" Rien de pire pour un enfant que de naître et vivre dans un environnement mentalement perverti par ses parents ". Yvonne Poncet-Bonissol nous fait part du vécu de ces enfants, de leurs histoires, afin d'éviter les risques de reproduction. Voici décrit leurs souffrances, suivi de l'apport inédit des techniques psychologiques les plus efficaces pour remédier à cet esclavagisme aux multiples visages.
Une famille formidable
Toute la difficulté pour l’enfant confronté à un parent pervers narcissique réside dans un paradoxe : sa souffrance est d’autant plus gigantesque que tous les signes extérieurs de son développement, ainsi que ceux relatifs à son milieu familial, non seulement ne laissent transparaître aucune faille, aucune souffrance, mais renverraient même l’image d’une famille quasi parfaite, dans laquelle l’enfant se développe et grandit dans l’harmonie sans jamais poser de problème.
Par conséquent, cet enfant n’a aucun moyen direct de crier son malaise, aucune accroche possible dans cette illusion d’harmonie et cette réalité factice, aucune place pour une quelconque révolte : le piège est bien ficelé, l’image renvoyée est lisse, socialement correcte. C’est un peu comme avoir un revolver braqué dans le dos et être obligé de faire bonne figure pour ne pas que celui qui le pointe tire. Ne surtout pas attirer l’attention sur la face cachée de la réalité.
Seul au monde
« le sentiment dominant, de loin, chez cet enfant, est celui d’un isolement profond et d’une immense solitude », précise la spécialiste Catherine Salobir. D’abord parce qu’il n’existe entre son parent pervers narcissique et lui aucune transmission, quelle qu’elle soit. Rien ne lui est dit, rien ne lui est jamais raconté, ou alors, bien « enrobé » et « lissé ». Il prendra conscience, au fil des années, qu’il y a des trous dans son histoire, parce qu’il n’y a jamais eu de véritable récit à ce sujet. Les bribes d’information que l’enfant finira par obtenir ne seront que celles qu’il aura pu glaner de ci de là, au fil des conversations dont il aura été le témoin avec certains proches de la famille, ou de recoupements que lui seul sera parvenu à établir. Le pervers narcissique ne se dévoile pas, il ne livre rien. Ainsi, tant sur le plan de son histoire personnelle que sur celui des connaissances générales, l’enfant comprend très tôt qu’il doit tout découvrir et apprendre par lui-même. Il sait qu’il devra grandir seul, ce qu’il aura beaucoup de mal à pardonner.
L’enfant a par conséquent du mal à se situer dans son histoire, à trouver sa place, comme si le lien de la filiation n’existait finalement que sur les registres d’état civil. C’est là encore un paradoxe : son parent est bien vivant, mais en réalité, l’enfant se sent orphelin, à ceci près qu’il n’a aucune chance d’être adopté, ce à quoi il pense d’ailleurs parfois car cela signifierait enfin avoir un parent, c'est-à-dire quelqu’un qui sait que l’essentiel est dans le don et l’échange, quelqu’un qui « sait vivre ».
Le pervers narcissique vit avec son enfant, mais séparément ; ils ne partagent rien. Sécheresse absolue. Un gouffre infini les sépare. Le parent ne sait pas ouvrir les portes de son cœur, symboliquement tenir chaud et envelopper. C’est un langage qu’il ignore complètement et dont il ne veut rien entendre, préférant se réfugier dans une intellectualisation quasi systématique des évènements de la vie, qui lui permet habilement, (car il s’agit en général d’un être brillant), de ne pas aborder les sujets sensibles tout en jouissant d’un pouvoir de fascination sur son entourage, qui se laisse, hélas, berner.
De cette mascarade, l’enfant est témoin, mais il a appris à dissimuler sa nausée et son chagrin. Sa plaie est à l’intérieur, comme sa solitude. Que son parent soit donc rassuré, pour l’heure tout semble – désespérément – normal.
Le pervers narcissique ne présente son enfant aux autres qu’à travers son propre narcissisme, ce qui le valorise aussi. De fait, l’extérieur ne perçoit cet enfant qu’à travers la description qu’il lui en fait, et le méconnaît. Une fois encore, nous sommes dans le domaine de l’image, de l’apparence. L’enfant expérimente la solitude qu’il y a à ne pas être reconnu et compris, à peaufiner l’image du foyer parfait, comme un accessoire dernier cri qu’il est de bon ton d’afficher.
Il arrive néanmoins que certaines personnes proches de l’entourage familial parviennent à saisir quelque chose de cet enfant : capables d’une réelle écoute et de se faire leur propre idée sur lui, sans être influencés par le discours ambiant des parents, ils établissent avec lui une relation sincère et vraie, simplement parce qu’ils le regardent, lui.
Cette situation nouvelle procure à l’enfant un profond bien-être, même si, dans le même temps, cela ne fait qu’intensifier sa souffrance de réaliser que ses proches sont incapables de saisir au quotidien ce que d’autres, plus éloignés et plus anonymes, ont su percevoir.
