4 janvier 2013 5 04 /01 /janvier /2013 17:29

Françoise Bonardel, Philosophe, écrivain, Professeur à l'université de la Sorbonne, elle a écrit de nombreux ouvrages et articles sur les "orients" de la philosophie que sont gnose, mystique, poésie et surtout alchimie à laquelle elle consacre plusieurs études : "Philosophie de l'alchimie" ( PUF,1993), "Philosopher par le Feu" (réédition Almora, 2008) et "La Voie hermétique" ( Dervy, réédition 2011).

 

Athanor

 

Qu'est-ce que l'alchimie, objet de bien des spéculations et rêveries ? Un art du Feu qui, mariant ciel et terre, corps et esprit par une succession de dissolutions et de coagulations (solve et coagula), accomplit le dessein secret de la Nature, guide infaillible sur la voie conduisant à la réalisation du Grand Œuvre, à la réalisation de soi à travers l'alliance des forces opposées (de la matière et de l'esprit noétique). Cheminant durant des siècles à côté du christianisme dont il a souvent intégré les symboles à sa propre imagerie, l'Art d'Hermès s'est singularisé par l'attention portée au mystère de la Vie et par sa volonté de tracer une voie " moyenne " entre raison, croyance et philosophie.

 

 

Rien ne saurait donc remplacer une confrontation directe aux textes, déjà traduits ou encore inédits, pour faire sortir de l'ombre où l'a reléguée la science moderne une tradition vieille de deux millénaires et qui mérite d'être redécouverte, tant en raison de l'importance de son corpus que de sa richesse symbolique et spirituelle. Des alchimistes grecs aux peintres et poètes surréalistes, l'intérêt persistant porté à l'alchimie traditionnelle plaide en faveur de cette quête d'immortalité inscrite au plus profond du cœur et de l'esprit humains.

 

Le propre d'une tradition étant de fidèlement transmettre tant le contenu que l'esprit d'un savoir ancestral, cette anthologie rassemble l'essentiel des textes canoniques présentés dans un ordre chronologique - quelques dizaines de traités selon Eugène Canseliet - assortis d'une iconographie où se mêlent images traditionnelles et créations, modernes ou contemporaines, librement inspirées par l'alchimie.

 

L'alchimie avec Françoise Bornardel

 

 

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4 janvier 2013 5 04 /01 /janvier /2013 15:39

« Lorsque vous ferez les deux êtres en un, et que vous ferez le dedans comme le dehors, et le haut comme le bas ; et si vous faites le mâle et la femelle en un seul, afin que le mâle ne soit plus mâle et la femelle ne soit plus femelle, alors vous entrerez dans le royaume. » St-Thomas.

  

    amor

 

1- Tant d’amours et si peu d’amour !

 

Si l’amour entre deux personnes se révèle être une prison affective plutôt qu’un affranchissement, dans la plupart des cas, où pourrait-on placer la liberté de l’âme et de l’esprit dans les rapports amoureux ? Et sous quelles conditions ?

 

Le nombre « d’amour prisons » est considérable : l’amour piège, l’amour fatalité, l’amour douleur, l’amour solitude, l’amour destruction, l’amour anéantissement, l’amour nostalgie, l’amour obsession, l’amour renaissance, l’amour oedipe… cannibale, possession, exclusion, et ainsi de suite.

 

Ces amours-là sont cependant souvent bénies par ceux et celles qui en savent la souffrance passionnée. Existent également : l’amour errance, l’amour changement, l’amour passager… oubli, regrets, attente, doutes et illusions. A quoi il faut ajouter la somme immense des amours édulcorés et des passions éteintes. De nos jours, l’amour de soi prédomine également, accompagné de son cortège névrotique : être accepté, être reconnu à tout prix, ne pas se sentir rejeté, être aimé à n’importe quel prix !

 

Il y a aussi le besoin d’aimer plutôt que d’être aimé, ou l’inverse. Il existe l’amour entre deux individus, l’amour du monde… Il se présente autant de formes d’amour que de systèmes neuropsychiques différents. Et finalement, s’accroche t-on à l’amour, ou aux illusions qu’il répand le plus souvent ?

 

Non seulement, beaucoup de formes d’amours sont une négation pure et simple de la liberté de soi, mais elles présentent une ambiguïté à travers laquelle il est fort difficile de détecter une authenticité, et de savoir à quel moment et sous quelles conditions on cesse de s’aimer soi-même par l’intermédiaire de l’autre.

 

2- L’amour et la subversion

 

Tout amour intense, passionnel ou non, représente une forme de subversion (voir l’article « La longue veille »). L’amour n’écoute pas la loi du père. Il n’entend que ses évidences intérieures. Cette subversion est logique : l’amour, qui semble être la manifestation d’une formidable source d’énergie, a été codifié et canalisé par un réseau de lois sociales, instituées par des moralistes patriarcaux (un de mes rare désaccord avec Freud), enrobés de paraître et de décorums absurdes (imagine t-on un mariage, si il avait lieu dans le silence et le recueillement ?)

 

On constate cependant une ruée vers une liberté encore mal définie. Sont remises en question les notions de morale, de possession exclusive, de fidélité et d’attachement obligatoires. C’est une subversion latente ; elle n’est pas l’aboutissement d’une longue gestation intérieure, mais un point de départ chaotique. C’est la lutte, ici encore, contre les codifications extérieures bâties séculairement par l’homme (le père) et qui ne présentent d’autres justifications que l’idée abstraite et indéfinissable du « devoir », de « l’honneur » et de la prolongation du nom !

  

(Notons ici que les lois du père, quand elles sont savamment dosées, permettent d’apprécier et de savourer intensément l’amour, car les difficultés dictées par les normes renforcent les liens entre les amoureux, et donnent une valeur fondamentale à cette notion encore naissante de don de soi à l’être aimé.)

 

Cette subversion ne se fonde pas encore sur des évidences intérieures. Mais il n’empêche qu’elle s’amorce et, de ce fait, existe. Cette « révolution » rejette toute loi étrangère à l’âme et se dirige, à coup de remous, vers une perspective intérieure qui est celle de « l’âme du monde »… comprenne qui pourra… (Voir le dernier ouvrage de Frédéric Lenoir, sociologue).

 

Le « Tristan et Yseult » de Thomas en 1175, se termine d’ailleurs par :

« Thomas achève ici son livre. Il salue tous les amants, les méditatifs, les passionnés, les sensuels, et ceux que le désir brûle, et ceux qui vivent le plaisir, ainsi que tous les auditeurs de son roman. (…) Puissent-ils en tirer un enseignement salutaire contre l’inconstance, contre l’injustice, contre la souffrance et contre tous les pièges de l’amour ! »

 

3- Un appétit sublime

 

« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant,

D’une femme inconnue et que j’aime, et qui m’aime,

Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même

Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend. »

Paul Verlaine.

 

L’amour ressemble à une quête de l’impossible. Chacun se heurte impitoyablement à des limites, situées fort loin d’une source ressentie comme inaccessible. Formidable moteur cependant des activités humaines, il engendre ainsi de non moins formidables nostalgies !

 

Le monde entier s’adresse à l’amour abstrait et sans visage, simple espoir devant l’inaccessible. La notion d’amour est pareille à un gaz en provenance d’un ailleurs et qui s’infiltre dans le moindre des logis aux portes closes. Le monde entier tâtonne… Les cathédrales, les poésies, les peintures lancent leurs hymnes à l’amour. La physique moderne cherche la source de toutes choses, les super télescopes écoutent le ciel dans l’attente de lointains messages, et captent en attendant la lumière fossile née avec notre univers. Ainsi, la recherche de l’amour, sous toutes ses formes, conduit la planète, ainsi que la marche des civilisations qui se succèdent.

