Voici le second article qui rend hommage à l'immense talent du psychologue et psychanalyste Pierre Daco. "Les triomphes de la psychanalyse", son deuxième ouvrage, retrace le déroulement des analyses, la découverte du moi et la renaissance des grands symboles dans le cœur des hommes. Ce livre est un bréviaire en ces temps de guerre entre les différents courants psychologiques. Un guide précieux qui dépoussière nos idées reçues et nous permet de redécouvrir la véritable signification du mot "psychanalyse", souvent galvaudé par de fausses croyances (qui phagocytent sa dimension thérapeutique) et par les mauvaises transmissions universitaires de cette discipline profondément humaine. Ce livre, vendu à plusieurs millions d'exemplaires, vient restaurer l'honneur et la fonction libératrice de cette psychothérapie toute particulière !
Sigmund Freud : L'éternel incompris (1856 - 1939)
Ce fut comme une bombe tonnant sur le monde. Provoquant étonnements, stupéfactions, colères. Des sarcasmes, aussi !
Pensez donc ! On entrait, en quelque sorte, dans le Surréalisme du Mental, dans un monde déformé, insaisissable, à première vue grotesque. Rien ne semblait plus correspondre à la réalité ; les gens prenaient peur. Leur Moi, ce Moi magnifié, puissant, raisonnable, c'était donc ça et rien que ça ? ...
Comment ! Ce Freud osait flanquer au monde de pareilles gifles ? N'osait-il pas prétendre que le fond de l'homme était un océan immense, inconnu, bourré de cavernes inconscientes ? Et que la partie raisonnable et consciente, face à cet océan intérieur, était très peu de choses ?
Les hommes se tâtèrent en ricanant, à la recherche de cet Inconscient dont ils ignoraient même l'existence ...
Non, les sarcasmes ne manquèrent pas. Et, en plus, ce Freud voulait donner aux rêves une explication rigoureuse ! En disant que le rêve n'était pas un chaos absurde, mais une réalité logique ! ...
Ne prétendait-il pas que les luttes intérieures de l'enfant, ses chocs émotifs, continuaient à exister sourdement en l'individu adulte, comme les satellites dont j'ai parlé ? Et que leurs effets pouvaient sortir à la moindre occasion ? L'homme, qui croyait donc se mater, se dominer, se guider, devenait une proie de son inconscient ; et cet inconscient déterminait la plupart de ses actions ... !
En plus, ( c'était le comble ! ), ce Freud voyait la Sexualité partout ... Il ouvrait les portes d'un Domaine Interdit, censuré, caché, dont on ne parlait qu'à voix basse derrière d'épais rideaux. Et voilà que de cette " chose " morale, il voulait faire une réalité scientifique !
Il était donc fatal que l'on hurle. Car les hommes devaient abandonner les pensées familières. Ils devaient s'aventurer dans une mer grasse et houleuse ... Et les hommes furent, dans leurs vanités, aussi offensés que lorsqu'ils apprirent que la Terre n'était pas le centre du monde ...
"Les sarcasmes furent donc leur défense."
Mais Freud continuait, géant indifférent. Et depuis, la Psychanalyse a envahi la psychologie, l'éducation, la littérature, le théâtre, les hôpitaux, les écoles, l'art ...
Les travaux psychanalytiques continuent sans répit, dans toutes les directions, orthodoxes ou non.
Un des rêves de l'homme n'est-il pas de sonder le Mental, jusque dans ses plus infimes galeries ? ...
Biographie et informations
Biographie :
Pierre Daco est un psychologue et psychothérapeute français, né en 1936 et mort en 1992.
Disciple de Charles Baudouin et de Carl Gustav Jung, il est membre de l'Institut International de Psychothérapie et de la Fondation Internationale de Psychologie Analytique. Ses ouvrages ont participé à la diffusion et à la médiatisation de la psychologie.
