3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 18:00

"Je tiens tout particulièrement à remercier le pilote de ce mirage, qui par son acte de courage et de sacrifice, a fait don de sa vie pour tenter de poser l'engin défectueux hors des lieux d'habitation de luxeuil et Froideconche." F.T

Le Mirage qui s'est écrasé à Froideconche, en Haute-Saône, faisait partie d'un escadron très prestigieux de l'armée Française.

  
Le Mirage 2000-5 était stationné sur la BA 116 © f3
© f3 Le Mirage 2000-5 était stationné sur la BA 116
   
 
Quel est l'avion accidenté ?

L'avion accidenté est un Mirage 2000-5 conçu par Dassault. C'est l'une des versions les plus modernes de cet avion de chasse qui précède la génération des Rafales. Le Mirage 2000-5 a été conçu comme un avion destiné à l'exportation. Il n'est donc, en soit, pas étonnant que le pilote aux commandes soit un militaire Taïwanais. Il existe également une version du Mirage 2000-5 fabriqué pour l'armée française. Ils sont tous stationnés sur la base aérienne de Luxeuil, en Haute-Saône.

Pourquoi un pilote étranger ?

Selon le porte-parole du Sirpa Air, le colonel Jean-Pascal Bonnet, le
Taïwanais était "un pilote confirmé, avec 1.300 heures de vol" sur Mirage 2000-5
à son actif. Il était en France dans le cadre d'un "accord technique" entre la
France et Taïwan. Selon lui, "c'est l'Etat taïwanais qui a demandé à ce que l'on
participe au partage de nos expériences opérationnelles". "Il y a dans l'Armée
de l'Air un certain nombre d'étrangers qui viennent voler. On a un accord technique
qui a conduit à accueillir un pilote à Luxeuil à la demande de Taïwan", a-t-il
ajouté. La formation du pilote devait durer deux ans selon le Sirpa-Air joint par l'AFP

Les accidents sont-ils fréquents ?

Dans les armées dites de rang 1 (Europe occidentale, Etats-Unis etc...), pour 100 000 heures de vol, la statistique donne la perte d'un avion et demi. Ce chiffre n'a jamais été si faible. Il est stable depuis une vingtaine d'années et aucune armée n'a réussi à passer sous ce chiffre. Dans les années 60, les accidents d'avions de chasse étaient beaucoup plus fréquents, de l'ordre d'un tous les deux mois en France.

Qu'est ce que l'escadron Cigogne ?

L'avion accidenté appartenait à l'escadron Cigogne. c'est l'un des escadrons les plus prestigieux de l'armée Française : celui de Guynemer et des Chevaliers du Ciel. C'est un escadron spécialisé dans la chasse. Jusqu'en 2011, cet escadron était implanté sur la base de Dijon-Longvic. Il est arrivé à Luxeuil lors de la réorganisation de l'armée Française. Cet escadron célèbre  ses 100 ans. Son premier commandant, en juillet 2012, était le Lieutenant Bellanger.
 
Par Sophie Guillin. France 3 Franche-comté.
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3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 09:36
Dans leur quête de sensations toujours plus fortes, les adeptes du ski, du surf ou du skate atteignent parfois un état proche du sublime, où le temps lui-même semble altéré. Enquête sur la jouissance de ces sportifs qui goûtent l’éternité.
    
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“C’était l’après-midi. Seul sur la piste, je descendais sans effort, mes virages étaient longs et souples. En parfaite harmonie avec le mouvement, je goûtais le soleil et le vent et je devinais chaque flocon de neige sous mes skis. » Rick Phipps se sent « mystérieusement, merveilleusement vivant, en connexion avec tout l’environnement », dans un « moment de clarté, obsédant, presque radioactif ». De retour chez lui, cet Américain reste muet, incapable de raconter ce qu’il a vécu.

 

La première fois, Patrick « Thias » Balmain en a été effrayé. Ce skieur chevronné qui, depuis trente ans, entraîne des champions de ski en Tarentaise, a brutalement senti qu’il « larguait les amarres » et naviguait « sur la mer démontée de (s)es émotions ». Il ne lui restait que son corps comme point d’ancrage. Par le seul fait de la glisse qui joue avec la gravité, à travers leur quête de sensations toujours plus fortes, ces deux-là sont parvenus, par hasard insistent-ils, à un état inconnu, lumineux, un état d’omniscience et de grande paix intérieure, où le temps lui-même semblait altéré. Ils ont atteint une forme d’extase que connaissent les sportifs pratiquant le ski, le surf, le snowboard ou le skate.

 

Sur une planche, le corps se déplace avec fluidité, dans une liberté totale. Le glisseur ne produit pas d’énergie, il profite de celle que lui offre la pente enneigée, la vague ou la rue. Il ne fonctionne pas de manière mécanique, il est sujet à des émotions, des peurs, des croyances qui influent sur son comportement. La performance ne consiste pas à aller plus vite, mais à se transcender : le glisseur « croit voler », écrivent Hugo Verlomme et Alexandre Hurel dans « Fous de glisse » (Albin Michel, 1990).

 

Or dans l’enseignement traditionnel des sports, très directif, ce qui compte, c’est la performance mesurée par le chronomètre. Thias Balmain a fini par s’en détourner. Il a aussi abandonné les manuels, qu’il qualifie de « répertoires de gestes codifiés » parce qu’ils négligent trop l’écoute du corps. Il s’est intéressé à l’utilisation, consciente ou inconsciente, des phénomènes physiques par les athlètes. A l’aide du taï-chi-chuan, il a cherché à comprendre ce qui unit le glisseur à son environnement, pour mieux parvenir à l’harmonie et à l’équilibre dans le mouvement. Inspiré par les arts martiaux japonais, il a créé les « katas » de la glisse, des enchaînements de mouvements qui visent à « placer le glisseur en relation consciente avec son corps et le milieu qui l’entoure » et à accroître sa concentration.

 

Car l’état de grande concentration, de pleine conscience, facilite l’accès à l’extase – à condition que la conscience soit détendue, et non crispée : « Glisser, ce n’est pas se cramponner », écrit Thias Balmain dans « La Glisse intérieure » (Le Souffle d’or, 2005). Le glisseur s’approche alors d’un état idéal, comme une expérience spirituelle. Au cours d’une « descente révélatrice », celle qui génère la jouissance, Tim Gall-wey, auteur de « Inner Skiing » (Random House, 1997), best-seller de l’apprentissage du ski, a remarqué que l’esprit n’analyse pas, il est simplement focalisé sur l’instant présent.

 

Rick Phipps, lui, a découvert les bénéfices de la concentration au Japon, dans la méticulosité de ses arts : poterie, calligraphie, cérémonie du thé, art floral, poésie, arts martiaux… Dans « Skiing Zen. Searching for the Spirituality of Sport » (Iceni Books, 2006), il raconte comment le bouddhisme zen lui a permis de perfectionner ses techniques sportives, après une saison passée auprès du skieur de l’extrême Yuichiro Miura, le premier à avoir descendu l’Everest en ski, en 1970. Au sein de son équipe, il a appris à se mouvoir avec souplesse, à apprivoiser la gravité. Surtout il a remarqué que les skieurs japonais débutants ne reçoivent pas d’instructions précises car elles les perturbent quand il s’agit de les appliquer. Au contraire, l’apprentissage se fait en observant les champions, pour copier leurs gestes : ainsi, le mouvement va directement des yeux au corps, sans être interprété rationnellement par le cerveau.

 

C’est dans cet esprit que Tim Gallwey a élaboré sa propre pédagogie de la glisse, appelée « inner game » (« jeu intérieur »). En chaque individu, dit-il, deux personnalités coexistent. L’une juge, s’inquiète et doute, c’est l’esprit égotique qu’il faut maîtriser. L’autre ouvre, élève, émerveille, c’est le potentiel qui existe à l’intérieur de chacun. L’une analyse beaucoup et fait perdre le contact avec le présent. L’autre est l’intelligence du corps, ce qui « voit et fait ce qui est nécessaire sans aide de la pensée », selon la définition du philosophe indien Sri Aurobindo.

 

A ses étudiants, Tim Gallwey répète qu’ils doivent apprivoiser la première personnalité et faire confiance à la seconde pour laisser le corps agir comme il le sent. Lors d’une descente révélatrice, le glisseur se rend vite compte que ses performances sont meilleures s’il pense moins. Pour mieux l’expliquer, le coach décompose un virage à ski : il faut transférer le poids sur la jambe extérieure, plier en avant le genou et la cheville pour contrôler le bord du ski, déplacer l’épaule, le bras et la main pour planter le bâton… Comment exécuter simultanément autant de gestes ?

 

La compréhension globale d’un tel mouvement est trop compliquée, implique trop de simultanéité pour l’esprit conscient. Il préfère donc donner des conseils plus généraux, qui élargissent l’intention plutôt que de la rétrécir. Par exemple, « maintiens ton équilibre ». Le cerveau finit par ne plus commander au corps. Il laisse aller les membres, qui ont une connaissance intuitive des meilleurs gestes…

 

Tim Gallwey a appliqué sa méthode au tennis et au golf, et l’a adaptée en conseils pour les professionnels. Car au-delà du sport, la glisse est « une belle école de la vie », selon les mots de Thias Balmain. Porteuse de sens et d’harmonie, elle imprègne les paroles, les gestes, les attitudes de ceux qui la pratiquent, comme un véritable art de vivre. 

