Affable ou cassant, enrobant ou menaçant, allusif... Celui qui vous entortille a souvent des intentions malveillantes. Pas question de vous laisser faire ! Comment décoder et contrer ses manoeuvres ? Regards croisés d'Alex Mucchielli, fondateur d'Enov Formation et de Jean-Louis Muller, directeur chez Cegos.
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" Le manipulateur agit masqué. Il reste évasif, parle de façon détournée, abreuve ses demandes de commentaires hors sujet. Il use de propos tordus. Il joue sur les non-dits, l'implicite, pour laisser croire. Bref, il appuie sur des ressorts psychologiques efficaces. En général, face à un tel personnage, on se dit : " mais où veut-il en venir ? " Pour l'arrêter, il faut prendre du recul et mettre ces ressorts à jour. Leçons sur six procédés.
1. Il bonimente. C'est le roi du bluff et de la mauvaise foi ! " Mais non, je n'ai jamais prétendu ça ". Ou " Mais où est-ce que tu vas chercher tout ça ? ". Et il vous met en porte à faux face à un subordonné ou un client.
Autre cas, il enjolive à l'extrême sa proposition, laisse entrevoir des bénéfices en or. " Cette mission en Roumanie est passionnante. Tu vas voir, l'usine est flambant neuve, les employés sont au top, l'hôtel est super !... Pour les moyens, on verra plus tard. " Il est flou. Il noie le poisson avec des superlatifs accrocheurs et des généralités pour vous vendre un job difficile.
Riposte 1 : " Ah, tu me tues ! " (caustique!) Riposte2 : " Je te remercie d'avoir pensé à moi. Mais j'ai besoin de précisions ! "
2. Il flatte et étiquette. " Il n'y a que toi qui soit capable de démêler ce dossier avec le fournisseur. En plus tu t'en es déjà tiré avec brio l'autre fois. Et entre nous, les autres ne sont pas à la hauteur ! ". Votre chef vous caresse dans le sens du poil pour vous confier une tâche ingrate qui n'est pas de votre ressort. Il titille votre orgueil, votre fierté. Et use du procédé dit " l'étiquetage " très puissant en ce qu'il accentue un trait de caractère ou les valeurs d'un individu pour infléchir son comportement. L'étiquetage peut être positif : " Perfectionniste comme tu es, tu vas pouvoir peaufiner cette présentation. " Ou négatif : " Ah, mais ce n'est pas toi, ce travail là ? Il faut tout reprendre ! "
Riposte 1: " Oui, je sais que vous m'appréciez. Mais, vu ma charge de travail, là je n'ai pas le temps. " Riposte 2 : " Oui je vous remercie, mais.... Gérard n'est pas disponible, lui ? "
3. Il crée la connivence. " On a bien galéré pour gagner ce contrat là. Tu te souviens ? Comment il s'appelait déjà le fort en gueule ! .... Dis donc, tu ne pourrais pas me remplacer sur ce rendez-vous client ? J'ai une urgence ". Et hop, vous êtes ferré. Votre pair joue sur l'affectif. Il déniche des points communs avec vous sur un vécu partagé lors de moments forts, ici des émotions positives. Ce principe de synchronisation avec l'autre est efficace. Il renforce la proximité et fait tomber les défenses. Méfiance.
Riposte : " C'est vrai, nous avons été très proches, mais sur ce coup là, je ne peux vraiment pas t'aider. "
4. Il cherche à culpabiliser. " Tu ne peux pas refuser ça à un vieux collègue ! ". Ou " Après tout ce que j'ai fait pour toi, tu me dois bien ça ! " Certes, Olivier vous a recommandé pour entrer dans la société, mais de là à vous le rappeler à chaque fois qu'il vous prie de permuter ses heures d'astreinte ou de lui laisser la priorité pour ses vacances... Il joue sur le principe de réciprocité, qui consiste à " renvoyer l'ascenseur ". Une technique efficace, car personne n'a envie de passer pour un ingrat. Mais il accorde à son coup de pouce initial une importance démesurée.
Second cas, le chef qui exhume un échec passé. " Rappelle-toi ton erreur de l'été dernier. Maintenant, il faut faire comme ceci. ". Il vous infantilise.