Ses écrits sont à la fois empreints de psychologie analytique, eu égard au fait qu'il resitue les grands symboles (ou archétypes) dans le quotidien de ses patients, et de la psychanalyse freudienne sur la base de laquelle il s'appuie afin d'expliquer les mécanismes inconscients, ou sous-jacents qui sous-tendent toutes nos réactions comportementales, y compris les complexes, inhibitions, la « projection », les « fixations », etc.
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LA TERMINOLOGIE PSYCHANALYTIQUE
... La Psychanalyse de Freud est, avant tout, une méthode particulière d'analyse et de traitements psychologiques, prenant place dans la psychothérapie.
Voici les termes ( barbares mais logiques ! ) que nous rencontrerons en psychanalyse :
- L' inconscient
- le " ça " et le subconscient
- les pulsions
- le Moi
- la censure
- le Moi idéal
- l'idéal du Moi
- le Sur-Moi
- les refoulements
- les complexes
- les rêves
- l'abréaction
Tout d'abord, nous pouvons imaginer un personnage ramant à la surface d'un lac. Comparons-le à l'individu conscient, c'est à dire opérant la synthèse de ses perceptions diverses.
Supposons maintenant que ce rameur n'ait jamais plongé, ou n'ait jamais eu l'occasion de savoir que ce lac possède une profondeur, un fond. Il croira donc que rien n'existe hormis la surface, de même qu'un homme ignorerait qu'il existe autre chose que sa vie consciente.
Quand supposera-t-il que ce fond de lac existe ? Lorsqu'il verra une bulle crever à la surface. Ou mieux encore, lorsqu'une énorme bulle d'air éclatant sous sa barque, le fera basculer ...
A ce moment seulement, le rameur se rendra compte qu'il existe une partie invisible, produisant certains effets ; et que seul un plongeon permet de l'explorer. Cette partie est : L'INCONSCIENT
Un individu inconscient ( inconscient est ici adjectif ) est celui qui ne connaît pas ses faits psychologiques et physiologique. Cet état est temporaire chez l'Homme normal, car la plupart des faits inconscients peuvent devenir conscients au fur et à mesure des besoins.
Exemples :
_ Je suis inconscient des battements de mon coeur ; mais il suffit de canaliser mon attention sur eux, pour qu'ils soient perçus consciemment.
_ Je suis en train d'écrire, et conscient d'écrire. Je ne pense donc pas à mon ami Jacques. Cependant, le souvenir de mon ami se trouve dans ma mémoire. Brusquemment je lève les yeux sur l'horloge, qui me rappelle le rendez-vous que Jacques m'a fixé. A ce moment, Jacques monte dans le champ de ma conscience.
Tout ceci est évidemment clair et très simple.
LES SOUVENIRS
Ils font partie de la zone inconsciente de l'individu. Ils s'y trouvent en masses incalculables ; certains d'entre eux étant" chargés " d'émotions agréables ou désagréables. Nous en verrons la grande importance en psychanalyse.
Beaucoup de souvenirs demeurent enfouis ( "oubliés" ) pendant longtemps ; parfois même durant toute la vie. Malgré cela, ils se trouvent inscrits dans la mémoire : on conçoit donc immédiatement qu'ils puissent produire certains effets, à l'insu du sujet !
Dans certains cas, ( hypnotisme, rêve nocturne, choc émotif, traumatismes crâniens, narco-analyse, narcose chirurgicale, etc etc) des souvenirs oubliés remontent brusquement à la conscience, à la surface.
LES HABITUDES
Elles font également partie de l'Inconscient. A vrai dire, l'habitude est un "tic" normal, et pouvant devenir conscient au moment où il se produit.
Les habitudes comprennent la plupart des actes moteurs, beaucoup d'opinions, des slogans intérieurs, des jugements appris. La Presse, la Radio, la Publicité s'en chargent bien souvent ! Mais si l'effet d'une habitude est souvent conscient, il n'en est pas de même des motifs cachés produisant cette habitude.
