9 juin 2015 2 09 /06 /juin /2015 18:12

Une expérience étrange, menée par des économistes Zurichois, montre que les professionnels de la finance sont honnêtes… sauf quand on leur rappelle les vices de leur métier !

 

-L'étrange psychologie des banquiers Suisses !-

Un banquier fraude-t-il quand il joue à pile ou face ? C’est ce qu’ont tenté de déterminer Alain Cohn, Ernst Fehr et Michel André Maréchal, économistes à l’Université de Zurich, qui rapportent leurs travaux dans la dernière édition de la revue "Nature". Ils ont enrôlé 128 personnes, toutes employées d’une «major internationale de la banque» dont le nom et la nationalité sont tenus secrets. Objectif: étudier leur éthique, pour donner une base scientifique aux réflexions en cours dans une industrie qui cherche à redorer son blason suite aux scandales qui l’ont agitée ces dernières années.

 

Les volontaires, répartis par tirage au sort en deux groupes, devaient dans un premier temps répondre à un questionnaire personnel, puis tirer dix fois à pile ou face avant d’annoncer leurs résultats. Promesse a été faite aux participants de recevoir 20 dollars pour chaque face gagnante obtenue. Détail d’importance, ces derniers connaissaient à l’avance quelle était la face gagnante pour chaque tirage. Un véritable pousse-au-crime, puisque les lancers de pièces se faisaient à l’abri des regards indiscrets. Certains n’ont pas hésité à tricher.

 

Le premier groupe s’est montré très honnête: en moyenne, les membres ont déclaré 51,6% de «pile», une proportion équivalente, d’un point de vue statistique, aux «50%» que donne le calcul de probabilité. On ne peut pas en dire autant du second échantillon, qui a proclamé 58,2% de «pile». «C’est un écart significatif», nous explique Marie Claire Villeval, économiste au Centre national français de la recherche scientifique (CNRS), à qui Nature a demandé de commenter les travaux de ses collègues. Autrement dit, il y avait des tricheurs dans le second groupe, mais pas dans le premier.

 

A bien les regarder, rien ne distingue pourtant les deux groupes: le panel total de volontaires était constitué pour moitié d’employés rodés à manipuler de l’argent (traders, investisseurs, gestionnaires de fonds, etc.) et pour l’autre de personnels d’unités de support (ressources humaines, etc.), tous répartis aléatoirement dans l’un ou l’autre groupe, afin d’éviter tout biais. Comment, dès lors, expliquer un tel écart dans leurs déclarations?

 

«Cette différence de comportement est le fruit d’une manipulation mentale», résume Alain Cohn. Car les membres des deux groupes n’ont pas répondu au même questionnaire avant de procéder au tirage par pile ou face. Celui-ci commençait par trois questions banales, communes à tous les participants. Ensuite, ceux du premier groupe devaient répondre à sept questions sur leurs loisirs, tandis que les autres étaient interrogés sur leur activité professionnelle. Un moyen d’orienter les esprits avant d’entamer le jeu. «Chaque individu possède plusieurs identités, justifie Marie Claire Villeval. Une identité professionnelle, sociale, familiale, etc. Suivant le contexte, une facette devient plus saillante, et induit les comportements associés. C’est là-dessus que mes collègues se sont appuyés.»

 

«Cette manipulation s’est révélée très efficace, observe Alain Cohn. Ainsi, les deux groupes se sont comportés très différemment quand on leur a demandé de compléter à leur guise des mots amputés d’une ou deux lettres.» Face à «. oney» ou «..oker», les uns ont plutôt répondu «honey» (miel) ou «smoker» (fumeur), tandis que les autres citaient plus volontiers «money» (argent) ou «broker» (courtier)… Ce sont ceux-là qui ont ensuite – collectivement – fait preuve d’une certaine malhonnêteté face à la possibilité d’empocher quelques dizaines de dollars de plus.

 

Pour déterminer si c’est bien le conditionnement à leur environnement professionnel qui explique ce résultat, Alain Cohn et ses collègues ont conduit d’autres expériences identiques. D’abord avec un échantillon de personnes d’univers différents, sans rapport avec la finance. Ensuite avec des étudiants. Dans les deux cas, les deux groupes formés – l’un conditionné à son cadre professionnel et l’autre pas – ont montré le même niveau d’honnêteté.

 

A l’inverse, des criminels trichent d’autant plus qu’on leur rappelle qui ils sont. «C’est ce que nous avions constaté il y a quelques années lors d’une première expérience avec des détenus de prisons suisses», souligne Alain Cohn. Dans les univers qui valorisent le gain facile, la dérive serait d’autant plus grande qu’on a son identité professionnelle à l’esprit.