Riposte 1: " OK, tu m'as rendu service, mais je te rappelle que je t'ai déjà dépanné trois fois. Et je ne vais pas t'être redevable à vie !" Riposte 2 : " Oui, j'ai bien compris que j'avais raté cette affaire là, mais à présent j'ai été engagé sur ce projet ".
5. Il menace à mots couverts. " Certains ont dit " non " à leurs risques et périls ". " J'en connais qui ne s'en sont jamais remis ". " J'ai le bras long ! ". Sous-entendu : ceux-là ne sont pas augmentés, sont placardisés, ou pire rétrogradés. Lorsqu'un supérieur ou un voisin de bureau, vous de vous lance de telles perfidies, c'est pour attiser vos peurs profondes. Peurs de donner une mauvaise image de soi, de ne pas être aimé, de ne pas être reconnu. Alors l'instinct de survie pousse à céder.
Riposte : " Stop, je ne veux pas entrer dans ce type de relations ! "
6. Il rabaisse et humilie. " Franchement, je suis déçu. J'avais fondé beaucoup d'espoir en vous. C'est au temps pour moi ! ". Comprendre : la promotion va vous passer sous le nez. Votre boss peut même insinuer par des phrases alambiquées que vous êtes bête. " Ne pensez-vous pas qu'il y avait une façon plus intelligente de convaincre nos visiteurs ? ". Une manière parmi mille autres d'enfoncer son interlocuteur dans un rôle de victime. Le pire c'est l'humiliation publique, en réunion ou au self devant témoins.
Riposte 1 (Possible en public, ce qui permet de prendre de l'autorité sur l'assemblée pour avoir osé réagir) : " Quand du me dis ça, quel est ton objectif ? " ou " Tu veux m'humilier, c'est ça que tu veux ? " (zen) Riposte 2 : Ignorer et dire, au self, " Que prends-tu comme plat ? "
Quatre autres techniques pour réussir
- Une poignée de main pour changer votre vie
En 2010 une étude commanditée par Chevrolet a démontré que 70% des gens manquent de confiance en eux quand ils serrent des mains, et 1 personne sur 5 ne veut même pas serrer une main par peur de faire un faux pas. Une autre étude a montré que nos poignées de main sont les mêmes quelle que soit l’époque (adolescence, vie adulte, retraite) et qu’il faut travailler pour en changer. Cette même étude montre que dans la vie professionnelle, les poignées de main fermes sont plus convaincantes que les molles. Chevrolet a même créé un manuel de la bonne poignée de main à destination de ses commerciaux. D’après William Beattie la poignée de main parfaite serait comme cela :
La main est droite, une poignée complète, une pression ferme, mais pas trop, la main positionnée à mi chemin entre vous et l’autre personne, une paume douce et sèche, environ trois mouvements, une vigueur moyenne, une durée inférieure à deux ou trois secondes, un regard soutenu et un sourire naturel.
Ajoutez à ça la parole qui va bien et vous êtes prêt pour vendre des voitures. Selon son créateur, cette technique augmenterait d’une vingtaine de pour cents vos chances de vendre, de vous faire bien voir, de plaire. Ce qui est sympa avec cette astuce c’est qu’au moment où vous maîtrisez « the perfect handshake » (la poignée de main parfaite) alors il n’y a, normalement, plus besoin de la travailler ! Elle est comme inscrite dans votre code génétique. Et tant que nous y sommes dans les études et juste pour le plaisir : un travail mené par Andrew Gallup a montré que le choix des partenaires sexuels des hommes avait un rapport avec la fermeté de leur poignée de main ! Le docteur Rachel Cooper lance l'hypothèse que les gens avec des poignées de main molles auraient une mortalité de 67% supérieure à ceux qui en ont des fermes.
- Miroir, mon beau miroir !