Les habitudes offrent un intérêt primordial en psychologie : certains "tic" révèlent un état affectif troublé .
Passons en revue les tics courants :
Froncement des sourcils - écarquillement des yeux - reniflement - nez froncé - lèchement des lèvres - mâchonnements - crachotements - toux - râclement de la gorge - haussement d'épaules - tête poussée hors du col, etc ; tous ces tics s'accomplissent immédiatement, en un éclair. Ce sont des tics simples.
Existent des tics aux ramifications plus compliquées : On rectifie sa cravate - on suce son pouce - on se ronge les ongles - on se manipule le nez, etc
Un tic est souvent le symptôme d'un état affectif momentané. Beaucoup de gens ont des tics "habituels" . L'apparition et l'intensité d'un tic dépendent d'un état émotionnel ; un tic se montre dans la "nervosité " d'un moment difficile, et disparaît avec l'aisance et la détente.
De nombreux tics verbaux existent également (expressions toutes faites, calembours répétés dix fois par jour, etc )
Ils disparaissent également avec la détente.
Nous avons aussi le véritable tic pathologique. Il traduit une situation affective ou physiologique. Son étude révèle souvent un conflit affectif inconscient. Certains facteurs nerveux sont fréquemment en cause également.
Reprenons l'exemple de la surface du lac. Il y a en dessous donc, l'inconscient physiologique et psychologique.
Cet inconscient prend sa source dans de très multiples éléments. Il est semblable à un fond de lac, formé de vase, de boue, d'or, de perles, de terre, et qui prolongerait ses racines vers un fond plus vaste encore : La Terre toute entière, dont il fait partie.
Il en est ainsi de notre Inconscient : il est formé aussi bien de faits psychologiques que de la sécrétion de nos glandes endocrines, et du fonctionnement de nos organes. Il est formé aussi bien de l'hérédité que de la composition du sang.Il prend sa source partout ; la nation dont on fait partie le forme ataviquement à la naissance ; les climats religieux, sociaux, géographiques, le forment également. La santé générale de l'individu décide de sa forme et de son étendue ...
Cet Inconscient-là regroupe aussi les tendances communes aux membres d'un même groupe social ... L'inconscient d'un Chinois est différent, à la naissance, de l'inconscient d'un Français.
Donc, on voit que cet immense Inconscient n'est pas facilement explorable ; il faudrait pouvoir analyser la moindre fibre nerveuse de l'Homme, et connaître les traces profondes qu'ont laissées en lui les dizaines de milliards d'expériences humaines qui l'ont précédé ...
Pour Freud donc, cet Inconscient là ne monte pas toujours à la surface de la conscience. Il fallait donc un Inconscient " intermédiaire", et susceptible de devenir conscient, à l'occasion ... Cet Inconscient " intermédiaire" s'appelle :
LE " ça "
Ce terme, qui semble un peu barbare, est cependant d'une logique rigoureuse. Nous nous sommes tous fait cette réflexion ; cela est plus fort que moi, je ne puis m'en empêcher. ça est plus fort que moi se traduit donc : " il y a en moi quelque chose qui me pousse à accomplir telle action alors que je n'en ai pas le désir conscient". Je prends l'exemple banal d'une personne qui se relève dix fois afin de vérifier la fermeture du gaz. Elle n'a donc pas le désir conscient de le faire ; mais une poussée inconsciente l'y oblige. C'est alors qu'elle dira : "ça" est plus fort que moi.
Le "ça" est appelé également : le Subconscient. Il désigne l'ensemble des tendances orientant certaines de nos activités.
L'Inconscient et le "ça" sont en rapport étroit. C'est normal puisque tous les deux forment le réservoir obscur des instincts, des habitudes, des souvenirs, etc.