 

«Ces travaux montrent bien que, dans le monde de la finance, les normes d’éthique se sont distendues, laissant s’exprimer des comportements malhonnêtes», analyse Marie Claire Villeval, qui souligne «que ce type d’expérience est plus fiable que de simples enquêtes qui ne reposent que sur un questionnaire».

 

Pour Alain Cohn, il conviendrait donc de rénover la culture d’entreprise des institutions bancaires: «C’est long et difficile. Mais il ne s’agit pas seulement de réaffirmer des règles. Il faut agir de manière concrète, par exemple en réorientant certaines incitations liées aux profits vers des facteurs immatériels, comme l’honnêteté. Et, pourquoi pas, instaurer un engagement éthique à la manière du serment d’Hippocrate des médecins.» Marie Claire Villeval suggère de son côté d’étudier la classe politique, dont l’image dans l’opinion est elle aussi bien écornée. «On pourrait faire des expériences analogues pour déceler s’il y a – ou pas – une tendance collective à la malhonnêteté ou à la corruption.»

 

A condition que les politiciens acceptent de se prêter à un jeu qui peut montrer que l’éthique des individus ne résiste pas toujours à la récompense, pourvu qu’elle soit suffisamment alléchante. Sans compter que la forte médiatisation des travaux du groupe de Zurich dans une actualité riche en scandales financiers risque d’avoir éventé la méthode pour longtemps !

 

" Jacques Sapir : Les rémunérations sont telles que les banquiers/traders se foutent d'être viré "

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Polémique : L’Association suisse des banquiers défend à son tour le secteur suite à une étude publiée dans la revue « Nature » montrant que des comportements malhonnêtes sont tolérés dans le secteur !

 

Et si, plutôt que des «employés malhonnêtes», il ne s’agissait pas de chercheurs qui manquent de sérieux?, se demande l’Association des banquiers (ASB). Dans un texte publié sur le site du lobby du secteur, Thomas Sutter, responsable de la communication, réagit à l’étude publiée la semaine dernière dans Nature par une équipe de chercheurs de l’Institut d’économie politique de l’Université de Zurich, montrant que des comportements malhonnêtes sont tolérés dans le secteur.

 

« Peu sérieux, populiste et alors?» s’est dit Thomas Sutter, à la lecture de l’étude. En tant qu’employé du lobby, il se dit «habitué» à ce qu’on considère les banquiers comme plus malhonnêtes que d’autres professions. Selon lui, cette étude n’ajoute rien, d’autant qu’il juge que l’échantillon n’est pas forcément représentatif. Or, se demande-t-il, «peut-on vraiment clouer au pilori toute une profession à partir d’une simple étude de laboratoire ? »

 

Il reproche aux chercheurs de ne s’être pas attardés sur l’évolution des comportements: «Ces dernières années, une réorientation s’est opérée dans le secteur», estime-t-il, citant le développement de la compliance, de la formation et d’une culture d’entreprise moderne. Il reconnaît que les scandales de manipulation des taux Libor et des devises ont montré que les «banquiers ne sont pas parfaits». Mais il serait plus intéressant, pour lui, d’étudier si les mécanismes de contrôles, qui ont été développés de manière «massive» ces dernières années, fonctionnent.

 

L’Association suisse des employés de banques (ASEB) s’était déjà dite «consternée» par cette même étude la semaine dernière. Le syndicat du secteur, avait soutenu que «l’écrasante majorité des employés de banque sont honnêtes et s’engagent totalement pour offrir à leurs clients des services de qualité répondant à leurs attentes». En outre, pour l’ASEB, «l’étude reflète surtout la culture bancaire anglo-saxonne prévalant à l’étranger». Dans cette étude, 128 employés de banque ont répondu de manière anonyme sans qu’il soit possible d’identifier leur lieu de travail.

 

Dans la SonntagsZeitung, le professeur Beat Bernet a également réagi, soulignant qu’il n’existe pas de «culture bancaire» unique. L’expert de l’Université de Saint-Gall estime qu’il existe d’importantes différences, qu’il s’agisse d’une grande banque ou d’un établissement de type Raiffeisen ou cantonal.

 

Pour lui, l’étude porte surtout sur des grandes institutions, alors qu’en Suisse, les petites dominent largement le paysage. Il ajoute que la grande majorité des employés des grandes banques se comporte bien, mais qu’il s’agit «du système de valeur de quelques domaines spécifiques de la finance qui corrompt les employés».

 

Denis Delbecq et Mathilde Farine pour http://www.letemps.ch/

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