28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 08:57

Lorsqu’elle devient maladive, la jalousie est un cauchemar pour celui qui la subit et… pour celui qui la vit. Différentes approches thérapeutiques permettent, sinon de “guérir” ce poison, du moins d’en contrôler les effets négatifs.

 

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Le jaloux maladif est un scénariste hors pair. Prisonnier d’une mauvaise série, il se voit dans la peau de l’antihéros trahi par son conjoint et un tiers, et filme en plan serré les comportements de ses partenaires comme autant d’indices du crime dont il sera la victime. Les autres acteurs ont beau se justifier, donner la preuve de leur innocence, lui n’entend rien, obsédé par ces images de tromperie.

  

Catherine se souvient : « Tous les soirs, j’attendais qu’il ait le dos tourné pour faire ses poches. Un nouveau stylo, une carte de visite, un nom illisible écrit sur une page d’agenda, n’importe quoi : je ne pouvais pas m’empêcher de considérer chaque objet trouvé comme une preuve de trahison. Et, tous les matins, je l’observais avec minutie : le moindre petit changement, le moindre effort particulier pour être séduisant, et j’étais intimement convaincu qu’il allait passer la journée avec une autre. »

   

Une forme de paranoïa

  

« La jalousie relève d’une forme de paranoïa, explique Alain Krotenberg, psychiatre spécialiste de la thérapie comportementale et cognitive (auteur de L’Envie d’aller mieux, avec Luc Patry, Payot, 2001). Or, le paranoïaque n’a, par définition, jamais tort ; s’il est persuadé que sa femme veut le tromper, rien ne pourra l’ébranler. » A moins que sa souffrance, devenue trop forte et difficilement soutenable, ne l’incite à consulter. C’est alors au thérapeute de lui faire prendre conscience du degré pathologique de sa jalousie.

 

« Dans un premier temps, je demande à la personne jalouse de noter régulièrement à quel rythme et avec quelle intensité se manifeste sa souffrance avant, pendant et après ses crises de jalousie », explique Alain Krotenberg. C’est la partie dite cognitive. Le thérapeute propose ensuite un jeu de rôles : « Le patient se met dans la peau de sa “victime”, moi dans la sienne, puis nous inversons. » Cette approche comportementale permet au jaloux de prendre conscience de ce qu’il y a d’excessif dans sa manière d’agir et de raisonner. Les proches peuvent prendre part à la thérapie en participant à ces jeux de rôles.

 

Pour autant, aucun conjoint n’a, seul, les moyens d’aider le jaloux à sortir de son schéma obsessionnel. L’inquiétude de celui-ci demeure, incontrôlable, obsédante et, surtout, croissante : « On commence par lui jurer qu’on l’aime, qu’aucun autre ne peut nous attirer, mais ça ne suffit pas. » Après avoir elle-même suivi une psychothérapie, Patricia, 39 ans, a fini par divorcer de son mari trop jaloux. « Pour éviter les disputes, j’avais fini par rompre avec tous mes amis et par quitter mon travail, jusqu’au jour où je me suis retrouvée chez moi, à ne plus rien oser faire et à déprimer. »

 

« Et même quand la victime du jaloux finit, enfermée, par ne plus voir personne, il arrive que l’autre devienne jaloux même de ses pensées et se dise : “Elle n’a pas l’air heureuse avec moi, elle pense forcément à un autre !” », ajoute Violaine-Patricia Galbert, thérapeute de couple. Pour se débarrasser de ces mauvaises pensées – les spécialistes parlent de "distorsions cognitives" –, le jaloux doit d’abord comprendre ce qui se cache derrière celles-ci. C’est ce que certaines thérapies, et notamment la psychanalyse, s’attachent à révéler en s’intéressant au passé du jaloux. « Le rapport à la mère étant un rapport amoureux que l’enfant ne veut pas partager, la jalousie amoureuse n’est jamais qu’une réminiscence de cette relation vécue dans l’enfance », explique Denise Lachaud, psychanalyste.