Les racines du "ça" ( subconscient ) plongent dans l'Inconscient général. Leur action réciproque est gigantesque. Le "ça " est donc l'ensemble des faits psychologiques qui échappent momentanément à notre conscience. Pour que ces faits psychologiques remontent à la " surface ", certains états particuliers sont nécessaires ( par exemple dans le rêve nocturne, dans l'hynose, la psychanalyse, etc. ) Dans le "ça " se trouvent beaucoup de souvenirs et de sentiments " oubliés ". Or, beaucoup de ces souvenirs et sentiments gardent leur charge émotive. Ils sont comme des " aimants " psychologiques stagnant au fond de nous-mêmes, c'est à dire qu'ils attirent à eux les circonstances qui s'y rapportent.
Comment la présence de " satellites " subconscients peut-elle être décelée ? Quand les symptômes montent à la surface de la conscience. Par exemple :
une personne souffre d'angoisse. Cette angoisse n'est pas la maladie elle-même, mais un symptôme d'une maladie se trouvant dans le "ça" ( = subconscient ). Nous le verrons plus loin.
EN RESUME
a) Le rameur de surface représente l'Homme conscient.
b) Le fond du lac, invisible, représente le "ça" ( subconscient).
c) de temps à autres, ce fond libère des bulles ( symptômes ) qui viennent crever à la surface ( conscience) et qui préviennent de ce que" quelque chose " se passe au fond. Si ces bulles sont puissantes, elles risquent de déséquilibrer la barque. C'est alors la névrose, dont nous parlerons.
L'Inconscient et le "ça" agissent par l'intermédiaire de certains centres nerveux, dont nous parlerons également. Nous verrons que l'Inconscient humain peut être d'une force incroyable, et d'une puissance terrifiante. On le constate quand il se libère, sans qu'un contrôle et un frein conscients lui soient opposés ... On le voit déjà dans les complexes, les obsessions, les névroses, le dédoublement de la personnalité, etc ...
Mais il existe des affections mentales où les forces inconscientes se déchaînent tout à fait librement. C'est le cas par exemple de la Manie-Dépressive, qui sera envisagée plus loin. La libération des instincts ne connaît plus, dans ce cas, ni morale, ni censure, ni tabous. Toutes les convenances, établies par les sociétés pendant des millénaires, sont balayés comme des feuilles mortes ... Et ainsi, une question se pose :
LE SUBCONSCIENT EST-IL MORAL OU IMMORAL ?
La question est capitale. Le subconscient n'est ni moral, ni immoral. Il regroupe l'ensemble de nos tendances, de nos désirs, de nos instincts. Se demander : " L'enfant de deux mois est-il moral ou non ? "n'a pas plus de sens, que de se demander l'inverse, puisque cet enfant vit uniquement sur ses instincts profonds. Le subconscient est donc en dehors de la morale. Il l'ignore, tout simplement. Il ignore même son existence. Il ne connaît pas les conventions sociales, familiales, morales, éthiques, sexuelles. Le subconscient tend ( comme chez l'animal et chez le petit enfant ) à satisfaire, le plus rapidement possible, ses besoins organiques et psychologiques, purement égoïstes.
Ces besoins sont appelés : pulsions.
Donc :
a) Le subconscient ( le ça ) est le réservoir général des instincts.
b) Les pulsions sont des tendances venant du subconscient, mais demandant la réalisation de tel besoin particulier.
Exemple : un homme a une attirance sexuelle envers une femme.
a) Le "ça" sera l'instinct sexuel général.
b) La " pulsion "sera la canalisation de cet instinct vers cette femme-là.
LE MOI
Nous avons conscience de ce que notre "Moi" n'est pas le "Moi" des autres. Le "Moi" est donc la personnalité propre à un sujet.
Et si l'on dit : " Moi", je fais ceci, cela implique que nous avons conscience de le faire, personnellement et volontairement. Or le " Moi" se situe dans la couche subconsciente. Pourquoi ?
