Être partout, tout le temps, et ne rien manquer. Voilà ce dont rêvent les gens atteint du syndrome Fomo - «fear of missing out» -, qui a fait son apparition dans Urban dictionnary en 2011.
Selon ce dictionnaire alimenté par des internautes du monde entier, les personnes souffrant du fomo craignent de passer à côté de quelque chose d'important s'ils manquent un événement ou une fête. «C'est aussi la peur de rater quelque chose de mieux que ce que nous sommes en train de faire», renchérit World of psychology.
«Le phénomène existait avant», croit Patrick Dion, auteur et rédacteur en chef de l'émission Cliquez, diffusée à TV5. «On a simplement trouvé une expression pour le nommer. Le syndrome a été exacerbé avec Internet, qui donne l'impression que tout est accessible.» Pourquoi ne pas aller rejoindre ses copains dont la photo vient d'apparaître sur son journal (timeline) Facebook, alors que la fête à laquelle ils prennent part n'est pas encore terminée?...
Le psychothérapeute Jean-Charles Nayebi, qui traduit fomo par «anxiété des ratages», a défini ainsi le phénomène dans Le Figaro - Madame: «C'est une envie irrépressible de se connecter à des réseaux pour savoir ce qui s'y passe, pour ne pas rater un événement ou laisser échapper une information intéressante.» La crainte d'être "has-been" semble dépasser toute mesure, poussant les victimes à la négligence de soi.
C'est précisément sa passion pour l'information qui a entraîné Guylaine L'Heureux dans un tourbillon duquel elle a eu du mal à sortir. «Je rêvais de bâtir mon prochain boulot», raconte la quarantenaire qui a travaillé pendant trois ans comme recherchiste pour la SRC, puis pour le site Open File. «Alors j'ai commencé à tenter de tout consommer ce qui avait un lien avec la techno, la radio, la musique et l'impact des outils numériques, tout en tissant des liens et en alimentant mes réseaux. J'ai fini par m'épuiser. Je pense avoir atteint un équilibre maintenant, mais je dois rester vigilante pour ne pas rechuter.»
Le dérapage s'est produit au moment de l'achat d'un téléphone intelligent. «Je dors mal et le cellulaire est un bon ami pour les insomniaques. Il est si facile de l'allumer en se disant : «tant qu'à rester éveillée, aussi bien... (ajouter ici n'importe quelle raison plus ou moins bidon)».»
Quand elle a pris conscience de l'ampleur du problème, le sevrage s'est imposé. «Je consulte encore mon Nexus en cas d'insomnie, mais c'est moins compulsif. J'ai surtout compris que je ne pouvais plus jouer le rôle de "pusher de liens" et espérer être au top en tout temps car le coût - épuisement physique et mental - est trop élevé.»
Jusqu'où peut-on aller pour rester connecté ?
Un sondage de relaxnews montre que les Américains préfèreraient passer une nuit en prison ou courir un marathon plutôt que devoir abandonner les réseaux sociaux, par peur de rater un événement. Cette étude sponsorisée par MyLife, qui propose un interface permettant de gérer plusieurs réseaux sociaux et boîtes mails en même temps, a montré que plus de la moitié des utilisateurs de réseaux sociaux interrogés (62%) restaient connectés par peur de manquer une information ou une mise à jour de statut.
Ce sondage, mené auprès de 2.000 Américains, montre que les internautes entre 18 et 34 ans se connectent aux réseaux sociaux au saut du lit, pour voir ce qu'ils ont manqué pendant la nuit. Près de 40% des sondés (54% des 18-34 ans) reconnaissent préférer se passer d'air conditionné ou même d'être coincé pendant quatre heures dans un bouchon plutôt que de sacrifier leur compte Twitter. Voici un échantillon d'autre sacrifices consentis par les internautes plutôt que de devoir abandonner les réseaux sociaux:
• Lire Guerre et Paix de Tolstoï
• Remplir son avis d'imposition
• Dormir une heure de moins par nuit pendant un an
• Courir un marathon
• Passer une nuit en prison
• Ne plus avoir de chauffage
"Les consommateurs sont bombardés d'un si grand nombre d'information en ligne, allant de mises à jour de statuts, de photos, de tweets et de check-ins, que notre peur de rater quelque chose a changé notre vie sur internet", a expliqué Jeff Tinsley, PDG de MyLife. "Le fait que de nombreuses personnes préfèreraient courir un marathon ou passer une nuit en prison plutôt que d'abandonner leur compte Facebook ou Twitter en est la preuve".
Marie-Julie Gagnon (p1) - http://quebec.huffingtonpost.ca/