 

par Pascal de Rauglaudre. www.cles.com
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30 septembre 2012 7 30 /09 /septembre /2012 06:18

Problèmes relationnels, harcèlement, déconsidération... De nouveaux maux ont remplacé les névroses du xxe siècle. Enquête sur ce qu’entendent les psy aujourd’hui.

 

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Betty Draper est une blonde de 25 ans. Chaque semaine, elle s’allonge sur le divan d’un psychanalyste qui note les divagations de son discours amer et plaintif. Elle s’ennuie dans la maison que son mari vient d’acquérir, ose à peine évoquer sa libido, se félicite de bien tenir son foyer, ses enfants… mais souffre de paralysies intermittentes et inexplicables de la main gauche. « Manifestation psychosomatique ou hystérique », aurait diagnostiqué Freud !

 

Ce portrait de patiente vous surprend ? Rien d’étonnant à cela : c’est une pure fiction, une scène emblématique de la série « Mad Men », hymne à l’Amérique des années 1960. On y découvre le désarroi des femmes au foyer et la foi aveugle de leurs maris absents, occupés à créer une société moderne sous l’influence de la publicité et des médias. Ce joli monde peine à se libérer des tabous sexuels imposés par le puritanisme ambiant, mais avec l’achat d’un nouveau réfrigérateur-freezer-pileur de glace ou d’une nouvelle Chrysler, les frustrations s’apaisent…

 

Avec Betty, nous sommes loin, presque à l’opposé, de la « patientèle » reçue aujourd’hui par les psy. De l’hystérie telle qu’elle fut décrite par l’inventeur de la psychanalyse et telle qu’il s’en diagnostiquait dans la première partie du siècle, ils en voient peu désormais. Du refoulement sexuel, des femmes qui s’ennuient, de la satisfaction purement matérielle, encore moins. La crise économique de 2008 a mis en attente de nombreux rêves de réussite. Par contre, certains tabous émergent. Yves-Alexandre Thalmann, psychologue en Suisse, s’amuse des nouvelles pudeurs des patients : « Aucune difficulté à vous décrire leurs ébats sexuels dans le détail… mais impossible de dévoiler leur salaire ! L’argent, ils ont du mal à en parler. »

 

Les psy qui reçoivent depuis plus de trente ans constatent d’autres changements : « Aller voir quelqu’un », selon l’expression consacrée, n’est plus considéré comme pathologique. « On consulte plus facilement, avec un réel désir de prise en charge de soi », note Marianne Rabain, psychanalyste à Paris. Le peuple des patients s’est diversifié, en genre comme en âge. « Je peux recevoir un enfant de 4 ans le matin et une dame de 70 ans le soir, observe Muriel Mazet, psychothérapeute en Bretagne. Les hommes, grands absents jusque-là des cabinets d’analystes, s’y montrent enfin. « Ils sont plus nombreux à consulter, mais pour des problèmes ponctuels et dans une recherche de solution rapide », reconnaît la psychanalyste Marie-France Hirigoyen. « Ils ont plus de mal à se remettre en question, à approfondir, que ceux qu’on voyait avant. » S’il n’est plus frustré sexuellement ni en quête de son inconscient, qu’est-ce qui agite le patient d’aujourd’hui ? Quels soucis le poussent à consulter ?

 

« J’ai des problèmes de relations au travail, dans mon couple… »

 

C’est un paradoxe de notre temps : les moyens de communiquer abondent mais le sentiment de solitude domine. « Le désir d’être entendu et de parler est fort », observe Marianne Rabain. « Nous, les psy, entendons cette plainte qui ne s’exprime pas dans le corps social. » Le bug dans le contact avec l’autre constitue le premier motif de consultation : « Mon conjoint ne me parle pas », « je ne m’entends pas avec mes collègues » ou « impossible de discuter avec mon ado ». La liberté de tout dire n’a pas réglé la question de réussir de vrais échanges, de parvenir à se faire comprendre tout en acceptant l’autre. On observe des déserts relationnels dissimulés sous des centaines de textos et SMS. La vie affective notamment en subit les conséquences. « La plupart des 28-35 ans n’arrivent tout simplement pas à vivre à deux », affirme Marianne Rabain. « Ils cultivent un zapping relationnel fait de rencontres sur Internet, de flirts en ligne, d’amitiés virtuelles. » Résultat : un rapport très déçu à la relation amoureuse. « Des bandes de filles et de garçons qui s’effleurent mais ne se rencontrent pas vraiment. Tous ont du mal à s’ancrer et cultivent des projets de vie aussi flous que leurs personnalités », selon la psychanalyste Florence Lautredou.

 

Robert Neuburger, psychiatre, en conclut que la « désappartenance » est le nouveau mal contemporain. « A l’époque de Freud, les sujets étouffaient sous leur milieu. Aujourd’hui, ils en sont éjectés : incapables de vivre une relation amoureuse stable, licenciés de leur boulot ou plaqués par leur conjoint, ils souffrent d’être foncièrement seuls. »

 

« je suis Harcelé par des pervers narcissiques »


De là à penser que « l’enfer, c’est les autres », il n’y a qu’un pas. « Beaucoup manquent cruellement de simples outils », explique Yves-Alexandre Thalmann. « Ils ne savent pas communiquer sans juger ni manipuler. Mon boulot consiste à leur donner quelques clés pour ne pas envenimer la situation. »

 

Le couple est évidemment la zone sensible, carrément en danger après l’arrivée du premier enfant car, après la fusion amoureuse, les partenaires réalisent souvent qu’ils n’ont pas grand chose à se dire. Mais pour la psychanalyste Virginie Megglé, « c’est plutôt l’agressivité contenue tout au long des journées de travail qui s’exprime le soir à la maison ». Du coup, l’impression d’être en guerre, sous une menace non dite, se diffuse lentement. « C’est fou le nombre de patients qui vivent avec des pervers ! » s‘étonne, avec une pointe d’ironie, le psychanalyste Jacques Arènes. Des épouses qui se sentent à la merci d’un manipulateur, des employés qui attaquent leur chef pour harcèlement, il en voit quotidiennement. Marie-France Hirigoyen, créatrice du concept de harcèlement moral, reconnaît que la prise de conscience a dépassé ses espérances : « Autant je pense que la loi sur le harcèlement moral était une avancée, autant j’y vois un grand danger de manipulation. Il faudrait que je fasse un nouveau livre pour redéfinir la notion… Aujourd’hui, on vit dans un monde un peu parano, à l’américaine, où chacun se sent victime d’un bourreau froid et calculateur. » Selon elle, cette dérive tient à la peur du conflit vissée au corps de la plupart des contemporains. Domine donc une manière persécutée de percevoir son interlocuteur dès qu’il n’est pas comme on l’attend : « Soit l’autre est merveilleux, soit il est manipulateur. » Incapables de se différencier, beaucoup ont du mal à admettre que l’on puisse ne pas avoir le même ressenti qu’eux.

 

Cependant, crise oblige, les faits sont là : « Les gens qui travaillent encore subissent de plus en plus de pression et n’importe qui peut se permettre d’être ignoble », observe Yves-Alexandre Thalmann. « On nous rapporte de vraies gangrènes sous forme de ragots négatifs dans les entreprises. Sans outils pour communiquer sainement, des équipes entières pratiquent la rumeur rampante et alimentent la paranoïa. » Effets pervers de la supercompétitivité érigée en mode de vie, la solidarité s’effrite.

 

« Je ne me sens pas reconnu à ma juste valeur »

 

Pris dans l’urgence de « se maintenir » en poste ou de sauver leur couple, beaucoup cherchent désespérément à l’extérieur une reconnaissance qu’ils ont du mal, faute de temps et de ressources intérieures, à tenir pour eux-mêmes. « Avant, on souffrait de ne pas être aimé », explique Marianne Rabain. « Aujourd’hui, on souffre de ne pas être reconnu. » C’est le trouble narcissique de notre temps et il a, pour de nombreux psy, quelque chose d’irrationnel. « Nous cherchons avec nos patients l’origine de ce besoin dans leur histoire personnelle. Mais comme ils sont moins portés sur l’association libre et capables d’“insight”, comme ils restent dans le contrôle d’eux-mêmes et l’adaptation, on tourne en rond. »


« C’est comme si on avait déplacé dans le champ social une demande affective jusque-là réservée au cercle familial », explique Jacques Arènes. Jugeant la société particulièrement normative, Marie-France Hirigoyen ne s’étonne guère des difficultés fréquentes à y affirmer sa différence, son identité profonde, sa pensée propre : « Dans ce règne de l’image et de l’apparence, ceux qui s’en tirent au mieux et réussissent sont les caméléons, les hyperadaptables, les politiques sans états d’âme. Ceux qui sont tels qu’on leur demande d’être. Les autres souffrent. » Ainsi cet agent informatique qui s’entend dire lors d’un entretien de recrutement : « Nous ne savons pas comment nous pourrions vous utiliser. » « A force de n’être ni valorisés ni même considérés, la plupart perdent leur sentiment de dignité », affirme Robert Neuburger. « Et aucune prescription médicamenteuse ne peut restaurer cette part perdue. »

