"Voici un recueil de poèmes des grands noms de la littérature". Une façon de nous souvenir que nous avons profondément aimé la vie... avant l'avènement de la société consumériste et du lot de misère qu'elle nous inflige chaque jour. A tous ceux dont l'espoir brille encore quelque part dans les tréfonds de leur être, je leur dédie ces poèmes des temps passés...
1- Toute l’âme résumée
Quand lente nous l’expirons
Dans plusieurs ronds de fumée
Abolis en autres ronds
Atteste quelque cigare
Brûlant savamment pour peu
Que la cendre se sépare
De son clair baiser de feu
Ainsi le chœur des romances
À la lèvre vole-t-il
Exclus-en si tu commences
Le réel parce que vil
Le sens trop précis rature
Ta vague littérature.
Que diras-tu, mon coeur, coeur autrefois flétri,
A la très-belle, à la très-bonne, à la très-chère,
Dont le regard divin t'a soudain refleuri ?
- Nous mettrons notre orgueil à chanter ses louanges :
Rien ne vaut la douceur de son autorité ;
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges,
Et son oeil nous revêt d'un habit de clarté.
Que ce soit dans la nuit et dans la solitude,
Que ce soit dans la rue et dans la multitude,
Son fantôme dans l'air danse comme un flambeau.
Parfois il parle et dit : " Je suis belle, et j'ordonne
Que pour l'amour de moi vous n'aimiez que le Beau ;
Je suis l'Ange gardien, la Muse et la Madone. "
3- Ô saisons, ô châteaux,
Quelle âme est sans défauts ?
Ô saisons, ô châteaux,
J'ai fait la magique étude
Du Bonheur, que nul n'élude.
Ô vive lui, chaque fois
Que chante son coq gaulois.
Mais ! je n'aurai plus d'envie,
Il s'est chargé de ma vie.
Ce Charme ! il prit âme et corps,
Et dispersa tous efforts.
Que comprendre à ma parole ?
Il fait qu'elle fuie et vole !
Ô saisons, ô châteaux !
Et, si le malheur m'entraîne,
Sa disgrâce m'est certaine.
Il faut que son dédain, las !
Me livre au plus prompt trépas !
Ô Saisons, ô Châteaux !
Quelle âme est sans défauts ?
Arthur Rimbaud (1854-1891)
5- LA MUSE
Poète,prends ton luth;la nuit sur la pelouse
Balance le zéphyr dans son voile odorant.
La rose,vierge encor,se refeme jalouse
Sur le frelonnazcré qu'elle enivre en mourant
Ecoute!tout se tait:songe à ta bien-aimée
Ce soir,sous les tilleuls à la sombre ramée
le rayon du couchant laisse un adieu plus doux.
Ce soir, tout va fleurir :l'immortelle nature
Se remplit de parfums,d'amour et de murmure,
Comme le lit joyeux de deux jeunes époux
LE POETE
Pourquoi mon cœur bat-il si vite?
Qu'ai-je donc en moi qui s'agite
Dont je me sens épouvanté?
Ne frappe-t-on pas a ma porte?
Pourquoi ma lampe à demi morte
m'éblouit-elle de clarté?
Dieu puissant!tout mon corps frisonne
Qui vient?qui m'appelle?- personne
Je suis seul!c'est l'heure qui sonne
O solitude! O pauvreté
LA MUSE
Poète,prends ton luth;le vin de la jeunesse
Fermente cette nuit dans les veines de Dieu
Mon sein est inquiet,la volupté l'oppresse,
Et les vents altérés m'ont mis la lèvre en feu
O,paresseux enfant regarde je suis belle
notre premier baiser,ne t'en souviens -tu pas
Quand je te vis si pâle au toucher de mon aile
Et que les yeux en pleurs,tu tombas dans mes bras
Ah! je t'ai consolé d'une amère souffrance!
Hélas!bien jeune encor,tu te mourais d'amour
Console moi ce soir,je me meurs d'espérance;
J'ai besoin de prier pour vivre jusqu'au jour
LE POETE
Est-ce toi dont la voix m'appelle,
O,ma pauvre muse!est-ce toi
O,ma fleur ô mon immortelle
Seul être pudique et fidèle
Ou vive encore l'amour de moi!
Oui te voila c'est toi ma blonde
Ma maîtresse et ma sœur
Et je sens dans la nuit profonde
De ta robe qui m'inonde
les rayons glisser dans mon cœur.
Extrait de "La nuit de Mai" Par Alfred de Musset.