17 août 2012 5 17 /08 /août /2012 12:22

Grand acclimateur de la théorie linguistique, Claude Lévi-Strauss a atteint par son œuvre scientifique un rayonnement international. Mais c’est autant le penseur sensible à la nature et l’écrivain talentueux que les Français ont découvert en lisant Tristes tropiques.

 

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<< Depuis qu'il commencé à respirer, et à se nourrir, jusqu'à l'invention des engins atomiques et thermonucléaires, en passant par la découverte du feu - et sauf lorsqu'il se reproduit lui-même -, l'homme n'a rien fait d'autre qu'allégrement dissocier des milliards de structures pour les réduire à un état où elles ne sont plus susceptibles d'intégration.>>  

 

« J’étais à l’époque une sorte de structuraliste naïf. Jakobson m’a révélé l’existence d’un corps de doctrine déjà constitué dans une discipline, la linguistique, que je n’avais jamais pratiquée. Pour moi ce fut une illumination. » C’est ainsi qu’avec le recul Claude Lévi-Strauss décrit sa rencontre, à New York en 1942, avec le linguiste praguois Roman Jakobson. De cette « illumination », il a tiré depuis une œuvre, une méthode, une vision des cultures humaines, en même temps qu’il introduisait le structuralisme en sciences sociales.

 

À l’avant-garde du structuralisme français

 

Né en 1908 dans une famille cultivée, Lévi-Strauss est, en 1934, un jeune agrégé de philosophie assez déçu par son métier et par ses engagements politiques à gauche. L’occasion lui est offerte d’aller enseigner la sociologie à São Paulo, Brésil  : il la saisit. Il y restera presque cinq ans, profitant des vacances pour visiter les villages indiens du Matto Grosso. L’ethnographie est sa nouvelle vocation. En 1940, il est en France libre et, pour fuir les persécutions antisémites, traverse l’Atlantique où, en compagnie d’autres exilés européens, il enseigne à la New School for Social Research, écrit sur les Nambikwaras du Brésil et se spécialise en ethnologie américaine. C’est là, entendant Jakobson, qu’il entreprend d’acclimater la notion de structure à son propre champ d’étude : les mœurs, la culture. Il publie plusieurs textes sur le sujet qui le font connaître aux États-Unis, puis, de 1945 à 1948, il est à New York comme attaché culturel. Son premier ouvrage, Les Structures élémentaires de la parenté, qui paraît en 1949 à Paris est un événement salué.

 

Dans ce gros livre, Lévi-Strauss développe une thèse : tous les systèmes de parenté remplissent une fonction primordiale qui consiste à codifier les règles du mariage entre familles. Certaines sociétés les organisent de façon systématique et contraignante : on parle alors de « systèmes élémentaires ». Lévi-Strauss montre que les formes d’échange qui en résultent suivent un petit nombre de modèles, restreints ou généralisés. En quoi cela fonde-t-il le « structuralisme » ? La notion existait en anthropologie : on parlait de « structure sociale » pour désigner ce que dans les sociétés lettrées on appelle les « institutions » (organisations familiales et politiques).

 

Mais dans l’usage de Lévi-Strauss, une structure est autre chose : une représentation inconsciente (déjà présente dans les théories Freudiennes), comme peuvent l’être dans le cas de la langue les règles de formation des mots et des phrases. D’autre part (il prend cela à Jakobson), la parenté forme un système : pour le comprendre, on doit en considérer l’état présent et non l’histoire. Telles sont les idées qui transforment le structuralisme en réponse d’avant-garde pour toute question qu’on voudra lui soumettre : histoire, culture, psychologie, psychanalyse, littérature, sociologie. « Avant-garde » veut dire « inévitable », mais pas partout apprécié : Lévi-Strauss, deux fois retoqué, attendra neuf ans pour entrer au Collège de France, alors qu’il est l’anthropologue le plus brillant et le plus lu de sa génération, grâce à un récit philosophique, Tristes tropiques (1955), qui dénonce l’extinction des cultures amérindiennes.