 

Mais « amour » est un mot dont nous nous servons, faute de mieux, pour désigner nos attirances affectives. Voici un simple sourire que nous échangeons dans la rue avec un (ou une) inconnu(e). Et l’âme, si elle n’est pas trop abîmée ou pervertie, s’illumine ! Pourquoi cette flambée à partir d’un acte pourtant élémentaire ? Que cherchons-nous en nous servant de ce que nous appelons « l’amour » ?

 

Si l’amour est un appétit sublime, nous n’en voyons que les manifestations dérisoires, limitées, apeurées et changeantes. L’amour exige t-il cette errance ? Ou la source est-elle si puissante que nous ne pouvons que balbutier et tâtonner lamentablement face à elle ?

 

Car il doit y avoir quelque part une source objective, un émetteur, une puissante « centrale de distribution » (pas Fukushima de préférence), un archétype de Jung, qui nous forme et nous informe, et déclenche les multiples manifestations "du plus étrange phénomène qui régisse l’humanité depuis l’aube des temps"…

 

4- La « passion » du voyage

 

« Celui qui se perd dans sa passion a moins perdu que celui qui a perdu sa passion ». Saint Augustin.

 

L’amour décroche parfois vers un fabuleux voyage : celui de la passion. Fascinante, dévorante, apparemment absurde, refoulée par l’inconscient occidental moderne, vilipendée par les moralistes et les âmes normalisées, la passion a décliné. On joue souvent à la passion, on ne se perd plus en elle ! On se convainc, on triche, on se veut atteint de passion ; on n’en vit plus la profonde et mystique brûlure… Le feu qui couve se projette alors sur certains films dits d’amour, les séries américaines où s’agitent héros et héroïnes attiédis. « On devient passionné par procuration ».

 

La puissance luciférienne de la passion a largement disparu en amour. Elle s’est dégradée dans l’exaltation d’instincts élémentaires ; instincts alimentés par un hédonisme prôné et grandissant : génitalité de faible niveau par exemple, où il est manifeste que l’on cherche inconsciemment « autre chose ».

 

La façon même dont on parle de passion dans les mensuels, les médias, marque cette insignifiance (si ceux-ci me lisent, vous remarquerez bientôt dans les kiosques leur empressement à pallier à ce problème).  Qu’est devenue l’exaltation d’Yseult, fille de roi et femme d’Irlande, sinon la tiédeur de celles qui ont marqué leur soumission à des dogmes sociaux bien établis ? Qu’est devenue la puissance féminine d’Yseult (voir l’article : Femme et féminité, source de la puissance d’exister) sinon le non-sens des femmes « bling-bling » et « immatures » d’aujourd’hui ?

 

Quant à Tristan, il s’est transposé le plus souvent dans la nuée des « dragueurs lambdas » qui, au jour le jour et sans le savoir, cherche un autre monde qui les dépasse… Pourquoi et à partir de quoi la passion fut-elle refoulée dans l’âme occidentale, mais hypocritement couvée cependant par ces mêmes âmes ?

 

Il existe en premier lieu une absurdité paradoxale. L’occidental moyen éprouve une sorte de haine inconsciente envers l’amour en général (la haine est en effet récurrente chez les occidentaux depuis plus d’un siècle, sans compter la contagion mondiale qu’elle provoque), et la passion en particulier. Cet occidental normalisé ne supporte pas les gens qui se montrent heureux, par amour ou autrement. Pas plus qu’il ne tolère ceux qui se montrent indifférents aux normes et aux critères habituels.

 

L’homme moyen honnit la confrontation entre son manque de bonheur intérieur, et le bonheur des « nantis » affectifs ! L’homme alors, hait ce qui ravive sa plaie foncière : la nostalgie d’un amour et d’un bonheur non réalisés. Ce n’est pourtant pas faute de lui expliquer qu’il faut tout d’abord regarder dans « son assiette » avant toute quête d’un bonheur sublimé.

 

Nombre de cliniciens dénoncent la passion comme dangereuse et aberrante. L’est-elle réellement ?

 

Elle est dangereuse pour les affectivités faibles, si toutefois ces dernières sont capables de passion réelle. La passion a conduit au meurtre et au suicide, à l’obsession, à certaines dégradations physiques et mentales. Mais elle est et reste foncièrement un voyage vers un ailleurs, où l’on s’abîme dans la fusion réalisée avec l’autre ; les pulsions se transforment alors en spiritualité (Freud : La sublimation des pulsions), deux personnes se fondent en une, dans la sensation d’une éternité possible !

 

6- Mais où est la liberté ?

 

Il est inutile de chercher la moindre liberté individuelle dans la passion. Elle ne s’y trouve jamais… Entre la passion et la liberté du Moi, règne une totale incompatibilité, cette liberté ne se recouvre que lorsque chacun des partenaires redevient lui-même ; ce qui marque d’ailleurs la fin de la passion et de la fusion qu’elle produit. Celle-ci aura alors accompli sa boucle hypnotisante !

 

En attendant, c’est par la passion que naissent les plus beaux poèmes, les musiques les plus sublimes, les philosophies les plus hautes, les architectures éternelles. Malgré sa fugacité, ce fabuleux mariage de l’animus et de l’anima se révèle comme « la richesse du monde et le véhicule du génie humain », à travers les siècles. Il est d’ailleurs heureux que l’être humain conserve sa vie durant, l’âge d’effeuiller les marguerites ou de se cajoler dans les coquelicots…

 

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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 13:02

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1 – VIE DE PIERRE JANET

  

Pierre Janet naît rue Madame à Paris, le 30 mai 1859, de Jules Janet et Fanny Hummel. La famille Janet compte alors plusieurs personnalités : Louis, libraire et auteur, Gustave et Ange-Louis (dit Janet-Lange), graveurs célèbres du 19ème siècle. Son oncle Paul, philosophe reconnu du spiritualisme éclectique fondé par Victor Cousin, marque sa jeunesse. Paul Janet, cousin de Pierre, dirige la prestigieuse École Supérieure d’Électricité de Paris, qui deviendra SUPÉLEC, encore dotée aujourd’hui d’un amphithéâtre « Janet ».

 

Pierre Janet passe son enfance à Bourg-la-Reine « dans une petite maison au grand toit d’ardoise », au fond de l’Allée Gabrielle d’Estrées au n°5. Elle sera détruite en 1958 et remplacée par une résidence. Dans le jardin, il se livre à une de ses grandes passions : la botanique. Il fréquente le Collège Sainte Barbe des Champs à Fontenay-aux-Roses, puis le lycée Sainte Barbe de Paris.

 

A l’adolescence, il traverse une crise douloureuse et perd ses convictions religieuses. Il se passionne alors pour les questions relatives à la volonté, aux sentiments et à la croyance. A l’époque, la psychologie n’est pas encore enseignée, ces thèmes relèvent du domaine de la philosophie, aussi choisit il cette voie pour ses études. En 1879, il entre à l’École Normale Supérieure, où il devient l’ami d’Henri Bergson arrivé l’année précédente. Il obtient son agrégation de philosophie en 1882 puis son doctorat en 1889 (la famille Janet détient le record ex-aequo, du nombre de diplômés de l’École Normale Supérieure). Il enseigne au Lycée du Havre pendant près de 7 ans et gardera tout sa vie un intérêt marqué pour cette discipline : il rédige en 1894 un « Manuel du baccalauréat » de philosophie, qu’il ne cesse de remanier jusqu’en 1923.
 