Un dernier aspect du sentiment d’isolement est directement lié à l’autre parent, le conjoint sur lequel le pervers narcissique exerce une emprise considérable, pris dans une relation de soumission, avalé par celui qui organise et centre chaque instant de la vie autour de lui, devant abandonner presque totalement son rôle de parent pour se dévouer exclusivement à celui d’époux ou d’épouse. L’enfant est doublement orphelin de ses parents : il réalise l’impensable, il lui faut faire son deuil et surmonter l’anachronisme qu’il y a à vivre avec ceux qui sont déjà morts, qu’il doit déjà « enterrer ».
Qui suis-je ?
L’affirmation de soi est également très délicate pour l’enfant : n’ayant pas de place réelle, il a beaucoup de mal à se manifester autrement qu’à travers ce qu’il a compris de ce qu’il devait être. Il ne réclame jamais grand-chose, n’est quasiment jamais demandeur. Il sait qu’il doit se glisser dans le costume tristement étroit qu’on a confectionné pour lui, sinon il deviendra un étranger. Il n’y a pas d’espace pour la contestation, qui serait immédiatement étouffée et violemment réprimée. L’enfant perçoit très tôt, dans ce simulacre d’équilibre, l’intolérance de son parent à toute forme de différence, à tout ce qui ne lui ressemble pas. La singularité est taboue.
La discrète mais réelle dictature ambiante ne laisse évidemment pas de place à la discussion, à l’échange de points de vue différents, puisque rien ne doit risquer de menacer l’ordre établi et le sentiment de toute puissance que le pervers narcissique défend envers et contre tout. L’enfant sait que c’est ailleurs qu’il pourra vivre libre, qu’il doit pour l’instant se taire s’il ne veut pas être rejeté ou risquer de confronter son parent à son propre néant. Il ne s’oppose pas de front au pervers narcissique, il se réfugie souvent dans le silence, ce qui lui vaut alors d’être défini comme un enfant sage et bien élevé, un enfant modèle qui vient redorer bien malgré lui le blason du narcissisme du parent, qui, incapable de la moindre empathie, à aucun moment ne réalise l’artificiel de cette attitude.
Ce silence imposé verrouille chez l’enfant toute verbalisation des sentiments et des affects. La parole avec le pervers narcissique ne s’articule qu’autour de discussions où les émotions ne transparaissent jamais parce qu’elles sont dangereuses pour lui, risqueraient de l’affaiblir, de le rendre vulnérable et de lui faire perdre son pouvoir. Son discours, souvent empreint d’une culture à vertu protectrice, est toujours sérieux ». Sa parole, sa pensée, doit occuper tout l’espace, tant celui des autres que celui de leurs émotions. Ici, on ne s’épanche pas, on raisonne. Ici, on ne vit pas, on est mort.
Une île au milieu des gens
Le fardeau que supporte l’enfant du pervers narcissique a un impact sur ses relations avec le monde extérieur.
Sur le plan relationnel, l’enfant dans sa famille témoigne d’une raideur forte vis-à-vis du contact physique. Les rares étreintes avec le parent ne sont pas chaleureuses, comme si l’enfant se préservait de manière inconsciente, d’une dangereuse contamination. Au quotidien, ce contact physique se réduit au strict minimum, comme s’il fallait mettre le plus de distance entre la vie et la mort. Il faut dire que le parent narcissique n’est pas lui non plus enclin au contact physique.
Sur le plan social, il ne sera pas facile à l’enfant de nouer des contacts avec les autres. D’avoir vécu auprès d’un parent intolérant à toute différence, systématiquement dans le jugement et préoccupé par l’apparence lui aura rendu difficile toute spontanéité et toute intégration dans un groupe : du temps lui sera nécessaire.
L’enfant du pervers narcissique, qui a appris à survivre à la tragédie des faux-semblants, a toujours eu en lui la connaissance intuitive et très précoce qu’il échapperait au piège de son parent et qu’il trouverait, dehors, la terre qu’il devait conquérir pour vivre libre (sauf si les manipulations font apparaître le monde extérieur comme dangereux, auquel cas il sera pris dans un filet de contradictions inconscientes plutôt paralysant).
Plus âgé, il « sait » qu’il est un rescapé, qu’il est passé à côté de ce qui aurait pu l’enterrer vivant, le rendre taciturne ou pire. C’est pourquoi il a parfois la rage de vivre chevillée à l’âme, la rage d’exister, de dire, de se dire, et surtout de partager, de transmettre. Dans ce duel ultra sophistiqué, le pervers narcissique n’est pas parvenu à mettre la voix de son enfant en échec, ni sa richesse, ni sa chaleur.
L’immense solitude dans laquelle il l’aura fait vivre pendant des années aura fait naître un sentiment de force et d’indépendance, même s’il met du temps à se révéler. Il a grandi seul, est devenu fort et avide de liberté, lui qui a connu la prison. Il saura jouir de la vie d’une manière qui déplaira certainement à son parent, confronté à son propre vide et à son affligeante inconsistance. Tel est le destin d’un enfant parvenu à faire de sa souffrance l’œuvre d’art de sa vie.