 

« Je passe à côté de ma vie »

 

A trop quêter cette reconnaissance, on s’épuise. Or le rythme ambiant est vorace. Avec l’accélération du temps et le climat de supercompétition, il reste peu de temps pour jouir de la vie. « C’est drôle, note Marianne Rabain, avant ils souffraient de ne pas avoir de liberté. Aujourd’hui, ils l’ont mais ne peuvent en profiter ! » “J’ai tout mais je me sens mal” est la phrase que j’entends le plus souvent », raconte Virginie Megglé. « Et aussi : “Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire” comme dans le film de Godard, sauf qu’aujourd’hui ceux qui s’en plaignent font mille choses à la fois, et tout le temps ! » C’est donc la coupure d’avec l’intériorité qui fait mal. Celle de cette patiente de 25 ans qui voyage beaucoup « pour avoir l’air d’assurer » mais réalise un jour qu’elle est en fait rongée par la peur de s’engager. Ou celle de cet étudiant qui ne peut parler à une fille s’il n’a pas « fumé du hasch ou picolé un peu ». « L’avenir est oppressant. Pas seulement à cause de la crise, mais parce qu’on s’éloigne de ses désirs profonds et de ses propres sentiments pour se lancer dans la course ambiante. »

 

Une course qui mène trop souvent au point mort. Florence Lautrédou, psychanalyste, reçoit des artistes et intermittents du spectacle en attente de projets qui ne se font pas. « Ils perçoivent le monde avec les nantis d’un côté et eux de l’autre. Malgré leur soif de pureté et d’imaginaire, ils se retrouvent largués avec la chape de plomb de la crise sur les épaules et une anxiété diffuse. Seule l’élection d’Obama a levé un peu de souffle et d’espoir en eux. » Chez les cadres, le défaut de projet et le manque d’audace dominent. « Malgré de confortables dividendes, eux aussi se demandent à quoi ils servent », rapporte la coach. Une impression d’autant plus désagréable que le bonheur est devenu un « must », si on en croit les journaux people et les campagnes publicitaires. Seuls existent les beaux, riches, célèbres, épanouis… « On aurait pu croire que les carcans avaient lâché, en conclut Marianne Rabain, mais c’est un leurre : jamais l’idéal du moi n’a été aussi oppressant. »


Dans ce contexte de « pathologies de l’insuffisance », la thérapie permet de retrouver des limites. Conscients d’un tel enjeu, des psychanalystes changent leur manière de travailler. « Pas question d’écouter les plaintes sans rien faire, explique Florence Lautrédou, car cela peut durer longtemps. Il faut des techniques plus frontales pour accompagner réellement des personnalités de plus en plus fragiles. » Objectif : remettre ces patients en contact avec leur créativité et leurs ressources. Et ils en ont ! Revenus des sirènes de la société de compétition, beaucoup inventent des parcours singuliers. Cette cadre d’une banque d’affaires va ouvrir un pub avec des amis, ce responsable de compagnie d’assurance conçoit un lieu de vacances pour les fans de golf. Pour s’en sortir, il s’agit aussi, parfois, de simplement déléguer : « Celles de mes patientes qui vont mieux sont celles qui osent dire non à des demandes qu’elles auraient honoré tout de go avant », remarque Muriel Mazet. « Elles inscrivent leurs enfants à des cours de soutien scolaire au lieu de s’obliger à faire les devoirs avec eux en rentrant du travail. » Tout est bon pour retrouver un peu d’attention à soi dans un système qui en demande trop et n’en peut plus de toucher à sa fin.

 

De Pascale Senk pour www.cles.com

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28 septembre 2012 5 28 /09 /septembre /2012 10:48

  Seconde partie de notre dossier "apprendre à maitriser le numérique". Après avoir constaté combien la question déclenchait de débats passionnés entre ceux qui viennent de la culture du livre et ceux qui vivent avec la culture du web, il est temps de nous mettre à comprendre l’impact des différences de support sur notre cerveau. Et notamment de nous demander si l’un des deux supports est capable de nous rendre plus intelligents... ou pas.


Le calme est bon pour l’esprit

La couverture de Proust and the Squid de Maryanne Wolf

 

La psychologue et neurologue Maryanne Wolf est la directrice du Centre de recherche pour la lecture et le langage de la Tufts University. Dans Proust and the Squid (Proust et le Calmar, en référence à la façon dont ces animaux développent leurs réseaux de neurones), qu’elle a écrit en 2007, elle explique comment l’espèce humaine a appris à lire et comment la lecture transforme nos fonctions cérébrales de l’enfance à l’âge adulte. “L’acte de lecture n’est pas naturel”, rappelle-t-elle : elle a eu une influence sur l’évolution de nos circuits neuronaux et certaines zones du cerveau se sont spécialisées dans la reconnaissance de caractères et dans la lecture. La lecture est une invention culturelle acquise récemment. “L’efficacité que nous avons développée grâce à la lecture nous a permis d’avoir plus de temps pour réfléchir”, explique-t-elle, en observant, via l’imagerie cérébrale, comment les enfants apprennent à maîtriser de mieux en mieux la lecture. Wolf se réfère à Proust dans Sur la lecture (.pdf) (où Proust définit la lecture comme l’intervention, qui, tout en venant d’un autre, se produit au fond de nous-mêmes, c’est-à-dire l’impulsion d’un autre esprit sur notre solitude) : la lecture nous rend plus intelligents car elle laisse notre cerveau seul avec lui-même, le laissant penser sans être dérangé, contrairement à ce qui arrive lors d’une conversation par exemple.

 

Caleb Crain, dans le long dossier consacré au “Crépuscule des livres” qu’il livre au NewYorker signale une très intéressante étude pour mesurer la différence entre une lecture attentive et silencieuse et une lecture troublée par un commentaire audio. Les résultats de cette étude montraient que ceux qui lisaient silencieusement une présentation PowerPoint la trouvaient généralement plus intéressante que ceux qui devaient lire cette même présentation avec le commentaire audio de l’intervenant. Une autre étude britannique a montré pour sa part que ceux qui lisent en silence ont tendance à mieux se souvenir de ce qu’ils lisent que ceux qui regardent un écran. Les cobayes qui lisaient les transcrits d’informations, de publicités, de programmes politiques ou d’émissions scientifiques en avaient une meilleure mémoire que ceux qui n’avaient fait que les regarder à la télévision.

 

Reste que ces exemples ne permettent pas de différencier l’impact du support sur la lecture. On peut lire (ou écrire) d’une manière calme, sans aucune perturbation extérieure, depuis un clavier et un écran d’ordinateur. Il suffit de se donner quelques règles pour lire ou écrire à l’ère de la distraction permanente, comme le dit Cory Doctorow.

 

Nonobstant, Maryanne Wolf se montre plutôt inquiète pour l’avenir de la lecture. Selon elle, avec le web, son instantanéité et sa surcharge informationnelle, la façon dont nous lisons change profondément : à l’écran, nous ne lisons pas, nous écrémons ! C’est aussi ce qu’affirme le gourou de “l’utilisabilité” Jakob Nielsen, selon lequel le faible temps que nous passons sur la plupart des sites que nous parcourons ne permet pas de les lire en profondeur. Les chercheurs du Centre d’étude sur le comportement vis-à-vis de l’information et l’évaluation de la recherche de l’University College de Londres font également ce même constat en observant les usages de livres au format électronique sur les postes d’accès d’une bibliothèque universitaire. L’étude Superbook, qui a donné naissance à un Observatoire national des usages des livres électroniques en milieu académique, montre ainsi que les lecteurs de livres électroniques ont tendance à piocher des passages dans les livres plutôt que d’en lire l’intégralité. Moins d’un quart de la poignée d’usagers observés aurait lu un chapitre ou plus dans les livres électroniques qu’ils ont consultés. Reste que l’étude (voir la synthèse .pdf) ne compare pas les pratiques papier aux pratiques électroniques. Or, certains usages savants reposent également sur le feuilletage rapide de livres pour y trouver des références. Oui, le livre au format électronique facilite le picorage d’information. C’est même son plus grand atout, nous permettre d’aller plus rapidement aux mots clefs qui nous intéressent… Peut-on le lui reprocher ? Est-ce que ne pas tout lire d’un livre signifie ne pas l’avoir lu ?

