5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 12:03
Né à Paris en 1859, Henri Bergson a 30 ans quand il publie son monumental “Essai sur les données immédiates de la conscience”. Penseur libre (et populaire), prix Nobel de littérature en 1927, il est aussi un homme d’action. Au sortir de la Première Guerre mondiale, il participe à la création de la Société des nations, dans l’idée de prévenir les conflits armés. Puis il sera le premier président de la CICI, ancêtre de l’Unesco. Tenté par le catholicisme, Bergson ne s’est pas converti : il a voulu “rester parmi ceux qui, demain, seront persécutés”, tandis que déferlait sur l’Europe la vague antisémite. Il est mort en 1941.

   

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“Une grande familiarité avec le bergsonisme multiplie les raisons que l’on a de l’admirer”, disait Jankélévitch en 1931. Frédéric Worms, lui, découvre Henri Bergson au programme de l’agrégation et, avec lui, “la réalité du temps, le sérieux de la liberté, les deux sens de la vie, le clos et l’ouvert, quelque chose de vital, donc”. Ce grand philosophe n’était plus enseigné, il l’a réveillé. Aujourd’hui, il est lu comme un classique, discuté, critiqué, replacé dans le siècle qu’il a tant influencé. Décryptage en cinq citations.

 

« Mais alors, à quoi bon le déroulement ? Pourquoi la réalité se déploie-t-elle ? A quoi sert le temps ? »

 

Cette série de questions fut pour moi un choc, une entrée réelle dans la durée réelle, grâce à l’étonnement, à l’indignation qui s’y expriment. Car elle dit ceci : la réalité, notre vie, ne sont pas des choses toutes faites qui n’auraient plus qu’à prendre place « dans » le temps, comme un film déjà tourné dont on serait le spectateur. Le fait que la réalité prenne du temps ou qu’il faille « attendre que le sucre fonde » n’est pas un hasard. Ce n’est pas rien ! C’est un signe : le temps est une réalité, il change quelque chose, notre vie n’est pas un spectacle mais une expérience, la nôtre, unique. Or, par peur, pour prévoir, pour savoir, pour agir, nous devons faire comme si le temps n’existait pas et avec lui, surprise, responsabilité, irréversibilité, nouveauté. Mais une fois qu’on l’a compris, on ne l’oublie plus. C’est cela, avant tout, Bergson.

 

 

« Tout le sérieux de la vie lui vient de notre liberté. »

 

On trouvera cette phrase dans ce livre étonnant et célèbre : « Le Rire ». Avant même de l’expliquer, on en sent la force. Et pour l’expliquer, on fera comme Bergson, par son contraire, qui nous fait rire : l’idée que notre action pourrait n’être pas libre, que quelqu’un en tirerait les fils, que nous serions des pantins, des « marionnettes ». Alors, oui, nous serions ridicules, nous ririons, ce serait, selon la définition bergsonienne du comique, « du mécanique plaqué sur du vivant ». Mais ce que cache le comique, ce n’est pas seulement le vivant, mais le tragique, l’acte libre qui est toujours « grave ». La vie n’est pas une comédie, mais le lieu de notre liberté. Bergson, moraliste discret mais radical, essentiel ou plutôt existentiel.

 

 

 « Ce qui est troublant, angoissant, passionnant pour la plupart des hommes n’est pas toujours ce qui tient la première place dans les spéculations des métaphysiciens. D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? Voilà des questions vitales devant lesquelles nous nous placerions tout de suite si nous philosophions sans passer par les systèmes. »

 

Audace de Bergson ! Quoi, serait-il possible de répondre à ces trois questions métaphysiques ou de les poser ? On acceptera, ou pas, la réponse de Bergson : nous sommes des vivants, issus d’une vie qui n’est pas une création divine, qui est une réalité temporelle dans l’univers. Nous la continuons et devons la défendre contre ce qui la menace, la mort, la guerre, les limites de notre espèce. Aujourd’hui, on peut critiquer, déplacer, cette thèse. Mais la philosophie ne pourra pas se dérober.

 

 "Le contraste est frappant dans bien des cas, par exemple quand des nations en guerre affirment l’une et l’autre avoir pour elles un dieu qui se trouve ainsi être le dieu national du paganisme, alors que le Dieu dont elles s’imaginent parler est un dieu commun à tous les hommes, dont la seule vision par tous serait l’abolition immédiate de la guerre. »

 

Ce livre, « Les Deux Sources de la morale et de la religion », devrait être au cœur de notre présent. Bergson y définit la morale par une opposition radicale entre le clos qui ne vaut que pour certains (contre d’autres) et l’ouvert qui vaut pour tous sans exception. Jusque dans la religion – dans chaque religion – le critère du clos et de l’ouvert vaut absolument. Et la guerre le prouve : elle révèle la clôture réelle des morales ou des religions qui se disent ouvertes ; comme son refus sera le critère des morales et des religions réellement ouvertes.

 

 

« Il faut agir en homme de pensée, et penser en homme d’action. »

 

Cette phrase n’est pas seulement une célèbre devise, proposée par Bergson en 1937, quatre ans avant sa mort, dans un hommage à Descartes. Elle ne résume pas seulement sa philosophie. Elle nous frappe en profondeur par son évidence, son équilibre classique, mais aussi par sa tension et son déchirement. Car ce n’est pas si facile d’être ces deux hommes, c’est-à-dire d’être un homme tout court. L’homme, chez Bergson – et peut-être est-ce bien le cas – n’est pas partagé entre une âme et un corps, mais entre deux exigences vitales : vivre au sens d’agir, dans le besoin, l’urgence, le secours ; mais aussi au sens de penser, créer, inventer. Il faut les deux. Ce n’est pas seulement la devise ultime d’une grande sagesse ; c’est la tension concrète de chaque vie.

 

Par Frédéric Worms pour http://www.cles.com/

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