreux problèmes de santé et plusieurs études leur ont trouvé de nouvelles vertus ! Tour d’horizon…

 

Les antidépresseurs possèdent de nombreuses propriétés intéressantes. Leurs effets font d’ailleurs l’objet de nombreuses recherches.

 

  • Pour le sevrage tabagique

 

L’exemple le plus récent d’utilisation "alternative" d’un antidépresseur est le fameux Zyban ® (bupropion). Depuis longtemps utilisé aux Etats-Unis dans les problèmes dépressifs, ce composé s'est révélé avoir d'autres propriétés plus surprenantes : il constitue une aide précieuse lors du sevrage tabagique. Les études d'efficacité montrent que son taux de réussite serait même supérieur à celui des substituts nicotiniques de type patch (18 % contre 10 %).

 

  • Contre les risques d’infarctus

 

Toujours chez les fumeurs, le Prozac ®, l’un des antidépresseurs les plus prescrits dans le monde, vient peut-être de trouver une nouvelle application. Selon le professeur Kimmel*, de l'Université de la Pennsylvanie, "la pilule du bonheur", diminuerait de 65 % le risque d’infarctus chez les fumeurs. Pour le chercheur, le Prozac, et les médicaments de la même famille (les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine), grâce leur action anti-coagulante réduiraient le risque de formation de caillots à l’origine des accidents cardiaques. A moins qu’en agissant simplement sur les troubles de l’humeur, le Prozac réduise indirectement le risque d’infarctus. En effet, les personnes dépressives sont deux fois plus exposées aux accidents cardiaques.

 

Curieusement, de précédentes études semblaient au contraire indiquer que d'autres types d’antidépresseurs pouvaient entraîner des troubles du rythme cardiaque. Si le Prozac peut donc aider les fumeurs, la meilleure solution est tout de même d’arrêter la cigarette !

 

  • Contre le syndrome prémenstruel

 

De nombreuses femmes souffrent de troubles avant ou pendant les règles. Souvent, ceux-ci sont peu intenses, c’est pourquoi elles n’éprouvent même pas le besoin d’en parler à leur médecin. Mais parfois la gêne est considérable et peut empêcher toute vie sociale. Des médicaments dirigés contre les principaux symptômes peuvent apporter un certain soulagement. Dans le cas des troubles de l’humeur, plusieurs études ont montré sans conteste l’efficacité des fameux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine. Cependant un tel traitement ne peut s’adresser qu’à des syndromes sévères.


  • Contre l’hémiplégie


Après un accident vasculaire cérébral, l’une des conséquences peut-être une hémiplégie, c’est-à-dire une paralysie partielle. Or une équipe de l'INSERM (unité 455 de neuro-imagerie fonctionnelle) à Toulouse vient de montrer qu'une seule injection d’un antidépresseur (toujours le Prozac !) améliore les fonctions motrices chez les patients hémiplégiques à la suite d'une attaque cérébrale. Les molécules de cette famille d'antidépresseurs activeraient des neurones, normalement inactifs, qui prendraient le relais des régions cérébrales endommagées.


  • Pour retrouver le calme


L’hyperactivité de l’enfant est un sujet dont il est de plus en plus question aujourd’hui. Si le médicament phare, surtout aux USA est la Ritaline (méthylphénidate), les antidépresseurs sont parfois utilisés lorsque le trouble est en rapport avec un état dépressif. Ainsi l'imipramine est efficace dans 75 % des cas. De plus, l'utilisation des antidépresseurs présente plusieurs avantages sur les psychostimulants : durée d'action plus prolongée, pas de troubles du sommeil… Cependant l'efficacité s'estomperait après 8 à 10 semaines de traitement.


  • Les antidépresseurs et la boulimie


Contre la boulimie, les antidépresseurs peuvent être efficaces de manière temporaire. Mais ils n'empêchent pas les récidives. Ils doivent donc accompagner une prise en charge diététique et psychologique. Ce soutien psychologique et comportemental reste indispensable.


  • Contre la douleur


L’arsenal antidouleur ne se limite pas aux anti-inflammatoires et aux dérivés morphiniques. Des antidépresseurs sont fréquemment prescrits à des personnes ne présentant pas de problèmes dépressifs, mais souffrant de douleurs neurologiques ou articulaires. De même, relaxation et sophrologie peuvent contribuer à diminuer le vécu douloureux et l’acupuncture est habituelle.


  • Antidépresseurs et Parkinson


S’il n’existe pas de traitement curatif contre Parkinson à l’heure actuelle, plusieurs médicaments peuvent diminuer les symptômes. C’est le cas des antidépresseurs tricycliques. En effet, ceux-ci ont des propriétés anticholinergiques et antidépressives qui améliorent l’état de santé des malades.


  • Ejaculation prématurée


Pour traiter les patients souffrant d’éjaculation précoce des antidépresseurs peuvent être prescrits afin de retarder le moment de l’éjaculation. Et cela semble marcher, puisque l’on obtient 70 à 100 % d’efficacité selon les médicaments.


  • Fatigue chronique


Le syndrome de fatigue chronique est reconnu dans la plupart des pays anglo-saxons, mais reste bien souvent ignoré en France. Le traitement outre-atlantique fait généralement appel aux antidépresseurs associés à une psychothérapie ou une psychanalyse.

Les antidépresseurs semblent donc efficace contre de nombreux maux. Néanmoins, l’automédication est à proscrire et vous ne devez les utiliser que sous contrôle médical strict.

    

Louis Asana pour doctissimo.fr


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