 

Pour Maryanne Wolf, la lecture nous a fait le “don du temps”, c’est-à-dire des instants où nos pensées peuvent aller au-delà des mots écrits sur la page pour atteindre de nouveaux niveaux de compréhension. La lecture ne consiste pas seulement à absorber l’information et trouver des réponses toutes prêtes : elle est “pensée en action”. Comme le dit Proust, à nouveau, à propos des livres : “Nous sentons très bien que notre sagesse commence où celle de l’auteur finit, et nous voudrions qu’il nous donnât des réponses, quand tout ce qu’il peut faire est de nous donner des désirs. Et ces désirs, il ne peut les éveiller en nous qu’en nous faisant contempler la beauté suprême à laquelle le dernier effort de son art lui a permis d’atteindre. Mais par une loi singulière et d’ailleurs providentielle de l’optique des esprits (loi qui signifie peut-être que nous ne pouvons recevoir la vérité de personne, et que nous devons la créer nous-mêmes), ce qui est le terme de leur sagesse ne nous apparaît que comme le commencement de la nôtre, de sorte que c’est au moment où ils nous ont dit tout ce qu’ils pouvaient nous dire qu’ils font naître en nous le sentiment qu’ils ne nous ont encore rien dit.” Pour Maryanne Wolf, le web risque de nous faire perdre la “dimension associative” de la lecture qui nous permet d’entrevoir de nouveaux horizons intellectuels. Mais la dimension associative de la lecture, qui permet de passer d’une pensée, d’un argument l’autre, n’est-elle pas encore plus facile à l’heure de l’hypertexte, où un simple lien est capable de vous emmener au coeur d’une association ?

 

L’idiotie de nos sociétés n’est pas la faute de la technologie

 

Si le web ne nous rend pas plus intelligents que le papier, peut-être nous rend-il plus bête ? Ce n’est pas l’avis non plus de David Wolman, dans Wired. Selon lui, il faut “rebooter” la critique des opposants à l’internet : l’internet ne nous a pas conduits dans un nouvel âge noir, au contraire ! Et de rapprocher la critique de Nicholas Carr avec celle d’autres Cassandre comme l’écrivain Lee Siegel, qui, dans Against the Machine: Being Human in the Age of the Electronic Mob (Contre les machines : être humain à l’âge des foules électroniques), suggère que le web nous rend narcissiques ; Maggie Jackson qui dans Distracted : The Erosion of Attention and the Coming Dark Age (Distraits : l’érosion de l’attention et l’arrivée de l’âge noir), éreinte notre capacité à être “multitâches” ; Mark Bauerlein et sa Dumbest Generation (c’est-à-dire génération la plus bête) qui s’en prend à la culture jeune.

 

Certes, explique Wolman, le web nous donne un remarquable accès à toutes les idées les plus idiotes en les amplifiant bien souvent. Mais c’est ne pas voir que l’idiotie a toujours existé, quel que soit le support qui la véhicule. “La pensée antirationnelle a gagné une respectabilité sociale aux Etats-Unis lors des cinquante dernières années”, note Susan Jacoby dans The Age of American Unreason (L’âge de la déraison américaine). “Elle a montré sa résistance à la vaste expansion de la connaissance scientifique qui caractérise la même période.” Mais l’irrationalisme de nos sociétés n’est pas la faute de la technologie. Au contraire : “l’explosion de la connaissance représentée par l’internet et encouragée par toutes sortes de technologies numériques nous a rendu plus productifs et nous a offert l’opportunité de devenir plus intelligents, et non plus bêtes.”

 

Le web : plus stimulant que le papier !

 

Le spécialiste de la réalité virtuelle Jaron Lanier est plus critique encore. Le changement technologique serait-il un processus autonome qui dirait que nous prenons une direction indépendamment de ce que nous voulons ? Certaines technologies peuvent effectivement nous rendre stupides (les casinos, les tabloïds, la cocaïne, cite-t-il…) et il y a des technologies numériques qui renforcent les aspects les moins brillants de la nature humaine. “Mais est-ce pour autant que nous n’avons que le choix d’être pour ou contre ?”

 

Pour Kevin Kelly, l’ancien rédacteur en chef de Wired, l’océan de courts textes que le web a générés est dû au fait que nous avons un nouveau véhicule et un nouveau marché pour les échanger. Il en veut pour preuve, le fait que nous n’arrivions pas jusqu’à présent à produire des productions courtes qui soient échangeables et profitables. Contrairement à Nicholas Carr, Kelly n’a pas de doute : le web nous rend plus intelligents. Laissons Google nous rendre plus intelligent, explique-t-il en détail sur son blog.
   

A gauche, l'activité de notre cerveau en train de lire un livre, à droite, l'activité de notre cerveau en train de lire le web

 

Les chercheurs semblent d’ailleurs vouloir lui donner raison : en effet, selon des neuroscientifiques de l’université de Californie, la stimulation cérébrale générée par la consultation de l’internet est plus forte que celle générée par la lecture traditionnelle. Selon les chercheurs du Centre de recherche sur la mémoire et l’âge, la lecture et la recherche sur le web utilisent le même langage, le même mode de lecture et de mémorisation et stimule les mêmes centres d’activité du cerveau. Mais la recherche sur l’internet stimule également des secteurs liés à la prise de décision et au raisonnement complexe.

 

Gary Small, directeur de ce centre, a d’ailleurs depuis écrit un livre intitulé iBrain : Surviving the Technological Alteration of the Modern Mind (iBrain : Survivre aux altérations technologiques de l’esprit moderne), mais qui, selon de nombreux commentateurs, est plutôt une charge à l’encontre des nouvelles technologies regardées essentiellement sous l’angle de l’addiction. Comme on l’a vu avec Maryanne Wolf, les neuroscientifiques ne sont pas à l’abri de faire passer leurs intimes convictions pour des arguments scientifiques. Elle révèle surtout, le plus souvent, comment cette génération issue du livre est mal à l’aise avec les nouveaux outils technologiques pour ne voir l’internet que par ses défauts potentiels.

 

Or cette dernière expérience est également à moduler. Il est évident que l’internet nécessite de prendre sans arrêt des décisions, ce qui n’est pas le cas d’une lecture classique qui ne nécessite pas de choix constants ou complexes. Le fait que la lecture sur le net soit plus stimulante pour le cerveau (parce qu’elle mobilise de la concentration pour activer les liens et nécessite une interaction active) est finalement assez logique. Peut-être que cela favorise également la mémorisation, puisqu’on sait que celle-ci réussit mieux quand le récepteur est actif plutôt que passif… Mais rien ne dit que cette cette surstimulation facilite la compréhension ou l’assimilation des informations qu’on y parcourt. Ou qu’elle favorise la dimension associative censée nous amener à de nouveaux niveaux de conscience.

 

Par sa “complexité”, son hypertextualité qui nécessite de faire des choix constants, la lecture sur l’internet stimule plus certaines zones de notre cerveau que l’austère page blanche d’un livre. Ca ne tranche pas le débat, mais ça le scinde un peu plus en deux : entre ceux qui y voient un danger qui risque de transformer la manière dont notre cerveau raisonne et assimile l’information et ceux qui y voient une preuve de la supériorité du net, qui ouvre de nouvelles perspectives dans ses façons d’impliquer le lecteur dans la lecture.

 

On comprendra qu’il est difficile de savoir qui du papier ou de l’électronique nous rend plus intelligent, comme le concluait Thomas Clabun dans InformationWeek en commentant cette même étude : “”il faudra du temps avant avant que nous sachions s’il faut pleurer nos anciennes façons d’apprendre ou célébrer les nouvelles”. En attendant, on conclura sur le constat que les deux supports stimulent différemment notre intelligence, certainement aussi parce que nos chercheurs ont encore bien du mal à définir ce qu’est l’intelligence ou plutôt ce que sont les différentes formes d’intelligences.

 

Hubert Guillaud pour www.internetactu.net

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26 septembre 2012 3 26 /09 /septembre /2012 09:44

" Les salariés se plaindraient d’être évalués tout en réclamant de l’être !" C’est sur ce paradoxe que Bénédicte Vidaillet, psychanalyste spécialiste des théories de l’organisation, s’est penchée afin de déterminer ce qui pousse un salarié à solliciter lui-même les outils d’évaluation mis en place par son entreprise.

 

employé

 

Les salariés subiraient l’évaluation mais la ressentiraient également comme un besoin, remplissant certaines fonctions sur le plan psychique. Le système de l'évaluation aurait-il trouvé un moyen paradoxal pour s'auto-entretenir, notamment au moyen de l'infantilisation de l'employé modèle perdu dans la norme ?


Selon la psychanalyste, la recherche d’évaluation correspondrait en réalité à une recherche identitaire. En appelant de ses vœux l’évaluation, le salarié chercherait à se définir par rapport au jugement porté par son entreprise. La question « qui suis-je ? » glisserait ainsi vers « que suis-je par rapport à ce que l’on attend de moi ? », et donc par surcroît « qui suis-je par rapport à l'autre ?»

 

Angoissé à l’idée de 
se définir lui-même, le salarié préférerait confier cette tâche à un système d’évaluation extérieur à lui-même. Ce transfert permettrait de lui rendre visibles ses propres facultés et faiblesses jusqu’à ce que l’autoévaluation permette d’intégrer complètement ce regard extérieur sur soi, si celle-ci le permet.

 

Mais, selon Bénédicte Vidaillet, la manière dont le système d’évaluation répond à cette question identitaire ne fait que relancer indéfiniment le salarié dans son questionnement. Renonçant à sa faculté subjective de jugement, le salarié ne peut plus se passer de l’évaluation établie par son entreprise. Il en viendrait à demander toujours plus d’évaluation, entraîné dans un cercle vicieux.