En cette fin du 19ème siècle, la médecine commence à s’intéresser aux questions psychologiques. T. Ribot en a dessiné le cadre, et à la Salpêtrière, Charcot soutient l’hypothèse de l’origine psychologique des troubles hystériques, la reliant au somnambulisme. Pierre Janet convaincu de l’importance de ces recherches, prend l’habitude de s’occuper bénévolement des aliénés (l’hôpital psychiatrique du Havre est aujourd’hui l’un des deux au monde à porter le nom de Pierre Janet, avec celui de Hull au Canada).
 
Combinant les avancées de Ribot et de Charcot, Pierre Janet considère la pathologie mentale comme une expérimentation naturelle sur le psychisme humain, dont l’interprétation est la voie royale vers les lois de la psychologie normale. Il insiste sur le fait que les phénomènes psychologiques les plus étranges chez ses patients comportent toujours une logique, une sorte d’intelligence. Pour en rendre compte, il se réfère à une tradition philosophique allemande qu’il connaît bien, illustrée par Hartmann et sa théorie d’un « inconscient ». Afin d’éviter l’amalgame avec ces travaux philosophiques qui n’avaient pas été étayés par l’expérimentation psychologique, il le remplace par le terme de « subconscient », qu’il crée pour l’occasion. Pour la première fois, les névroses hystériques reçoivent à la fois une explication théorique et son application, un traitement « moral » adapté. Cette démarche lui permet, dès 1885, de publier des résultats fondamentaux sur les caractéristiques de l’hypnose et de l’hystérie, grâce au concept de dissociation auquel il donne sa forme moderne. Il établit également, le premier, le rôle des souvenirs traumatiques dans la maladie de ses patients. Ces deux avancées majeures font de lui le fondateur de la psychopathologie moderne.

 

Ces premiers travaux sont détaillés dans sa thèse de philosophie "L'Automatisme psychologique" (1889), qui reçoit immédiatement un grand retentissement (à l’heure actuelle, son livre le plus réédité). Réfutant Condillac et la tradition associationniste, critiquant Maine de Biran, s’appuyant en autres sur Ribot et Charcot, sur la tradition du « magnétisme animal » depuis Mesmer, ainsi que sur les témoignages séculaires d’états mystiques et spirites, Pierre Janet montre que l’élément premier de la psychologie n’est ni la perception, ni la raison, ni l’effort, mais l’action. La psychologie doit être une psychologie des conduites, c’est-à-dire des actions avec conscience. La synthèse de ces recherches bibliographiques historiques et de ses propres expérimentations de psychopathologie lui permet d’établir une hiérarchie des phénomènes psychologiques normaux, des plus automatiques (réflexes, agitations) aux plus élaborés (conduites sociales et expérimentales). Ce faisant, il fonde la psychologie comme discipline autonome, en l’émancipant de la philosophie, de la physiologie et de la médecine. Sa thèse impressionne Charcot, qui lui confie alors la direction de son laboratoire de psychologie à la Salpêtrière.

 
Pierre Janet s’installe à Paris, où il habitera pendant quarante ans au n° 54 de la rue de Varenne. Il enseigne la philosophie au lycée Louis-Le-Grand puis au collège Rollin et au lycée Condorcet et la psychologie à la Sorbonne. Dans le même temps, il s’engage dans une thèse de médecine, qui lui vaut son deuxième doctorat en 1893. Il se marie en 1894 avec Marguerite Duchesne, dont il aura trois enfants, Hélène, Fanny et Michel. L'ironie de l'Histoire voulut que la fille de P. Janet, Hélène, épousa E. Pichon, Médecin des Hôpitaux, Pédopsychiatre, linguiste et l'un des Pères fondateurs de la Société Psychanalytique de Paris, futur Maître de Françoise Dolto (inhumée aussi à Bourg la Reine) et de Lacan,.

  

En 1901 il fonde la Société de Psychologie, deuxième au monde après celle des Etats-Unis, qui deviendra plus tard, et jusqu’à aujourd’hui, la Société Française de Psychologie. En 1902, il est nommé Professeur au Collège de France, à la chaire de « Psychologie expérimentale et comparée », laissée vacante par T. Ribot. En matière d’enseignement, il se consacre alors entièrement à cette charge. Il conserve par ailleurs sa pratique de psychothérapeute privé ainsi que ses activités de psychologie expérimentale à la Salpêtrière, qu’il arrêtera en 1910 après la fermeture de son laboratoire. Il fonde en 1903 le Journal de Psychologie Normale et Pathologique.

  

Jusque dans les années vingt, Pierre Janet déploie deux activités principales : d’une part il développe sa psychologie appliquée, l’étude expérimentale des pathologies, publiant une impressionnante somme de résultats et leurs interprétations sous forme de livres et d’articles de recherche, souvent traduits en plusieurs langues, et qui constituent aujourd’hui la base la plus active de sa redécouverte contemporaine et d’autre part, dans ses leçons au Collège de France, il construit une psychologie fondamentale de la conduite normale dont les croyances, les sentiments et la volonté sont les principaux thèmes. Il est invité dans le monde entier pour donner des cours et des conférences, parfois plusieurs mois d’affilée, où son succès international est considérable.

 

À partir de ce moment là,  Pierre Janet développe sa psychologie fondamentale, celle des croyances et des sentiments. En ayant exposé les principes dès les années dix au Collège de France, il élabore désormais une psychologie des « tendances » qui englobe et fonde la psychologie des conduites commencée dès les années quatre-vingt. Sa hiérarchie des conduites, en devenant une hiérarchie des tendances, s’ancre dans la biologie évolutionniste de son temps, en même temps qu’elle soutient et suscite une ouverture de plus en plus nette à divers courants de la psychologie qui donneront plus tard son visage à la recherche contemporaine : psychologie animale, psychologie de l’enfant, psychologie des populations traditionnelles. Ces travaux inspirent directement Jean Piaget, par exemple, dont les premières recherches peuvent être considérées comme la suite de celles de Pierre Janet.

  

Pierre Janet cesse son enseignement au collège de France en 1934, mais reste actif en publiant encore de nombreux articles de recherche dans diverses revues internationales, en recevant toujours des patients, et en participant à divers colloques en France et à l’étranger, où il est invité. Peu de temps avant sa disparition, il travaillait à une vaste synthèse, restée inachevée et inédite, sur la hiérarchie des types de croyances, immédiates, réfléchies, expérimentale, et leur développement dans l’histoire sous les formes de la religion, de la philosophie et de la science. Il meurt le 27 février 1947 d’une congestion pulmonaire. Il est inhumé à Bourg-la-Reine aux côtés des siens, et depuis 2003, sa tombe est entretenue et fleurie par la municipalité.

 

2 – LA PSYCHOLOGIE DE PIERRE JANET

 

La psychologie de Pierre Janet présente des caractéristiques qui la rendent particulièrement intéressante de nos jours : elle est une psychologie intuitive, répondant à nos questions spontanées sur la nature de nos sentiments, les oscillations de notre volonté et les propriétés de nos idées ou croyances. Elle s’est aussi déployée dans le cadre de la recherche internationale, s’assurant ainsi la caution de la seule institution, à l’époque comme aujourd’hui, qui ait jamais été dotée d’une procédure de critique, propre à différentier les « savoirs » d’idées lancées à la volée directement au grand public. Il est à noter qu’aucun système de production des connaissances psychologique ne présente plus, aujourd’hui, ces deux caractéristiques à la fois : les théories « psychologiques » sont légion, mais privées, libres de toute vérification des connaissances, et les résultats de la recherche en psychologie sont – hélas – très éloignés de nos préoccupations intuitives quotidiennes. Enfin, elle constitue le système le plus puissant de ceux, pourtant nombreux, qui ont été proposés à l’époque, avant que la recherche ne perde de vue ces questions, et, malheureusement, tout le domaine avec.