 

 

Perplexité et admiration

 

En 1953, Harvard lui envoie un émissaire chargé de l’embaucher : il refuse. Lévi-Strauss tient à faire carrière en France. Quand enfin il entre au Collège de France, il y installe en 1961 un grand laboratoire d’anthropologie sociale, et lance une revue, L’Homme, rapidement la plus en vue dans la spécialité. Elle l’est encore aujourd’hui. Pour Lévi-Strauss vient le temps de consolider son œuvre. Après Anthropologie structurale (1958), La Pensée sauvage (1962) programme l’extension de l’analyse structurale aux savoirs naturalistes, aux rites et aux mythes. Puis Lévi-Strauss se plonge dans la réalisation : mettre en forme et publier les travaux qu’il mène depuis 1950 sur les mythes amérindiens.

 

Ce sera son chef-d’œuvre : plus de 4 000 pages serrées montrant comment, du Nord au Sud du Nouveau Monde, les mythes, ramenés à une série d’oppositions catégorielles, se répondent les uns aux autres, et sont porteurs de sens non explicites. Encensés, rarement lus, ces Mythologiques (1964-1971), sont un aboutissement du projet de Lévi-Strauss : montrer qu’indépendamment de toute fonction, les structures existent et sont des réalités plus abstraites que concrètes, des constructions de l’esprit humain. Dans un texte resté célèbre, le « finale » de L’Homme nu (Mythologiques, t. IV), il conclut crânement que, peut-être, les mythes ne signifient « rien ». De là, sans doute, la perplexité mêlée d’admiration avec laquelle son œuvre est parfois accueillie. Mais son exemple suffit : Jean-Pierre Vernant, Marcel Détienne travailleront la mythologie grecque à sa manière.

   
En 1973, Lévi-Strauss accepte volontiers un siège d’académicien. Son œuvre est à cette date loin d’être achevée : bien d’autres travaux sur les arts, la parenté, les mythes encore viendront s’ajouter et, parfois, répondre à des objections qui lui sont faites. Depuis les années 1960, en effet, les idées de Lévi-Strauss suscitent commentaires et critiques, comme celles d’Edmund Leach en Angleterre, de Marvin Harris aux États-Unis.

 
Au tournant des années 1980, alors que Lévi-Strauss se retire de l’enseignement avec les honneurs, la tendance est, en France, à la critique de son œuvre : taxé d’antihumanisme, le structuralisme est fustigé par les nouveaux philosophes. Il est aussi attaqué pour son manque de rigueur par des critiques cyniques plus scientistes (Dan Sperber, Le Savoir des anthropologues, 1983). Il n’empêche : la marque laissée par Lévi-Strauss sur l’anthropologie et quelques autres régions du savoir universitaire est indélébile. La preuve : on discute encore aujourd’hui des Structures élémentaires de la parenté et de sa « formule canonique » appliquée aux mythes.

   

 

- Une critique des utopies fusionnelles -

  
Constatant la mondialisation de la civilisation occidentale, Claude Lévi-Strauss souligne qu’elle s’est faite sous la contrainte. À ses yeux, la valorisation de l’autre n’est pas un mouvement spontané, c’est plutôt l’ethnocentrisme qui est normal.

 
«Cette adhésion au genre de vie occidental, ou à certains de ses aspects, est loin d’être aussi spontanée que les Occidentaux aimeraient à le croire. (...). La civilisation occidentale a établi ses soldats, ses comptoirs, ses plantations et ses missionnaires dans le monde entier ; elle est intervenue directement ou indirectement dans la vie des populations de couleur ; elle a bouleversé de fond en comble leur mode traditionnel d’existence soit en imposant le sien, soit en instaurant des conditions qui provoquaient l’effondrement des cadres existants sans les remplacer par autre chose. Les peuples subjugués ou désorganisés ne pouvaient qu’accepter les solutions de remplacement qu’on leur offrait ou, s’ils n’y étaient pas disposés, espérer s’en rapprocher suffisamment pour être en mesure de les combattre sur le même terrain. En l’absence de cette inégalité dans le rapport de force, les sociétés ne se livrent pas avec une telle facilité ; leur Weltanschauung se rapproche de celle de ces tribus du Brésil oriental où l’ethnographe Curt Nimuendaju avait su se faire adopter, et dont les indigènes, chaque fois qu’il revenait parmi eux après un séjour dans les centres civilisés, sanglotaient de pitié à la pensée des souffrances qu’il devait avoir subies loin du seul endroit (leur village) où ils jugeaient que la vie valût la peine d’être vécue. » (Anthropologie structurale).

 

 www.scienceshumaines.com

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