4 septembre 2013 3 04 /09 /septembre /2013 11:12
Une histoire d'amour, lorsqu'elle démarre, se vit sur le mode de la magie et de l'enchantement. On aimerait croire qu'elle est toujours unique et mystérieuse. Pourtant, à y regarder de près, l'amour, comme la plupart des sentiments, a aussi ses lois.
 
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Quel effet ça fait d'être amoureux ?

 

Elle attend sa venue. Il sera là, ce soir, à neuf heures. Tout près d'elle. Elle prend un bain, chantonne. Elle sent battre son coeur. Fort. Elle est heureuse ; elle est amoureuse. Folle d'amour. Elle pense à ses grands yeux, son corps, sa bouche, son sourire...

 

« Attentes, ô délices, attentes dès le matin et tout le long de la journée, attentes des heures du soi, délices de tout le temps ; savoir qu'il arriverait ce soir à neuf heures, et c'était déjà du bonheur. » Elle, c'est Ariane, la jeune épouse d'Adrien Deume, fonctionnaire sans éclat travaillant à la Société des Nations. Lui, c'est l'amant, Solal, le supérieur hiérarchique de son mari. Il la trouve belle, attirante, originale. Pour la séduire, il se débarrasse provisoirement d'Adrien Deume en l'expédiant en mission à l'étranger. Il réussit alors à subjuguer la jeune femme par une déclaration éblouissante. C'est le début d'une folle passion.

 

Belle du Seigneur (1968) est l'un des plus beaux romans d'amour jamais écrits. On en ressort ébloui, secoué, bouleversé. C'est un hymne à l'amour même s'il finit en tragédie. Albert Cohen décrit l'enivrant délire des premiers temps d'une passion amoureuse. Ne pouvant plus s'en séparer, Solal s'enfuit avec Ariane sur la Côte d'Azur. Dans leur chambre d'hôtel, puis dans une villa, Belle-de-Mai, ils vivent des moments sublimes. « Ô cette joie complice de se regarder devant les autres, joie de sortir ensemble, joie d'aller au cinéma et de se serrer la main dans l'obscurité, et de se regarder lorsque la lumière revenait, et puis ils retournaient chez elle pour s'aimer mieux, lui orgueilleux d'elle, et tous se retournaient quand ils passaient, et les vieux souffraient de tant d'amour et de beauté. »

 

L'état amoureux - particulièrement durant sa phase initiale (« à l'état naissant ») - peut être repéré par des symptômes caractéristiques. L'anthropologue Helen Fisher a mené l'enquête auprès de jeunes Américains et Japonais. Il en ressort un tableau clinique où se repèrent quelques constantes (1).

 

La focalisation de l'attention d'abord. Quand l'autre est là, plus rien ne compte. « Ils étaient l'un pour l'autre tout l'univers », écrit Friedrich von Schlegel, dans Lucinde (1799). Cette attention exclusive s'accompagne d'une recherche de fusion, (« je voudrais me fondre en lui/elle »). Lorsqu'il est absent, l'être aimé survient dans la tête de l'amoureux sous forme de pensées intrusives. C'est la deuxième caractéristique de l'état amoureux (« je n'arrête pas d'y penser »). Un autre signe est l'exaltation. Ariane est heureuse, déborde d'énergie, comme si elle était en transe. Les mots de la passion amoureuse n'évoquent-ils pas le « transport », les « débordements », l'« extase ». L'idéalisation est un autre trait marquant de l'état amoureux. L'être aimé est paré de toutes les qualités, ses défauts gommés, ses points positifs hypervalorisés (« il est génial ! », « elle est adorable ! »). On dit que l'amour rend aveugle. C'est sans doute un peu vrai : le sentiment amoureux ne sert pas à comprendre autrui mais à vivre avec.

 

Tout n'est pourtant pas merveilleux durant cette phase passionnelle. L'amour se traduit aussi par des symptômes de manque lorsque l'être cher est absent. La moindre contrariété peut aussi conduire à un brutal accès de désespoir. L'amoureux est inquiet, jaloux, en permanente recherche d'indices de l'amour de l'autre.