Cependant, les enfants n’ont pas tous, face au drame d’avoir un parent pervers narcissique, ce potentiel de lutte et de survie. Pour la majorité d’entre eux, certains symptomes empreints de souffrance s’expriment très tôt : agressivité, terreurs nocturnes, troubles alimentaires, psychosomatisations, allergies… Toutes ces manifestations expriment une soif d’être aimé, regardé et entendu. Tyrannique, coléreux, agressif… Non, il n’est pas caractériel. Mais en révolte.
Dans la constellation familiale du pervers narcissique, on constate que l’enfant est très tôt désigné comme l’héritier du parent pervers. C’est celui qui, généralement, est le préféré de ce dernier, comme s’il avait reconnu d’emblée celui qui serait digne de lui « succéder ». Alors peu à peu, une toile d’araignée perverse se tisse.
Extrait du livre : "pour en finir avec les tyrans et les pervers dans la famille", d' Yvonne Poncet-Bonissol.
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Des solutions tangibles face aux pervers
Sachant que le pervers narcissique ne considère pas qu'il a un problème, les thérapies n'ont pas prises sur lui.
Il est extrêmement rare qu'il change ou veuille changer d'attitude ou de valeurs morales.
Donc il ne reste que trois solutions :
1 - rester et accepter la domination, en ayant conscience d'aller vers sa propre destruction ;
2 - partir et se libérer. C'est une solution très difficile car elle se fait dans la douleur et la culpabilité.
A noter : le pervers n'abandonne jamais sa victime sans réagir. Cependant, cette solution semble la plus raisonnable.
3 - Une troisième et dernière solution nous vient de Chine... Utilisée traditionnellement dans les arts et techniques de soi, elle peut également se configurer comme une technique mentale à part entière. Elle se nomme singulièrement "Le miroir aux scorpions".
La technique consiste à absorber et à reproduire par l'observation les comportements du manipulateur (son venin psychique), dans le seul but de les retourner contre l'agresseur. Ce modus-operandi est dangereux et profondément destructeur. "Il demande une très haute maîtrise de soi", car le processus de mithridatisation implique un empoisonnement volontaire de sa psyché ! Le praticien de cette formule devient en partie et dans ses actes le pervers qu'il rejette. De là, la frontière qui mène à la haine n'est jamais bien loin... et il est très aisé de perdre sa conscience et ses valeurs pour sombrer dans une vie linéaire centrée sur la vengeance, pour finalement devenir soi-même un pervers.
Pour celui qui parvient à dissocier les techniques manipulatoires de la psyché pathogène, les possibilités de neutralisation du pervers sont nombreuses:
- Il devient possible de neutraliser les réseaux entretenus par le pervers en injectant le doute et la suspicion dans les relations qu'il entretient.
- Le pervers et par nature un tantinet paranoïaque. Il est donc possible d'augmenter le niveau de paranoïa en jouant sur les peurs du susdit pervers. Peurs qui devront être identifiées au préalable par la victime qui souhaite reconquérir sa liberté.
- Le pervers craint par dessus tout le silence et le calme, il a besoin de mouvements et de pensées pour entretenir une emprise lui permettant de nourrir son narcissisme. Pensez à laisser des longs silences suspects dans vos conversations, vous déclencherez ainsi un effet miroir qui laissera le pervers sans armes psychologiques.
- Le pervers craint l'isolement, cette situation le prive de sa capacité à vampiriser autrui et à s'en nourrir. Une fois le doute semer dans les relations, créez du vide autour du pervers... Dans le meilleur des cas, il se décomposera dans la douleur de sa propre folie ; dans le pire des cas, il deviendra très agressif (violences possibles).
- Soyez toujours extrêmement vigilants car le manipulateur peut à tout moment se retourner subtilement ou frontalement contre vous. La discrétion est de rigueur avec l'usage de cette technique orientale.
- Quand vous aurez parachevé le travail de sape autour du pervers, il vous suffit alors de l'abandonner pour signer sa destruction ! Dans un état de décrépitude avancée et de solitude profonde, sans capacité de parasiter la substance vitale d'autrui, il s'autodétruira seul... ou entre pervers (ils ont l'art de s'agresser entre eux !).
Dans tous les cas, Il est formellement interdit d'user de ces concepts contre des victimes innocentes ou pour satisfaire sa propre paranoïa... de même dans l'environnement du travail. Veillez à vérifier que l'opposant potentiel soit bien un pervers narcissique. Si vous faites erreur, vous contribuez en toute conscience à la laideur du monde... ce qui est intolérable. Si toutefois vous occultez cet avertissement, ne soyez pas étonné de finir comme eux : c'est à dire devenir un prolétaire de l'esprit, un pauvre parmi les pauvres, abandonné de tous.
Deux autres liens utiles:
http://www.psy-luxeuil.fr/article-processus-d-emprise-psychique-67981318.html
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