24 décembre 2013 2 24 /12 /décembre /2013 10:55

La théorie critique des années 70, s’est efforcée de repenser l’Aufklärung (philosophie des Lumières) du 18ème siècle. Deux auteurs majeurs, Adorno et Horkheimer, ont critiqué de manière violente l’industrie culturelle, instrument de domination des foules. Leur projet consiste à : « comprendre pourquoi l’humanité, au lieu de s’engager dans des conditions vraiment humaines, sombre dans une nouvelle forme de barbarie » 

 

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"Les industries culturelles support de l'idéologie normative dominante et responsables de la massification des esprits"

 

La Théorie Critique et les médias

  

La charge menée contre les médias est en effet lourde : ils leur reprochent de faire du public un “jouet passif”, réduit à opiner, à absorber toute la matière qu’on lui présente. Les médias (presse, télévisuels, divertissements, et aujourd'hui quelques sites internet) transformeraient les citoyens en consommateurs abêtis, objectivés, déshumanisés et égocentrique. Le spectateur serait une sorte d’homme générique, comme l’était l’ouvrier aliéné chez Marx, dont l’unité de condition consiste dans le fait qu’il a perdu toute fonction, et même toute capacité critique. Sa conscience devient à l’ère des mass media une machine qui effectuent des « opérations standardisées ». Le schématisme de l’entendement aurait disparu : les médiations entre les catégories et les phénomènes ne sont plus du ressort du sujet, mais de la « conscience des équipes de production » qui tracent pour les consommateurs, à leur place, les cadres leur permettant de saisir le réel. Même le moi au cœur de l’identité, qui se construit d’abord au sein de sphère d’intimité, est gangrenée par l’univers médiatique, ne serait plus qu’un « un produit breveté déterminé par la société », il se conforme à être ce que l’industrie culturelle lui impose. L’individu est intégré de force au système, il devient un maillon, une pièce d’une immense machine qu’il ne contrôle pas, il n’est plus qu’un « appareil ».

 

Pour ces deux penseurs, les médias sont la chute de l’homme moderne, la défaite du sujet pensant. Les médias semblent, selon eux, achever le mouvement d’ « autodestruction de la raison » prenant sa source chez les Lumières. Contre Kant, ils estiment que ce n’est pas le sujet qui est devenu majeur, mais c’est la domination qui est devenue adulte. Et cette défaite de la pensée est d’autant plus grande qu’elle semble, si l’on suit leur diagnostic, sans chance de rémission puisque « l’attachement funeste du peuple pour le mal qu’on lui fait va même au-devant de l’astuce des autorités ».

 

Les médias comme instrument de domination : la référence à Marx

 

Le second pivot de leur critique des médias se situe au niveau de la notion d’idéologie qu’ils leur attribuent. Car en sus de rendre les individus homogènes, ils véhiculent l’idéologie du « statu quo ». Les médias font triompher le divertissement. Or celui-ci produit du consensus qui aurait pour but de légitimer la société, contrairement au conflit et au dissensus qui la remettrait en question. L’exemple du fait divers, qui envahit tous les types de médias, est une « acclamation de l’ordre existant » qui, sous des dehors fatalisants (il montre aux citoyens « qu’il y a toujours plus défavorisés qu’eux », que leur condition, même mauvaise, est un moindre mal) interdisent aux individus de vouloir une modification de leurs conditions d’existence. Cette célébration quotidienne du vide, de l’anodin sert à masquer toute perspective de changement et à étouffer toute critique.

 

Au final les médias, devenus unique référent de la pensée publique, sont, du point de vue d’Adorno et Horkheimer, considérés comme anti-démocratiques car ils empêchent les sujets, par le biais de réseaux de manipulation et de coercition, de penser par eux-mêmes et de produire des opinions indépendantes... tout en compensant cette perte par une sur-valorisation narcissique des foules (alimentant par corollaire des pathologies liées à la perversion). L’entreprise conduite par les fondateurs de l’école de Francfort n’est en réalité fondée que sur la compréhension, puis la dénonciation des dérives de la modernité, mais pas sur la construction d’une théorie féconde qui chercherait à remédier à cette « barbarie » qu’est la raison instrumentale.  Ils condamnent définitivement la modernité dans son ensemble, elle ne donne rien à penser de fécond quant à la démocratie moderne et à l’espace public, puisque les individus sont déshumanisés et aliénés par les système médiatique.

 

« Kant a anticipé intuitivement ce que Hollywood fut le premier à réaliser consciemment : dans le processus de leur production, les images sont précensurées conformément aux normes de l’entendement qui, plus tard, décideront de la manière dont il faut les regarder »

   

Description de l'ouvrage "La Dialectique de la Raison"  

 
Selon le livre, le monde entier est structuré par l’industrie culturelle (la culture de masse), laquelle est un système formé par le film, la radio, la presse écrite. L’industrie culturelle tend non pas à l’émancipation ou à la libération de l’individu, mais au contraire à une uniformisation de ses modes de vie et à la domination d’une logique économique et d’un pouvoir autoritaire. C’est en cela que l’industrie culturelle participe d’une anti-Aufklärung. Le phénomène ne concerne pas seulement les pays totalitaires, mais également les autres pays, à commencer par les sociétés libérales.

 
Il y a une unité de la civilisation de masse, qui est dirigée d’en haut par un pouvoir économique qui dépasse celui de l’industrie culturelle et exerce sur elle son emprise. Il n’y a pas de différence de nature entre la propagande et l’industrie culturelle : la technique est la même. Le consommateur est considéré seulement comme client et comme employé, soit comme matériel statistique (comme un moyen et non comme une fin).

 
La « culture » propagée par l’industrie culturelle n’est pas quelque chose d’extérieur à l’existence de l’individu. Elle semble concerner uniquement ce qui relève du loisir ou du divertissement, mais c’est là qu’elle exerce en réalité son emprise la plus forte. On croit échapper dans le divertissement au processus de travail, mais en réalité, c’est dans le divertissement que l’individu est préparé et discipliné par l’industrie culturelle pour l’affronter. Les carrières des professions libérales sont déterminées par l’appartenance à la "culture" plus encore que par les savoirs techniques, car c’est dans la "culture" que se manifeste l’allégeance au pouvoir et à la hiérarchie sociale. S’amuser, c’est donc être en accord avec la société.

 
Le système de l’industrie culturelle marginalise, au contraire, ceux qui refusent cette uniformisation. Le pauvre est l’exclu par excellence du système. Bien que l’art se trouve également en dehors du système a priori, il n’échappe pas en fait à la logique de l’industrie culturelle, et se reconnaît même en elle comme un objet de consommation. En réalité, les individus sont imprégnés jusque dans leur langage, dans leurs gestes, dans leurs émotions les plus intimes par le pouvoir de l’industrie culturelle. Les consommateurs sont contraints de devenir non des sujets mais des produits.

 

A consulter :  Jeux vidéo - Un écran de l’économie globalisée

 

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Émission présentée par Christophe Payet avec: 
Sébastien Genvo,  en duplex depuis Metz, maître de conférences à l’Université de Lorraine et membre du Centre de recherche sur les médiations. Auteur du blog "LoduLogique.com".

 

  https://fr.wikipedia.org/wiki/Dialectique_de_la_Raison

http://la-philosophie.com/

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Published by Cabinet.psy70-Luxeuil.fr - dans Dossier Actualité-sociologie

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