    

La dépendance affective

    

Pendant vingt ans, Léo Lederrey, journaliste médical et thérapeute, a été d’une jalousie féroce, jusqu’à ce qu’il décide de se tourner vers des spécialistes. Après avoir suivi plusieurs stages de Gestalt-thérapie, de rebirthing et de bioénergie, il a pu sortir de son schéma obsessionnel : « J’ai pu comprendre d’où venait ma jalousie : j’ai été élevé seul par ma mère… Un jour, mon père a brutalement réapparu pour me “voler” l’affection de celle-ci. » Depuis, chaque homme qui s’approchait de trop près des femmes qu’il aimait prenait inconsciemment ce rôle de "voleur d’amour". « C’est un traumatisme qui fait partie de mon histoire, une cicatrice qui sera toujours présente, ajoute-t-il. Mais parce que la thérapie m’a permis de l’identifier, elle ne me fait plus souffrir. »

 

Selon Violaine-Patricia Galbert, « la jalousie tient d’abord au désir de posséder l’autre ; le jaloux ne veut pas qu’il lui échappe ». Derrière cette volonté d’emprise se cache un état de dépendance affective. « Quand il essayait de se justifier de ses crises de jalousie, mon mari me répétait que jamais il ne pourrait vivre sans moi, que l’idée de se retrouver seul le terrorisait », témoigne Patricia. Le travail du thérapeute consiste alors à sortir le jaloux de cette relation fusionnelle en lui inculquant les principes de l’autonomie : « Il s’agit de lui apprendre à s’épanouir seul, sans l’autre qui lui sert de substitut », poursuit Violaine-Patricia Galbert.

 

Apprendre à avoir confiance en soi

 

Dès lors, un travail sur l’estime de soi s’avère nécessaire : si le jaloux ne se sent pas bien sans l’autre ou se croit sans cesse menacé de le perdre au profit d’un tiers, c’est parce qu’il ne se croit pas à la hauteur. Il se pense indigne de l’affection qu’il reçoit. « Le jaloux va donc devoir travailler sur l’affirmation de sa puissance, précise Violaine-Patricia Galbert. Le but de la thérapie est qu’il puisse se dire finalement : “Je mérite de la garder”, ou encore : “Si elle s’en va, je sais que j’aurai les moyens de me faire aimer d’une autre…” »

 

Apprendre à avoir confiance en soi pour avoir confiance en l’autre est un vrai travail qui peut durer, selon Léo Lederrey, un, deux, voire trois ans. « Au final, on ne guérit pas de la jalousie, mais on apprend juste à la maîtriser. » Cet ancien jaloux et habitué des ruptures vit avec la même femme depuis près de dix ans. « Elle vient de s’inscrire à des cours d’espagnol. Autrefois, mon réflexe aurait été de lui demander avec qui elle avait parlé, si beaucoup d’hommes étaient inscrits dans sa classe. Aujourd’hui, je gère, parce que j’ai compris que le problème ne vient pas d’elle mais de moi. Ce n’est pas toujours facile, mais, en tout cas, ma jalousie ne nous gâche plus la vie. »

    

Différence des sexes

  

Homme, femme : qui est le plus jaloux ?

  
Selon les études, la jalousie est un sentiment qui s’accorde aussi bien au féminin qu’au masculin. Quant à la fréquence et à l’intensité de la jalousie, là encore, hommes et femmes sont à égalité. Les deux sexes se distinguent, en revanche, dans leur manière de réagir : « Les hommes se fâchent, les femmes dépriment », remarque Ayala Malach Pines, thérapeute de couple.

 

Alain Krotenberg, psychiatre, souligne pour sa part que, « chez les femmes, la jalousie révèle un comportement hystérique et dépressif tandis que, chez les hommes, elle a un caractère paranoïaque et obsessionnel, ce qui la rend plus difficilement guérissable ». La psychanalyse considère la jalousie comme un reflet du désir inconscient de tromper l’autre. Parce que ce désir d’infidélité est insupportable, le jaloux s’en défend en l’attribuant à l’autre. Ce mécanisme, dit de projection, est difficile à accepter. Pour le jaloux, d’abord, qui n’admettra pas que ce sont ses propres désirs qu’il projette sur l’autre. Pour le conjoint, ensuite, qui risque de conclure : « C’est donc à moi d’être jaloux, puisque tu désires me tromper. » Les deux doivent alors admettre que ces désirs sont inconscients, donc sans lien avec la réalité.

 

Anne-Laure Gannac pour psychologie.com

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