 

NOTE

(1) H. Fisher, Pourquoi nous aimons ?, Robert Laffont, 2006.

 

L'amour se réduit-il au désir ?

 

On n'aime pas sa maman comme on aime son chat, ses amis, son amant ou son hobby préféré. La question est donc de savoir si les différentes formes de l'amour - maternel, romantique, fraternel, amical, etc. - sont des expressions différentes d'une même émotion fondamentale ou si chacune traduit un sentiment spécifique.

 

Les philosophes grecs avaient pris soin de distinguer cinq ou six sentiments différents : Eros, divinité de l'amour, possédait un versant physique et vulgaire (Aphrodite) et un versant céleste (l'amour « platonique »). Aux côtés d'Eros proprement dit, il y avait aussi la philia (l'amitié), la storge (l'affection), l'agapè (l'amour de son prochain), la philantrôpia (l'amour de l'humanité en général). A chaque type de sentiment correspondait un engagement plus ou moins profond : la philia peut conduire au sacrifice de soi, l'agapè suscite la charité, la philanthrôpia ne peut conduire qu'à la compassion.

 

La psychologie contemporaine a repris le problème à sa manière. Pour Sigmund Freud, on le sait, les formes de l'amour relèvent d'une même pulsion - la libido. Elle peut s'investir sur des objets différents (un parent, l'amant, un objet fétiche, le psychanalyste...), connaît des stades d'évolution distincts (oral, anal, génital), peut être refoulée, idéalisée, détournée, etc., mais, au fond, c'est toujours la même pulsion qui agit.

 

L'éthologie s'est opposée à la psychanalyse sur ce point. Pour elle, l'attachement qui lie l'enfant à sa mère forme un sentiment spécifique, distinct de la libido. Dès 1891, l'ethnologue finlandais Edward Westermarck soutenait que la cohabitation prolongée entre membres d'une même famille neutralisait le désir et conduisait à une inappétence sexuelle entre parents. L'attachement serait donc un inhibiteur du désir, qui détourne naturellement de l'inceste.

 

Helen Fisher propose de distinguer trois types principaux d'amour : le désir sexuel, l'attachement et l'amour proprement dit. Elle fonde son analyse sur deux types d'études. Le premier relève d'une grande enquête interculturelle sur le sentiment amoureux. Indépendamment de l'âge, de la préférence sexuelle (homo ou hétéro), de la religion, etc., plus 75 % des personnes déclarent que « savoir que leur amant(e) est amoureux(se) de moi compte plus à mes yeux que de faire l'amour avec lui (elle) » (1). En d'autres termes, il compte plus de vivre avec quelqu'un, et surtout de se sentir aimé de lui, que de coucher avec. D'autre part, pour vérifier que cette déclaration n'est pas qu'une simple illusion, une équipe de chercheurs a mené une étude sur les manifestations cérébrales de l'amour et du désir sexuel. De jeunes gens ont ainsi été invités à regarder quelques minutes la photo de leur amoureux, pendant que leur cerveau était passé au scanner. Les résultats de l'imagerie cérébrale ont confirmé que l'amour et le sexe sollicitent des zones cérébrales en partie différentes (2).

 

Edgar Morin pense, lui, que l'amour n'est ni réductible à la libido, ni à un sentiment sui generis (3). Il le voit plutôt comme un « complexe » d'émotions, une alchimie de pulsions imbriquées. Comparable à un élixir, l'amour forme une mixture nouvelle, avec sa propre saveur, irréductible à celle de ses ingrédients.

NOTES

(1) H. Fisher, Pourquoi nous aimons ?, Robert Laffont, 2006.
(2) A. Aron et al., « Reward, motivation, and emotion systems associated with early-stage intense romantic love », Journal of Neurophysiology, vol. XCIV, n° 1, juillet 2005.
(3) E. Morin, Amour, poésie, sagesse, Seuil, 1999.

Par Jean-François Dortier 2009

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