 

Pour la psychanalyste, c’est ici le cœur du paradoxe de l’évaluation telle qu’elle se pratique actuellement. La personne qui travaille, en demandant à être évaluée, espère régler ce qui par nature est impossible à régler, à savoir sa quête identitaire jamais achevée et constitutive de sa personne !

 

Bénédicte Vidaillet psychanalyste, « Le sujet et sa demande d’être évalué : angoisse, jouissance et impasse symbolique », Nouvelle revue de psychosociologie, n° 13, 2012/1.

 

www.scienceshumaines.com

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 14:54

 « Nous participons tous à la création. Nous sommes tous, rois, poètes, musiciens ; il n’est que de nous de nous ouvrir comme des lotus, pour découvrir ce qui était en nous ! ». Henry Miller.

 


leonard-vinci.jpg

-Vers l'homme accompli et affranchi:

 


"La condition humaine est une condition d’élite. Si vous croyez ne pas en être, c’est que vous l’avez mal cherchée, ou que vous ne l’avez pas cherchée !"

 

     

Il paraît, à l'entendre dire, que les hommes désirent la paix, le bonheur, l'équilibre et la beauté. Ce serait un beau programme... si on ne faisait souvent exactement le contraire du nécessaire !!  Comment alors, concevoir la vie lorsque l'on constate que les trois quarts des gens sont appeurés, agressifs, nerveux et épuisés ?! Depuis que la vie moderne nous ôte notre bon sens et nos évidences, on se rend compte qu'il est grand temps de revoir certaines de nos conceptions:

 

Les grandes choses de la vie sont toujours simples, les grands concepts et les grandes vérités le sont également. On ne concevrait pas que la création soit compliquée ! Ne serait-ce pas alors l'homme qui compliquerait sa vision de ce qui l'entoure ?... De plus, les grandes choses doivent être accessibles à tous. Sinon, ce ne sont pas de grandes choses... Pour les trouver, il suffit de partir du commencement, de son propre centre, et de « se comprendre ».

   

La marche des étoiles est simple, Mozart est simple, la vie est simple…malgré cette apparente complexité ! Il suffit de voir le monde dans un enchainement lucide, au-delà du bruit et du chaos générés par les crises d’aujourd’hui. Il n’y a de compliqué que ce qui n’est pas dans « l’ordre » et dans le rythme universel. 

 

Les gens compliqués ne sont pas dans l’ordre, parce qu’un désordre intérieur et névrotique les empêche de voir et de participer à ce fameux rythme qui unit toutes choses. Les déviations intérieures ne sont pas dans l’ordre ; le déni, le refoulement, l’orgueil, l’agression et l’impudence ne sont pas dans l’ordre !!

 

La simplification (et non pas la réification) intérieure et authentique fait la grandeur de l’homme. Et si on me demandait : « Au nom de quoi prônez-vous cette grandeur humaine, l’équilibre et l’énergie vraie ? », Je répondrais ceci : « Au nom de l’Ordre, et par conséquent du bien commun ».

 

Beaucoup de gens courent au cinéma voir de l’aventure, du suspens ou des thrillers. Beaucoup de gens rêvent d’une autre vie, se gavant de récits philosophiques ; ou alors inertes, devant leurs écrans d’ordinateurs. Ils se pressent et se ruent, mais ils n’étudient que rarement l’homme qui a accomplit cette aventure. Ils ne cherchent pas à savoir le pourquoi de cette aventure… Et ainsi, ils ne voient que l’aspect extérieur, et tout demeure lettre morte !

 

Il est bon de s’ajouter quelque chose un jour, une valeur ou une idée, peut-être ! Puis une autre chose, le jour suivant. Il est bon de pouvoir se dire : « Aujourd’hui, j’ai appris ceci, c’est en moi désormais… Et cela s’est dégagé de moi, j’en suis libéré… Aujourd’hui, j’ai changé !! ». C’est ainsi que l’homme devient un ensemble harmonieux, dans une montée vers la simplicité et l’authenticité.

 

Si les gens étaient dégagés de leurs freins intérieurs et de leurs boues, de leurs peurs et de leurs replis dans des vies bien rangées, ils changeraient. Et si les gens se mettaient à changer, tout changerait !! La solution est simple : « c’est la cohésion », avec soi-même et avec autrui. C’est pourquoi elle est difficilement applicable, car elle demande de l’intelligence et de l’ouverture ; elle demande de voir ses propres problèmes…en bref : tout le contraire de notre mode de vie moderne fondé sur la peur.

 

Beaucoup de gens sont comme ils sont…mais dans dix ans ? Ils seront encore les mêmes !  Rien ne se sera ajouté, rien ne se sera retranché…ne valent-ils pas mieux que cela ?

 

On peut tirer enseignement de chaque événement ; mais on ne peut rien tirer des adeptes de l’inertie humaine, qui suivent béatement des guides plus que douteux, sans jamais comprendre ni ouvrir les yeux !!  Rien ne sort de l’inertie, sinon que des choses inertes. Rien ne sort de l’inconscience, sinon que des actes inconscients.

 

On dit que le bonheur est d’être à sa place : c’est très vrai ! Mais demandons-nous si nous sommes vraiment à notre place, dans notre rôle d’homme, ou de femme, qui doit penser par lui-même, éduquer les autres et agir sur le monde ??

 

On dit aussi, malgré toutes les tentatives désespérées, les longs discours et les recherches diverses à ce sujet: que l’Art d’être un « Homme » ou une « Femme » véritable est perdu !!

 

Pourquoi voudrait-on qu’il en soit ainsi ? Les possibilités humaines sont tout aussi présentes aujourd’hui qu’il y a cinq ou dix mille ans ! L’homme possède toujours le même clavier ou le même violon, mais combien de fois lui apprend-on vraiment à bien jouer ?

 

On me dira surement : « Mais tout le monde ne peut pas devenir surdiplômé, érudit ou savant ! ». Mais qui parle de devenir savant ? Et pourquoi le devenir ? Si nous nous instruisons pour devenir spécialiste dans un seul domaine, nous contribuons à la misère et au cloisonnement du monde ! Etre homme de science, et rien que ça, ne vaut rien et ne compte pas. L’intelligence lucide, étendue en tous sens, a seule de l’importance !

 

« En cela, le vagabond qui parcourt le monde synthétise beaucoup plus de connaissances et de richesses que le spécialiste enfermé dans son laboratoire… »

 

L’instruction seule n’a aucune importance en soi. Tant que l’éducation n’enseignera pas une synthèse de la vie, elle restera sèche et sans valeur !!  Toutes les instructions du monde empêchent-elles les hommes d’être déchiré, plein de contradictions et de peurs ? Non ! Au lieu d’encourager les différences entre individus, l’éducation doit montrer les rapprochements. Sinon, la vie continuera d’être une série de conflits, de guerres et de douleurs.

 

L’homme ne doit pas rechercher la seule instruction, mais la plénitude. La connaissance vraie est toujours porteuse de plénitude !!  Il doit chercher à connaitre ses possibilités, et à les réaliser, dans l’harmonie de sa personne.

 

Nous comprenons la vie à travers nos sens et nos prismes intérieurs. La première chose à faire devant un événement est de nous demander si nous l’avons bien vu, avec objectivité et non avec les émotions du moment. L’avons-nous vu en entier ? Et comment la verrons-nous demain ? Car beaucoup de personnes (parfois connues) jugent ! Ils jugent les autres, la morale, la religion, etc.  Ils entament alors des débats sur laquelle il y a souvent incompréhension automatique ! Pourquoi ? Parce qu’ils sont subjectifs, et voient les circonstances à travers un « moi » encombrés de tout un fatras inutile. « Ils sont pourtant convaincus d’avoir observé le plus correctement du monde ».

 

Atteindre l’objectivité est un des buts les plus nobles qui soient… Sans objectivité, on croit comprendre, alors qu’on ne fait que ressentir à travers un soi pétrifié ! L’objectivité n’est possible que par le dégagement de soi et la résolution des problèmes profonds et inconscients.

 

Dans l’objectivité lucide, l’homme atteint le rayonnement !  Il est alors une force calme, qui donne avec cœur et authenticité. Le rayonnement ne se trouve jamais dans la peur, la défense ou la faiblesse. Il se crée uniquement à partir de l’aisance mentale, ou l’homme n’a plus besoin de fuir ses problèmes. Devenus conscients, ceux-ci n’ont plus le moindre pouvoir de destruction !

 

Il ne faut pas admirer ce qu’il y a de grand chez certains. Cette grandeur n’est que le résultat de possibilités dégagées. Mais il faut déplorer ce qui manque chez d’autres, en regard de ce qui pourrait être… (Pour peu que le travail sur soi puisse s’effectuer).

 

 Ainsi, par la psychanalyse, l’homme lucide et courageux peut prendre pied dans la grande lignée des humanistes actifs. Son anxiété et ses angoisses se résorbent, par la grâce d’une joie retrouvée ; son équilibre devient un tremplin de départ, il monte alors vers de hauts sommets, avec des capacités accrues et résolument tourné vers les autres.

