Un enfant, un parent, un ami proche qui tombe, gravement, malade, cela touche tout l'entourage. Qui bascule à son tour dans l'univers de la maladie. Comment traverser cette épreuve ? Comment aider au mieux celle ou celui qui affronte la maladie ? Le psychiatre Christophe Fauré est spécialisé dans l'accompagnement des malades et de leur famille. Auteur notamment de “Vivre auprès d’un proche très malade ”, il nous apporte ses conseils.
Le cancer, une maladie lourde de conséquences
Comment accueillir la maladie de l'autre ?
Lorsque son enfant, son conjoint ou un parent proche, tombe gravement malade, il faut être conscient que c'est toute la vie du couple, de la famille qui va basculer. La maladie impose en effet ses contraintes, ses rythmes, son univers, médical et hospitalier.
Il est dès lors très important d'anticiper ces bouleversements afin de s'organiser, matériellement comme psychologiquement. Mais à l'annonce d'un cancer, d'un Alzheimer, ou de tout autre mal, s'enclenchent souvent des mécanismes puissants de protection. Le patient peut avoir tendance à minimiser ce qui lui arrive, voire, y opposer un déni total. Il peut aussi opérer une profonde régression, en refusant dès le départ de se battre, d'affronter le mal. Autre parade : l'isolation. Le malade occulte l'angoisse provoquée par la maladie, se coupe de ses émotions et arrive ainsi à parler avec un détachement stupéfiant de ses examens, traitements ou opérations diverses...
Il est très important, de la part de l'entourage, de comprendre et surmonter ces mécanismes de protection. Afin de mieux se préparer. Entrer dans la maladie, c'est ouvrir une parenthèse sans savoir quand ou comment elle se refermera. On sait que l'on en a pour longtemps. Et il faut très vite se convaincre que l'on ne pourra pas y arriver tout seul. Chacun aura ses limites, physiques, psychiques et matérielles. Il est donc primordial de les accepter et d'instaurer un dialogue et une écoute permanente avec le malade.
Comment aider le malade du mieux possible ?
Soyons lucides : la qualité de l'accompagnement d'un malade dépend de la qualité de la relation que l'on vivait auparavant, surtout au niveau du couple. Mais la maladie génère des pièges qu'il faut savoir éviter.
Il est notamment primordial de laisser ou de restituer au malade au patient sa capacité à décider. La maladie grave induit une série de deuils successifs pour celui qui en souffre : perte de son intégrité physique, perte éventuelle de son travail, altération de sa fonction au sein de la famille, diminution de son autonomie... Cette blessure narcissique est très éprouvante à vivre. Le malade doit donc toujours être considéré comme une personne à part entière, capable de prendre des décisions, ou, si son état ne le permet pas, qui doit être associée au maximum à ces prises de décisions. Faire des choix à sa place, ce n'est ni l'épargner ni le soulager, c'est l'infantiliser.
Attention aussi à la fusion toujours possible : à trop faire corps avec le malade, on détruit la distance nécessaire qu'il faut maintenir avec lui. Or, c'est cette distance qui permet de garder la tête froide et qui permet de rester utile et efficace.
La maladie grave est une épreuve douloureuse, comment ne pas se laisser submerger ?
En admettant cette réalité : vous ne pourrez pas tout faire tout(e) seul(e). Une maladie grave est une épreuve souvent longue dans laquelle il est nécessaire d'avoir tout un réseau sur lequel s'appuyer. Le réseau des proches bien sûr, amis et parents. Un deuxième cercle, constitué des copains, des voisins... Et un troisième réseau, celui des soignants, des associations ou des éventuels groupes de paroles.
Pour être efficace auprès de celui qui est malade, il faut combattre deux idées très toxiques : “je vais me débrouiller” et “si je demande de l'aide, ils vont penser que je ne suis pas à la hauteur”. Dans ces circonstances, il est bon de laisser un peu son amour-propre de côté. Se sacrifier pour l'autre n'est jamais une bonne chose et ne permet pas de tenir sur la distance.
Quand on vit la maladie d'un proche, plusieurs sentiments vous agitent : la peur, la douleur, la peine, mais aussi la colère d'une situation que l'on n'a pas choisie, que l'on subit. On en veut à l'autre d'être entraîné(e) dans cette “autre vie”, de se voir soudain confronté(e) à la souffrance, voire à la mort.
Tous ces ressentis sont normaux, il ne faut pas en éprouver de honte, mais il faut avoir quelqu'un à qui le dire. Des amis intimes, les groupes de parole d'une association ou un professionnel. Une thérapie de soutien s'avère souvent très bénéfique. Surtout si un pronostic vital est engagé.
Enfin, parler, maintenir une communication vraie avec celui que l'on aime et qui souffre, aide énormément et débouche souvent sur de véritables trésors : on se révèle l'un à l'autre, on s'apprend l'un à l'autre et l'on redécouvre ensemble l'essentiel.