Le Petit Prince est sans aucun doute un des plus beaux plaidoyers jamais écrits contre le nihilisme et pour le réenchantement de la vie. C'est un chef-d'œuvre, une consolation, un puits dans le désert du monde, une promesse ... " A partager avec nos enfants, pour leur redonner foi en l'imagination et en un avenir meilleur ".
"C'est d'abord un rire, cristallin, et une chevelure blonde comme les blés mûrs. Un regard ouvert sur l'invisible".C'est comme une présence épiphanique, un personnage de conte plus réel dans notre imaginaire que les êtres de chair. Il ne grandit jamais et pour toujours, il est à l'abri des ravages du temps. Il habite nos rêves avec son écharpe au vent, sa rose unique au monde, sa minuscule planète, son mouton et ses volcans. Il est l'éternelle jeunesse, la plus belle part de nous-mêmes, la part d'enfance et d'innocence, de pureté, de sincérité, de profondeur aussi. Cette part que parfois, dans le tumulte des jours, le mirage des illusions et la difficulté d'être, nous oublions et auquel Le Petit Prince nous rappelle. C'est pour cela qu'il faut lire et relire ce conte pour enfant, qui est en vérité un récit initiatique et une méditation poétique sur le sens de la vie ...
" Ils ont tué notre enfance, mais la magie a survécu "
... Mélange de tristesse et de joie, d'humour et de gravité, de simplicité et de profondeur, il reflète aussi bien nos rêves d'enfant que nos aspirations d'adulte, pour peu que l'on se donne la peine et le temps de les considérer, et de contempler en nous le petit prince qui sommeille. Comme l'âme, le petit prince et le narrateur sont « tombés du ciel » sur une « Terre de granit », sèche et désertique. Comme l'âme, ils recherchent l'eau et l'amour pour étancher leur soif et apaiser leur cœur. Comme l'âme, ils comprennent qu'en toute beauté, il y a le rayonnement invisible d'une vérité que seul le cœur peut voir, car « on ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux ». Ce que nous croyons être le vide est toujours habité d'une promesse inouïe : ce qui fait rayonner le désert, c'est un puits quelque part où coule l'eau de la vie ; ce qui fait scintiller les étoiles, c'est une rose qui vous attend sur l'une d'elle ou un petit prince qui vous fait signe. Ce qui est bon, quand on retrouve Le Petit Prince, c'est qu'à chaque page, on est touché par la grâce de sa présence et de son regard sur le monde, à la fois acéré et doux. Le récit de ses rencontres remet les choses à distance et met en garde contre la rage de posséder et de dominer, de gagner du temps à tout prix, contre l'aveuglement qui nous fait passer à côté de l'essentiel ...
... On rit du gros businessman rouge, du vaniteux, du roi sans royaume, on s'y reconnaît aussi un peu, si on est sincère. On se prend à rêver d'apprivoiser ceux que l'on aime, et plus encore de se laisser apprivoiser puisqu'« on ne connaît que les choses que l'on apprivoise » et qu'« on est responsable pour toujours de ce qu'on a apprivoisé ». Le petit prince nous apprend à aimer malgré les complications de l'amour, à contempler malgré la difficulté de voir, à marcher tout doucement vers une fontaine, à transcender aussi le chagrin des départs. Il est vrai qu'il a « l'air de mourir » et pourtant ne meurt pas, son corps tombe sur le sable mais disparaît dans les étoiles. Il est notre part d'éternité. Après sa disparition entre deux dunes, bien après avoir refermé le livre, il reste dans le cœur une trace indélébile de son passage, comme une lumière ou une grâce dont les effets ne cessent de croître.
Leili Anvar
Docteure en littérature, normalienne et maître de conférence aux Langues O', elle est l'auteure de Rûmî (Entrelacs, 2004).