   

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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 18:11

Au Calhoun Community College, en Alabama, les étudiants sont responsables de connaître la matière avant d’arriver en classe. Sur place, ils travaillent ensemble sur des projets leur permettant de progresser dans leurs apprentissages, tout en menant des discussions significatives avec l’enseignant. Bienvenue à l’ère de la pédagogie inversée !

 

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Le concept de pédagogie inversée est très populaire ces temps-ci. L’idée a notamment fait du chemin avec la popularité grandissante de la Khan Academy, un espace Web qui fait la promotion de l’apprentissage libre et gratuit pour tous. Au Calhoun Community College, c’est la réalité de plusieurs groupes. Le modèle a été présenté à l’occasion d’une conférence Web organisée par eSchool News, un site américain d’information en éducation.

 

Dans les dernières années, le Calhoun Community College a vu sa clientèle augmenter de 25 % en raison de l’explosion démographique. Pour répondre à la demande, il a fallu trouver de nouvelles stratégies. L’équipe a décidé d’optimiser l’utilisation de l’espace en structurant encore plus le modèle d’apprentissage mixte (50 % en classe, 50 % virtuel) déjà offert, qui était apprécié des élèves, mais dont le taux de complétion n’était pas satisfaisant.

 

La pédagogie inversée s’y est imposée naturellement. « C’est une philosophie et non une méthodologie, note Bobbi Jo Carter, coordonnatrice de l’apprentissage numérique au collège. Chaque milieu peut l’adapter à ses besoins. » Le principe de base reste que toute la partie magistrale est dispensée de façon électronique (capsules vidéo, de lectures, de visites virtuelles, etc.) et le temps de classe est consacré au travail d’équipe, aux discussions et aux activités d’apprentissage actives. Concrètement, les élèves ont une période en classe par semaine et le reste se passe à distance.

 

On a remarqué que les enseignants avaient tendance à devenir des spécialistes de matière et non de pédagogie. La pédagogie inversée était donc la façon idéale de permettre aux enseignants d’étaler leur savoir dans des vidéos pour les contenus magistraux et, du même coup, d’engager les élèves dans des activités participatives et actives qui comprennent un important volet technologique. En effet, pour rejoindre les différents styles d’apprentissage, les enseignants sont encouragés à utiliser une variété de médias pour la portion en ligne.

 

« Dans la pédagogie inversée, le rôle de l’enseignant devient central, explique Alice Yeager, enseignante en développement de l’enfant. Il n’est plus uniquement le passeur de savoir, il doit être un guide accompagnateur. » Par exemple, il doit être bien présent pour ses élèves, répondre rapidement aux courriels, participer aux discussions en ligne, se tenir au fait de l’évolution de sa matière et rester pertinent, être très flexible en combinant le contenu scolaire et l’apprentissage personnalisé et enfin proposer des activités pertinentes, idéalement en lien avec l’actualité.

 

Elles servent néanmoins une mise en garde. La portion en ligne ne doit pas être constituée uniquement de vidéos. Après tout, un élève qui a de la difficulté à se concentrer en classe ne le pourra pas plus devant une vidéo de 50 minutes. Elles proposent plutôt de découper la matière en capsules de 5 à 10 minutes. Ensuite, elles insistent sur le fait que le temps de classe n’est pas uniquement consacré aux devoirs. « C’est une idée fausse largement répandue à propos de la pédagogie inversée. Le temps passé en classe ne sert pas à faire des devoirs, mais à approfondir les concepts et à corriger ce qui est mal compris. » Enfin, ce style de pédagogie ne doit surtout pas faire la promotion de l’apprentissage passif (regarder des vidéos, lire de longs textes) ni constituer un substitut pour l’enseignant.

 

Les facteurs de succès résident, selon Mmes Carter et Yeager, dans le partage des attentes avec les élèves. « Dès le départ, il faut expliquer de façon positive aux élèves ce qu’on attend d’eux et ce que cette façon de faire leur apportera. » Il faut que les élèves soient conscients que leur succès dépend de la préparation qu’ils feront avant de se présenter en classe. D’ailleurs, les conférencières disent ne pas avoir remarqué de problème particulier à ce niveau. « Il arrive qu’un élève soit mal préparé, mais c’est aussi le cas dans les modèles traditionnels. Il doit se débrouiller et peut parfois perdre des points, selon la façon de fonctionner de l’enseignant », expliquent-elles.

 

Chose certaine, il semble que les élèves adorent cette façon de faire. Ils disent aimer apprendre à leur rythme, ne pas être dérangés par d’autres élèves qui posent des questions impertinentes et ne pas avoir à rester assis à écouter un enseignant parler.

 

Au Calhoun Community College, on a observé que les étudiants d’un programme observant une pédagogie inversée ont obtenu des résultats nettement supérieurs à ceux des programmes réguliers ou en apprentissage mixte. De plus, ils ont été moins nombreux à ne pas se réinscrire à la session suivante.

 

Pourrait-on l’appliquer au niveau primaire ou secondaire? « Très certainement au secondaire, et sûrement au primaire jusqu’à un certain point », croit Aline Yeager

 

http://www.infobourg.com/

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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 17:32

Conférence et discussion prononcée par Bernard Stiegler le 26 août 2011, dans le cadre de l'académie d'été d'Ars Industrialis: Un must de l'anticipation qui apporte une pharmacologie théorique très efficace !

  

 

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15 septembre 2012 6 15 /09 /septembre /2012 12:01

L’un des derniers livres publiés par Bernard Stiegler, et qui s’intitule Prendre soin, de la jeunesse et des générations, a pour thème central la question de l’éducation et plus particulièrement l’école. Je voudrais tenter d’en présenter ici quelques idées directrices, car il me semble qu’il y a là de quoi mieux comprendre ce que l’on pourrait appeler le « malaise » voire la « dépression » scolaire.

  

Depuis déjà plusieurs années et parutions, ainsi qu’à travers l’Association Ars Industrialis , Bernard Stiegler théorise, œuvre et plaide en faveur de ce qu’il appelle lui-même une « écologie de l’esprit » : de même qu’il faut se soucier de la qualité des milieux naturels, afin d’assurer leur fécondité future, de même il faut se soucier de la nature des milieux « psychiques » dans lesquels naissent et se développent de futurs « esprits » .

  

Or la thèse majeure de Stiegler est que l’époque actuelle se caractérise par une tendance à la destruction des milieux propices au développement de « l’esprit » et du « désir » - ou si l’on veut de « l’intelligence », c’est à dire aussi d’individus humains « majeurs », autonomes et singuliers : contre cette tendance à la « bêtise », au « degré zéro de la pensée », qui génère aussi pour Stiegler une « dépression » et pour finir l’incivilité et l’irresponsabilité, il faut « trouver de nouvelles armes » et livrer une « bataille de l’intelligence ».

  

Mais ce qui fait la singularité de l’époque actuelle, c’est surtout un certain stade inédit du capitalisme, que Bernard Stiegler nomme parfois « capitalisme pulsionnel », parfois « populisme industriel », et qu’il définit, pour l’essentiel, ainsi : une économie de consommation, et non plus de production, à visée « comportementaliste », et dont le moteur se trouve dans la conjonction entre la « science » du marketing , le développement de la « société de services », et l’utilisation massive des medias analogiques puis numériques, que Stiegler appelle des « psychotechnologies ». Parce que l’enjeu, depuis les années 50-60, n’est plus tellement d’assurer la production mais plutôt la vente et la consommation des biens produits par un appareil structurellement en surproduction, les groupes industriels, devenus mondiaux, visent explicitement à s’assurer le contrôle comportemental des individus, c’est à dire leur « esprit », leur « désir », leur « identité » : or, pour Stiegler, les acteurs et les instruments essentiels de ce contrôle sont aujourd’hui les « industries de services » - qui produisent et vendent des « savoir-vivre » - et singulièrement les « industries de programmes » (télévision, cinéma, Internet, jeux vidéos, etc.) :

  

La question du XXIe siècle est celle de la révolution des modes d’existence humains, qui doivent devenir des modes de consommation en liquidant les savoir-vivre dans ce qui devient une économie industrielle de services dont les industries de programmes sont la base. C’est ce qui conduit à la destruction des milieux associés, c’est-à-dire des milieux symboliques, qui sont remplacés par des milieux dissociés, c’est-à-dire des milieux cybernétiques.

 

Pour le marketing, utilisant massivement les psychotechnologies des industries de programmes, il s’agit justement et littéralement de tenter de programmer nos désirs, de capter notre attention, c’est à dire aussi de « disposer » notre « cerveau », de le rendre « disponible », d’en « disposer », c’est-à-dire, au fond, de réduire notre subjectivité à son fonctionnement : et en vue de ce contrôle, le marketing trouve dans les « technologies de l’information et de la communication » de très puissants poisons, dans la mesure où celles-ci se révèlent fortement « psychotropes », s’inscrivant mieux que d’autres dans le flux même des consciences.

