4 décembre 2010 6 04 /12 /décembre /2010 15:10

Des neurobiologistes ont identifié les circuits neuronaux impliqués dans l'apprentissage de la peur et son expression comportementale.

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"L'homme effrayé commence par se figer comme une statue, immobile et sans respirer, ou s'accroupit comme instinctivement pour échapper au regard d'autrui. Le cœur bat violemment, et palpite ou bat contre les côtes… Les poils sur la peau se dressent ; et les muscles superficiels frissonnent. Du fait du changement de rythme cardiaque, la respiration est accélérée… La bouche devient sèche, est souvent ouverte et fermée."

 

-Charles Darwin, L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux.-

 

 

On ressent de la peur en présence ou dans la perspective d'un danger. Les manifestations physiologiques qui l'accompagnent, telles l'augmentation du rythme cardiaque, l'écarquillement des yeux ou la chair de poule, sont dues à la libération d'une hormone, l'adrénaline. Ces modifications physiologiques permettent de réagir vite : le sujet en danger se prépare à fuir ou à combattre, assurant ainsi sa survie. Toutefois, certaines personnes souffrent de manifestations exagérées de la peur, par exemple les sujets attteints de phobie, d'un syndrome de stress post-traumatique ou de troubles anxieux. Ils présenteraient des anomalies de certains circuits neuronaux impliqués dans la peur, ce qui provoque des réactions anxieuses inadaptées. Mais quels sont ces circuits ?


Cyril Herry, de l'Unité INSERM 862 du Neurocentre Magendie, à Bordeaux, et plusieurs équipes suisses et allemandes, ont identifié pour la première fois des circuits neuronaux inhibiteurs impliqués dans l'acquisition de la peur et la manifestation de ses réponses comportementales. Ils se situent dans une région du cerveau nommée complexe amygdalien (ou amygdale), structure composée de plusieurs noyaux connue pour être le siège de la peur.


L'amygdale est au centre du circuit cérébral de la peur. Les informations sensorielles atteignent le thalamus, une région cérébrale centrale, puis sont analysées – ou non, selon l'imminence et la gravité de la menace – par des structures corticales supérieures et par l'hippocampe, siège de la mémoire, avant d'être transmises à l'amygdale. Celle-ci engendre alors la réponse comportementale de l'organisme, via la sécrétion d'adrénaline.


La peur peut être une réaction acquise. Par exemple, on peut apprendre à un rongeur qu'un stimulus non douloureux – un son – prédit un événement désagréable – un choc électrique. Au début de l'expérience, l'animal ne manifeste aucune réaction de peur quand il entend le son, mais à mesure qu'il apprend l'association son-choc électrique, il a peur dès que le son retentit et, par exemple, se fige. Cette peur conditionnée met en jeu l'amygdale, notamment son noyau latéral et son noyau central. On pensait jusqu'alors que le noyau latéral était la région où l'association des deux stimulus – ici, le son et le choc électrique – se faisait et que le noyau central était surtout impliqué dans l'expression comportementale de la peur. C'est en effet de ce noyau, en particulier de sa partie médiane, que les fibres sortant de l'amygdale stimulent l'hypothalamus et le tronc cérébral, qui orchestrent les réponses motrices et automatiques de la peur (par le biais de l'adrénaline).


Les neurobiologistes ont précisé les circuits de la peur dans ces noyaux de l'amygdale en utilisant deux techniques ; soit ils ont bloqué des neurones de l'amygdale avec des molécules pharmacologiques, soit ils les ont excités après leur avoir injecté des substances particulières qui stimulent les neurones sous l'effet de la lumière. Ainsi, en inactivant la partie latérale du noyau central, ils ont montré que les rats n'apprenaient plus l'association entre le son et le choc électrique. En revanche, l'inactivation de la partie médiane de ce noyau, d'où sortent les informations, ne modifie pas l'apprentissage, mais inhibe la réponse comportementale de peur (le rat ne s'immobilise plus). De même, l'activation de cette région médiane provoque une réaction de peur chez le rat.


En outre, les neurobiologistes ont enregistré l'activité électrique des neurones du noyau central et ont identifié les circuits neuronaux inhibiteurs impliqués lors du comportement de peur. Le noyau central latéral contient deux populations distinctes, mais interconnectées, de neurones, qui inhibent globalement le noyau central médian. Le son « conditionné » active la première population alors qu'il inhibe la seconde, et la première population peut aussi inhiber la seconde. En fait, au cours du conditionnement, les chercheurs ont constaté que cette inhibition de la seconde population par la première lève l'inhibition globale sur le noyau central médian, ce qui provoque une augmentation des réactions conditionnées de peur.


En parallèle, des neurobiologistes ont identifié qu'un des types cellulaires du noyau central latéral – celui inhibé par le son conditionné – produit une protéine particulière, la kinase C delta. Il s'agit là d'un marqueur moléculaire qui permet aux scientifiques de « manipuler » ces neurones et… l'expression de la peur. L'identification de ces circuits dans le noyau central de l'amygdale devrait aboutir à de nouvelles approches thérapeutiques chez les patients qui souffrent de manifestations anxieuses inadaptées.

 

 

Source: Pour la science.

 

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