"Etre et devenir" propose, pour la première fois sur grand écran, des récits d’expériences et des rencontres qui explorent le choix de ne pas scolariser ses enfants, de leur faire confiance et de les laisser apprendre librement ce qui les passionne. Innnovation ou folie éducative ? Ce film ouvre un nouveau débat suite au rapport accablant de l'enquête PISA.
Les pédagogies alternatives ou les écoles nouvelles – et les autres pédagogies ou écoles « différentes » – ne restent, comme leur nom l’indique bien, que d’autres pédagogies et d’autres écoles. Certes, il est, de loin et bien entendu, plus agréable d’être dans une prison (ou une école) spacieuse, bien éclairée, aux jolies couleurs… que d’être confiné dans une prison (ou une école) étroite, sombre et qui sent mauvais. La relation éducateur-éduqué ou formateur-formé ou parent-enfant… est fondatrice et structurelle de toute relation éducative, enseignante, formative… – fût-elle « différente » ou « alternative ».
Pourtant le schéma éducateur-éduqué, asymétrique et hiérarchique – du type administrateur-administré, colonisateur-colonisé ou dompteur-dompté… –, entre l’un qui conduit et l’autre qui est conduit, génère des biais, le plus souvent non conscients pour ceux qui donnent l’éducation comme de ceux qui la reçoivent. Ainsi, dans cette relation, parce que je suis comparé, sans arrêt, à ce que je devrais savoir, penser, faire ou être – et que tout se fonde et se joue sur la mesure de mon écart avec cet idéal qui recule au fur et à mesure que j’avance vers lui – j’apprends subrepticement qu’il me manque quelque chose pour être parfait, pour être accepté et aimé... J’apprends aussi, du même coup, la peur : celle de mal faire, d’être puni, de décevoir, de ne pas être aimé, de ne pas être comme les autres … J’apprends également la soumission, vis-à-vis de « celui qui sait », me juge ou m’évalue, me dit si je fais bien, si je suis bon, et sans qui je ne saurais apprendre…
À travers ce schéma, j’apprends encore, par exemple : le temps contraint, l’espace et le corps contraints, l’exercice intellectuel contraint, l’obéissance à l’« autorité », l’exécution fidèle de consignes, la reproduction-imitation, la conformation/conformité, les idéologies (progrès, morale, démocratie…), la récompense et la punition, la séparation (fragmentation des savoirs et des êtres), la suprématie du mental et de l’abstraction, les limites-frontières, l’inégalité (entre pairs, avec les adultes…), la compétition, l’externalité de la motivation et du contrôle, etc.
La question fondamentale n’est donc pas tant de changer-améliorer les modalités d’une même structure, mais plutôt de chercher si je peux sortir de cette structure et en éviter ainsi les méfaits induits, cachés et le plus souvent non désirés. Je suis né dans ce schéma, je l’ai toujours connu, je ne sais pas imaginer qu’il puisse exister autre chose. Tout ce que je sais alors, c’est l’embellir, le perfectionner. Oserai-je me poser, au moins, la question du pourquoi un tel schéma ? Le concept d’enfance et celui d’éducation (tels que nous nous les représentons aujourd’hui) n’ont que trois cents ans, à peine, dans notre culture. Comment faisait-on avant, sans une telle « éducation » ? Comment font les peuples qui, de nos jours, n’ont pas ces concepts dans leur culture ? À qui profitent ces concepts ? Comment font ceux qui, dans notre société actuelle se passent d’école, voire d’éducation ?
C’est autour d’un tel questionnement que « tourne » le film-enquête de Clara Bella : Être et devenir, etreetdevenir.com. C’est aussi le cœur d’un cercle de réflexion : CREA-Apprendre la vie, education-authentique.org
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Par Jean-Pierre Lepri pour le nouvelobs.com