Inconsciemment notre corps s’adapte à l’environnement extérieur, c’est l’homéostasie. Mais il s’adapte aussi aux comportements des autres. Ce phénomène est appelé « effet caméléon », « synchronisation », ou encore « miroir ». Vous voulez un pourcentage approximatif ? Cette technique améliorerait les relations et la vente d’environ une dizaine de pourcents. D’ailleurs, on peut supposer qu’utilisée sur le long terme, cette astuce pourrait être de plus en plus efficace (sur une personne donnée). Exemple d’application : Si votre patron a l’habitude de faire bouger ses sourcils quand il parle, alors faites de même ! Adaptez vous, camouflez-vous. J’avoue, c’est dur de faire bouger ses sourcils en parlant tout en paraissant naturel, mais vous avez compris l’idée. Il existe des détails plus simples à copier qu’un tic au niveau des sourcils. Par exemple, essayez de calquer votre respiration sur celle de votre interlocuteur. Aussi, si la personne se gratte le bout du nez ou la joue, grattez-vous le bout du nez ou la joue. Si elle se baisse pour refaire ses lacets, baissez-vous pour une raison ou pour une autre. Vous n’êtes pas obligé de mimer ses gestes au même moment qu’elle. La synchronisation fonctionne toujours malgré un délai d’une dizaine de secondes (pas plus). Mise en garde : attention à ne pas devenir un clone ! Étrangement on se méfie des gens qui nous ressemblent trop. Vous avez tout de même le droit de copier quelques comportements mais ne devenez pas un pantin, conservez de votre gestuelle personnelle.
Sensiblement identique à l’effet caméléon, l’effet perroquet est aussi une technique de « calquage de comportement » mais cette fois-ci avec la voix. En effet, nous avons tous des tics gestuels (non-verbaux) mais nous avons aussi des tics de langage. Faîtes comme pour l’effet caméléon ! Faites-vous plaisir à copier son niveau de langage, ses tics de langage, son débit, son volume etc. La plus grande difficulté que vous rencontrerez avec ces techniques de mimétisme, c’est de saisir les tics les plus importants et de mettre de côté les tics de moindre importance (c’est la même chose pour « l’effet caméléon »). Les serveurs dans les restaurants utilisent cette technique – parfois sans s’en rendre compte quand ils vous disent :
"Alors vous m’avez dit : salade de betteraves cuites et côtelettes de porc assaisonnées"
Ils répètent exactement ce que vous leur avez dit en vous citant. C’est une des techniques de l’effet perroquet. En général, on apprécie ce que l’on dit. Quand les autres nous citent, on apprécie d’autant plus.
- La zone de confort, ou « distance sociale »
Vous avez sûrement déjà rencontré une personne qui vous met mal à l’aise simplement en vous parlant. Non pas à cause de son discours… mais c’est directement sa présence qui vous met mal à l’aise. En général vous ne la connaissez pas trop (et vous n’avez pas envie de la connaître plus) et elle vous rentre littéralement dedans. Autrement dit : elle s’approche trop près de vous et vous colle. Ces personnes pénètrent votre espace vital, votre intimité ! Votre bulle intérieure est quasi la même pour tout le monde et cette bulle évolue en fonction du degré d’attachement que vous avez avec les personnes, cela s’appelle aussi la proxémie. Si vous avez la chance d’avoir une copine ou un copain, eh bien, vous tenir tout près d’elle (ou de lui) ne vous dérangera pas. Mais si je remplace votre aimé par un étranger ? Ça devient tout de suite plus gênant n’est ce pas ? Alors prenez garde. Cette situation de gêne, vous pouvez la subir, mais aussi l’occasionner ! Pénétrer une sphère de confort « sans autorisation » n’est pas le meilleur moyen de se faire des amis. Voilà le schéma traditionnel des sphères sociales.
- La zone intime = boyfriends, girlfriends, papa, maman, frère, sœur, ami(e)s très proches (et encore) ;
- la zone personnelle = patrons, employés, collègues, amis ;
- la zone sociale = inconnus.
Plus il y a d’émotions positives réciproques entre deux personnes, plus les sphères vont pouvoir être franchies. Cependant certaines relations, bien que très positives, ne verront apparaître aucun changement significatif dans les sphères. Vous avez peut-être déjà eu un(e) ami(e) proche qui vous paraissait improbable de toucher, de masser ou de prendre dans les bras.
Schéma des distances sociales
Il est important de bien considérer la zone de confort de votre interlocuteur. En séduction, vous devrez pénétrer intelligemment cette zone. Au travail, il est préférable de ne pas chercher à modifier les zones de confort.
Sources: Marie-Madeleine Sève pour www.lentreprise.lexpress.fr et Malo pour www.sixiemesens-lemag.fr