  

Mais d’autre part, dans son entreprise même, cette nouvelle logique capitaliste se heurte de plein fouet à ce que Bernard Stiegler appelle les « institutions de programmes », que sont en particulier l’institution familiale et l’institution scolaire. Ces institutions ont en effet pour fonction elles aussi de faire adopter des « programmes », des conduites, des savoir-faire et des savoirs aux nouvelles générations, et doivent pour cela « capter leur attention », et c’est pourquoi les familles et plus encore les enseignants se sentent souvent en rivalité directe avec les « programmes » télévisuels et plus généralement médiatiques. C’est pourquoi, inversement, les industries de programme, en particulier à travers la publicité, tendent à décrédibiliser l’autorité parentale ou professorale :

  

Les industries de programmes, en tant que bras armés de la télécratie, ont pour but de prendre le contrôle des programmes comportementaux qui régulent la vie des groupes sociaux, et donc d’en dessaisir le système éducatif, pour les adapter aux besoins immédiats du marché. Elles entrent ainsi nécessairement en lutte aussi bien avec les familles qu’avec les institutions de programmes (…).

 

Ce que les parents et les éducateurs (quand ils sont encore majeurs eux-mêmes) forment patiemment, lentement, dès le plus jeune âge, et en se passant le relais d’année en année sur la base de ce que la civilisation a accumulé de plus précieux, les industries audiovisuelles le défont systématiquement, quotidiennement, avec les techniques les plus brutales et les plus vulgaires tout en accusant les familles et le système éducatif de cet effondrement. C’est cette incurie qui constitue la cause première de l’extrême affaiblissement des établissements d’enseignement aussi bien que de la structure familiale.

  

Or il y a programme et programme, et c’est pour montrer qu’il y a tout de même de l’espoir - ou plutôt qu’il faut en avoir - que Bernard Stiegler développe une profonde analyse de l’école « de Jules Ferry », comme dispositif de formation de l’attention (rationnelle), et au-delà de la « majorité », fondé sur le livre. Il est en effet possible de faire adopter des programmes de telle manière que cette adoption soit aussi une véritable appropriation, par laquelle un sujet s’individue lui-même : pour Stiegler, l’individuation humaine passe toujours par l’appropriation d’un « fond pré-individuel » c’est-à-dire d’un héritage culturel qui constitue en cela comme un programme. Mais il y a aussi une manière de faire adopter des programmes à des individus qui consiste en et mène à leur dé-subjectivation ou dés-individuation : et pour B. Stiegler, les industries de programmes audiovisuels, telles qu’elles sont actuellement développées, tendent en effet à formater une « audience » - non à former un « public » -, et aboutissent à des « processus d’identification régressive » qui dégradent les sujets en « profils », « tranches » et « masses », les je – et le nous qu’ils composent ensemble - en on.

  

Après La Télécratie contre la démocratie, Stiegler revient donc dans ce livre sur la signification politique et philosophique qu’il accorde à l’institution scolaire telle qu’elle se met en place en France à la fin du XIXe siècle, sous l’égide de Jules Ferry : héritière des Lumières, elle est pour lui une institution de programmes dont la spécificité historique est qu’elle « vise à former une attention majeure », c’est-à-dire rationnelle, critique et citoyenne, à travers des disciplines constituées par et autour de  l’écriture :

  

L’école est ce qui forme l’attention, qui est toujours à la base de tout système de soin, mais ici [avec l’école de Jules Ferry], comme discipline rationnelle d’adoption instituée dans la psyché de l’élève en tant que savant (c’est-à-dire accédant rationnellement à un savoir) devant le public qui lit (et qui est d’abord la classe elle-même). Cette forme de l’adoption ainsi appelée la raison est une éducation à la fois comme transmission des circuits longs que constitue l’expérience humaine en totalité, et comme formation de nouveaux circuits longs, de personnalités autonomes, vouées à devenir majeures, et donc critiques, et tout d’abord auto-critiques : capables de lutter contre leur paresse et leur lâcheté natives, et toujours renaissantes, mais capables de renouveler le savoir dans cette lutte.

 

Autrement dit, l’école publique obligatoire de Jules Ferry, et l’infrastructure technique qui la supporte — l’industrie du livre — ont contribué à la formation d’un « public qui lit comme majorité », d’un public éclairé, et ce d’abord parce que ce dispositif scolaire a pour vertu de favoriser un certain type d’attention, rendu précisément possible par la pratique de la lecture et de l’écriture. Dans l’Antiquité grecque, déjà, le développement public de l’écriture alphabétique avait favorisé la constitution d’un nouveau type de savoir et d’un nouveau rapport au savoir – laïque, critique et rationnel -, dont les disciplines enseignées à l’école de Jules Ferry, et encore aujourd’hui, sont justement les lointaines héritières. Or, pour Bernard Stiegler, la pratique de l’écrit est en effet structurellement liée à ce qu’il appelle une « attention rationnelle ».

  

Le concept d’attention, très présent dans son travail depuis quelques années, est à prendre ici en plusieurs sens : Stiegler parle à la fois d’attention psychique et d’attention sociale, et fait entendre, parfois successivement, parfois simultanément, le sens perceptif ou cognitif (« être attentif ») et le sens pratique ou éthique (« faire attention », prendre soin). Nous nous concentrerons d’abord ici sur ce qu’il dit de l’attention au sens psychique, c’est-à-dire, grossièrement, la capacité d’un esprit à saisir – c’est à dire aussi à constituer - son objet.

  

Commentant notamment des travaux récents qui paraissent établir un lien de causalité entre l’attention deficit disorder dont souffrent un nombre croissant de jeunes américains et l’omniprésence autour d’eux depuis la toute première enfance de postes de télévision et autres instruments de stimulation auditive et visuelle, Bernard Stiegler commence par dresser un tableau inquiétant des conditions actuelles de développement du cerveau humain dans un milieu qui lui serait devenu particulièrement toxique : la synaptogenèse d’un très jeune enfant surexposé à ces sollicitations audio-visuelles aurait pour caractéristique de rendre plus difficile sa concentration profonde ou durable ultérieure, telle qu’elle sera notamment requise par l’école. Selon les termes employés par ces études, ce nouveau contexte rendrait plus incertaine la pratique future d’une deep attention (littéralement attention profonde) et favoriserait au contraire une hyper attention,  caractérisée par « les oscillations rapides entre différentes tâches, entre des flux d’information multiples, recherchant un niveau élevé de stimulation, et ayant une faible tolérance pour l’ennui (…) ».

 

Au delà de ce point de vue neurologique, Stiegler explique en quoi la réception des objets audiovisuels suscite et développe chez le sujet une toute autre attitude psychique que celle du livre. Une première différence tient au fait que l’opération de la lecture est commandée par le lecteur lui-même alors que celle de la perception audiovisuelle est asservie au temps de l’appareil mécanique de projection : il en découle que le temps de la lecture (et de l’écriture) est en droit un temps « libre » ou souverain, le temps de l’examen et de l'observation « à loisir », d’une certaine maîtrise attentionnelle de l’objet ; alors que le spectacle audiovisuel a d’abord pour effet de capter le temps de conscience du spectateur, et tendance à l’entraîner passivement dans son cours. A cette différence s’y articule une autre : savoir lire c’est nécessairement savoir aussi bien écrire, et réciproquement, alors que le spectateur audiovisuel est le plus souvent réduit à une position de consommateur non producteur. Or ce que Stiegler appelle « misère symbolique » tient notamment à cette dissociation entre des individus producteurs de symboles et la grande masse de ceux qui les reçoivent en ne pouvant que les consommer sans être capables d’en émettre à leur tour. Enfin, c’est le caractère singulier et singularisant de la transmission scolaire à travers l’écrit — et la médiation  décisive du « maître » — qui doit être opposé à la dimension massivement industrielle  et grégaire de la diffusion des programmes audiovisuels : ceux-ci ont la plupart du temps pour effet et même pour fonction de produire une « synchronisation » des consciences — de leur perceptions, de leur souvenirs, bref de leur expérience, qui devient ainsi plus proche d’un conditionnement —, là où l’on peut soutenir que l’enseignement scolaire et livresque, au contraire, tel que l’école de Jules Ferry en généralise le principe à l’ensemble de la société, vise en principe la formation d’individus singuliers, c’est à dire porteurs d’un rapport à chaque fois inédit au savoir dans son ensemble : ainsi, en droit et en fait, dans la plupart des cas et même lorsqu’elle est pratiquée en commun — comme dans une classe —, la lecture est une opération foncièrement individuelle, qui à la fois requiert et développe une attitude d’attention mono-centrée, appelée « concentration » ou encore « deep attention ».

 

Mais tout ceci n’est vrai qu’en termes de tendances. Ainsi le livre peut bien être — et a effectivement été parfois par le passé — le vecteur d’un dogme ou d’un « catéchisme » et l’instrument d’un conditionnement mental, mais il peut aussi bien et dans le même mouvement donner lieu à un rapport critique et libre, dans la mesure où un texte est par principe ouvert à l’infinité des interprétations, du fait de sa littéralité. De même, les objets audiovisuels, s’ils sont de fait et actuellement produits et utilisés avant tout en vue d’une captation synchronisée et massive du « temps de cerveau humain disponible », peuvent aussi être l’occasion d’une authentique formation de l’attention critique et du goût, comme en témoigne en particulier le cinéma lorsqu’il prétend à l’art :

 

Je ne veux évidemment pas dire qu’un objet temporel audiovisuel ne permet pas de créer une attention profonde. Je veux dire en revanche qu’en tant que pharmakon, il présente des caractéristiques qui sont aujourd’hui mises au service, dans le contexte des industries de programmes, d’un dispositif de captation de l’attention qui est essentiellement destructeur — tout comme l’hyper-sollicitation de l’attention qui engendre du déficit attentionnel —, alors même que, de toute évidence, le cinéma est un art, il sollicite et construit une deep attention, et il est en cela le remède de ce poison.