 

La psychologie des conduites de Pierre Janet donne à l’action un rôle causal sur tous les autres phénomènes psychologiques.

 

Pour effectuer une conduite donnée (un groupe d’actions), l’individu puise à trois ressources : son capital propre de Force psychologique, sa capacité à exploiter cette Force (la Tension), et ses tendances particulières (les commandes de ses conduites). Une tendance est munie d’une charge de Force intrinsèque propre à l’individu : la tendance au travail ou à l’alimentation, par exemple, est plus ou moins chargée selon les personnes. À un moment donné, la quantité globale de Force et de Tension détermine le « degré de facilité d’action » auquel l’individu parvient. Jointe à la nature de ses tendances, elle définit le caractère de l’individu, c’est à dire le type et le nombre d’actions ou de conduites qu’il peut effectuer.

 

Le capital de Force et de Tension est variable d’un individu à l’autre, et varie aussi, dans le temps, pour un individu donné (ce sont ses « oscillations »). Ces variations entre individus ou en lui-même, en définissant différents « degrés de facilité d’action », construisent une hiérarchie des actions (ou des conduites) qui ordonnent tous ces degrés. Par ordre de facilité décroissante viennent les actions réflexes, les mouvements volontaires, les actions sociales, les actions expérimentales.

 

L’action est le filtre psychologique entre le monde extérieur et les perceptions. Les perceptions, qui construisent la « réalité », sont des esquisses d’action : un objet semble réel en proportion des actions qu’il inspire. Comme les variations de Force et de Tension construisent une hiérarchie de facilité des actions, elles produisent ipso facto une hiérarchie de la réalité : tous les objets ne sont pas réels au même titre pour tous les individus, et leur réalité varie aussi, pour le même individu, selon ses oscillations.

 

Une action primaire est une réaction, par exemple manger suite à la perception de nourriture. Les actions secondaires sont les régulations de l’action primaire. Elles en sont la prise de conscience et consistent à y ajouter de nouvelles actions. La conscience n’est pas autre chose que cette prise de conscience de l’action. Les principales régulations de l’action sont les croyances et les sentiments, reposant sur le langage. Les formes du langage, comme la perception, sont des esquisses d’action, elles possèdent donc les mêmes degrés que ceux de la hiérarchie des conduites : les formules verbales vides de sens n’ont prise ni sur la réalité, ni sur l’action, les idées n’ont pas prise sur la réalité, mais évoquent une action sans la susciter, les croyances n’ont pas prise sur la réalité, mais suscitent l’action évoquée, et les savoirs prennent en compte la réalité tout en suscitant l’action.

 

La croyance consiste en langage à haute voix revendiquant l’action, ce qui explique qu’elle soit bien visible d’autrui. Son lien à l’action est de l’ordre de la promesse, du pacte, elle est une action différée : la croyance que l’Arc de triomphe est à Paris comporte la promesse d’aller effectivement à l’Arc de triomphe sans sortir de Paris. Leur lien à l’action étant fixe, les variétés de la croyance dépendent de la nature de leurs opérations de langage, qui les distribuent elles aussi, quoi qu’indirectement, sur la hiérarchie des conduites (le langage étant l’évocation d’une action). La croyance asséritive est un langage d’affirmation brute (un mystique n’a aucun doute sur ses apparitions). La croyance réfléchie est le produit d’une discussion avec soi-même ou avec autrui. La croyance rationnelle est une discussion avec respect de règles (le principe logique de non-contradiction par exemple).

 

Les sentiments sont des idées : ils négligent la réalité, et consistent en langage intérieur (la plus petite action possible), ce qui explique qu’ils soient pratiquement invisibles d’autrui. Quand des individus effectuent la même action primaire, seules ces actions secondaires (les sentiments) différencient les expériences vécues : le même dîner est agréable pour certains, ennuyeux pour d’autres. Il existe quatre sentiments fondamentaux, l’effort (augmentation de l’action), la fatigue (diminution de l’action), le triomphe (achèvement de l’action) et l’échec (inachèvement de l’action), dont les combinaisons rendent compte des autres. La peur, par exemple, est une fuite impossible, c’est à dire une combinaison d’effort (augmentation de l’action de fuite) et d’échec (inachèvement de l’action de fuite).

 

3 – ACTUALITE DE PIERRE JANET

 

Les historiens de la psychologie accordent depuis quelques années une place grandissante aux travaux de Pierre Janet. La somme de H. Ellenberger (« Histoire de la découverte de l’inconscient », 1974), longtemps restée seule à démontrer l’importance historique de Pierre Janet, est maintenant rejointe par plusieurs essais et manuels universitaires récents.

 

La Société Pierre Janet de Paris (1970-1998) a réédité les principaux ouvrages psychopathologiques de Pierre Janet. Depuis, de nouvelles rééditions ont eu lieu ou sont en cours, qui incluent ses recherches de psychologie fondamentale. 

 

En psychologie clinique et psychiatrie, les idées de Pierre Janet sont en plein essor, principalement dans le domaine des souvenirs traumatiques et de leur mécanisme, la dissociation. Ces recherches livrent de plus en plus d’études janétiennes, sous forme d’articles spécialisés ou de manuels. La société internationale pour l'étude de la dissociation (ISSD) organise annuellement un Prix Pierre Janet (Pierre Janet Writing Award) depuis 1991. Au Canada, à l’hôpital Pierre Janet s’est adjointe en 1991 une Fondation Pierre-Janet. Au Brésil, l'Académie de Psychologie anime un Centre Pierre Janet. En Allemagne, une Société Pierre Janet a été créée en 2001.

 

Enfin, un Institut Pierre Janet vient d’être fondé à Paris, en 2004. Il a pour but de développer et coordonner les études janétiennes dans le cadre de la recherche internationale, et accueille les articles de chercheurs dans son journal électronique, Janetian Studies. Sa première réalisation est l’édition inédite de la bibliographie intégrale de Pierre Janet. Le site Internet de l’Institut Pierre Janet offre par ailleurs de nombreux autres services, aux chercheurs comme aux curieux.

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26 décembre 2012 3 26 /12 /décembre /2012 14:38

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<< L’imposture a toujours existé mais certaines sociétés la favorisent plus que d’autres. L’imposteur est aujourd’hui dans nos dispositifs d’évaluation et de normalisation comme "un poisson dans l’eau" : faire prévaloir la forme sur le fond, valoriser les moyens plutôt que les fins, se fier à l’apparence et à la réputation plutôt qu’au travail et au courage, préférer la popularité au mérite, opter pour le pragmatisme avantageux plutôt que le courage de l’idéal, choisir l’opportunisme de l’opinion plutôt que tenir bon sur les vertus, chérir le semblant et ses volutes plutôt que la pensée critique, les "mouvements de manche" plutôt que la force de l’oeuvre, voilà le "milieu" idéal pour que prospère l’imposture ! Notre société du conformisme et de la norme, même travestie sous un hédonisme de masse et grimée de publicité tapageuse, d’éloges factices du vrai, de reproduction en masse de l’unique, fabrique de l’imposteur. >>

 

Extrait officiel disponible en PDF: Cliquez ici.

   

 

L’imposteur est un authentique martyr du lien social, virtuose de l’apparence, "maître" de l’opinion, "éponge vivante" des valeurs de son temps, "cannibale" des modes et des formes dont il s’affuble comme des "fétiches" pour parer à l’inconsistance de son existence, pour vivre à crédit, au crédit de l’Autre. L’imposture est parmi nous, elle est la soeur siamoise du conformisme galopant, de l’homogénéisation croissante des cultures et des styles.


