Le terme « borderline » fascine, inspire et agite les esprits.
Employé ici et là dans quel domaine que ce soit, et source de nombreuses idées fausses, la personnalité borderline est un rayon de la psychologie encore mal compris...
Le caractère borderline est un trouble de la personnalité
Dans le langage des psys, on définit ce terme de 'trouble de la personnalité' comme une façon d’être (et de réagir) durable et source de mal être. La personnalité borderline est un trouble durable, quoiqu’ évolutif, parsemé de moments de crises et de périodes d’apparence saine.
Particulièrement fréquent chez les adolescents et les jeunes adultes, sa fréquence et ses conséquences ont tendance à baisser avec l’âge. Les chiffres, probablement sous-estimés, indiquent une proportion de 2% de personnes atteintes en population générale (OMS, 2000), et de près de 20% des personnes soignées en psychiatrie. La personnalité borderline touche préférentiellement les femmes.
De quoi s’agit-il vraiment ? Comment savoir si l’on est concerné ? Où s’adresser pour se faire aider ? Réponses à toutes les questions concernant la personnalité borderline, encore trop méconnue, et pourtant si répandue.
Un trouble de la personnalité, c’est quoi ?
Un trouble de la personnalité est le terme donné par les psys pour désigner une façon d’être ‘pathologique’ source de mal-être dans toutes les sphères de la vie quotidienne. Un trouble de la personnalité est une affection durable, plutôt stable dans les temps, qui correspond plus à un ‘tempérament’ qu’à une réaction pathologique momentanée. Il en existe plusieurs, chacun regroupant une série de traits de caractère spécifiques et un rapport à l'ego particulier.
En fonction de ces éléments, on peut classer le trouble de narcissique, d'obsessionnel-compulsif, d'évitant, ou encore de paranoïaque. La personnalité borderline en fait également partie.
Suis-je borderline ?
Emotive, impulsive, imprévisible, angoissée… la personne borderline lutte au quotidien contre une hyperémotivité parfois embarrassante, et un équilibre difficile à garder. Les aspects de la vie concernés par cette instabilité personnelle sont l’image de soi, les relations aux autres, la gestion des émotions, et de la vie quotidienne.
Une image de soi bien fragile
Peu confiante en elle-même, la personne borderline a un besoin quasi permanent d’être rassuré par autrui. Elle a une vision assez instable d’elle-même, tantôt enthousiasmante, tantôt insignifiante, qui peut parfois être la source d’une grande angoisse ("Je suis vide") et même de pensées suicidaires. Pour compenser cette ‘inconsistance identitaire’, elle utilise parfois l’extérieur, son entourage (en s’entourant au maximum) ou des objets (achats, toxiques, etc.), pour donner des contours à sa personne qu’elle a tant de mal à définir.
Des relations tourmentées
Il est difficile pour un individu à la personnalité borderline de maintenir une stabilité dans ses relations interpersonnelles. Le schéma habituel est une relation forte en intensité portée par des sentiments extrêmes évoluant entre amour et haine. Les relations peuvent connaître des moments de calme apparent, mais sont le plus souvent marquées de conflits. Ces derniers sont généralement provoqués par la crainte d’être abandonnée, une grande susceptibilité et une méfiance soudaine (voire des idées paranoïaques) vis-à-vis de l’autre.
En plus de colères incontrôlables, les angoisses du borderline sont parfois telles que le sujet en oublie les sentiments et le vécu de l’autre. "On se quitte puis on se remet ensemble" est un des scénarios typiques des relations de couple de la personne borderline, dont le "Je n’ai que des relations courtes" fait également partie.
Attention cependant à ne pas qualifier à outrance de borderline ce type de relations. Seul leur caractère durable est signe de souffrance, et doit mettre la puce à l’oreille.
Une hyperémotivité
La vie d’une personne borderline est un jeu de bascule entre sentiment de vide et émotions fortes. En adepte de la loi du tout ou rien, elle peut passer du rire aux larmes, du profond mal-être à la jouissance.
Les émotions ressenties sont parfois telles que des pensées de suicide ou d’auto-violence peuvent lui passer l’esprit. Des envies d’agir qui prennent parfois forme sous le coup de l’impulsivité, et qui font la gravité de ce trouble. Pourquoi ? Parce que c'est parfois le seul moyen trouvé pour soulager l’angoisse et le mal-être, au moins temporairement.
