« La pratique de la disruption est militaire : c’est une technique de manipulation, de paralysie de l’adversaire face à une stupéfaction, une doctrine de la vitesse et de la tétanisation ! Aujourd’hui nous sommes absolument stupéfait, du clodo du coin à François Hollande, jusqu’à Madame Merkel, en passant par le patron d’Axel Springer, Mr. Döpfner, qui a écrit cette phrase incroyable « nous avons peur de Google ». C’est inconcevable de la part d’un PDG de dire qu’il a peur de quoi que ce soit. Qu’est ce que ça veut dire ? Ca veut dire que la disruption, c’est une stratégie du choc ! » B. Stiegler
" Vous ne vous rendez vraiment pas compte de ce qui nous arrive. Quand je parle avec des jeunes de ma génération, ceux qui ont deux ou trois ans de plus ou de moins que moi, ils disent tous la même chose : on n’a plus ce rêve de fonder une famille, d’avoir des enfants, un métier, des idéaux, comme vous l’aviez quand vous étiez adolescents. Tout ça, c’est fini, parce qu’on est convaincu qu’on est la dernière, ou une des dernières générations avant la fin. "
Par Florian 15 ANS. L'impansable, aux éditions Le Grand Souffle.
La disruption est une approche stratégique fondée sur la rupture et la vitesse, développée par le publicitaire français Jean-Marie Dru, cofondateur de l'agence BDDP et président de TBWA. L'approche disruptive commence par identifier les conventions (idées reçus, biais culturels, certitudes qui figent la pensée) qu'adoptent la plupart des acteurs d'un secteur et qui débouchent sur des approches communes, peu différenciantes. Une fois les conventions identifiées, on cherche à remettre en cause et à détourner celles qui permettraient d'ouvrir une nouvelle vision des marques.
Cette remise en cause est la disruption proprement dite, découlant en partie de la théorie de Joseph Schumpeter. Un des moyens d'engager la rupture est de poser la question "et si..." de tout remettre en cause et d'envisager un nouveau futur des marques, davantage prometteur (la vision disruptive). La disruption est un concept libertarien : Elle porte en elle la possibilité de détruire les systèmes sociaux et les réglementations qui protègent un état et ses citoyens, de fluidifier les normes afin de faciliter la libre circulation des services et des marchandises, de susciter des désirs de consommation, optimisant de fait l'économie de marché... Utilisée à l'extrême, elle est porteuse de finitude et de chaos.
En résumé :
- phase 1, convention : quelles sont les conventions d'un secteur, les points communs... ?
- phase 2, vision : qu'est-ce que je veux être demain, quelle est ma vision de la marque ?
- phase 3, disruption : quelle convention faut-il casser pour devenir ce que je veux être ?
- phase 4, destruction : quelles règles faut-il détourner pour parvenir à imposer la marque ?
C'est donc une technique qui joue le contre pied et privilégie par essence les idées non conventionnelles. Elle identifie les besoins pour créer la rupture, elle se libére des contraintes afin de donner aux marques une plus grande marge de manoeuvre. Dans le cerveau humain, elle consiste, par sa vitesse, à court-circuiter toutes les réflexions susceptibles de freiner les achats.
Qu’appelle-t-on penser dans la folie de l’Anthropocène, qui menace l'avenir ?
L'académie d’été 2015 d'Ars-Industrialis sera entièrement consacrée à l’interprétation de ce que dit le jeune Florian, à dévoiler le vrai visage de la disruption - et comment elle génère " La Folie " sur le plan psychique et social, en court circuitant les fonctions néocorticales humaines :
Cette « herméneutique » passera par la poursuite des réflexions sur le rêve que nous avions engagées durant l’académie d’été 2014, qui faisaient elles-mêmes suite à notre critique de l’anthropologie positive – en particulier celle de Maurice Godelier dans Métamorphoses de la parenté. Nous poursuivrons ces travaux par une reconsidération approfondie des théories de l’entropie et de la néguentropie en vue de ce que nous appelons une néguanthropologie, et à travers un dialogue avec L’événement Anthropocène (dont Jean-Baptiste Fressoz, l’un de ses auteurs, sera présent à Epineuil).
Le rêve est un moment majeur de toute bascule néguanthropologique : c’est ce que nous avons tenté d’approcher l’an passé. Florian ne rêve pas – du moins il ne fait pas de rêves diurnes, et il affirme que c’est le cas de toute sa génération – : « tout ça, c’est fini ». Et tout cela procède aussi de ce que Jonathan Crary appelle le capitalisme 24/7.
Les rêves diurnes que ne fait pas Florian supposent qu’existe ce que nous avons appelé, dans le séminaire de ce printemps, des protentions collectives constituant une époque. En nous disant qu’il n’a pas accès à ce type de protentions collectives « épokhales », qui sont constituées par des « protentions tertiaires », Florian exprime la réalité existentielle de ce qui aura été nommé au XXè siècle l’absence d’époque – dont Jacques Derrida posait dans De la grammatologie qu’elle s’annonçait à la veille de 1968 (et de New grass) comme la monstruosité.
L’absence d’époque, c’est le gouffre que creusent des protentions intrinsèquement négatives que l’Anthropocène engendre depuis le début du XXIè siècle, et que la production de protentions automatiques par le calcul intensif sur les traces de la différance machinique en quoi consiste la data economy dénie et dissimule systémiquement : tel est l’accomplissement du nihilisme par le capitalisme purement, simplement et absolument computationel.
Interpréter le témoignage de Florian, ce ne peut être que lui répondre – et, en l’occurrence, le contredire chaleureusement, et performativement (sinon prophétiquement), en lui faisant la promesse qu’il ne sera pas la dernière génération : nous affirmons que l’Anthtropocène doit engendrer le Néguanthropocène.
Nous étayerons cette thèse – cette affirmation – sur une reconsidération organologique des questions d’entropie et de néguentropie, de Sadi Carnot à nos jours, en passant par les bioéconomies de Nicholas Georgescu-Roegen et de René Passet, ainsi que par des travaux de Rudolf Boehm.
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