Ce conformisme a un prix, lourd, très lourd : la stérilité des reproductions contrôlées, la violence symbolique des automatismes sociaux, la prolétarisation généralisée de l’existence. Au nom des normes les pouvoirs "sécuritaires" inhibent les sujets comme les peuples, les empêchent de créer et de s’émanciper en confisquant le débat démocratique, en discréditant l’art de transmettre l’expérience.


Au risque de fabriquer demain une société de "termites" ou de robots parfaitement adaptés aux exigences de compétitivité et de précision de la nouvelle économie "globalisée". Par une intimidation sociale très précoce et insidieuse, contraignante mais compassionnelle, cette civilisation des mœurs emmène vers une soumission forcée aux normes, fabrique parfois ses propres risques qu’elle feint ensuite d’éradiquer.


La clinique psychopathologique montre que ce type d’adaptation factice et superficielle procède par un empiétement des normes sur le vivant, finit par générer de l’apathie, de la dépression ou du cynisme. Un tel état psychique et social prédispose les sujets comme les foules à se laisser gouverner par une société totalitaire et à abandonner l’idéal de la démocratie. Sans confusion de genres et avec toutes les précautions qu’implique ce type de rapprochement, entre la clinique psychopathologique individuelle et l’analyse sociale des moeurs, Roland Gori choisit un éclairage croisé de la psychanalyse et de la politique pour montrer que les civilisations comme les hommes peuvent souffrir de traumatismes.


La sidération que de tels traumatismes produisent conduit bien souvent à la "solution" de l’imposture et aux faux-semblants de l’adaptation "caméléon". A moins que la culture et le rêve ne s’en mêlent, bougeant les lignes et les frontières, les fonctions définies et les règles établies, ils rendent possibles l’expérience et sa transmission, et restituent aux humains le "pluriel singulier" d’un monde commun.


C’est le pari de la démocratie et l’audace de la liberté partagée. C’est le pari aussi sur lequel se fonde une culture qui prend soin de l’humanité dans l’homme. Le politique et le psychanalyste sont engagés dans des "métiers impossibles" qui ne se soutiennent que du désir de liberté qui les porte au-delà des limites des "normes", normes qu’ils rencontrent nécessairement sur le chemin de l’émancipation.


"C’est ce défi que nos démocraties et les humains qui les composent, se doivent de relever aujourd’hui pour quitter le vieux monde et accoucher du nouveau - R.Gori."

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23 décembre 2012 7 23 /12 /décembre /2012 09:35

Reportage de Raphaëlle Mantoux, cliquez sur le logo pour écouter l'émission:

          
france inter -Début de l'émission à la quatrième minute-    

     
Une conteuse de Nouvelle Calédonie au Salon du livre et de la jeunesse à Montreuil. Invité: Bernadette Bricout, Professeure de littérature orale à l’Université Paris-Diderot, auteure de « La clé des contes » ed. Seuil.

   

contes

 << Il est temps de rêver à nouveau. Il y a toujours quelque chose à apprendre de ces contes, une morale qu'il est bon d'apprendre aux enfants ou de se rappeler soi-même.>>


"La beauté du véritable amour", des valeurs nobles pour nos enfants... dans un monde où les fins heureuses... n'existent plus.

   

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23 décembre 2012 7 23 /12 /décembre /2012 09:30

« L'homme est-il seulement un homo economicus ? Notre monde est malade, mais la crise économique actuelle, qui polarise toutes les attentions, n'est qu'un symptôme de déséquilibres beaucoup plus profonds. La crise que nous traversons est systémique : elle touche tous les secteurs de la vie humaine. Elle est liée à des bouleversements de nos modes de vie sans doute aussi importants que le tournant du néolithique, lorsque l'être humain a cessé d'être nomade pour devenir sédentaire.

   

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Il existe pourtant des voies de guérison. En m'appuyant sur des expériences concrètes, je montre l'existence d'une autre logique que celle, quantitative et mercantile, qui conduit notre monde à la catastrophe : une logique qualitative qui privilégie le respect de la Terre et des personnes au rendement ; la qualité d'être au « toujours plus ». Je plaide aussi pour une redécouverte éclairée des grandes valeurs universelles - la vérité, la justice, le respect, la liberté, l'amour, la beauté - afin d'éviter que l'homme moderne mû par l'ivresse de la démesure, mais aussi par la peur et la convoitise, ne signe sa propre fin ».

 

Après avoir parlé de la sagesse personnelle dans ses précédents ouvrages - Socrate, Jésus, Bouddha (Fayard), Petit traité de vie intérieure (Plon), L'Ame du monde (NiL) - Frédéric Lenoir pose ici les fondements philosophiques d'une sagesse pour notre temps ; une éthique de liberté et de responsabilité qui passe par la conversion de chacun d'entre nous, selon l'expression de Gandhi : Soyez le changement que vous voulez dans le monde !

 

Ecouter les propos pertinents de Frédéric Lenoir :

france interCliquez sur le logo France Inter - Début à la dixième minute.

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17 décembre 2012 1 17 /12 /décembre /2012 16:07

"Aujourd'hui les progrès de la science sont tels qu'ils nous permettent d'imaginer un humain "augmenté". Pour la première fois de notre histoire, nous avons la possibilité de modifier radicalement ce que seront nos enfants, et nos petits-enfants."

 

Les-machines-nous-deshumanisent.jpg

 

L'avenir sera t-il thérapeutique, ou appartiendra t-il aux idéologies normatives nuisibles, tel que fut celle du Troisième Reich ?

 

Dans les laboratoires, un nouvel individu, partiellement reconfiguré, est en train d'être imaginé, testé... fabriqué. Bientôt, promettent certains scientifiques, nous considérerons l'Homo Sapiens (c'est à dire nous !) comme une version charmante, certes, mais totalement démodée ! L'Homo Technologicus sera tellement mieux ! C'est précisément ce que propose le marché de l'amélioration de l'être. Le temps est venu, disent ses promoteurs, de passer à la vitesse supérieure : un corps parfait et sans âge, un cerveau infaillible, une reproduction maîtrisée, et à terme... l'immortalité. Quitte à acheter quelques pièces détachées pour faire du "tuning" avec notre propre corps comme certains le font avec leur automobile. Voyage à la recherche de cet homme du futur... hybride mi-homme mi-machine, humain génétiquement modifié. "Un homme presque parfait."

  

Voici le documentaire France 2, réalisé par Cécile Denjean:

  

 

 

  Documentaire en 4 parties, produit par Pascal Dupont, Martine Michon et Woods TV - Dissidents. Avec la participation de France Télévisions, Planète et Centre National du Cinéma et de l'Image animée. Avec le soutien du Programme MEDIA de l'Union Européenne, de la Procirep Angoa et de la Région Rhône-Alpes.

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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 07:07

Sur Facebook, les internautes alignent leurs amis sur leur profil comme des trophées sur la cheminée. "Mais que vaut réellement un ami de Facebook ?"

  

      

Sur Facebook, votre valeur se mesure à votre nombre d’amis. Moins de 50 et vraiment, vous n’êtes pas grand chose... Afficher beaucoup d’amis est la norme, et même la manière d’exister sur le réseau. Plus vous en avez, mieux c’est. C’est ainsi que sur Facebook, il n’est pas rare de voir des internautes cumuler 300 amis. Pourtant, dans la vraie vie, qui a plus d’une dizaine de véritables amis ?