La recherche de sensations fortes
L’ennui est difficilement gérable, parfois même insupportable. Pour compenser ce vide affectif ressenti, l’individu qui souffre d’une personnalité borderline a parfois recours à des conduites à risques : prise de toxiques, conduite alcoolisée, sexualité non protégée, dépenses inconsidérées (et découverts à la clé !), consommation excessive de médicaments, sports dangereux, etc.
Il n’est d’ailleurs pas rare que la personne borderline souffre d’addiction, c'est-à-dire d’une dépendance à une substance ou à un comportement (achats compulsifs, boulimie, jeux d’argent, etc.). L’impulsivité, très fréquente dans la personnalité borderline, facilite ce genre de comportement.
Pour simplifier, on peut dire que la personne borderline vit dans les excès. Rebelle, la personnalité borderline aime dépasser les limites que son milieu lui impose. Une façon de pondérer les angoisses existentielles en s’emparant de sensations fortes...
Comment cela évolue ?
L’évolution est très variable, avec une tendance générale à la résolution spontanée des symptômes, une fois passé l’âge adulte. En effet, même si la personnalité borderline est un trouble durable, elle peut évoluer positivement au fur et à mesure du travail psychique et des expériences positives de vie.
Les maladies associées
Même si le trouble est propice à s'arranger avec le temps, la fragilité identitaire de ces personnes favorise le développement d’autres maladies psychiques comme les troubles de l’humeur (trouble bipolaire, dépression, etc.), les troubles du comportement alimentaire (surtout la boulimie), les troubles anxieux, ou encore les addictions. A titre d'exemple, on a estimé dans une étude qu'environ 3/4 des patients borderline suivis présentaient un trouble de l'humeur.
La mise en danger
La gravité de cette pathologie réside dans les conduites à risque dont l’issue peut être fatale. Outre les conséquences financières, sociales (difficulté à s’adapter au monde professionnel, etc.) et sanitaires (risque de grossesse non désirée, de MST, d’accidents de la route, etc.) fréquentes, le risque suicidaire représente la pire menace de cette maladie, d’autant plus qu'il est associé à une forte impulsivité.
La fréquence du suicide chez les sujets souffrant d'une personnalité borderline, est estimée à 10%. Néanmoins, ces cas les plus graves ne sont pas majoritaires. Une grande proportion de personnes borderline parvient à vivre ‘normalement’ avec une bonne adaptation socioprofessionnelle, malgré le trouble.
Un suivi parfois difficile
Si le suivi psychothérapique est essentiel pour l’amélioration du vécu de la personne et de son adaptation sociale, il est parfois difficile à mettre en place et à maintenir. Tout comme la personne borderline a du mal à entretenir une stabilité relationnelle et personnelle, elle peut être très réticente à amorcer et à poursuivre la relation thérapeutique.
Les ruptures de suivi et les changements de thérapeute ne sont pas rares. Le cadre, voire le contrat de soins, établi avec le psy, est essentiel pour éviter cet écueil.
Quand on est un proche…
Qu’on soit le frère, la meilleure amie ou le compagnon d’une personne borderline, il n’est pas toujours aisé de comprendre, ni de supporter, ses mouvements affectifs fluctuants. D'abord, il est important de prendre conscience que la personnalité borderline est un réel trouble psychiatrique, et non un simple défaut caractériel, qui nécessite des soins psychiques. Le soutien que vous apporterez à la personne borderline est essentiel, mais sachez garder la juste distance dans votre mode relationnel, et ne tentez pas de vous substituer au rôle du thérapeute.
- Dans les moments difficiles « en crise », la personne borderline a avant tout besoin d’être rassurée. Alors ne jugez pas, mais rassurez-la comme vous pouvez !
- Encouragez-la dans ses projets (qu’elle a parfois du mal à maintenir), complimentez-la sur ses qualités et ses valeurs personnelles.
- Restez ferme lorsque cela est nécessaire, en particulier lorsqu'elle dépasse les limites.
- Soyez vigilant dans les moments ‘dépressifs’ de votre proche, en particulier lorsqu’il exprime des idées suicidaires. N’hésitez pas dans ces moments-là à contacter son entourage, son psychiatre ou à le conduire aux urgences si vous ne parvenez plus à gérer la situation seul. Bref, sachez déléguer tout en vous montrant présent.
- Sachez relativiser les reproches qu’il/elle vous fait. Gardez à l’esprit que le mobile de sa colère est bien souvent la peur profonde d’être abandonnée.
- Sachez préserver votre espace personnel afin d’éviter de rentrer dans une relation trop fusionnelle.
Source : Zanarini et coll., 2004.