1° - En premier lieu, l'enfant vit sur son subconscient instinctif, ( son "ça" ) Il n'a pas encore conscience d'être " lui" . Il ne dit pas " je " ; il ne dit pas " moi ". Il parle de lui à la troisième personne.
2°- Que se passe-t-il ensuite ? Les circonstances extérieures commencent à "bombarder " le subconscient de l'enfant.
3°- A la suite de ce " bombardement" de circonstances, l'enfant commence à sentir son "Moi". Il commence à se rendre compte de sa personnalité propre. Il se rend compte que les choses arrivent à "Lui", et pas à un autre. A ce moment il commence à dire "Je" . Le jeune André ne dira plus : - André fait ceci ; c'est pour André, etc.- mais : Je fais ceci; c'est pour moi.
Le "Moi" a fait son apparition. Il est donc une partie du "ça", transformé par les circonstances extérieures. Si on considère le "ça" comme une pâte qui fermente sous l'effet de circonstances extérieures ( la partie supérieure d'un four qui chauffe ), alors le "Moi" est une protubérence qui gonfle à la surface de cette pâte. Notre "Moi" reste donc en rapport très étroits avec nos instinct profonds. Une très grande partie de notre "Moi" reste donc subconsciente, et exige des circonstances particulières pour remonter à la surface de la conscience.
LA CENSURE
Chacun sait que beaucoup de nos pulsions instinctives sont grossières, choquantes, primitives. Il suffit de songer aux instincts d'agressivité, aux sentiments de haine envers tout ce qui s'oppose à nos désirs, à certaines pulsions sexuelles violentes et animales, aux pulsions de brutalité, de vengeance, de possession, etc. ( qui se trouvent donc dans le "ça").
Socialement, il est donc indispensable de stopper toute cette vie de jungle grouillant dans le subconscient. Je répète que, cependant, cette jungle n'a rien qui soit moral ou immoral. Le Loup qui dévore l'agneau n'est ni immoral ni cruel. " Cruel "est la traduction sensible et morale que nous donnons à son acte. Or, le loup fait son métier de loup ; un point c'est tout. Il est en dehors de toutes les considération philosophiques ou morales puisqu'il les ignore ! C'est bien évident.
Le " ça " agit de même ; il accomplit son action, sans se préoccuper du restant ! Or, l'Homme est destiné à la vie sociale. La plupart des pulsions venant du subconscient doivent donc être arrêtées, ou canalisées vers des actions bonnes, et supportables dans une vie en commun. Sur le subconscient de l'être humain vont donc s'abattre des torrents d'interdictions, des montagnes de censures. Tout cela est indispensable, mais nous verrons cependant la nécessité d'un " juste milieu".
Qui va se charger de cette Censure ? ... L'Education.
Voici donc l'education à l'affût, perchée au-dessus des pulsions, les examinant une à une. Tantôt le ciseau de la censure éducative coupera telle pulsion, tantôt elle laissera passer telle autre, ou lui imposera un déguisement acceptable.
La censure vient donc de l'éducation. Elle empêche une pulsion de se réaliser ou la transforme dans un but social et moral.
Par exemple :
Un enfant prend plaisir à considérer certaines parties de son corps. J'insiste : en faisant cela, il est en dehors d'une morale à laquelle il ne songe même pas. Il obéit aux ordre de son "ça " instinctif. Mais les adultes sont là, qui veillent.
Que vont-ils faire ?
a) ou bien ils interdiront purement et simplement l'action de l'enfant, sous menaces de châtiments. L'enfant, évidemment, n'y comprendra rien, mais obéira par un réflexe conditionné à la menace ( exactement comme un animal qui craint le bâton ).
b) ou bien les adultes présenteront à l'enfant des valeurs morales. Ils feront intervenir la modestie, la honte, la pudeur, qui feront du "ça" et du "Moi" instinctifs de l'enfant, un MOI Social, c'est à dire "dressé".