 

« Encore une fois, les internautes affichent ce nombre d’amis pour se valoriser. Un peu comme d’autres collectionnent les commentaires sur les blogs (Une exception toutefois pour les pages pros, les revues et les associations qui ont besoin d'un réseau d'amis étendu pour fonctionner). Sauf qu’avec le mot ami, ça prend une autre dimension », explique Michael Stora. Internet donne cette fausse impression que l’amitié est accessible à tous en quelques clics, qu’il suffit de cliquer sur « oui » en bas d’une invitation pour se faire un ami.

 

D’ailleurs, de nombreux internautes ont parmi leurs amis de Facebook des artistes de renom. « C’est vraiment classe de pouvoir afficher Madonna sur son profil » explique Jeanne, facebookienne convaincue. En regardant de plus près le profil de Madonna, on constate que la chanteuse affiche 5400 amis… A ce niveau-là, ce sont plutôt des fans. Mais cela créé aussi un fantasme d’égalité, où tout le monde, stars et politiciens compris, serait accessible.

 

Facebook donne l’illusion que les amitiés sont faciles, qu’il suffit de lancer ou d’accepter une invitation pour se faire des amis. Par opposition à la vraie vie, où chacun peut se rendre compte que se faire un ami et le garder n’est pas si simple. Facebook donne la fausse impression qu’on peut éviter les frustrations.

 

« Quelqu’un peut refuser d’être votre ami, ce qui engendre forcément de l’insatisfaction, voire une sensation de rejet » note le psychanalyste. Sans compter le jugement des facebookers : certains n’hésitent pas à se moquer de ceux qui n’ont « que » 17 amis… Facebook a un côté cour de récréation à double tranchant : on s’y amuse sans complexe, mais on n’hésite pas non plus à se moquer avec cruauté. De quoi érafler l’estime de soi, à fortiori quand on se trouve déjà dans un moment de fragilité.

 

Ce qui interroge sur Facebook, c’est la conception de l’amitié que le réseau véhicule. « Ces réseaux sociaux bradent la notion même d’amitié. En mettant le mot « amis » sur les relations via Facebook, on galvaude cette relation qui normalement se construit dans le temps, et démontre sa valeur par le temps également » dénonce Michael Stora.

 

« Le zapping relationnel induit par l’univers virtuel – tu es à ma disposition immédiate, je disparais quand je veux - est même l’exact contraire de la relation amicale » renchérit Pasale de Lomas, dans son livre « Se faire des amis et les garder ». Il est vrai que se faire des amis est un processus long, fait de compromis, d’acceptation des différences, et surtout de confiance mutuelle.

 

D’ailleurs certains internautes s’élèvent contre ces amitiés rapides et sans sélection, et on voit apparaître des réseaux où la qualité des amis prime sur la quantité. A Small World, par exemple, se définit comme l’antithèse de Facebook ou MySpace. Les inscriptions y sont limitées, comme dans un club privé, et il faut connaître un membre pour y avoir accès.

 

Mais les internautes sont-ils vraiment dupes ? « Un ami de Facebook, ce n’est pas toujours la même chose qu’un ami de la vie réelle. C’est vrai que le réseau permet de renouer avec des vieux amis d’école : un déménagement ou un changement d’orientation vous sépare facilement.

 

Mais certains amis sur Facebook sont juste de vagues connaissances, je les ai ajoutés en amis pour me faire un réseau, c’est tout ! » explique Marc, adepte de Facebook. « Et puis » ajoute-il presque aussitôt « Sur Facebook, avoir plein d’amis, c’est le jeu. Et même l’enjeu ! ». Tout est dit...

 

Jessica Pierronet pour psychologies.com

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11 décembre 2012 2 11 /12 /décembre /2012 16:12

L’adultère, cette trahison sans pardon ? Pas si sûr. Certains couples affrontent l’épreuve en essayant d’y trouver du sens. Selon la psychothérapeute Esther Perel, il existe trois scénarios de sortie de crise : rancoeur, déni ou renaissance.

 

trahison.jpg    

C’était un samedi après-midi, il y a deux ans. Ce jour-là, Camille, jeune mère de famille de 33 ans, entend vibrer le téléphone de son mari oublié sur la table du jardin. Le SMS qu’elle ne peut s’empêcher de lire est sans équivoque : « Tu me manques, mon amour. » « Plus que la colère, j’ai ressenti une douleur violente, comme si j’avais été rouée de coups », témoigne-t-elle. Après une nuit à pleurer, elle décide pourtant de se battre : « Notre petite dernière avait à peine 1 an et je croyais à mon couple. » Romain, son mari, n’a pas essayé de démentir : « Oui, il avait une liaison depuis peu avec cette nouvelle collègue, mais oui, il m’aimait toujours. Moi, je ne comprenais pas : comment pouvait-il me tromper s’il m’aimait ? »

 

Une question que s’est aussi posée Gilles, 35 ans, lorsque Marion, sa compagne depuis cinq ans, lui a confié, rongée par la culpabilité, qu’elle avait cédé aux avances d’un inconnu lors d’une fête. « Elle avait beau me répéter que c’était une erreur qui lui avait montré à quel point elle tenait à moi, je ne pouvais rien entendre, elle m’avait trahi, donc elle ne m’aimait pas. »

 

« L’amour n’est pas toujours en jeu », commente le psychanalyste Pascal Neveu, auteur de Mentir, pour mieux vivre ensemble ? (L’Archipel, 2012). « L’infidélité de certains hommes provient parfois d’une incapacité à considérer leur compagne comme une femme dès lors qu’elle devient mère. Ils l’aiment, mais ne peuvent plus la désirer. » « L’adultère peut également être vu comme une tentative inconsciente de faire évoluer le couple, de dire à l’autre que la situation actuelle n’est plus tenable, mais que l’on aimerait retrouver un nouvel élan amoureux », intervient Myriam Beaugendre, psychologue clinicienne et psychothérapeute, qui distingue toutefois l’aventure ponctuelle de la double vie, « dont la découverte est beaucoup plus violente ». « Il peut arriver que quelqu’un aille voir ailleurs parce qu’il cherche un autre moi, qu’il n’arrive plus à se reconnecter au sein de son couple », analyse quant à elle Esther Perel, psychothérapeute belge installée à New York et auteure de L’Intelligence érotique (Robert Laffont, 2007).

 

Deux ans après sa douloureuse découverte, Camille admet pour sa part « comprendre » l’infidélité de Romain. « Nous ne nous parlions presque plus depuis quelques mois, raconte-t-elle. J’étais angoissée par la fin imminente de mon congé parental, lui avait du mal à trouver sa place de père. Si je n’avais pas lu ce SMS, je ne suis pas certaine de ce que nous serions devenus, tant nous étions dans le déni. »

 

En trouvant du sens à ce qui s’était passé, Camille et Romain sont sortis du schéma « victime-bourreau » dans lequel il est assez facile de s’enfermer. « Il y a un premier temps de douleur, où la personne trahie se sent blessée. Mais, dans un second temps, elle peut s’interroger sur les raisons qui ont amené son conjoint à la tromper. Et c’est là où l’aide d’un thérapeute peut être d’un grand soutien », estime Myriam Beaugendre. De son côté, celui ou celle qui a trompé doit se remettre en cause et rassurer l’autre quant à l’amour qu’il lui porte. « Il ne s’agit pas d’excuser, mais de digérer ce qu’a fait subir l’un des deux à l’autre et de tenter de le comprendre », rebondit Pascal Neveu. « L’enjeu, finalement consiste à remettre le désir au coeur du couple et à accepter que l’autre ne nous appartient pas », conclut Myriam Beaugendre. Si, aujourd’hui, Camille et Romain ont recréé un lien avec l’aide d’un thérapeute, Gilles et Marion peinent à recoller les morceaux : « Je lui en veux et ça prend toute la place », confie Gilles.

