24 juillet 2011
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Alain-Gérard Slama, essayiste, journaliste et historien, analyse ce fait de société qui s'accroît de façon exponentielle ! Cliquez sur le logo France Culture pour écouter le podcast de la chronique.
Les incivilités : une notion difficile à définir
- L’apparition du terme incivilities remonte au début des années 1970 aux États-Unis. Mais, c’est en 1982 que deux chercheurs, Kelling et Wilson, développent, à la suite du sociologue Erving Goffman, les implications de la notion, en se fondant sur la théorie dite de "la vitre brisée". En 1993, un chercheur français, Sebastian Roché s’intéresse à cette notion au regard de la situation de la délinquance en France.
- Si la définition traditionnelle de "civilité" correspond à "l’observation des convenances, des bonnes manières en usage dans un groupe social", la définition du terme "incivilité", lui-même n’est pas aisée. Sebastian Roché les définit comme un "ensemble de nuisances sociales extraordinairement variées qui ne blessent pas physiquement les personnes, mais bousculent les règles élémentaires de la vie sociale qui permettent la confiance". Les comportements qu’elle recouvre sont des crachats, graffitis sur les murs des villes, dégradations de biens publics, attroupements d’individus potentiellement menaçants, bruit dans les immeubles d’habitation, insultes dans la vie quotidienne, manque de respect envers les personnes âgées...
- La difficulté principale est que cette notion sociologique englobe à la fois des comportements gênants, mais qui ne sont pas pénalement sanctionnés, et d’autres qui constituent de vraies infractions. Des débats ont lieu autour de cette notion. Certains considèrent que l’expression masque de réelles infractions et une partie de la délinquance, d’autres récusent cette formulation qui légitimerait l’établissement insidieux d’un appareil répressif public et privé.
Les incivilités remettent en cause le bon fonctionnement de notre société
- Les incivilités sont perçues comme un défi à l’ordre public. Le problème central ne réside pas dans les actes commis, mais dans leurs conséquences. En effet, plusieurs travaux sociologiques semblent souligner que la multiplication des incivilités, notamment dans un lieu géographiquement limité (ex : un quartier), accroît le sentiment d’insécurité, mais aussi la délinquance, dès lors que les mécanismes informels de contrôle disparaissent.
- Le lien entre les citoyens s’estompe et une méfiance généralisée s’installe. Ces atteintes à l’ordre public sont destructrices des interactions de civilité et, finalement, de la confiance nécessaire à un bon fonctionnement de la société.
- Il faut cependant souligner la réelle difficulté à évaluer ce phénomène qui n’est pas sans lien avec l’imprécision de sa définition. Les chiffres mesurant la forte croissance des violences urbaines, ont été critiqués car ils posent des problèmes d’interprétations. De même, le discours sur les incivilités, qui les associe à la peur de l’insécurité et qui les assimile à la jeunesse et à l’immigration, doit être interrogé.
Des solutions difficiles à élaborer
- Depuis 1997, des contrats locaux de sécurité ont été signés, impliquant tous les acteurs de la sécurité (policiers, magistrats, élus locaux, éducateurs...), et dont l’un des buts est de lutter contre ces phénomènes.
- La police de proximité lancée dans certains départements depuis 1999, est généralisée en 2002. Enfin, des Maisons de justice et du droit, expérimentées depuis 1990 et consacrées par la loi du 18 décembre 1998, assurent une présence judiciaire dans une commune ou un quartier sensible.
- Les solutions paraissent cependant difficiles à élaborer. Il est en effet nécessaire de rechercher un équilibre pour les politiques de sécurité afin d’empêcher la désertion de l’espace public sans pour autant instaurer un contrôle permanent.
- Les pouvoirs publics semblent conscients de cette difficulté : en septembre 1999, lors d’une rencontre qui avait pour thème le bilan des contrats locaux de sécurité, le Garde des Sceaux a mis en garde contre le caractère vague du terme "incivilités" et rappelé que les forces de l’ordre ne pouvaient réprimer que des infractions prévues par la loi.
- La loi pour la sécurité intérieure de 2003 transforme pourtant certaines incivilités en délits (ex : occupation des halls d’immeubles).
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dans
Dossier Actualité-sociologie