Autre exemple : les enfants prennent plaisir à s'intéresser à leurs fonctions intestinales. L'éducation intervient donc, en développant l'idée du dégoût, de la pudeur, de la honte devant la société, etc.
Ici se passe une chose capitale en psychanalyse
Le "ça" subconscient et instinctif devient un " Moi" social, poli, tourné vers les autres, tenant compte des autres, de leurs désirs, de leurs besoins. Le "Moi" commence à envisager les réactions des autres, au lieu d'être centré sur son propre plaisir égoïste. C'est ce qu'on appelle :
LE " SUR-MOI "
Le terme se définit lui-même ; ce qui est au-dessus du moi " brut".
Mais pour Freud, le Sur-Moi n'est pas, du point de vue moral, supérieur au " Moi ". On peut comprendre pourquoi. Le Sur-Moi s'est formé par une transformation sociale et morale imposée par les autres. Le Sur-Moi est un Moi "inhibé" par l'éducation. C'est un Moi ayant subi un dressage. Il n'a rien de spontané, mais il permet une vie en commun.
Car, ( pour Freud toujours) le Sur-Moi est dû à la pression sociale, qui oblige le Moi à se conformer aux convenances.
Voyons bien ceci : le "Moi " et le " ça" égoïstes sont donc censurés par l'ducation. Chaque partie du Sur-Moi devient une partie du Moi pétrie par les éducateurs ( qui ont ordonné au Moi : " Tu peux faire ceci ; tu ne peux pas faire cela ; ceci est bien ; cela est mal ; ceci est moral ; cela ne l'est pas etc." )
En pétrissant chaque morceau du Moi, l'éducation y a donc intégré des interdictions, ou des permissions. ( Mais bien plus souvent des interdictions !)
Donc : dès que le Sur-Moi agit, il met en branle, automatiquement, toutes les interdictions qui sont collées à lui ...
Que cela signifie-t-il ? Le Moi et le ça ont été censurés par l'éducation. Mais le Sur-Moi possède sa propre censure ... comme une pâte possèderait des raisins introduits par le pâtissier. Donc, si la pâte ( Sur-Moi) monte, les raisins ( censure) bougent en même temps ...
Le Sur-Moi devient la Douane, la gendarmerie autonome et subconsciente de l'individu. On voit donc immédiatement que cette gendarmerie du Sur-Moi puisse être souvent en opposition féroce avec les pulsions du " ça" !
Ce mécanisme est d'ailleurs la base de nombreuses névroses.
Supposons maintenant que le Moi ( plongeant dans les instincts ) lance une pulsion socialement ou moralement mauvaise, que va-t-il se passer ?
Cette pulsion va se heurter au Sur-Moi et à la "gendarmerie" qui en fait partie. Nous sommes à la frontière, et la question traditionnelle va se poser.
_ Le Sur-moi : " N'avez-vous rien à déclarer ? "
_ Le Moi : " J'ai à déclarer une pulsion. "
_ Le Sur-Moi : " Cette pulsion est-elle acceptable moralement? "
_ Le Moi : "Je l'ignore ; je suis en dehors de la Morale. Je viens du "ça ", cet immense territoire où agissent les instincts. "
_ Le Sur-Moi : " Je dois donc examiner cette pulsion ; je la laisserai passer si elle est acceptable ou je la refoulerai vers le territoire d'où elle vient, c'est à dire le subconscient. "
Ainsi se passent les choses, à l'intérieur d'un même individu ; c'est
LE REFOULEMENT
C'est un mécanisme subconscient, par lequel les pulsions interdites par le Sur-Moi, sont rejetées dans le réservoir du " ça".
Le rejet peut s'exprimer soit par le Refoulement donc, soit par la Répression ; ce qui est deux choses différentes.