 

Parce qu’elle souhaitait savoir ce qu’étaient devenus les couples qu’elle avait reçus en thérapie, Esther Perel a repris contact avec quelques-uns d’entre eux. Un suivi qui lui permet aujourd’hui d’identifier trois façons de gérer « l’après » : certains ne parviennent jamais réellement à dépasser cet épisode, d’autres en font abstraction sans vraiment le transcender, tandis que d’autres couples en ressortent transformés.

 

Le couple traumatisé

 

Marie a trompé Julien il y a deux ans avec un de ses ex. Après un an de thérapie, ils ont cru qu’ils s’en étaient sortis. En réalité, Marie a l’impression « de payer tous les jours » pour ce qu’elle a fait. « Le moindre de mes retards l’angoisse, je sais qu’il fouille mes poches et, à la première dispute, il remet le sujet sur la table, ce qui clôt la conversation, puisqu’il est évident que rien ne peut être plus grave que ça. C’est l’enfer un jour sur deux. » Malgré tout, Marie et Julien restent ensemble, sans être en mesure d’en expliquer la raison.

 

« C’est le cercle infernal », pour Esther Perel. Ces personnes coincées dans le passé ont pour seul ressort le ressentiment. Souvent, explique-t- elle, ce sont des couples qui viennent la consulter à l’initiative de la personne trompée, celle-ci voyant dans le thérapeute un témoin, voire une caution de son calvaire. L’idée est alors moins d’oeuvrer en faveur d’une réconciliation que de se voir confirmer son statut de victime. Le pardon semble impossible puisque, pour la personne trompée, il reviendrait à donner un quitus à l’autre.

 

Marc et Debbie, qu’elle a longuement suivis, illustrent parfaitement ce modèle : « Trois ans après la découverte de la liaison de Marc, Debbie dit toujours non au moindre rapport sexuel, estimant qu’accepter une étreinte signifierait qu’elle passe l’éponge. Or, elle s’y refuse, tout en admettant avoir envie de faire l’amour avec lui. »

 

Souvent, le partenaire trahi se transforme en détective, décortiquant les factures téléphoniques ou inspectant les boîtes mail de l’autre. Si demander des explications à celui ou à celle qui est allé(e) voir ailleurs est compréhensible dans un premier temps, il faut prendre garde à ce que cela ne devienne pas une obsession dans laquelle la personne trahie finit par se complaire, « voire par éprouver une certaine jouissance », prévient encore Esther Perel.

 

« Il est facile, pour la personne trompée, de rester dans un rôle de victime, souvent légitimé par l’entourage en raison d’une sacralisation de la fidélité, remarque Myriam Beaugendre. Être trompé renvoie à la douleur de ne pas avoir su se rendre assez aimable. Mais rester dans cet état ne permet pas d’évoluer au sein du couple. Admettre sa part de responsabilités, c’est aussi se réapproprier sa vie, ne plus subir ce qui nous arrive, mais au contraire faire en sorte que ça ne se reproduise pas. »

 

Les couples ne parvenant pas à faire ce travail, qui repose souvent davantage sur la personne trompée mais qui suppose une réelle empathie de celui qui a été infidèle, peuvent difficilement avancer. « Rester ensemble n’est pas forcément synonyme de succès, et encore moins de résilience ! » avertit Pascal Neveu. « Quand la trahison est devenue le centre d’une union, ce qui la définit, le mariage peut techniquement survivre, mais la vie de couple se meurt », conclut Esther Perel, qui ajoute que, dans ces cas-là, « quelque chose a été brisé et ne peut être réparé ».


Le couple survivant


Maëlla vivait avec son compagnon depuis un an quand elle a rencontré, lors d’un voyage d’affaires en Autriche, un homme avec qui le courant est immédiatement passé. « Je savais que cela ne durerait pas, trop de distance entre nous, et puis j’aimais mon compagnon, et plus que tout ce que nous avions construit », raconte-t-elle. Quelques mois plus tard, elle décide de tout lui avouer. « Il ne m’a pas parlé pendant deux jours. Mais nous étions invités à un événement familial et il m’a demandé de venir pour faire bonne figure. Nous avons pu échanger, j’ai pu lui dire que si j’avais voulu le quitter, je l’aurais déjà fait. Apparemment, ça l’a rassuré et je n’ai jamais ressenti une jalousie excessive de sa part quand je fréquentais d’autres hommes de façon amicale. Mais le sujet est devenu tabou. »

 

Maëlla et son conjoint font partie de ceux qu’Esther Perel appelle les « survivants ». « Ces personnes croient à la continuité du couple. Ils sont opposés au divorce, parfois pour des raisons religieuses ou parce qu’ils ont été élevés dans le respect du mariage. Ils veulent préserver un cadre familial avant tout et sont prêts pour cela à sacrifier un amour passionné », explique-t-elle. Un modèle qui évoque le choix que fait Meryl Streep à la fin de Sur la route de Madison, lorsqu’elle renonce à Clint Eastwood après trois jours d’une relation torride, pour retrouver mari et enfants.

 

« Contrairement au premier modèle qui me semble voué à l’échec ou à la souffrance, c’est une posture qui est tenable, estime Esther Perel. Souvent, ces couples sont heureux d’avoir retrouvé leur place et leur tranquillité, et ne nourrissent pas d’amertume. Ils sont dans une sorte de résignation, c’est la raison qui l’a emporté. Ils restent ensemble parce qu’ils aiment leur vie. »

 

« Pour certains, maintenir un cadre familial, social, voire assurer une sécurité financière en demeurant unis malgré l’infidélité de l’un ou l’autre est plus important que de vivre son désir pleinement dans son couple, ce qui est tout à fait respectable », observe Myriam Beaugendre, qui rappelle que la seule chose qui compte, c’est que cette décision « soit prise par désir et non par obligation morale, pour répondre à un surmoi parental ou collectif ».

 

Rester ensemble par respect de valeurs que l’on partage et pour ne pas détruire une union dans laquelle ils croient permet à ces couples de se retrouver en accord avec eux-mêmes. Ce qui n’exclut pas d’avoir le coeur brisé, d’avoir tourné le dos à un amour certes extraconjugal mais réel, précise Esther Perel. Avec ces couples-là, elle tente d’identifier ce que cette liaison a pu leur apprendre sur eux et prend en compte la souffrance : celle éprouvée par la personne trompée, mais aussi celle du partenaire qui a renoncé à ce nouvel amour.

 

Tout l’enjeu étant de les aider à lutter l’un et l’autre contre l’amertume et, parfois, à retrouver petit à petit ce qui les a unis au départ. Progressivement, celui qui a été trompé peut, si l’autre l’accompagne et le soutient dans son cheminement, réapprendre à lui faire confiance. Sachant que « faire confiance », d’après Esther Perel, revient finalement à accepter de « vivre avec tout ce que l’on ne saura jamais de l’autre ».