 

La question décisive est alors celle-ci : comment faire en sorte que le nouveau milieu technique dans lequel se développent désormais les cerveaux et les esprits des nouvelles générations ne leur soit pas « toxique » ? ou  encore : comment l’école, notamment, peut-elle poursuivre son ambition authentiquement formatrice tout en tenant compte du nouveau contexte des industries de programme dans lequel est d’emblée plongée la jeunesse contemporaine ?

  

Pour Stiegler, il s’agit là d’un enjeu proprement politique, et qui doit prendre la forme d’une certaine « thérapeutique », d’un prendre soin, dont l’un des premiers mouvements doit être pour les puissances publiques de contrôler l’industrie culturelle — comme l’on contrôle déjà par exemple l’industrie pharmaceutique — afin de limiter au minimum leurs effets toxiques et addictifs. Mais il s’agit aussi, parallèlement et plus activement, de « transformer le poison en remède », c’est-à-dire de développer les vertus formatrices de ces nouveaux produits spirituels, de favoriser leur appropriation critique — notamment au sein même de l’école —, afin qu’ils échappent à la fonction de conditionnement qui leur est assignée par les industries de programme : bref, de transformer ces « psychotechniques » de contrôle et « nootechniques » de formation sprituelle. Tout ceci devrait constituer l’armature de ce que Stiegler nomme une « psychopolitique » et qu’il définit ainsi :

  

La question n’est donc pas de rejeter les psychotechnologies, ni les industries culturelles : elle est de transformer les psychotechnologies en technologies de l’esprit, en nootechnologies ; elles de révolutionner ces industries, qui sont devenues l’infrastructure organologique de la bataille de l’intelligence, qui est elle-même une guerre économique, et dont elles sont l’arsenal — en les soumettant à des contraintes de régulation adaptées à cette situation, mais aussi en les dotant de secteurs de recherche et de développement, dont elles sont de nos jours totalement dépourvues (particulièrement en Europe et en France), et en soutenant ces secteurs par un programme cadre de recherche national et européen.

  

La finalité d’un tel programme devrait être de créer, entre le système éducatif que forment les familles, les écoles, les collèges, les lycées et les universités, d’une part, et d’autre part le système éditorial, dont les industries culturelles et de programmes sont devenues le principal secteur, un nouveau système de soin au service d’un modèle industriel repensé en fonction de cette priorité : la transformation organologique de l’intelligence individuelle et collective — dans et par un modèle industriel ayant dépassé l’époque du consommateur.


Et plus loin :

 

Questions environnementales, politique industrielle, politique éducative, règles encadrant les médias de masse, politique des nouveaux médias : tout cela constitue une seule et même question, et on peut l’appeler la bataille contemporaine de l’intelligence — une bataille incomparable au regard de toute l’histoire de l’humanité. Il s’agit ici non seulement d’écologie (de l’esprit et par voie de conséquence des environnements naturels où vivent et que transforment les êtres pharmacologiques que nous sommes), mais d’hygiène, c’est-à-dire de soin au sens le plus classique qui soit.

  

En tout cas, et pour en revenir plus précisément à l’éducation et à l’école, il me semble que les thèses de Bernard Stiegler fournissent le cadre général et fondamental permettant à la fois de comprendre ce que j’ai appelée plus haut le « malaise » de l’école, et de commencer à y répondre : ce cadre est d’abord celui d’une lutte, voire d’une guerre, entre industries de programmes et institutions de programmes, entre la logique à court terme, et en cela mortifère, du « temps de cerveau disponible » — et plus généralement du capitalisme « culturel » ou « cognitif », lui-même soumis au capitalisme financiarisé et spéculateur —, et la logique à long terme de la formation d’individus « majeurs » et responsables, telle que celle-ci fut portée par la plupart des formes historiques de l’école, et en particulier par l’école publique de Jules Ferry issue de l’esprit des Lumières.  

 

- Julien Gautier pour http://skhole.fr/

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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 11:16
Des adolescents condamnés pour meurtre, des collégiens rackettés par leurs camarades, des agressions dans les trains, les métros, les autobus... La violence, même dans nos pays tranquilles, ne se laisse guère oublier !
  

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  Philosophe, André Comte-Sponville a notamment publié Le Bonheur, désespérément (Pleins Feux), L’Amour, la Solitude (Albin Michel) et Petit traité des grandes vertus (Livre de Poche).

 

 

L’horreur reste toujours possible. La paix, la sécurité, toujours fragiles. La douceur, toujours improbable...


L’homme est un loup pour l’homme, c’est par quoi il est pire que les loups. Aucune bête n’aime à tuer ses semblables. La guerre est le propre de l’homme. Pourquoi ? Parce que les hommes sont violents. Parce qu’ils sont rivaux. Parce qu’ils sont vaniteux.

 

Qu’est-ce que la violence ? C’est l’usage immodéré de la force.


La modération, comme toute vertu, est acquise. La violence est donc première : c’est la force native, la force brute et brutale. Qu’elle soit toujours déjà là, c’est ce que cache la faiblesse du nouveau-né. Mais regardez ses colères, ses cris, ses petits poings qui se crispent… Laissez-le grandir sans frein, sans amour, sans éducation, vous aurez un monstre parfait : la violence faite homme, l’homme abandonné à sa propre violence.

 

Pourquoi les hommes sont-ils violents ? Parce que ce sont des animaux, et que les animaux, presque tous, sont violents.


Parce que ce sont des mâles, et que les mâles, dans notre espèce comme dans beaucoup d’autres, sont plus violents que les femelles. Croyez-vous que ce soit par jeu qu’on castre les taureaux ? Je n’ignore pas que plusieurs faits divers récents mettaient en cause des jeunes filles… Mais j’y vois une exception, souvent pathologique, davantage qu’une règle. Qu’une femme puisse être violente, c’est une évidence. Mais qu’un homme puisse ne pas l’être, ce serait plutôt une surprise ou un mystère. Le moindre wagon de bidasses en dit long sur la masculinité, comme le moindre groupe de supporters… J’ai tort ? Très bien. Supprimez la police dans les stades, et voyons…

 

Mais les hommes ne sont pas seulement des animaux, ni des mâles. Ce sont aussi des rivaux...


...que leurs désirs rapprochent et opposent. Ils désirent tous les mêmes choses, qu’ils ne peuvent tous posséder, et ils les désirent d’autant plus que d’autres les désirent également ou en jouissent… Comment ne seraient-ils pas jaloux de ce qu’ils n’ont pas, ou craintifs pour ce qu’ils ont ? Que les jeunes de nos cités aient la haine, quand ils viennent sur les Champs-Elysées, quoi de plus compréhensible ? Tant de luxe, tant de tentations, tant d’injustices… Et que d’autres craignent pour leurs biens, quoi de plus humain ? La haine nourrit la peur, qui nourrit la haine. J’ai tort ? Très bien. Supprimez la police dans les rues, et voyons…

 

Les hommes sont aussi vaniteux.


Cela signifie qu’ils désirent être reconnus, estimés, admirés, et surtout qu’ils ne supportent ni le mépris ni la honte. Ils vivent dans le regard de l’autre, et pour ce regard. Combien tueraient, s’ils le pouvaient sans risque, pour une blessure d’amour-propre ? J’ai tort ? Très bien. Supprimez la police, les tribunaux, les prisons, et voyons…

 

La violence n’est ni un accident ni une dégénérescence. Elle est constitutive de l’animalité, de l’humanité, de la sociabilité.


Pas de société sans forces et sans rapports de forces, pas de société sans désirs, sans rivalités, sans vanités : pas de société sans violence.

 

Plutôt que de s’étonner que la violence existe, il faudrait plutôt s’étonner qu’elle fasse place, parfois, souvent, à de l’ordre, à de la paix, à de la tranquillité, à de la concorde.


Tous ces gens dans le métro qui se serrent pour vous laisser entrer, qui s’excusent quand ils vous bousculent, qui vous renseignent quand vous êtes perdus… La peur est l’exception. La haine est l’exception. Parce que l’amour domine ? Ne rêvons pas. Parce que la prudence domine. Parce que l’intelligence domine. Parce que la violence est contrôlée, maîtrisée, surmontée. Comment ? Par des signes, ce qui est politesse. Par des menaces, ce qui est police. Par un certain équilibre des forces et des intérêts, ce qui est politique. Enfin par certaines valeurs, certains interdits, certains exemples, ce qui est morale.

 

" L’Etat, disait Max Weber, a le monopole de la violence légitime. " Et l’individu, ajouterai-je, celui de la douceur nécessaire. C’est pourquoi nous avons besoin de policiers, et c’est pourquoi la police ne suffit pas.

 

www.psychologie.com

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