1°) La Répression
Elle est un phénomène conscient. Le sujet renonce volontairement et consciemment à un désir condamné par ses convictions. ( Le désir est une pulsion devenue consciente )
Exemple : Un désir sexuel d'un frère envers sa soeur : le "ça", réservoir général, envoie une pulsion sexuelle dirigée vers la soeur. Cette pulsion arrive à la conscience du frère sous forme de désir. A ce moment, le frère repousse volontairement ce désir, parce que s'opposant à ses convictions morales, religieuses, éthiques etc. Il a donc réprimé son désir.
2°) Le Refoulement
C'est un phénomène subconscient. Le mécanisme opère sur la pulsion elle-même. La pulsion est refoulée avant même d'arriver à la conscience. ( Nous verrons pourquoi ) Cela signifie donc que nous ne savons jamais, au moment même, si nous refoulons quelque chose. Mais, direz-vous, quand sait-on qu'on a refoulé une pulsion ? On le sait alors quand un symptôme, apparaissant à la surface de la conscience, permet de déceler la présence du refoulement. C'est donc, encore ici, la bulle qui crève à la surface du lac.
Il va de soi que ces symptômes peuvent être infiniment variés : ils vont de certains rêves nocturnes à de terribles idées fixes, en passant par diverses maladies physiques ou psychologiques.
Exemple : Un désir sexuel d'un frère envers sa soeur : le "ça" , réservoir général, envoie une pulsion sexuelle dirigée vers la soeur. Dans le subconscient du frère, cette pulsion instinctive se heurte à la gendarmerie du Sur-Moi, qui la stoppe et la refoule vers son réservoir d'origine. Dans ce cas, le frère ignore que ce refoulement s'est opéré en lui. Mais peut-être un symptôme apparaîtra-t-il durant la nuit, sous forme de rêve.
Dans le cas d'un refoulement, y'a -t-il toujours des symptômes ? ... Tout dépend de la puissance et de la durée du refoulement. Certains petits refoulements passagers resteront sans suite, ou se traduiront par un simple rêve nocturne. D'autres refoulements, plus prolongés, pourront très bien ne donner aucun symptôme très net. Mais de toute façon, on peut immédiatement les détecter, ne serait-ce que dans l'attitude et le comportement de la personne qui a "refoulé".
Et n'oublions pas qu'un refoulement vient de la lutte entre deux forces subconscientes : le " ça " et le " Sur-Moi" ... Lutte parfois féroce, aboutissant aux pires conflits intérieurs. Conflits d'autant plus pénibles que la personne se sent écartelée entre de multiples tendances, sans savoir ce qui se passe en elle.
La première question qui pourrait se poser est celle-ci : pourquoi dans le cas de la Répression, cette pulsion a-t-elle pu passer la douane du Sur-Moi, et non pas dans le cas du Refoulement ?
L'EDUCATION ET LE REFOULEMENT
Si les éducateurs accomplissent convenablement leur office, ce Sur-Moi sera un filtre épurateur, et non une dalle d'acier étouffant tout. Nous connaissons ceux dont on dit populairement : " c'est un refoulé ". Ce sont des personnes qui, justemment, ont une dalle d'acier entre leurs pulsions et leur conscience. Rien ne se passe. Tout est arrêté. Elles sont alors semblables à une automobile dont le filtre à huile serait bouché ... Elles refoulent aussi bien les pulsions banales que les grandes pulsions. Le Refoulement est devenu un unique mécanisme-réflexe. La constipation mentale les atteint. Elles vivotent sur un infime fragment de conscience : toute spontanéité disparaît ... Elles croient vivre, mais elles dorment éveillées. Et elles imposeront à leur tour leurs refoulements à leurs enfants. Elles en prendront le "ça" et malaxeront chacune de ses parties, en les bourrant inconsciemment de leurs propres refoulements. Ce sera la continuation des " Sur-Moi " opaques, bloquant toute pulsion spontanée.