Le couple explorateur


Annie avait toujours juré que si elle apprenait un jour que Clément la trompait, elle ferait ses bagages dans la minute. Finalement, lorsque cela s’est produit, elle est non seulement restée, mais s’est efforcée de pardonner, tant elle s’est rendu compte qu’elle tenait à lui. « On a décortiqué pendant des mois les raisons de cette aventure très brève qu’il a eue avec une amie commune. C’était difficile pour lui et pour moi, mais ces échanges nous ont permis de retrouver les raisons pour lesquelles nous étions tombés amoureux l’un de l’autre et celles pour lesquelles nous nous étions éloignés. Aujourd’hui, je me sens plus forte. Après tout, j’ai failli passer à la trappe en étant un modèle de consensus, alors dorénavant, je m’affirme bien davantage ! »

 

Se saisir de l’infidélité pour transformer, voire faire renaître de ses cendres une relation en souffrance, c’est possible, affirme Esther Perel. Un cheminement qui n’est pas sans heurts : « Dans cette tempête émotionnelle qu’ils essuient, les couples ont un peu de mal à tenir le cap, enchaînant les “va te faire foutre”, “baise-moi”, “va-t’en d’ici”, “ne me quitte jamais”, etc. » Mais en acceptant de partager la responsabilité de la détérioration de la relation, ils tendent à identifier la liaison comme un catalyseur de changement et non comme un seul acte de trahison. D’autant que l’on peut trahir de différentes façons, l’infidélité n’étant que l’une d’entre elles. « J’essaie toujours d’expliquer à mes patients qu’il ne faut pas commencer l’histoire là où le mal a été fait, mais bien remonter aux origines de ce mal. De même qu’ils ne doivent pas penser que l’infidélité remet en cause toute leur histoire, et ce, même s’ils en viennent à se séparer. »

 

« Les couples qui parviennent à “transcender” l’infidélité et qui peuvent en ressortir plus forts sont ceux capables d’une certaine maturité, assure Pascal Neveu. Ils acceptent l’idée qu’il peut y avoir une infidélité du corps coexistant avec une fidélité du coeur, et tentent de trouver des réponses à l’usure souvent inévitable d’une union en acceptant aussi de mettre sur la table leurs frustrations, leurs désirs sexuels inassouvis, etc. »

 

Se parler et se comprendre n’implique toutefois pas de chercher à connaître tous les détails de la liaison. Pascal Neveu met souvent en garde ses patients sur ce point, soulignant qu’en savoir trop peut être dévastateur et trop blessant pour pouvoir envisager une réconciliation. Esther Perel, quant à elle, suggère aux conjoints trompés de se poser en « chercheurs » plutôt qu’en « détectives » : « Demander ce qu’il ou elle a découvert durant son infidélité, quel sens il ou elle a donné à cet épisode n’a pas la même portée que d’exiger un compte rendu clinique et forcément sordide de la façon dont cela s’est passé. »

 

Ce processus peut prendre du temps, mais se révéler profondément bénéfique. À ses patients qui parfois doutent de parvenir à reconstruire ce qui a volé en éclats, Esther Perel a pour habitude de dire ceci : « La plupart des gens vivent deux ou trois histoires d’amour dans leur existence. Pour certains, ce sera avec la même personne. » Une phrase qui, paraît-il, a le don de les rassurer.

 

Caroline Desages pour Psychologies.com

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8 décembre 2012 6 08 /12 /décembre /2012 12:38

foucault.jpg

 

Une part de l’œuvre de Foucault s’exprime dans le projet de réaliser une anthropologie de la subjectivation. Foucault cherche à faire la généalogie du sujet par les institutions, il ajoute aux techniques de production, de signification (communication), de domination d’Habermas, les techniques de soi.

 

Ce projet s’appuie sur la genèse de textes d’auteurs anciens tant grecs que romains, puis avec une analyse du pastoralisme des premiers chrétiens. Le fil conducteur est la genèse du souci de soi. Trois grandes techniques de soi ou art de se conduire sont relevées : la diététique, l’économique et l’érotique. Ce qui caractérise l’être humain c’est la possibilité de la maîtrise de soi. Pour Foucault l’ascèse est un exercice de soi dans la pensée. « Il y aurait sans doute à faire ou à reprendre la longue histoire de ces esthétiques de l’existence et de ces technologies de soi ».

 

Il se fait le prolongateur d’auteurs tels qu’Epictète « l’être humain est défini comme l’être qui a été confié au souci de soi » ou Sénéque qui affirme le souci de soi tant comme un privilège et un devoir, un don et une obligation qui nous assure la liberté en nous astreignant à nous prendre nous-mêmes comme objet de toute notre application. Dés lors,  se faire soi-même, se transformer, revenir à soi, apprendre à vivre toute sa vie et prendre possession de soi-même sont des finalités auxquelles de nombreuses techniques peuvent être appliquées. Les techniques de soi relevées par Foucault sont variées :

 

  1. -          l’examen vespéral ou matinal,
  2. -          la réalisation d’une retraite,
  3. -          le recueillement,
  4. -          le tête à tête avec soi même,
  5. -          les exercices de la pensée,
  6. -          la réalisation de tâches pratiques,
  7. -          le régime de santé,
  8. -          les exercices physiques,
  9. -          les méditations,
  10. -          les lectures,
  11. -          les remémorations de vérités,
  12. -          les entretiens avec un confident, un guide ou un ami,
  13. -          les correspondances de ses états d’âmes,
  14. -          les activités de parole et d’écriture ou les liens avec autrui.


Rien n’est laissé au hasard d’une vie, tout ici concourt à une direction de la conscience. « l’habileté du lutteur s’entretient par l’exercice de la lutte, un accompagnateur stimule le jeu des musiciens. Le sage a besoin pareillement de tenir ses vertus en haleine ; ainsi stimulant lui-même il reçoit encore d’un autre sage du stimulant » Sénéque lettre 34.


L’enjeu de cette emprise sur soi est d’établir une éthique de la maîtrise. Celle-ci passe par l’examen de conscience. Si l’exercice apparaît pythagoricien, ou platonicien avec la conversation à soi, les pratiques des épicuriens ou des stoïciens sont aussi relevées et prennent la forme de conseils avisés.

 

La finalité étant de faire de soi un havre. Poursuivant l’héritage gréco-romain les chrétiens auraient fait de la réflexivité un trait chrétien. « chaque chrétien se doit de sonder qui il est ce qui se passe à l’intérieur de lui-même, les fautes qu’il a pu commettre, les tentations auxquelles il est exposé. Qui plus est, chacun doit dire ces choses à d’autres, et ainsi porter témoignage contre lui-même »

 

Si les échanges avec des guides, conseillers ou confidents sont expressément relevés les écrits jouent aussi un rôle. Le rapport aux écrits constitue un moyen d’accès à soi Foucault rappelle le rôle des hupomnêmata comme relais dans la subjectivation des discours. Les hupomnêmata pouvaient être des livres de comptes, des registres publics des carnets individuels servant d’aide mémoire. En somme un ensemble de textes placés en réserve pour se constituer et méditer sur des faits, paroles, pensées déjà abordés. Trois raisons expliquent le rôle formateur de ces textes :

 

1.      Les effets de limitations du au couplage de l’écriture avec la lecture

2.      La pratique du disparate qui détermine les choix

3.      L’appropriation

 

« l’écriture est un art de la vérité disparate » ou une manière réfléchie de combiner l’autorité naturelle de la chose déjà dite avec la singularité de la vérité qui s’y affirme et la particularité des circonstances qui en déterminent l’usage. L’écrit prend aussi la forme de correspondance. Le récit épistolaire de soi même comme dans les lettres de Fronton à Marc Aurèle permet la remémoration de tous les faits de la journée et de l’inflexion de son âme. Ici le mécanisme de la confession dispose d’un herméneutique de soi. « on sait bien que la maîtrise sur les choses passe par le rapport aux autres ; et celui-ci implique toujours des relations à soi et inversement »

 

Ce que nous renvoient les analyses des textes classiques le plus souvent à destination des philosophes, dirigeants ou personnage public par Foucault c’est que le gouvernement des autres passe par le gouvernement de soi. Et le gouvernement de soi passe par une ascèse, un examen de soi de ses choix, de ses ressentis, de ses orientations.

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