Chez l'homme bien formé, toute pulsion, quelle qu'elles soit passera sans dommage. Elle sera constatée consciemment, acceptée ou refusée volontairement. Chez cet homme, tout se passe au grand jour de son conscient. C'est le " Connais-toi toi-même ! " C'est l'homme a la conscience harmonieuse, large, équilibrée. Qui accepte le bien et le mal, mais sans angoisse maladive. C'est l'être du Juste Milieu, sachant que toute chose possède un sens ; et observant son subconscient avec détachement, sans jamais être écrasé par lui, tout en connaissant sa puissance ...
Revenons au Refoulement:
Supposons qu'une pulsion, venant du "ça" arrive à la douane subconsciente du Sur-Moi.
1°) Cette pulsion peut être admise sans difficulté. Il faut pour cela qu'elle présente un aspect bon-ton, correspondant au code du Sur-Moi. Dans ce cas, la pulsion monte à la conscience telle quelle.
Par exemple : Le " Sur-Moi" laissera passer des pulsions d'affection, d'amitié, de création artistique, de joie devant la nature etc.
2°) Elle peut être admise, à condition de s'habiller autrement. Elle montera vers la conscience, mais sous un déguisement, comme un "clochard" habillé en mondain. La vie courante présente des millions de cas de ce genre.
Par exemple : une jeune femme passe devant un groupe d'hommes. Ils réagissent en " sifflant d'admiration" . Que se passe-t-il réellement ?
a) la base de ce sifflement admiratif est évidemment sexuelle : mâle devant femelle.
b) le subconscient de ces hommes envoie une pulsion sexuelle dirigée vers la femme, ce qui est naturel et instinctif.
Supposons maintenant que ces hommes soient des êtres absolument primitifs, n'ayant jamais entendu parler de morale, de religion, de vie sociale, de respect des autres etc. Supposons qu'ils soient mentalement semblables aux singes des forêts. Quelle serait donc leur réaction ordonnée par leur "ça" ? Ils attaqueraient sexuellement la femme, ou lanceraient des plaisanteries terriblement obcènes ( comme cela se voit dans certains cas de psychose grave, dans lequel l'instinct est libéré sans aucun frein ).
c) or, cette pulsion sexuelle pure est arrêtée par la douane du Sur-Moi.
d) si ces hommes sont moralement sains, il n'y aura aucun refoulement. Mais cette pulsion sexuelle va se filtrer et se déguiser, avant d'arriver à la conscience. La pulsion brutale devient un sifflement admiratif.
e) ces hommes sont donc conscients de siffler et d'avoir une pulsion sexuelle. Mais ils demeureront inconscient du "filtrage" qui s'est produit en eux.
LES PLAISANTERIES
La plupart des plaisanteries proviennent de la même cause. On sait que la sexualité est le domaine interdit par excellence ! C'est donc le domaine sur lequel s'abat le plus grand nombre d'interdictions ... donc de déguisements et de refoulements. Or, si nous considérons cent plaisanteries, nous constatons que quatre-vingt-dix d'entre elles sont à base sexuelle ! Que ces plaisanteries soient spirituelles ou grossières ne change rien à la question. Elles sont donc une déformation de la pulsion sexuelle primitive, filtrées par la censure du Sur-Moi, à l'insu de l'homme.
Ici également, une éducation mal faite fera de la sexualité un terrain de névroses, parce qu'elle fera du "ça" sexuel un terrain absolument honteux. Le Sur-Moi devient alors une véritable plaque de béton, refoulant les pulsions sexuelles, même parfaitement admissibles ... C'est alors la lutte intérieure, incessante, sourde, visqueuse, entre le "ça" et le Sur-Moi, jusqu'au complexe et jusqu'à la névrose.
Or, n'est-il pas préférable de constater consciemment une pulsion sexuelle ( même interdite moralement, comme un désir d'inceste) et de la rejeter volontairement ... plutôt que de la refouler inconsciemment, avec toutes les luttes et tous les ravages que ces refoulements peuvent amener ?